Introduction
« Il n’est pas de culture, de tradition, d’idéologie ou de religion qui puisse aujourd’hui, ne disons
même pas résoudre les problèmes de l’humanité, mais parler pour l’ensemble de celle-ci. Il faut
nécessairement qu’interviennent le dialogue et les échanges humains menant à une fécondation
mutuelle. » (Panikkar 1984 : 3). Cette interpellation de Raimon Panikkar semble de plus en plus
d’actualité. Elle ne s’adresse pas uniquement aux « grands problèmes » abstraits. Les « problèmes
de l’humanité » commencent de manière domestique, si je puis m’exprimer ainsi. Elles
commencent avec la manière dont nous entrons en contact, dont nous établissons un lien, avec notre
« monde intérieur », nos sentiments, nos pensées, nos désirs, nos peurs, avec notre corps et avec le
milieu dans lequel nous vivons, dans lequel j’inclue le rapport que nous établissons avec notre
« environnement naturel » et avec nos congénaires. Toutes ces interactions forment un tout, et une
approche cosmothéandrique, chère à Raimon Panikkar (1993), qui lierait ensemble l’humain, notre
condition humaine, le cosmique, le milieu dans lequel cet humain s’inscrit, et le divin, l’aspect de
liberté fondamentale sous-jacent à toute manifestation de la vie, nous indique que poser la question
de l’humanité de manière abstraite ne fait pas vraiment sens. Il nécessite d’ancrer notre approche
dans nos réalités existentielles qui révèlent toute l’imbrication du réel duquel nous faisons partie.
Nous sommes témoins aujourd’hui de l’émergence en Occident d’une nouvelle culture qui tente de
résoudre la question de savoir comment vivre de manière responsable dans un monde qui devient de
plus en plus imbriqué et sur lequel nous semblons avoir un pouvoir croissant. Ce questionnement
sur la responsabilité se double d’une réflexion sur le sens de l’engagement dans un contexte où
nous ne croyons plus aux grandes Vérités, que nous sommes assaillis de doute, que nous prenons
conscience de plus en plus de notre fragilité et de nos imperfections. N’est-ce pas prétentieux de
vouloir se lancer dans l’action et prendre des responsabilités pour créer un monde meilleur ? Les
expériences historiques d’essai de réalisation d’utopies nous rendent non seulement sceptiques,
mais prudents. En effet, les réalisations d’ordres sociaux idéaux ne se sont non seulement souvent
soldés par des échecs mais se sont révélés parfois des systèmes d’une violence extraordinaire,
sacrifiant les vies présentes pour un idéal censé advenir dans le futur …
Comment oser vivre de nos jours et assumer nos responsabilités personnelles, sociales, planétaires,
cosmiques ? Comment aborder la question d’un vivre-ensemble responsable à l’époque
contemporaine où d’une part les rêves de l’époque moderne nous ont fait déchanter, et où d’autre
part nous prenons conscience qu’il existe d’autres visions du monde, d’autre manière radicalement