Dépenses et pertes de revenus encourues par les patients

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INT J TUBERC LUNG DIS 2 (3): 252-254
© 1998 IUATLD
NOTES FROM THE FIELD
Dépenses et pertes de revenus encourues par les patients
tuberculeux avant d’arriver à un traitement efficace
au Bangladesh
R. A. Croft, R. P. Croft
Danish Bangladesh Leprosy Mission, Nilphamari, Bangladesh
_______________________________________________________________________RESUME
Cette petite étude a cherché à apprécier, dans le nord-ouest du Bangladesh, les conséquences économiques du
développement d’une tuberculose parmi les patients consultant à la Clinique de Tuberculose assurée par la
Mission Danoise contre la Lèpre au Bangladesh. La perte de revenus résultant de la maladie et les dépenses
effectives pour les médicaments et les honoraires médicaux avant l’enregistrement pour traitement furent
estimées et additionnées pour 41 patients successifs enregistrés à la clinique. Les résultats ont montré une perte
financière moyenne de 245 US$ par patient, une somme exorbitante pour un villageois du Bangladesh. Peut-être,
les pertes économiques encourues par les patients tuberculeux pourraient-elles être utilisées comme critère de la
réussite d’un programme antituberculeux.
MOTS-CLE : tuberculose ; Bangladesh ; traitement ; dépenses
LE DANISH BANGLADESH LEPROSY
MISSION (DBLM), un grand programme de lutte
contre la lèpre dans le Nord-Ouest du Bangladesh,
a introduit un programme pilote de lutte contre la
tuberculose (TB) dans une partie de la zone couverte par son projet en 1994. Il y a beaucoup de
similitudes entre les activités de dépistage et de
suivi de la TB et de la lèpre mais nous avons été
frappés par l’aspect totalement différent que représente le coût financier subi par les patients avant
qu’ils n’atteignent nos dispensaires. Nous avons
décidé de conduire une petite étude pour investiguer les conséquences économiques de la TB.
ANTECEDENTS DU PROJET
DBLM est un grand projet de lutte contre la lèpre
qui intervient quatre districts du Nord du
Bangladesh, une zone où l’on estime que la
prévalence de la lèpre est la plus élevée du pays
(5/1000).1 Dans deux de ces districts, Thakurgaon
et Panchagar, le programme de lutte est effectif
depuis 1978 et la polychimiothérapie a été introduite en 1984. La zone couvre 3 214 km2 et a une
population de 1 723 000 habitants. Il est soutenu
par un petit hôpital de 16 lits dans la ville de
district de Thakurgaon.
La TB est un problème de santé publique
majeur au Bangladesh. Le taux de prévalence est
calculé à 2-3/1 000 pour l’ensemble du pays (Dr
Liisa Parkkali, communication personnelle), et
notre impression est que le niveau de TB dans le
Bangladesh du Nord est du même ordre. Donc,
dans les districts de Thakurgaon et de Panchagar,
l’on doit s’attendre à une prévalence d’environ 4
500 cas.
Le programme TB a démarré en juin 1994 après un
bref cours de formation pour l’équipe concernée.
Depuis lors, l’on a tenu chaque semaine une
consultation de diagnostic et de traitement au
centre Thakurgaon et des consultations de diagnostic mensuelles dans quatre autres dispensaires
périphériques. Après l’achèvement de leur phase
initiale intensive de traitement, les patients peuvent
recevoir leurs médicaments mensuellement à la
consultation de lèpre (aujourd’hui lèpre-TB) la
plus proche. Une consultation gouvernementale TB
existait depuis de nombreuses années dans la ville
de Thakurgaon, mais le traitement n’était pas gratuit et sa portée était très limitée. Le programme de
lutte contre la tuberculose DBLM est la première
tentative sérieuse de lutte antituberculeuse dans ces
deux districts à offrir un traitement gratuit.
Auteur pour correspondance : R Croft, Danish Bangladesh Leprosy Mission, P O Box 3 PO and Dt Nilphamari 5300,
Bangladesh. Fax: (+880) 2 881075. e-mail : [email protected]
[Traduction de l'article "Expenditure and loss of income incurred by tuberculosis patients before reaching
effective treatment in Bangladesh". Int J Tuberc Lung Dis 1998; 2 (3): 252-24.]
2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Tableau 1 Dépistage de nouveaux cas de TB, districts de
Thakurgaon et Panchagar 1994-1996
Tableau 2 Résultats de l’enquête chez les patients
A
Année
1994
1995
1996
Nouveaux cas de TB
204
635
798
Le diagnostic est porté par examen de l’expectoration et le traitement suit les directives du
Programme National de Lutte Contre la Tuberculose du Bangladesh. Tous les médicaments antituberculeux sont obtenus chaque trimestre auprès
du gouvernement. Tous les nouveaux patients à
bacilloscopie positive reçoivent un régime de
traitement de 8 mois consistant en une phase
intensive de deux mois avec rifampicine,
pyrazinamide, ethambutol et isoniazide quotidiens,
suivie d’une phase de continuation de 6 mois à
base d’isoniazide et de thiacetazone.
On trouve au Tableau 1 l’accroissement du
dépistage de la TB depuis le début du programme.
METHODE
Vingt et un patients TB consécutifs, enregistrés en
mars 1996, ont été interviewés après avoir achevé
un mois de traitement pour apprécier le coût de
leur maladie avant qu’ils ne recourent à notre
consultation. L’interviewer a visité les patients
dans leur propre maison, afin de pouvoir contrôler
visuellement les informations données. Les
patients étaient traités à domicile et n’étaient pas
hospitalisés.
RESULTATS
Les résultats de l’interview sont résumés au
Tableau 2.
L’argent nécessaire au traitement a été obtenu
dans huit cas par la vente de terrains ou de bétail et
dans trois cas par un emprunt. L’on insiste sur le
fait que ces coûts ont été encourus avant que les
patients ne commencent à recevoir la chimiothérapie de courte durée à la consultation DBLM.
La consultation DBLM fournit gratuitement
tous les services et médicaments (les médicaments
sont fournis gratuitement par le Gouvernement du
Bangladesh à DBLM) ; les seules dépenses à
charge du patient sont les coûts de transport aller et
retour vers la consultation locale. Six des 21
patients habitaient assez près pour pouvoir se
rendre à pied à la consultation. Parmi les 15 autres,
cinq considéraient que les coûts de transport nécessaires (0,25–1,25 US$) représentaient une somme
d’argent relativement importante pour leur famille.
Les revenus annuels moyens d’une famille du
Bangladesh sont de 780 US$.2 La perte totale moyenne de revenus et les dépenses (245 US$) repré-
Données générales
Sexe
Age moyen
Durée moyenne de la
maladie
Incapacité de travail
Perte moyenne de temps
de travail
Masc. = 15, Fem. = 6 (Total = 21)
38 ans (extrêmes 16-60)
16 mois (extrêmes 2-60 mois)
12 / 21
14 mois (extrêmes 5 jours-60 mois)
B Perte de revenus / Dépenses supplémentaires avant
l’arrivée au dispensaire DBLM
Perte de revenus (estimation)
Salaires médicaux
Coûts de médicaments
Coûts de laboratoire
Perte moyenne de revenus / Dépenses
Moyenne
/ US$
Extrêmes
/ US$
115
9
112
8.5
245
(0-500)
(0-25)
(0-475)
(0-25)
(0-1000)
sentent donc environ 4 mois du revenu familial.
Deux patients ont perdu effectivement 1 000 US$.
DISCUSSION
Dans son étude des coûts économiques de schémas
alternatifs de programmes de lutte contre la tuberculose dans l’Uganda rural, Saunderson a inclus les
coûts pour les patients et leurs familles ; 32
patients ont été interviewés en détail et parmi ceuxci, 21 des 22 fermiers autarciques ont connu une
perte de production en raison de leur maladie, 8
des 10 employés avaient dû arrêter ou fermer leur
affaire, deux femmes avaient divorcé à la suite de
leur maladie et cinq des enfants avaient du être
retirés de l’école en raison de l’incapacité des
parents à payer les frais scolaires.3
Cette petite étude entreprise au Bangladesh
confirme les observations générales de Saunderson
dans un autre contexte, très différent, en Asie. Les
dépenses totales et les pertes de revenus causées
par un membre de la famille atteint de tuberculose
dans le Bangladesh du Nord sont d’un très haut
niveau, supérieur à ce que nous même ou notre
équipe nationale nous attendions à trouver. C’est
un contraste intéressant par rapport aux stigmates
sociaux auxquels doivent faire face les patients
lépreux du projet. Un synonyme local au
Bangladesh pour la tuberculose est « Rajer rog —
la maladie du Roi » puisque c’est une maladie que
seuls les rois peuvent se permettre de supporter.
Aujourd’hui, le succès du Programme de Lutte
Contre la Tuberculose est apprécié par l’examen
des taux de dépistage en comparaison avec les taux
estimés d’incidence et de prévalence, par les taux
de négativation de l’expectoration, les taux de
rechute et d’autres indicateurs statistiques. L’on
attribue peu d’attention à l’impact économique de
Le coût du traitement antituberculeux au Bangladesh
la maladie sur l’individu ou sa famille et sur la
collectivité. Comme les programmes de TB et
l’accès à des traitements gratuits deviennent plus
répandus, il semble logique que les patients
recourront plus tôt au traitement et s’adresseront à
des sources gratuites de traitement, ce qui diminue
l’impact économique de la maladie. Il vaut la peine
de noter que le programme de TB de DBLM est le
premier programme de TB organisé qui travaille
dans les districts de Tkakurgaon et Panchagar
offrant un traitement complètement gratuit. Peut
être le niveau de pertes économiques subies par les
patients TB pourrait il être utilisé comme une
mesure du succès du programme.
3
Remerciements
Nous exprimons notre reconnaissance au Dr Liisa Parkkali
Expatriée Consultante OMS en tuberculose au Gouvernement
du Bangladesh pour ses encouragements et son aide dans la
réalisation de cette étude. Nous remercions Mr Samsujjoha,
Senior Rehabilitation Officer in DBLM pour son aide dans la
conduite de l’enquête.
Références
1
2
3
Richardson K H, Croft R P. Estimating the size of the
leprosy problem: the Bangladesh experience. Lepr Rev
1995; 66: 158-164.
1994 Statistical Yearbook of Bangladesh, Bangladesh
Bureau of Statistics, August 1995.
Saunderson P R. The Kellesberger memorial lecture 1994.
Ethiopian Med J 1994; 32: 269-280.
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