a combattus car ils représentent un important vivier de voix. Mais nous, les jeunes,
nous n'avons aucune ambition politique. Alors, nous avons décidé de nous battre
contre ce monstre. »
Face à cette menace qui pèse sur leur existence légale, les islamistes semblent prêts à
mener une guerre sans merci. Le 6 avril dernier, les différentes organisations
religieuses, dont le Jamaat et le radical Hezafat-e-Islam, se sont unies. Et leur riposte a
pris la forme d'une marée humaine. Plus de 500 000 militants, vêtus de la robe blanche
et de la toque traditionnelle musulmane, ont défilé avec rage dans le quartier de
Motijheel, à quelques kilomètres de la place Shahbag. Leur cri de guerre vise certains
blogueurs qui auraient injurié le nom du prophète. Des bataillons convergent à pas
rapide vers l'estrade centrale, en répétant les appels de leur meneur : « Il faut pendre
les blogueurs de la place Shahbag, il faut pendre les athées. Il faut pendre Imran ! »
Un camion fend doucement la foule excitée et un religieux monté sur sa remorque, un
micro à la main, entonne une chanson guerrière reprise par les manifestants : « vous
devez pendre tous ceux qui ont insulté le prophète. Rejoignez-nous, attrapez ces athées
un par un et coupez-leur la tête. C’est le début de la révolution islamique ».
Des élites riches et éduquées
Derrière cette façade brutale, le mouvement islamiste du Bangladesh compte toutefois
de nombreuses élites riches et éduquées, notamment au sein du Jamaat-e-Islami. Les
cadres de ce parti dirigent des universités, des médias, des hôpitaux hauts de gamme,
et surtout la première banque privée du pays, la Islami Bank. En tout, l'économie du
fondamentalisme génère chaque année un bénéfice de près de 200 millions d'euros, et
connaît une croissance d'environ 8 % par an, ce qui est supérieur à l'expansion
moyenne de l'économie nationale, explique dans une étude Abul Barkat, professeur
d'économie à l'université de Dacca.
Cette puissance économique et militante pourrait rendre l'interdiction du Jamaat-e-
Islami difficile et périlleuse. Le gouvernement, qui affirme y être favorable, ne le fera
jamais, estime Asif Nazrul, professeur de droit à l'université de Dacca et chroniqueur
politique : « Si le Jamaat est interdit, tous ses militants se jetteront dans les bras de
l'opposition du parti nationaliste BNP, qui disposera alors d'une armée prête à mourir
pour lui dans la rue. Surtout, certains d'entre eux risquent alors de se radicaliser et de
rejoindre les groupes islamistes armés. »
Luc Santi
Pour en savoir plus
Sur RFI :
Au Bangladesh, arrestations de trois blogueurs athées accusés d'avoir «diffamé l'islam» (03.04.2013)
Grand reportage : Bangladesh : la jeunesse se lève contre les islamistes (17.04.2013)
Sur la toile :
Réseau des blogueurs et militants en ligne
Islami Bank
L'étude d'Abul Barkat