Les progrès, problèmes et perspectives du transport aérien en Afrique

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Distr.: LIMITEE
ECA/TRID/08/03
15 Mai 2003
NATIONS UNIES
COMMISSION ECONOMIQUE POUR L’AFRIQUE
Original: FRANCAIS
Réunion du comité sur l’intégration régionale
Addis Abeba, Ethiopie
Octobre 2003
Les progrès, problèmes et perspectives
du transport aérien en Afrique
Les progrès, problèmes et perspectives du transport aérien
en Afrique
I.
Introduction
La libération économique du transport commencée aux Etats Unis dans
les années 79 s’est poursuivie dans toutes les régions du monde y compris
l’Afrique. Cette libéralisation couplée avec la globalization a provoqué des
changements profonds dans l’industrie aéronautique mondiale. Au niveau
africain, grâce aux efforts conjugués de la CEA, de l’Union Africaine, de la
CAFAC, de l’AFRAA, des communautés économiques régionales, les pays
africains ont adopté et sont entrain de mettre en œuvre des politiques
appropriées de libéralisation en Afrique.
La présente note de travail fait une analyse succinte de la situation et
donne un aperçu des progrès, problèmes et perspectives de transport aérien
enregistré en Afrique depuis fin 1999, date à laquelle les Ministres africains
chargés de l’aviation civile ont adopté la Décision de Yamoussoukro relative à
la libéralisation de l’accès aux marchés de transport aérien en Afrique.
II.
Les progrès
(1)
Aéropolitique
En Juillet 2000, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA ont
approuvé à Lomé, Togo, la Décision relative à la libéralisation de l’accès aux
marchés de transport aérien qui avait été adoptée par la Conférence des
Ministres africains chargés de l’aviation civile en novembre 1999 à
Yamoussoukro, Côte d’Ivoire. La Décision a préséance sur tous les accords
bilatéraux et multilatéraux de transports aériens qui n’y sont pas conformes ; et
élimine de façon graduelle toutes les barrières non physiques du transport
aérien intra-africain et les restrictions liées à :
¾
¾
¾
¾
¾
L’octroi des droits de trafic et spécialement ceux de la 5ème liberté
de l’air ;
La capacité des aéronefs des compagnies aériennes africaines ;
La réglementation des tarifs ;
La désignation des instruments d’exploitation ; et
L’exploitation des vols-cargo.
2
Suite à l’adoption de la Décision par les décideurs politiques africains, les
Etats, les communautés économiques régionales et les organisations africaines
ont entrepris des efforts pour assurer sa mise en œuvre effective. Les efforts
déployés ont eu les résultats suivants :
(i)
Flexibilité dans l’octroi des droits de trafic
La flexibilité dans l’octroi des droits de trafic a été traduite par la création
de nouvelles lignes♣ surtout à l’intérieur des différentes sous-régions
économiques africaines (CEDEAO, UMA, COMESA, SADC, EAC, CEN-SAD,
IGAD, etc.). Les nouvelles lignes créées sont exploitées soit par des
compagnies aériennes basées dans la sous-région où ces lignes ont été créées
soit par des compagnies aériennes africaines basées dans d’autres sousrégions africaines dont les pays desservis par les nouvelles lignes ne sont pas
membres. Ceci est la résultante d’une flexibilité dans l’octroi des droits de la
5ème Liberté et de l’acceptation des principes de la multiple désignation des
compagnies aériennes, comme le prévoit la Décision de Yamoussoukro. C’est
ainsi que, par exemple, la nouvelle compagnie Afriquihya et Air Sénégal
International sont entrain de rapprocher l’Afrique du Nord avec les pays de
l’Afrique au Sud du Sahara. Kenya Airways et Ethiopian Airlines ont développé
plusieurs routes vers l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Cameroon Airlines a
étendu ses exploitants vers l’Afrique de l’Ouest et de l’Est en bénéficiant des
droits de trafic de 5ème Liberté. Des compagnies privées de l’Afrique Australe
telle que Inter Air sont entrain d’étendre leurs services en Afrique de l’Ouest. La
compagnie South African Airways bénéficie des avantages qui lui ont permis de
servir certaines nouvelles capitales africaines. Toutefois, des résistances ont
été rencontrées dans l’exploitation de certaines lignes, car certaines autorités
de l’aviation civile sur les influences des responsables des compagnies
aériennes concernées ont continué à gérer les droits de trafic comme le
demandent les anciens accords bilatéraux.
(ii)
Accords bilatéraux de ciel ouvert
Certains pays ont signé à partir des principes de la Décision de
Yamoussoukro, des accords bilatéraux de ciel ouvert qui vont au-delà de la
Décision ; c’est le cas par exemple de l’Ethiopie et de d’Afrique du Sud ; du
Kenya et de l’Ouganda.
(iii)
Réduction des tarifs
Il a été par exemple constaté qu’en Afrique de l’Ouest, certains tarifs ont
baissé de près de 30% sur les lignes où il existe une compétition créée grâce à
la libéralisation de l’accès aux marchés de transport aérien. En outre, les
usagers disposent sur certaines destinations de plusieurs gammes tarifaires.
♣
Voir Tableau 1.
3
(iv)
Développement de l’initiative du secteur privé.
Plusieurs petites compagnies aériennes privées ont été créées surtout en
Afrique de l’Ouest où jusqu’à présent, à part au Nigeria, le secteur privé ne
s’était pas intéressé au transport aérien. C’est le cas d’Air Togo, Air Bénin, de la
nouvelle société Air Burkina, etc. Il y a eu aussi des investissements transfrontières comme le cas d’Air Sénégal et de Royal Air Maroc ; d’Air Mali SA et
d’une société Egyptienne ; la prise de la participation d’une partie du capitale
d’Air Tanzanie par la compagnie South African Airlines (SSA), etc. En Afrique
du Nord, des nouvelles compagnies aériennes avec la participation du secteur
privé telle que Khalifa Airways ont aussi vu le jour. L’émergence de ces petites
compagnies aériennes a introduit la compétition sur certaines lignes aériennes
jusque là opérées par les compagnies nationales. Cette compétition a entraîné
dans certains cas l’amélioration des services et la réduction des prix des billets.
(2)
Facilitation des opérations
Plusieurs pays n’ayant pas de compagnie aérienne dont par exemple le
Nigeria, ont conclu des accords de coopération avec des compagnies aériennes
africaines et les ont désignés comme compagnie éligible. Ceci est une preuve
de l’application de la politique de désignation indiquée dans la Déclaration.
Cette politique a entraîné une fluidité dans l’exploitation de certaines lignes et a
augmenté le nombre des dessertes aériennes donnant ainsi aux usagers la
possibilité de voyager les jours et périodes de leur convenance.
(3)
La crainte des compagnies aériennes
Les compagnies aériennes, surtout de moyenne taille, ayant bénéficié de
la protection des gouvernements depuis leurs créations, et craignant pour leurs
survies en cas de compétition, ont demandé l’élaboration de règles de
compétition afin d’assurer leur protection. Ainsi, les CERs telles que COMESA,
SADC, EAC ont assisté les pays de leurs sous-régions à élaborer des règles de
compétition qui ne sont pas encore approuvées. Cette situation risque de faire
retarder la mise en œuvre de la Décision.
(4)
Développement de l’industrie des compagnies aériennes
africaines
En 2001, les compagnies aériennes membres de l’AFRAA♣ ont
transporté 32,4 millions de passagers soit une augmentation de 2,8% par
rapport à 2000. Le trafic domestique a atteint pendant la même année 13
♣
Rapport Sec. Gen AFRAA 2002
4
millions de passagers soit une augmentation de 7,9% par rapport à la
précédente année. Le trafic intra-africain a, quant à elle, augmenté de 7,5% et
ceci grâce à la politique de libéralisation prônée par la Décision de
Yamoussoukro.
Le transport de fret a subi un déclin par rapport à 2000, passant de
494.300 tonnes à 469.300 tonnes. Ceci était dû au déclin de l’économie
mondiale et à la disparition de la compagnie aérienne Air Afrique qui assurait,
grâce au monopole, la majorité de l’exploitation du trafic fret dans 11 pays
africains.
Les chiffres disponibles sur 10 compagnies aériennes montrent une
augmentation de 6,2% des recettes d’exploitation qui sont passées de 3,9 à 4,2
milliards de dollars de l’an 2000 à 2001, tandis que les coûts d’exploitation sont
passés pour la même période de 3,91 à 4,05 milliards de dollars soit 3,4%
d’augmentation. L’industrie aéronautique africaine de ces 10 compagnies
aériennes était en déficit.
Le tableau ci-dessous indique l’évolution des paramètres de libéralisation
enregistrée dans les pays qui ont répondu aux questionnaires de la CEA.
Tableau 1 : Evolution des paramètres de libéralisation
Pays
Burkina
Faso
Cameroun
Cape Vert
Congo
Gambie
Guinée
Maurice
Mauritanie
Nigeria
Sénégal
Tanzanie
Nbre
nvelles
demand
es de
licence
et de
ddes de
nvelles
compag
nies
Nbre
nvelle
s
lignes
Aug.
Frequen
ces de
1999 a
2002
Sur
totales
lignes
Nveau
tarif
2
6
3
2
4
4
7
7
9
Nil
5
7
15
0
2
7
2
2
7
7
17
Nil
9
5
41
8
Nil
7
4
7
---Nil
--Nil
5
8
Nil
2
4
0
0
Aug. Pax
entre
Aug fret
entre
2000/
1999
-11,9%
2001/
2000
-4,8%
2000/
1999
-26,7%
2001/
2000
5,9%
9,5%
8,8%
-3,7%
21,7%
-7,2%
0,8%
----
5,5%
5,5%
44,0%
-34,0%
47,7%
-40,0%
2,9%
-18,4%
7,2%
----13,8%
2,97%
33,1%
Source : UNECA
5
94,0%
----22,5%
9,3%
-47,7%
-7,3%
--31,5%
450,6%
38,4%
-9,6%
Nbre
routes
opéré
es en
5ème
liberté
5
NA
7
NA
04
7
Nil
2
4
04
Observa
tions
Il est constaté un accroissement positif de la plus part des paramètres
utilisés pour évaluer l’impact de la libéralisation en Afrique. En matière de trafic,
les performances négatives sont dues à la cessation et/ou la suspension des
activités des compagnies aériennes telles qu’Air Afrique, Air Ivoire, etc.
En Afrique de l’Ouest et du Centre, les évolutions suivantes ont été
enregistrées en Septembre 2002 dans les pays membres de l’ASECNA.
(a)
Trafic Mouvements d’aéroport
Hausse du trafic mouvements commerciaux de 6,49% en septembre
2002 par rapport à septembre 2001 suite à une augmentation de l’activité
enregistrée sur les aéroports de :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Pointe-Noire (71,41%) avec Transport Air Congo, Aéro Fret Business, Inter
Congo, Natalco Airlines, Régional Express, Limited Aviation Pointe, Air
Atlantic Congo, Trans Air Bénin, Bénin Air Golf et Air Tropiques.
Lomé (41,84%) grâce entre autres à, Air Gabon, Trans Air Bénin, Air Togo,
Nouvelle Air Ivoire, Air Burkina SA, Air Sénégal International et Bénin Air
Golf.
Cotonou (33,99%) avec Nouvelle Air Ivoire, Trans Air Bénin, Bénin Air Golf,
Air Mauritanie, Air Burkina SA, Air Togo et Air Sénégal International.
Malabo (25,65%) avec Union de Transportes Aero de Guinéa Ecuatorial,
Guinéa Ecuatorial de Transportes Aéréos, Air Gabon, Camair, Ecuato
Guinéana de Aviaction, et Bénin Air Golf.
Libreville (14,37%) avec Air Gabon, Air Service SA, Air Gabon Business,
Air Max Gabon, National Airways Gabon, Equafligh et Bénin Air Golf.
Brazaville (8,98%) grâce à Transport Air Congo, Inter Congo, Aéro Fret
Business, Limited Aviation Pointe, Régional Express, Air Gabon et Bénin
Air Golf.
Dakar (6,05%) avec Air Sénégal International, Transportes de Aeres de
Cabo Verde, SN Bruxelles Airlines, Air Mauritanie, Nouvelle Air Ivoire et Air
Burkina SA
Douala (2,40%) avec Cameroon Helicopters, Schreiner Airways, Air Gabon,
Tomazesky Philip et Air Ivoire.
Bamako (1,05%) grace à la Société de Transport du Mali, Air Sénégal
International, Air Mali SA, Air Burkina SA, Nouvelle Air Ivoire et Transportes
Aereos de Cabo Verde.
6
(b)
Trafic Passagers
*
Hausse du trafic passagers commerciaux de 1,31% en septembre 2002
par rapport à septembre 2001 résultant de l’activité croissante enregistrée sur
les aéroports de :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
Douala (64,26%) avec entre autres Camair, Kenya Airways et Air Ivoire.
Malabo (39,95%) avec Union de Transportes Aero de Guinéa Ecuatorial,
Guinéa Ecuatorial de Transportes Aéréos, Ecuato Guinéana Airlines SA,
Air Gabon, Ecuato Guinéana de Aviaction et Bénin Air Golf.
Bamako (30,17%) grâce entre autres à, Air Mali SA, Air Sénégal
International, Transportes de Aereos de Cabo Verde, Nouvelle Air Ivoire,
Air Burkina SA, Trans Air Bénin et Afriqiyah Airways.
Libreville (28,83%) avec Air Gabon, Air Max Gabon, Air Service SA, Air
Gabon Business, National Airways Gabon, Bénin Air Golf et Air Ivoire.
Nouakchott (28,79%) avec Air Mauritanie, Royal Air Maroc, Tunis Air et Air
Sénégal International.
Brazaville (16,20%) avec Transport Air Congo, Inter Congo, Limited
Aviation Pointe, Air Atlantic Congo, Régional Express et Bénin Air Golf.
Dakar (11,17%) avec Air France, Air Sénégal International, Euralair
International.
(5)
Développement des infrastructures aéronautiques, de sécurité
et de la sûreté
Depuis les trois dernières années, des initiatives sont prises pour
améliorer les infrastructures aéronautiques. A cet égard, on assiste à des
négociations des accords de concession des aéroports.
La mise en place du système CNS/ATM continue son chemin à travers
les initiatives sous- régionales telles que celles du COMESA et de la SADC en
matière de création d’organisme chargé de la gestion de l’espace supérieure.
En Afrique de l’Ouest et du Centre, l’ASECNA a entrepris plusieurs
investissements en vue d’améliorer la sécurité aérienne.
III.
Les problèmes
Depuis l’adoption de la Décision de Yamoussoukro, le développement de
l’industrie aéronautique africaine est confronté à plusieurs difficultés parmi
*
Le trafic passagers sur Pointe-Noire n’est pas pris en compte dans la mesure de cet écart, à défaut de données
en septembre 2001
7
lesquelles on peut citer : (i) l’interprétation du texte de la Décision de
Yamoussoukro et la poursuite des réformes ; (ii) la capacité et le cadre
institutionnel ; (iii) l’environnement international difficile et le financement des
activités ; (iv) l’assistance au secteur privé.
(1) L’interprétation du texte de la Décision et la poursuite des
réformes.
Pour certains pays, la Décision de Yamoussoukro ne peut remplacer les
accords bilatéraux. Ainsi, les négociations interminables ont continué sur le plan
bilatéral, aboutissant à des refus d’octroi de certains droits tels que la 5ème
Liberté de l’air. Le constat est que certains responsables aéronautiques n’ont ni
changé de mentalité ni de méthode de travail. Les agents chargés de mettre en
œuvre la Décision de Yamoussoukro manquent de formation appropriée, pour
réglementer un environnement libéralisé de transport aérien. Des lenteurs
administratives sont enregistrées surtout en matière d’octroi de permis
d’exploitation sur les lignes où sont déjà positionnées les compagnies
nationales et de désignation des compagnies éligibles. Les nouvelles
compagnies privées rencontrent des difficultés dans les domaines de la multiple
désignation sur des routes où opèrent les anciennes compagnies aériennes
nationales existantes. Certains pays continuent, contrairement aux dispositions
de l’article 5 de la Décision, à limiter les fréquences et les capacités des
compagnies éligibles désignées par un Etat.
Les pays dont les compagnies aériennes voient leurs exploitations
menacées par la concurrence, suite à la mise en œuvre de la Décision, insistent
sur la disponibilité de règles de compétition sous-régionales. Les réformes liées
aux rôles des Etats, à savoir la délégation de certaines fonctions de régulation à
des organisations sous-régionales et le retrait des Etats dans les politiques
opérationnelles des compagnies aériennes, se poursuivent très lentement.
(2)
La capacité technique et le cadre institutionnel
Les audits menés par l’OACI ont fait ressortir la défaillance des
personnels qui sont responsables des fonctions de supervision de la sécurité
aérienne. Cette situation est très préoccupante car la libéralisation a déjà
entraîné une augmentation de la demande de permis d’exploitation comme
constaté ci-dessus. A cela s’ajoute le fait que le personnel actuel n’est pas
jeune et ne bénéficie pas de formation complémentaire. La limitation des
budgets d’Etat a entraîné l’arrêt de nouveau recrutement et la diminution des
formations de perfectionnement. Un autre constat est le dysfonctionnement des
structures institutionnelles mises en place avant les politiques de libéralisations
et qui continuent à fonctionner selon les anciennes conceptions de
réglementation économique de transport aérien.
8
(3)
L’environnement
ressources
international difficile
et
la
rareté des
L’environnement international du transport aérien est confronté à des
récessions économiques ; à la baisse du trafic ; au terrorisme ; au coût élevé du
carburant qui fluctue très rapidement; à la disparition des compagnies
aériennes et à la cessation d’exploitation de certaines lignes ; et les coûts
d’assurance très élevés. Les compagnies aériennes africaines ne bénéficient
pas d’économie d’échelle en matière d’achat d’aéronefs et d’exploitation
aérienne, ainsi elles ont des coûts d’exploitation très élevés comparés à ceux
des compagnies aériennes des pays développés. En outre, les infrastructures
de communications sont défectueuses contribuant ainsi à une utilisation
inefficace des nouvelles technologies de l’information.
La plupart des sociétés privées de financement des aéronefs, à part les
banques nationales, sont situées en dehors du continent africain. Cette situation
à laquelle s’ajoute le grand risque financier rend difficile les recherches de
financements à des taux préférentiels. Les alliances avec les partenaires pour
la gestion des infrastructures aéroportuaires sont longues et n’aboutissent pas
souvent à un accord de gain partagé car l’Afrique est perçue comme un
continent à haut risque et seuls les aéroports internationaux sont attractifs.
La récession du trafic international malgré un taux de croissance positif
du trafic aérien africain, n’encourage pas non plus les investisseurs privés à
financer les activités aéronautiques africaines.
(4)
L’assistance au secteur privé
Le potentiel de l’industrie aéronautique africaine est immense, ainsi,
certains privés veulent y investir surtout que la Décision de Yamoussoukro
relative à la libéralisation du transport aérien intra-africain, leur offre un cadre
idéal pour une meilleure participation. Toutefois, le secteur comporte beaucoup
de risque et demande des sommes importantes pour démarrer une activité.
L’expansion du privé dans ce secteur qui est reste trop longtemps étatique,
nécessite une capacité humaine et technique bien formée. Or, en Afrique, les
investisseurs privés actuels ne disposent ni de moyens financiers ni de
compétences humaines appropriées pour se lancer dans la mise en place de
compagnies moyennes et d’assurer des services sûrs, fiables et efficaces. En
outre, il n’existe pas un fond d’assistance pour démarrer une compagnie
aérienne. Les systèmes bancaires actuels sont très coûteux pour ceux qui
veulent se lancer dans la création des compagnies aériennes.
9
IV.
Les défis
Outre les problèmes identifiés ci-dessus, l’industrie aéronautique
africaine fait face aux défis suivants :
(i)
Libéralisation au niveau mondiale
La cinquième conférence mondiale du transport aérien qui vient de se
tenir à Montréal sous l’égide de l’OACI en mars 2003, avait pour but principal de
définir des positions communes sur “comment” libéraliser le transport aérien
international et de mettre au point un cadre pour la libéralisation progressive,
avec les mesures de protection nécessaires à l’existence d’une concurrence
loyale, tout en assurant la sécurité, la sûreté ainsi que la participation effective
et soutenue des pays en développement. Ainsi, il ne s’agit plus de mettre en
cause la libéralisation mais d’assurer une participation totale de tous les
acteurs. L’Afrique, si elle veut faire partie de la globalisation en matière
aéronautique, doit chercher les voies et moyens d’une intégration totale dans le
système aéronautique mondial. La Déclaration de Yamoussoukro qui ne couvre
qu’un seul aspect de la libéralisation n’est pas totalement mise en œuvre par
tous les Etats. Au niveau mondial, la libéralisation est considérée comme
acquise et les décideurs politiques sont entrain de prendre des positions sur les
mesures suivantes d’accompagnement : assouplissement de la propriété des
compagnies aériennes ; amélioration de la sécurité et de la sûreté aérienne qui
devient une condition siné - qua non pour l’obtention des permis d’exploitation ;
réglementation de la concurrence sur les marchés libéralisés ; réglementation
pour l’utilisation des aéronefs en location ; libéralisation du fret aérien ; etc.
Toutes ces questions importantes n’ont encore fait l’objet d’aucune position
africaine. On constate que les autres régions du monde ont fini de mettre en
œuvre les principes de base de la libéralisation et commencent à développer
des règlements permettant à leurs compagnies aériennes d’affronter la
concurrence sur les marchés et de créer des alliances entre elles. L’inaction
africaine face à ce phénomène irréversible de libération n’est pas à l’avantage
du continent qui traîne encore à mettre en œuvre la Décision de Yamoussoukro.
(ii)
Compétition
Les compagnies aériennes africaines ont une flotte totale de 540
aéronefs, ce qui est inférieur à la flotte d’une seule compagnie telle que
American Airlines. En 2001, les opérations des compagnies aériennes
africaines, prises dans leur totalité, ont montré un déficit. Les coûts
d’exploitation des compagnies aériennes africaines sont très élevés car celles-ci
ne disposent pas de suffisamment de moyens leur permettant de bénéficier des
économies d’échelle et de baisser les coûts d’exploitations. Les compagnies
10
aériennes africaines ne sont pas très présentes ou là où elles existent, elles
opèrent avec des fréquences très réduites sur les grands marchés européen,
américain et asiatique. Les créneaux horaires sont de plus en plus rares pour
accéder aux grands aéroports internationaux. C’est dans ce climat général
difficile parsemé de contraintes que les compagnies aériennes africaines vont
affronter la compétition sur les marchés libéralisés, et où opèrent les
compagnies géantes disposant d’outils adaptés et qui, grâce aux accords
d’alliance et de franchising, sont présentes sur tous les marchés africains et
internationaux.
(iii)
Financement
Il est estimé par les constructeurs d’aéronefs, l’OACI et l’AFRAA, que
l’Afrique aura besoin, dans les 15 années à venir, de près de 43 milliards de
dollar pour le renouvellement des aéronefs et l’achat des équipements. Ce
montant est difficile à mobiliser compte tenu de l’environnement économique
mondial, et du manque d’un environnement propice à la participation du secteur
privé et des difficultés auxquelles font face les Etats et les compagnies
aériennes.
(iv)
Développement des ressources humaines
La moyenne d’âge du personnel aéronautique africain dépasse les 45
ans. Le personnel actuel, bien qu’assez âgé, n’est pas suffisant pour
entreprendre les fonctions nécessaires pour la gestion des environnements
libéralisés et pour s’acquitter efficacement des fonctions de surveillance et de
supervision de la sécurité et de la sûreté aériennes.
(v)
La formation des alliances
Les grandes compagnies aériennes se sont lancées dans la formation de
grandes alliances qui les permet de pénétrer tous les marchés sans avoir une
présence physique. A travers ces alliances elles augmentent leurs capacités
techniques et entrent en compétition avec les compagnies aériennes africaines
pour la plupart démunies financièrement et techniquement.
V.
Les perspectives
Comme dans toutes les régions du monde, l’industrie aéronautique
africaine dépend très fortement des niveaux de revenu, de la démographie ainsi
que du coût du voyage aérien. En 2001♣, l’économie africaine, malgré les
contraintes liées à l’attaque du 11 septembre 2001, a continué à enregistrer une
♣
Rapport sur le développement en Afrique 2002, BA
Rapport économique sur l’Afrique 2002, CEA
11
croissance modérée avec un taux de croissance du PIB réel estimé à 3,4% en
moyenne contre 3,2% en 2000, ce qui a entraîné une légère augmentation de
revenu par habitant. Dans le continent, 17 pays ont enregistré des taux de
croissance supérieurs à 5% et 16 pays ont enregistré une croissance qui oscille
entre 3 et 5%. Le nombre de pays ayant obtenu une croissance négative est
passé de neuf à cinq. Ces taux de croissance du PIB, bien qu’assez
encourageantes, sont insuffisants et sont en dessous des 7% de croissance du
PIB nécessaire pour faire reculer de moitié la pauvreté dans le continent en
2015 comme prévu dans les objectifs de développement internationaux (ODI).
En outre, le tourisme a baissé dans des pays comme l’Egypte, le Kenya, le
Maroc, l’Ouganda, la Tanzanie et la Tunisie. Il est actuellement estimé que les
attentats du 11 septembre vont réduire de 1% par an le taux de croissance du
PIB en Afrique soit une réduction cumulée du PIB d’environ 12 milliards de
dollars en Afrique, entre 2001 et 2002, ce qui accentuera l’état de la pauvreté
dans le continent. Les chocs actuels qui affectent l’économie mondiale et en
particulier les pays de l’OCDE retarderont les efforts africains de
développement économique. Les échanges commerciaux et les flux financiers
ont été très touchés depuis le début de la crise mondiale.
Toutefois, la situation de l’endettement extérieur du continent africain
s’est améliorée en 2001 et ceci pourrait continuer dans les années à venir grâce
à l’application des principes de l’initiative des pays pauvres très endettés
(PPTE). Il est espéré que le lancement du NEPAD par les dirigeants africains et
le soutien qu’apportent les partenaires et spécialement les pays développés au
programme du NEPAD contribueront à consolider l’espace économique, à
générer des synergies et des complémentarités dans les domaines de la
production, des infrastructures et services des transports, du commerce, du
tourisme et à créer l’afflux d’un volume de fonds suffisant pour faire sortir le
continent de la pauvreté. Toutefois, cet optimisme doit être modéré car ce n’est
pas la première fois que l’Afrique s’est embarquée dans une pareille initiative et
les résultats enregistrés n’ont pas été à la hauteur des attentes.
Si l’on considère que le climat économique de l’Afrique durant, les 10
années à venir seront favorable à un accroissement économique grâce à la
résolution des conflits internationaux et continentaux ; à la poursuite des efforts
dans le cadre du NEPAD ; au renforcement de la bonne gouvernance politique
et économique ; et au soutien des partenaires au développement, on pourra
espérer une continuation de la tendance de croissance actuelle dans l’industrie
aéronautique africaine. Toutefois, cette tendance doit être vue en conjonction
avec le phénomène international mondial dominé par : la libéralisation de toutes
les entraves à l’industrie aéronautique ; la disparition de certaines grandes
compagnies européennes ; les difficultés financières des compagnies aériennes
africaines et étrangères ; la fragilité des alliances ; l’introduction des nouvelles
technologies ; et les risques d’attaque terroriste. Compte rendu de ce qui
12
précède, la prévision d’une croissance de 4,8%♣ en 2004 en terme de
passagers pour l’industrie aéronautique africaine ne sera atteint que si l’Afrique
relève les défis et adoptent des positions communes sur certaines questions
clefs telles que le franchising, les alliances, le contrôle et la propriété des
compagnies aériennes. En outre l’Afrique doit tirer les leçons des phénomènes
actuels surtout les difficultés que rencontrent les grandes compagnies
européennes et américaines qui ont bénéficiées de la libéralisation et de la
déréglementation. Des mesures appropriées doivent être prises pour éviter que
de pareilles choses n’arrivent en Afrique. Car si les phénomènes constatés
touchent l’industrie africaine, il y va pour sa survie du fait que les pays africains
ne pourront pas injecter du capital pour venir à la rescousse des compagnies
aériennes africaines comme cela s’est passé dans d’autres régions.
Il serait donc recommandé aux institutions africaines d’entreprendre une
étude de cas sur les impacts de la libéralisation en Europe et en Amérique, et
de développer en complément de la Décision de Yamoussoukro, la politique
africaine vis-à-vis des pays hors du continent africain.
♣
ICAO – The World Civil Aviation 2001-2004
13
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