
i
Résumé
Pour Simone Weil, le malheur est « quelque chose de spécifique, irréductible à
toute autre chose, comme les sons, dont rien ne peut donner aucune idée à un
sourd-muet ». Il s’apparente à un sacrement, à un rite sacré susceptible de
rapprocher l’homme du divin. Et si la pensée weilienne se révèle non-conformiste
pour aborder la figure du malheur, c’est parce qu’elle ne se limite pas à une
tradition unique, mais trouve écho tant dans la religion chrétienne et le Nouveau
Testament que dans la philosophie grecque de l’antiquité – principalement le
stoïcisme et le platonisme – et dans certains textes orientaux tels que la Bhagavad-
Gîtâ et le Tao Te King. Par un singulier amalgame de ces influences, Weil donne
naissance à une méthode spirituelle dont une des étapes fondamentales est le
malheur, thème très fécond pour dénouer et affronter le dialogue entre spiritualité
et contemporanéité. Parce que cette méthode ne peut pleinement être appréhendée
que sur la frontière de l’athéisme et de la croyance religieuse, approfondir ses
implications permet d’interroger les traces du sacré dans les civilisations
occidentales. Retracer les étapes de son développement permet également de
sonder le rapport qu’entretiennent les hommes avec le malheur, ainsi que de porter
un regard sensible sur une époque où l’actualité fait souvent état des malheureux
alors que le malheur d’autrui semble être une réalité à fuir.
Mots-clés : Weil [Simone]; malheur; souffrance; nécessité; Bien [le]; attention;
spiritualité; ascèse; sacrifice; Dieu.