Préface :
échange avec Edgar Morin
sur le «Sens du Tragique».
{
Edgar Morin et Marc Halévy
Août 2012
Cher Edgar,
À propos de mon manuscrit intitulé «Ni hasard, ni nécessité», tu
m’écris ceci :
« J’ai lu très attentivement ton tapuscrit, et j’en sors avec deux idées
antagonistes.
La première est mon accord total non seulement avec ta critique de la science
classique, mais avec ta conception émergentiste qui va plus profond que ce que
moi-même, vieil émergentiste, pensait puisque, et tu m’as convaincu : espace
et temps, le monde lui-même, sont des émergences.
Le désaccord vient sur la source qui, pour toi, s’appelle «Intention». Pour moi,
c’est «Mystère». Certes, je pense, comme les grecs, qu’il y a «chaos» à l’origine
de «cosmos» et que «chaos» demeure dans «cosmos» d’où mon expression
de «chaosmos», je pense aussi que, comme dans la Bible, il y a tohu bohu et
qu’un tourbillon génésique singulier/pluriel, Elohim, est à l’origine du monde.
Mais la diérence va au-delà. Tu es, comme Teilhard, un optimiste de la
complexication alors que, pour moi, le monde est tragique dès l’origine : dès
l’origine, la matière annihile l’antimatière, dès l’origine Dieu et le Diable
sont les deux faces du même.
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