CABINET Forum Med Suisse No50 10 décembre 2003 1228
cieux avec vasoconstriction consécutive. L’inhi-
bition décrite ci-dessus permet de «décharger
le cœur». Les antagonistes neuro-hormonaux
ont en plus l’avantage de freiner la progression
de l’insuffisance cardiaque. Ils améliorent aussi
la contractilité
et diminuent la pression de
remplissage. Tout cela contribue à faire chu-
ter la mortalité [7–10]. Un élément important
du «medical bridging» est donc l’utilisation
des vasodilatateurs.
L’utilisation des inotropes n’est en revanche
que d’une utilité limitée. Certes, ils permettent
une amélioration transitoire de la fraction
d’éjection, sans pour autant permettre une
stabilisation à long terme. Ils accroissent même
la mortalité en raison de leurs effets pro-aryth-
mogènes [11, 12]. Les inotropes peuvent être
envisagés lors d’hypoperfusion d’organes
vitaux (les reins par ex.) consécutifs à un bas
débit (lacto-acidose) et lors d’hypotension cri-
tique. Ils ont leur place comme «bridging» mé-
dicamenteux à court terme pendant un choc
cardiogène. A part leur effet bénéfique à court
terme qui améliore la contractilité, le volume
cardiaque minute et la tension systémique, les
inotropes peuvent entraîner, outre une péjora-
tion de l’ischémie (par besoins en oxygène ac-
crus et par vasoconstriction) des troubles du
rythme auriculaires et ventriculaires par effet
directe et par des effets hémo-dynamiques. Ces
données décourageantes lors d’une utilisation
prolongée rendent nécessaires l’utilisation à
temps d’un soutien mécanique, particulière-
ment chez les patients jeunes. Il existe depuis
peu l’option d’implanter un «cœur en tandem»
pour une période limitée. Occasionnellement, le
choc cardiogène peut être lui-même traité. Les
causes les plus importantes sont: 1) un infarc-
tus myocardique aigu; 2) une myocardite ful-
minante; 3) des étiologies extra-cardiaques
comme une embolie pulmonaire, un choc sep-
tique ou une hémorragie.
Si l’hypotension n’est pas trop prononcée, l’uti-
lisation de la dobutamine peut être envisagée.
La dobutamine stimule les récepteurs adré-
nergiques-b1et accroît ainsi la production
d’adénosine monophosphate cyclique (cAMP)
[13]. La stimulation des récepteurs-b1périphé-
riques, tout en inhibant faiblement les récep-
teurs a, entraîne une légère diminution de la ré-
sistance périphérique qui est avantageuse du
point de vue cardiaque.
La milrinone et d’autres inhibiteurs de la phos-
phodiestérase provoquent une élévation du
cAMP [4] par inhibition de son catabolisme. En
plus de leur effet inotrope positif, ils entraînent
une vasodilatation périphérique prononcée. Le
choix entre la dobutamine et la milrinone dé-
pend souvent de l’estimation entre les risques
de tachycardie et de consommation d’oxygène
accrue d’une part (dobutamine) et d’hypoten-
sion (milrinone) d’autre part (figure 4).
Si leur
demi-vie pharmacologique de 2–4 heures
est re-
lativement courte, elle est cependant nettement
prolongée lors d’insuffisance rénale. Lors de
chute sévère et persistante du débit
cardiaque
malgré des doses progressives, l’apport de
milrinone permet de court-circuiter les récep-
teurs b
1
, ce qui est avantageux, car leur
nombre est déjà diminué par contre-régula-
tion suite à l’insuffisance
cardiaque et l’utilisa-
tion continue des agonistes
b.
Une indication supplémentaire des inotropes à
faibles doses par infusion est leur effet diuré-
tique lors d’anurie résistante aux diurétiques
i.v. (avec ou sans metozalone) [14]. L’améliora-
tion de la diurèse sous inotropes est sans doute
due à l’amélioration de la perfusion rénale se-
condaire à l’augmentation du débit cardiaque
[4]. Etant donné la stimulation des récepteurs
dopaminergiques rénaux aux faibles doses
(4–12 mg/h), on parle de «doses rénales» [15,
16]. Ces faibles doses entraînent cependant
aussi une amélioration mesurable du débit car-
diaque, et sont aussi associées aux risques d’is-
chémie ou d’arythmies mentionnés ci-dessus.
Les petites doses de dopamine ou de dobuta-
mine semblent avoir des effets cliniques simi-
laires [4] (figure 4).
Un nouveau médicament, le nesiritide, entraîne
une vasodilatation et une diminution des pres-
sions de remplissage (tableau 2). Cette action
peut, selon les circonstances, demeurer indé-
celable si la fonction rénale n’a pas de soutien
supplémentaire [4]. Une nouvelle aggravation
de la fonction rénale (après l’arrêt des inotropes
i.v.) est aussi décrite comme un état de dépen-
dance des inotropes i.v. [17]. La réponse à la
question de savoir s’il faut traiter les patients
«chauds et moites» (c’est-à-dire sans signe
d’hypoperfusion) avec des inotropes est plutôt
négative.
L’utilisation intermittente de dobutamine en
ambulatoire a été envisagée chez les patients
qui, malgré la prescription continue de diuré-
tiques, retombent sans cesse dans un état hy-
pervolémique. Un schéma d’infusion de dobu-
tamine sur trois jours a été proposé après que
le risque de tachyphylaxie à la dobutamide ait
été observé [18]. Les rares études à ce sujet
n’ont cependant pas été effectuées de manière
contrôlée [19, 20]. L’utilisation à long terme
d’une infusion de dobutamine a cependant
montré de moins bons résultats que l’utilisation
de nesiritide [21] ou levosimendane [18, 22].
Le concept de traitement individualisé de l’in-
suffisance cardiaque avancée («taylored ther-
apy of advanced heart failure» = TTAHF) ne
prévoit pas d’utilisation d’inotropes [23]. Les
traitements avec le nitroprusside et les diuré-
tiques de l’anse leur sont préférés (tableau 3).
La pose d’un cathéter pulmonaire est néces-
saire pour une TTAHF [23]. Même si la TTAHF
est entre-temps dépassée dans sa forme origi-