Mémoire d’éducateur spécialisé juin 2001 Institut du Développement Social Canteleu mots images signes approches communicatives pour enfants et adolescents autistes lle M MAINGANT Soizic REMERCIEMENTS Ce mémoire n’aurait pas existé sans leur soutien et leur aide très précieuse. Je tiens donc à remercier les équipes des établissements qui m’ont accueillis : Notre Ecole à Paris, SESSAD d‘autisme 76 à Rouen, et tous ceux qui ont pris de leur temps pour répondre à mes questions : à Santos Dumont à Paris, au CISP d’Autisme 76 à Rouen, au SESSAD de Paris 13e, et à l’espace Léo Kanner à Yvetôt, à l’IPPA de Créteil. Ils ont été les inspirateurs de ce travail, merci à eux pour tous ces moments partagés : Vincent, Alexandre, Charlotte, Antoine, Aaron, Maximilien, Céline, Astrid et les autres. Merci également à leurs parents pour la confiance qu’ils m’ont apportée. Un merci tout spécial au groupe des Kangous, à Anne-Claire et Martine, et à Nicole. SOMMAIRE INTRODUCTION.................................................................................................. p. 4 PREMIERE PARTIE : DE L’AUTISME INFANTILE AUX AUTISMES I- DE L’AUTISME INFANTILE AUX AUTISMES....................................... P. 7 1- historique .................................................................................................. p. 7 1.1- Bleuler p. 7 1.2- Kanner p. 8 1.3- la notion d’autisme infantile p. 9 1.4- autisme et arriération p. 9 1.5- courants psychanalytiques p. 9 1.6- les recherches médicales et psychologiques p. 10 2- classifications.......................................................................................... p. 10 3- maladie ou handicap ? ............................................................................ P. 11 4- tableau clinique ....................................................................................... p. 12 5- facteurs en cause dans l’autisme ........................................................ p. 14 II- COMPRENDRE L’AUTISME……………………………………………………………………… p. 16 1- La cognition............................................................................................... p. 17 2- les déficits cognitifs spécifiques dans l’autisme ............................ p. 19 2.1- les problèmes sensoriels p. 19 2.2- L’attention p. 20 2.3- troubles de l’encodage p. 22 3- le comportement..................................................................................... p. 29 3.1- la résistance au changement p. 30 3.2- le jeu p. 31 3.3- comportements répétitifs et obsessionnels p. 31 SECONDE PARTIE : COMMUNICATIVES DE LA COMMUNICATION AUX APPROCHES I- LA COMMUNICATION ?............................................................................... P. 34 1- définition................................................................................................... p. 34 2- les troubles de la communication chez les personnes autistes ... p. 37 II- APPROCHE EDUCATIVE : LES COMMUNICATIONS ALTERNATIVE, AUGMENTEE, FACILITEE………………………………………………………………………………. p. 38 1– les différents niveaux de communication.......................................... p. 38 2– Les outils .................................................................................................. p. 40 2.1– les pictogrammes ou communication alternative p. 41 2.2– le makaton ou communication augmentée p. 48 2.3– le pointage ou communication facilitée p. 52 CONCLUSION……………………………………………………………………………………………………. P. 56 BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. p. 58 ANNEXES ............................................................................................................... p. 62 INTRODUCTION Lorsque je travaillais dans un centre de loisirs, un enfant autiste de 8 ans intégra mon groupe. C’était ma première rencontre avec l’autisme (après Rain Man ! ). Vincent était non verbal, mais possédait quelques signes de communication qui lui étaient propres et dont je ne connaissais pas la signification. Cette première journée était à la fois difficile et extrêmement riche. En effet, ma première réaction face à lui a été de me demander comment j’allais faire pour échanger, me faire comprendre et comprendre ce qu’il voulait. Toute la journée il m’a fait des signes que je ne comprenais pas, en particulier un où il croisait son index et son majeur en les pointant vers moi. Il n’avait d’ailleurs pas l’air d’apprécier que je ne puisse lui répondre. Le soir, j’ai demandé la signification des signes à ses parents (l’index et le majeur croisés et les doigts de la main droite pointés dans la paume de la main gauche), Vincent voulait en fait savoir s’il pouvait revenir au centre ; il est resté une semaine. J’ai ensuite rencontré Vincent de nombreuses fois au centre de loisirs et dans son établissement. J’ai pu discuter avec les éducatrices et observer les moyens mis en œuvre pour favoriser la communication (pictogramme, photos, …). Après cette rencontre, je me suis beaucoup intéressée à l’autisme. Je désirais être enseignante, mais j’ai décidé de faire une formation d’éducatrice spécialisée, suite à cet intérêt pour l’autisme et après avoir travaillé avec des jeunes placés auprès de la protection de l’enfance. Tout au long de ma formation, j’ai pu, entre autre, acquérir des connaissances théoriques sur l’autisme, et faire mon stage à responsabilité dans un IME accueillant des enfants et adolescents autistes, afin d’approfondir ma pratique professionnelle avec ce public. La communication est un thème important dans notre vie à tous. Au niveau du travail social, de nombreuses réflexions mettent en avant la nécessité d’accorder une large place à la parole, à l’échange, aux explications, à la communication (compréhension et expression) en général. J’ai choisi de travailler avec des personnes autistes. Ce travail est très enrichissant, par rapport à moi-même et par rapport à mes pairs. La parole est importante là aussi, même si certains, du fait que ces personnes ne sont pas toujours verbales, pensent qu’il est inutile d’user de la salive. La communication prend une place non négligeable dans le travail avec les personnes autistes. La prise en charge nécessite une remise en question permanente du travailleur social, qui si elle n’est pas automatique devient incontournable face à des personnes qui vous poussent constamment dans vos retranchements. Lorsque vous prenez le temps de faire des choses avec elles, il se passe inévitablement quelque chose : un sourire, un regard ou un cri, un coup parfois… Certains diront que ce n’est pas de la communication car il n’y a pas d’objet. Mais il se passe quelque chose… L’autisme est un trouble mal connu, dont l’étiologie n’est pas définie, dans la première partie je tenterais d’éclaircir ce trouble, son histoire, ces causes et les connaissances que l’on en a aujourd’hui. La communication avec des êtres sans parole, peut-être inaccessibles, des forteresses, oui mais pas vides peut être éclatées, n’est en aucun cas facile mais elle doit être tentée. L’éducateur doit permettre à ses personnes d’acquérir de l’autonomie, de tendre vers une vie qui leur corresponde au mieux. L’éducateur peut les aider par des apprentissages, avec des outils techniques qui vont favoriser leur communication et par-là leur autonomie. Dans ma seconde partie, je tenterais d’expliciter les types d’approche communicative - alternative, augmentée ou facilitée - que l’éducateur peut mettre en place pour palier les difficultés de communication des personnes autistes. Première partie De l’autisme infantile aux autismes I- DE L’AUTISME INFANTILE AUX AUTISMES Au début du XIXème siècle, un jeune garçon est découvert dans une forêt de l’Aveyron. On le nomme Victor. Cet enfant se comporte comme un animal et ne peut établir aucun contact avec les êtres humains. Son histoire est popularisée par le film de François TRUFFAUT « Victor, l’enfant sauvage ». Le psychiatre français Jean ITARD dresse un tableau de cet enfant en 1801. La description fait penser à celle d’un enfant autiste. Victor est-il devenu ce qu’il est en raison de la privation des relations avec ses pairs, ou son comportement (que nous appellerions autistique aujourd’hui) est-il responsable de son abandon ? 1- historique 1.1- Bleuler Le psychiatre suisse E. Bleuler utilise pour la première fois le terme d’autisme en 1911. Il veut décrire par ce terme le symptôme de repli sur soi de certains patients schizophrènes. « Les schizophrènes les plus gravement atteints, ceux qui n’ont plus de contacts avec l’extérieur, vivent dans un monde à eux. Ils se sont enfermés dans leurs désirs et leurs souhaits [qu’ils considèrent réalisés], ou ne se préoccupent que des avatars de leurs idées de persécution ; ils se sont coupés le plus possible de tout contact avec l’extérieur. L’évasion de la réalité avec, en même temps, la prédominance absolue ou relative de la vie intérieure, nous l’appelons l’autisme (…) Ils vivent dans un monde imaginaire, fait de toutes sortes de réalisations de désirs et d’idées de persécution. »1 1 E. Bleuler, la démence précoce ou groupe des schizophrénies, 1911 Cette définition de E. Bleuler est à l’origine de la confusion qu’il existait une continuité entre autisme et schizophrénie. On pensait à tort, on le sait aujourd’hui, que l’enfant autiste devenait schizophrène à l’âge adulte. 1.2- Kanner En 1943, Léo Kanner, professeur de psychiatrie à Baltimore, d’origine autrichienne, publie une étude portant sur 11 enfants. Ils sont apparemment incapables de contact affectif avec leurs pairs, et présentent des troubles importants du langage et une inadaptation à la vie sociale. « Le dérèglement fondamental, pathognomonique2, est l’incapacité de l’enfant à établir des relations de façon normale avec les personnes et les situations, dès le début de leur vie. (…) Il existe d’emblée un repli autistique extrême qui fait négliger, ignorer, refuser à l’enfant tout ce qui lui vient de l’extérieur. (…) Il a une bonne relation avec les objets ; (…) le mode de relation avec les personnes est totalement différent. (…) Un isolement profond prédomine tout le comportement. (…)Les bruits produits par l’enfant, ses mouvements et tous ses actes sont d’aussi monotones répétitions que ses paroles. Il existe une limitation nette dans la variété de ses activités spontanées. La conduite de l’enfant est régie par une obsession anxieuse de la permanence. »3 Kanner fait l’hypothèse d’une relation entre ce syndrome et l’environnement. Les enfants observés sont tous issus de milieux aisés et ont tous des parents très intelligents. Il remarque que les parents sont sans chaleur, préoccupés de choses abstraites et limités dans l’intérêt qu’ils portent aux personnes. Au même moment, Bettelheim travaille avec des enfants présentant les mêmes symptômes et fait l’hypothèse à la suite d’études que les parents seraient, du fait de leur détachement, responsables de l’autisme de leur enfant. 2 def : pathognomonique adj. Méd., signe, symptôme qui permet d’établir le diagnostic certains d’une maladie, parce qu’il en est la caractéristique. 3 L. Kanner, autistic disturbances of affective contact, revue Nervous Child, 1943 Ce n’est qu’en 1969, au congrès de la National Society for Autistic Citizens que Léo Kanner reconnaîtra son erreur. En effet, son échantillon de 11 enfants n’est pas représentatif et seules des familles aisées avaient les moyens de se déplacer à Baltimore pour le rencontrer. Parallèlement, Hans Asperger, psychiatre autrichien exerçant à Vienne, publie en 1944 une étude portant sur des enfants présentants des troubles identiques, il les désigne lui aussi par le terme d’autisme. 1.3- La notion d’autisme infantile Nous parlons ici d’un syndrome connu sous le nom d’ «autisme infantile précoce » ou d’ «autisme de Kanner ». Dans ce syndrome, l’autisme a longtemps été considéré comme le symptôme premier, mais aujourd’hui on s’accorde à dire qu’il résulte des problèmes spécifiques que rencontrent ces personnes, notamment dans leur fonctionnement cognitif. De plus l’autisme évolue et peut s’améliorer avec le temps. Le terme «autisme infantile précoce », ne doit pas être compris comme un syndrome n’atteignant que les enfants mais dans le sens où il apparaît dans la petite enfance (avant 3 ans). 1.4- autisme et arriération Pendant longtemps l’autisme a été associé au groupe des psychoses précoces. Ce groupe clinique n’était pas différencié du champ de l’arriération mentale pris en charge par les hôpitaux psychiatriques. Les services de «défectologie » regroupait les patients atteints d’arriération mentale, d’encéphalopathies congénitales ou acquises et par défaut d’autisme et de psychoses précoces. Ces cas étaient jugés inéducables. Les psychiatres psychanalystes en se penchant sur l’autisme et les psychoses précoces ont montré que ses enfants souffraient non pas d’arriération mentale mais d’un trouble dans la construction de leur personnalité. Ces enfants ont alors été considérés comme curables et susceptibles d’évolution clinique et d’intégration sociale. 1.5- courants psychanalytiques Bruno Bettelheim publie en 1969 un ouvrage intitulé la forteresse vide. Cet ouvrage reprend l’hypothèse selon laquelle l’enfant déploierait un mécanisme de défense psychique face à une mère pathologique. Ce mécanisme de repli sur soi, appelé autisme, serait induit par l’environnement hostile que ressentirait l’enfant. Il se forgerait alors une carapace, lui offrant la sécurité. Les traitements préconisés sont la séparation de la famille «pathogène » et la cure psychanalytique. La décennie 1960/70 voit se dessiner deux grands courants : dans les pays anglosaxons, on distingue psychose et autisme, on privilègie l’origine organique ; en France, l’autisme est décrit avec les psychoses en termes psychanalytiques. 1.6- les recherches médicales et psychologiques Depuis les années 1960, de nombreuses recherches se sont développées, en particulier en Angleterre et aux Etats-Unis. Elles explorent les troubles cognitifs, neurologiques, sensoriels observés chez les personnes autistes. Les chercheurs mettent en évidence des liens entre les syndromes autistiques et des facteurs organiques ou génétiques, faisant envisager l’autisme comme un trouble du développement. 2- classifications En l'absence d'éléments objectifs de causalité, l'autisme se définit comme un syndrome, c'est-à-dire comme un ensemble de symptômes qui sont repérés cliniquement par l'observation du comportement du sujet. Un certain nombre de critères de diagnostic ont été retenu par les scientifiques internationaux, qui considèrent l'autisme comme un trouble envahissant du développement. Ces critères sont décrits notamment dans les deux classifications utilisées au plan international : - C.I.M. 10 (Classification Internationale des Maladies, 10ème version, 1994) de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) - D.S.M. 4 (Diagnostic and Statistical of Mental disorders, 4ème version, 1994 pour l’édition américaine, 1996 pour l’édition française, chez Masson) de l'association américaine de psychiatrie La classification française des Troubles Mentaux des Enfants et Adolescents (C.F.T.M.E.A., Misès 1993) continue de classer l'autisme parmi les psychoses. Elle s’oppose ainsi aux classifications internationales. En 1994, un consensus s'est dégagé en France pour retenir une définition commune qui se rapproche de celles des classifications internationales, énoncée dans le rapport de l'ANDEM (Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation Médicale) : "Le syndrome d'autisme infantile est un trouble global et précoce du développement apparaissant avant l'âge de 3 ans, caractérisé par un fonctionnement déviant etlou retardé dans chacun des trois domaines suivants : - interaction sociale - communication verbale et non-verbale - comportement" L’origine de l’autisme est encore méconnue, les classifications doivent se limiter à l’aspect comportemental de l’autisme. Pour apporter une prise en charge adaptée, il ne faudrait pas uniquement se limiter au seul aspect comportemental, mais à tous les domaines qui fondent la personne. La prise en charge multidisciplinaire paraît être la plus adaptée. L’origine étant floue, il faut apporter une aide globale : éducative, psychologique, psychomotrice, orthophonique, scolaire… 3- maladie ou handicap ? Philippe WOOD, chercheur travaillant pour l'Organisation Mondiale de la Santé, a montré que ces deux notions ne s'opposent pas, mais ne sont pas à situer sur le même plan. Schéma de WOOD appliqué à l’autisme DÉFAUT Autisme (exemple) : trouble Envahissant du développement DÉFICIENCE Troubles cognitifs et troubles de la communication INCAPACITÉ Résonance sociale Perception Communication Perte ou anomalie d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique Restriction ou absence d’aptitude à exécuter une activité de manière normale Pas de réponse à l »attente sociale par rapport à l’âge et au niveau de la personne :désavantage social HANDICAP MILIEU PHYSIQUE Touche la sociabilité et la capacité à mener une vie harmonieuse avec ses pairs MILIEU SOCIAL ET RELATIONNEL VECU DU SUJET La clarification de Wood permet le décloisonnement de la prise en charge, cela paraît nécessaire pour les personnes souffrant d’autisme. La personne autiste doit être prise en compte en tant que personne mais aussi en tant que membre d’une famille, en effet ce sont des personnes handicapées et handicapantes. Catherine Milcent dans son livre, l’autisme au quotidien écrit ceci : « L’autisme n’est pas une maladie, mais un défaut dans le développement et en particulier dans tout ce qui touche la «résonance sociale », la perception et la communication. Comme ce manque est présent au moment où se mettent en place des fonctions cognitives essentielles, il laisse un handicap extrêmement sérieux et grave même dans ses formes les plus légères car il touche la sociabilité et la capacité de mener à bien une vie harmonieuse avec ses pairs » WOOD donne trois plans d’expérience, nous les appliquons ici à l’autisme : - plan d’expérience de la déficience : c’est ici le «défaut », on ne peut pas définir le domaine d’expression de ce défaut, des querelles et des incertitudes existent encore différentes thèses : organique, psychologique, génétique. - plan d’expérience des incapacités : ce sont ici la «résonance sociale, la perception et la communication ». - plan d’expérience du désavantage social : il découle du handicap et touche «la sociabilité et la capacité de mener à bien une vie harmonieuse avec ses pairs ». 4- tableau clinique L'autisme est une pathologie hétérogène et variable. Il s'agit d'un syndrome, qui peut présenter d'un individu à l'autre des degrés différents, avec une évolution des symptômes dans le temps : tel signe, présent dès la petite enfance, s'estompera ou disparaîtra à l'adolescence, mais ce peut être aussi l'inverse. Un certain nombre de signes sont caractéristiques de l'autisme, et sont décrits dans le DSM-IV que nous venons de voir : - isolement - troubles de la communication - besoin d'immuabilité D'autres signes, sans être caractéristiques de l'autisme, lui sont fréquemment associés : - anomalies du développement cognitif : le profil de développement est irrégulier, quel que soit le niveau global intellectuel (alors que dans le retard mental, le profil est homogène) - perturbations sensorielles : les réponses aux stimuli sensoriels (auditifs, visuels, tactiles ) peuvent être étranges (certaines personnes autistes ne supportent pas qu’on les touche, des sons agréables pour nous sont très irritants pour eux…) - anomalies motrices (balancements, stéréotypies motrices, marche sur la pointe des pieds, tournoiements,...) - troubles du sommeil - troubles de l'alimentation (anorexie ou boulimie) - troubles du comportement (auto-mutilation, colères désespérées) - atteintes neurologiques - retard mental (certains auteurs pensent que le retard mental concerne 70% des personnes autistes, ce que contestent d'autres auteurs, qui pensent que l'on sousévalue leurs capacités du fait de leur fonctionnement cognitif particulier) Les caractéristiques varient selon les individus : - les premiers signes peuvent être très discrets - certains signes manquent de spécificité et ne sont pas toujours présents (tableaux incomplets) - certaines manifestations peuvent s'observer dans des formes opposées d'un individu à l'autre (insomnie ou hypersomnie, hypotonie ou hypertonie, hypoactivité ou hyperactivité) - certains symptômes peuvent varier avec le temps. Nous sommes tous différents avec nos qualités, les défauts qui nous sont propres dans leur expression. Les personnes autistes sont toutes différentes et uniques à la fois. Il faut les considérer dans leur unicité mais il est nécessaire d’établir un diagnostic pour adapter la prise en charge. Il existe différents instruments quantitatifs d’évaluation du syndrome autistique, en voici quelques uns : - BRIACC (Behavior Rating Instrument for Autistic and Atypical Children) de Ruttenberg et al., il s’agit d’observer des comportements selon huit échelles quantitatives qui définissent des niveaux de séquence de comportements dans une trajectoire développementale. - BOS (Behavior Observation Scale for autism) adapté par Adrien et al. en 1987 pour la France, permet une définition du comportement par rapport à la classe d’âge et à l’âge de développement - CARS (Childhood Autism Rating Scale) de Schopler adapté en 1985 par Rogé pour la France, cet outil est issu du programme TEACCH - ERC-A (Evaluation Résumée du Comportement Autistique) de Barthélémy Il existe des instruments mesurant l’évolution des personnes autistes, le PEP (profil psycho-éducatif) et l’AAPEP (profil psycho-éducatif pour adolescents et adultes), ces deux outils sont spécifiques au programme TEACCH, ils ont pour caractéristique principale de prendre en compte l’émergence d’un comportement. On peut également remarquer l’existence de l’ECSP (échelle d’évaluation de la communication sociale précoce) qui n’est pas réservée à des personnes autistes mais qui a fait ses preuves auprès de ce public, en particulier grâce aux travaux de J.L. ADRIEN. 5- facteurs en cause dans l’autisme Indépendamment des hypothèses liées à l'environnement qu'il a dénoncées plus tard, comme nous l'avons vu, Kanner a parlé d'une perturbation innée, avec un repli extrême présent dès le début de la vie. Parler de l'autisme en terme de trouble envahissant du développement, c'est considérer qu'il résulte en partie de désordres au plan de la neurobiologie (discipline biologique qui étudie le système nerveux) ou au plan de la neuropsychologie (qui étudie les rapports entre les fonctions psychologiques supérieures et les structures cérébrales). Le système nerveux se développe chez un enfant normal entre le stade embryonnaire et l'achèvement de la myélinisation des axones, vers 3 ans. Parallèlement au développement du cerveau se mettent en place les fonctions neuropsychologiques : motricité, sensorialité, langage, socialisation. Tout ce qui, à un moment ou à un autre du développement, peut porter atteinte au système nerveux, aura des conséquences sur les fonctions neuropsychologiques qui pourront être altérées. Dans l'autisme, cela se passe comme si le développement du cerveau s'effectuait de façon non homogène, avec des carences importantes dans certains domaines, et des capacités proches de la normale dans d'autres domaines. Les facteurs en cause peuvent être multiples : - facteurs génétiques : Le fait que l'autisme concerne 4 fois plus de garçons que de filles peut laisser supposer que des gènes liés au sexe puissent être concernés. Le risque d'avoir un second enfant autiste est 50 à 100 fois plus élevé que pour le premier. D'autre part, des études internationales sur les jumeaux homozygotes dont l'un est atteint montrent que le deuxième est atteint également dans environ 80% des cas. - facteurs infectieux : Le fœtus peut être atteint pendant la grossesse par des germes infectieux, ou par des substances toxiques, qui pourront avoir une répercussion sur le développement cérébral. - problèmes prénataux ou périnataux : Des complications pendant la grossesse, un accouchement difficile ayant entraîné une anoxie cérébrale, des accidents néonataux, peuvent provoquer des lésions et atteindre le système nerveux - atteintes cérébrales Certaines anomalies du cervelet, de certaines parties du cerveau (retard de maturation des lobes frontaux) peuvent être parfois associées à l'autisme. On peut également noter des anomalies d'ordre neurophysiologiques, se traduisant par une absence de filtrage des informations sensorielles (anomalies des potentiels évoqués corticaux et du tronc cérébral) - anomalies métaboliques : On a pu associer à certains cas d'autisme des anomalies dans les dosages de neurotransmetteurs (médiateur chimique qui permet à l'influx nerveux de passer d'une cellule nerveuse à l'autre) On estime actuellement que l'autisme n'a pas une cause unique, mais qu'il existe des formes variées d'autisme, dont certaines seraient liées à une prédisposition génétique, associée à des problèmes infectieux, obstétricaux ou métaboliques. On ne peut pas exclure que des facteurs psychologiques liés à l'environnement puissent contribuer à l'apparition des troubles, sans pour autant qu'ils puissent être considérés comme la cause principale et unique de l'autisme. Uta FRITH parle d'une « chaîne causale » aboutissant au déclenchement d'un syndrome autistique : « Il existe quelque part dans la chaîne une cause critique unique, mais les agents susceptibles d'affecter ce maillon critique sont nombreux et variés ». II- COMPRENDRE L’AUTISME Il existe aujourd’hui en France deux grands types de prise en charge : psychiatrique et éducatif. Mon expérience professionnelle et mes rencontres m’ont amenée à participer à plusieurs types de prise en charge : éducatif et pluridisciplinaire. J’entends par « pluridisciplinaire » une prise en charge multiple par différents intervenants ayant chacun une spécialité. La prise en charge multidisciplinaire inclue à mon sens une équipe composée de personne d’influence éducative et d’autres d’influence psychiatrique. L’étiologie de l’autisme étant mal connue, il me paraîtrait préjudiciable pour la personne autiste de ne lui apporter qu’un seul type de prise en charge. On peut répertorier trois types de théories : les théories psychanalytiques, les théories psychologiques et les thèses des déficits cognitifs spécifiques. Mon développement est axé sur les thèses des déficits cognitifs spécifiques, il me paraît incontournable de commencer par présenter la cognition, puis dans un second temps les déficits liés à l'autisme. 1- la cognition La théorie cognitive étudie la façon dont l’individu traite les informations venant de l'environnement. Cette théorie ne réduit pas pour autant l'esprit humain à sa seule dimension biologique ou neurologique, mais permet d'éclairer un certain nombre de notions en rapport avec son fonctionnement. Il convient de prendre en compte également l'intentionnalité, la motivation ou le désir de l'individu, en sachant qu'il ne peut désirer que ce que son esprit peut appréhender (un enfant de 6 mois ne peut pas être motivé par la lecture), et ce que son expérience lui permet de considérer comme désirable. Définition de la cognition : Ensemble des opérations mentales qui servent à traiter les informations venant de l'environnement. Ces opérations peuvent être schématisées en 3 étapes : Dans la 1ère étape, les informations deviennent des SENSATIONS Au départ, l'information est constituée d'un certain nombre de stimuli qui proviennent du monde extérieur, et qui sont captés par nos entrées sensorielles (la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher). Nous sommes en permanence bombardés par des stimuli, qui ne sont pas tous transformés en sensations, parce que des processus neurologiques complexes modulent l'intensité de ces stimuli, inhibant les uns et amplifiant les autres. Ce phénomène est appelé la neuromodulation sensorielle. Un autre facteur intervient, qui constitue lui aussi un filtre, ou au contraire un amplificateur : il s'agit de l'attention. Celle-ci dépend essentiellement de 3 facteurs : - la vigilance - la motivation - la compréhension de l'environnement Dans la 2ème étape, la sensation va se transformer en PERCEPTION Tous les stimuli venant d'un objet vont être analysés (forme, poids, couleur, odeur, goût, texture, ...), puis synthétisés et attribués à cet objet, ce qui permet d'associer les caractéristiques d'un objet à l'objet lui-même. Cette étape permet de dépasser le stade de la seule sensation pour atteindre celui de la perception, c'est-à-dire l'ouverture sur un monde d'objets extérieurs indépendants du sujet. Au lieu de se centrer sur lui-même et sur ses sensations, le sujet se centre sur le monde extérieur qui lui permet de donner du sens à ces perceptions. Dans la 3ème étape, les informations ressenties et perçues vont être encodées (conceptualisées, mises en mémoire). Dans cette phase, le sujet va classer les informations et élaborer des concepts, ce qui lui permettra ensuite de les rappeler, de les évoquer mentalement, et d'accéder au langage. Sur le plan neurologique, il existe des hypothèses selon lesquelles les deux parties du cerveau ont pour l'encodage des fonctions spécifiques et complémentaires : - le cerveau droit utiliserait essentiellement des critères perceptifs phonologiques ou visuospatiaux, qui permettent de décrire l'objet (c'est rond, c'est orange, c'est brillant). - le cerveau gauche utiliserait plutôt des critères abstraits (c'est un fruit). L'encodage du cerveau, gauche permet la conceptualisation. Cet encodage utilise deux types de classements : par catégories et séquentiel. 2- les déficits cognitifs spécifiques dans l’autisme Après avoir présenté la cognition, nous allons aborder les déficits spécifiques. Ils se décomposent en trois : les problèmes sensoriels, l’attention et les troubles de l’encodage. Il existe différentes thèses à propos de ces déficits. 2.1- Les problèmes sensoriels Les personnes autistes ont une défaillance au niveau de la première étape, celle de la sensation, en raison d'un trouble de la modulation sensorielle, c'est-à-dire de la capacité de filtrage des stimuli transmis par les organes sensoriels périphériques : les récepteurs sensoriels fonctionnent bien, mais la modulation est anormale, allant de la surstimulation à l'inhibition massive. Cela se passe de façon apparemment imprévisible au niveau de tous les récepteurs : certains ont des préférences alimentaires inhabituelles (intérêt immodéré pour le salé, le piquant, voire l'ingestion de matières non comestibles), d'autres ont des réactions bizarres aux sons (ne réagissent pas à certains bruits de forte intensité, et se montrent perturbés par des bruits apparemment anodins), certains ne supportent pas d'être touchés, d'autres reniflent sans arrêt les personnes et les objets. Temple GRANDIN compare son environnement sonore à un poste de radio dont on ferait varier l'intensité et la fréquence de manière aléatoire, avec à certains moments des bruits qui se transforment en véritable supplice («comme la roulette du dentiste qui atteint un nerf »). Certains troubles du comportement observés chez des personnes autistes ont leur origine dans cette incapacité à moduler les stimuli sensoriels. Cela doit nous conduire : - à repérer et supprimer les sensations qui sont source de souffrance pour les personnes autistes, même si elles nous apparaissent banales et ordinaires. Ces sensations peuvent être différentes d'une personnes à l'autre, et varier d'un moment à l'autre. Il ne faut donc pas s'étonner si un bruit, bien toléré par une personne autiste à un moment donné, lui devient l'instant d'après insupportable. - à envisager les conséquences au plan éducatif : pour faire passer un message et éviter qu'il ne soit noyé au milieu d'autres stimuli parasites, il faut : - amplifier le message en le simplifiant - diminuer tous les autres stimuli Cette "asepsie4 sensorielle" est à rechercher surtout dans les situations difficiles, et en particulier lorsqu'il s'agit d'un temps d'apprentissage, ou dans les moments de surcharge émotive. Mais dans un second temps, lorsque l'enfant aura acquis une nouvelle compétence, il sera nécessaire de viser à lui permettre de l'utiliser dans la vie quotidienne, et pour cela de diminuer progressivement l’asepsie sensorielle pour en arriver aux conditions de la vie normale. 4 asepsie n.f. : méthode, technique visant à débarrasser l’organisme de toute contamination microbienne. Ici on peut dire stérile neutre, débarrassé des parasites. Les professionnels, en particulier les éducateurs, doivent prendre en compte cette nécessité d’« asepsie sensorielle », qui va permettre de faciliter les apprentissages. L’environnement doit être débarrassé des éléments (sonore, visuel…) pouvant le parasiter. Nous devons être très attentifs aux risques de surstimulation. En particulier, la voix humaine peut être un stimulus supplémentaire qui, au lieu de rassurer l'enfant, peut lui être insupportable : si un enfant manifeste un trouble du comportement lié à une forte angoisse devant quelque chose qu'il ne comprend pas ou ne maîtrise pas, le fait d'élever la voix pour faire cesser ce comportement peut avoir l'effet inverse de l'effet recherché, et amplifier l'angoisse de l'enfant. De la même façon, un fond sonore ou musical, que nous pouvons considérer comme agréable et apaisant, peut être source de perturbation empêchant toute concentration pour la personne autiste sur une tâche précise. 2.2 - L'attention Nous constatons qu'il est souvent difficile d'attirer l'attention d'une personne autiste, alors qu’elle peut se concentrer sur la contemplation d'un objet qui tourne, sur des poussières minuscules ou des jeux d'ombres et de lumière. Centres d'intérêts différents Une première explication est que les personnes autistes ont souvent des centres d'intérêt très différents des nôtres. Du fait de leur déficit de socialisation, et de leur difficulté à apprendre à travers ce que font les autres, elles ne considèrent pas comme important et significatif ce qui l'est pour les autres. Elles peuvent se concentrer sur des détails qui nous apparaissent sans importance, et manifestent une inaptitude à hiérarchiser l'importance relative des informations. Des détails mineurs peuvent avoir pour elles autant d'importance que des informations signifiantes : sur mon lieu de stage, les toilettes ont été refaits pendant les vacances de Février, une nouvelle cloison pour la douche, trois lavabos, un urinoir. En entrant dans les toilettes avec un enfant, je m’étonne de ce changement, lui ne fait rien, il va dans le toilette puis vient me chercher pour me montrer quelque chose. La poignée de la chasse d’eau a été changée. Confusion de l'environnement Une seconde explication est que les personnes autistes ne saisissent pas nécessairement le sens d’une demande, sortie de son contexte. Pour cela, il est nécessaire que l'environnement leur soit compréhensible, ce qui nécessite une structuration, c'est-à-dire un repérage clair de cet environnement. Si je dis à Astrid, une enfant autiste de mon lieu de stage, « viens travailler » en l'entraînant vers la table où elle a l'habitude de manger, si elle ne sait pas ce que signifie le mot « travailler », elle pourra penser qu'elle est là pour manger, et se mettre en colère parce qu'on ne lui amène pas de nourriture. Elle ne comprendra ce qu'on attend d’elle que grâce à une organisation qui lui rendra l'espace significatif, en aménageant des lieux spécifiques pour le travail, pour les repas, pour les jeux solitaires, pour les activités sociales, etc. Ainsi, elle apprendra progressivement à associer chaque lieu avec une activité spécifique, ce qui permettra de favoriser son attention sur l'activité. Distractions Un troisième élément est de nature à perturber l'attention : les distractions. Certaines personnes autistes sont tellement concentrées sur leurs sensations qu'elles ne perçoivent pas nécessairement les messages que nous leur adressons. Elles sont en permanence parasitées par les informations sensorielles qu'elles ne peuvent filtrer ou hiérarchiser : - distraction visuelle : quelqu'un qui se déplace, lumière,... - distractions auditives : un bruit, même faible, pas forcément perçu par l'entourage - distractions internes : désir compulsif de prendre un objet, de fermer une porte, d'éteindre la lumière,... Certaines personnes ont tellement de difficultés à concentrer leur attention qu'elles sont perpétuellement en mouvement, en situation d'exploration. Céline, jeune fille autiste, n’arrive jamais à se poser, à s’occuper seule, lorsqu’elle prend un livre et veut le regarder avec moi, elle s’assoit tourne les pages vite fait et range toute l’aire de jeux. D'autres au contraire semblent limiter cet envahissement de stimuli en se « fermant » et en se concentrant sur un nombre d'objets restreints, ou en s'adonnant à des comportements répétitifs et stéréotypés. Astrid, elle, peut jouer des heures avec des angles de mécano en plastiques ou des cubes gigognes ; elle les emboîte, les classe par couleur, son jeu est très construit mais répétitif. Motivation Un dernier élément empêche les personnes autistes de fixer leur attention : la motivation. Ce qui nous paraît motivant ne l'est peut-être pas pour la personne autiste, et inversement, certaines motivations d'une personne autiste nous apparaîtront bien peu conventionnelles. Il est donc nécessaire de connaître ces motivations, afin de les utiliser pendant les apprentissages, et pour renforcer ceux-ci en termes de « récompense ». 2.3 - Troubles de l'encodage Les personnes autistes ont souvent une bonne mémoire visuelle (mémoire des lieux, de la place des objets, des itinéraires, parfois des chiffres) ce qui pose problème pour elles, c'est la classification de l'information, son encodage, de façon générale son organisation. LA CLASSIFICATION PAR CRITERES PERCEPTIFS La classification par critères perceptifs semble s'effectuer correctement chez les personnes autistes. C'est le point fort sur lequel il est possible de s'appuyer, et il faudra toujours utiliser des critères visuo-spatiaux pour les aider à se repérer. Temple GRANDIN, qui n’est qu’un exemple qui nous éclaire et qu’il ne faut pas généraliser, explique que ses capacités d'évocation d'un concept sont liées à des images, concrètes correspondant à des souvenirs précis. Si vous demandez à une personne de penser à un chat, elle aura à l'esprit l'image d'un chat « standard », alors que Temple Grandin passera en revue dans sa tête la vidéo de tous les chats qu'elle a connus. Pour elle, le « chat standard » n'existe pas. De même, le mot « maison » ou « église » est associé à des images précises des maisons ou des églises qu'elle a connues (Penser en images). LA CLASSIFICATION PAR CATEGORIES Elle implique la notion de concept, à des niveaux différents d'abstraction : « c'est une orange » : c'est le concept le moins large, c'est également le moins abstrait « c'est un fruit » : le concept est un peu plus large, un peu plus abstrait « c'est un végétal » : c'est le concept le plus large, c'est aussi le plus abstrait. Les concepts les plus larges, les plus abstraits, sont ceux qui véhiculent le plus d'informations ; ils impliquent par conséquent un traitement plus complexe. Les concepts les plus abstraits sont donc ceux qui sont les plus difficiles à construire et à traiter, donc à comprendre et à utiliser. Pour les personnes autistes, il est nécessaire de tenir compte de cette difficulté, en restant le plus concret possible pour permettre une meilleure compréhension. La classification par catégories, qui est la base de la conceptualisation, pose problème parce qu'elle implique un certain degré d'abstraction, mais aussi parce que souvent, la construction d'objets n'est pas performante, alors qu'elle est la condition préalable. C’est la difficulté de faire émerger un concept (c’est à dire de déterminer les points communs et de « généraliser ») de faire des ensembles. On peut aussi aboutir de cette manière à des couplages aberrants : la cave peut de façon logique coder le sous-sol de la maison, mais elle peut aussi coder le fait d’allumer la lumière, car chaque fois que l'on dit « je vais à la cave », en même temps on allume la lumière, un enfant autiste peut donc très bien dire « je vais à la cave » chaque fois qu'on allume la lumière. De tels codages aberrants sont plus visibles chez les personnes verbales, mais ils existent aussi chez des personnes non verbales, et sont plus difficiles à repérer. Prévenir les couplages aberrants, c'est commenter de façon précise l'action ou la situation, en utilisant des supports physiques (image, mot, phrase, selon les capacités de la personne). Quand on allumera la lumière, il faudra montrer la lumière en disant « lumière », ou « j'allume la lumière », mais pas « nous allons à la cave », afin que la personne associe les mots « j’allume la lumière » à l’action d’allumer la lumière, et pas « nous allons à la cave » à l’action d’allumer la lumière. La théorie de l'esprit C'est la capacité du sujet à s'attribuer et à attribuer aux autres des « états mentaux » (croyances, désirs, intentions, sentiments,... ), dans le but de prédire, d’expliquer et de comprendre un comportement. Elle est donc indispensable pour pouvoir communiquer normalement avec quelqu'un d'autre, car elle permet d'interpréter et de comprendre les comportements des autres, et cela dans le but d’ajuster notre propre comportement. C'est ce qui nous permet de « nous mettre à la place de l'autre », de nous décentrer de notre propre point de vue pour comprendre celui de l'interlocuteur. Une déficience de la théorie de l'esprit, constatée chez de nombreux sujets autistes, entraîne un manque de compréhension de ce que les autres peuvent ressentir, vouloir, croire, penser, savoir, et une incompréhension de l'humour, des sous-entendus de la langue. L’attention conjointe La capacité de théorie de l'esprit commence à se développer chez l'enfant normal dès la fin de sa première année, et se manifeste par une association de comportements constitutifs de l'attention conjointe. Cette attention conjointe se définit par une orientation de deux ou plusieurs personnes vers un objet commun, qui se réalise par : - le regard conjoint - l'alternance du regard entre l'objet et l'adulte - le pointage du doigt pour montrer quelque chose - l'association du sourire Il s'agit par conséquent de partager un centre d'intérêt commun. Quand l'enfant utilise ces comportements, c'est bien parce qu'il a l'intention de communiquer quelque chose à l'adulte qui est près de lui. C'est la base des échanges sociaux. C'est aussi la base d'une communication, d'abord pré-verbale, puis verbale. En situation d'attention conjointe, l'enfant ne se limite pas à orienter son regard et à pointer le doigt en direction de l'objet ; il cherche surtout à partager un état émotionnel. L’attention conjointe est la capacité d’avoir une attention commune avec quelqu’un, de regarder ce qu’il regarde et de considérer ce qu’il considère. Le passage, au cours du développement, de l'attention conjointe à la théorie de l'esprit est rendu possible par l'accès à la capacité de faire semblant, de simuler, qui apparaît vers l'âge de 2 ans. Simuler ou faire semblant, c'est pouvoir se faire une idée de la réalité, et être capable d'avoir une représentation mentale de ce qui est simulé (la représentation mentale est la capacité qu'a un individu à imaginer et à évoquer les objets, les actions ou les personnes en leur absence). Cela signifie que l'enfant peut transformer la réalité par le jeu, tout en sachant ce qu'est véritablement cette réalité. Pour les personnes autistes, les fonctions sont altérées : l'attention conjointe, le jeu de « faire-semblant » et la théorie de l'esprit. - L'attention conjointe : les enfants autistes ont du mal à avoir une attention conjointe : ils alternent brièvement le regard entre l'objet et l'adulte, ils peuvent sourire, mais le sourire est rarement associé au regard alterné ; ils peuvent pointer du doigt pour obtenir un objet, beaucoup plus difficilement pour montrer quelque chose. - La simulation : du fait d'une mauvaise attention conjointe, condition de l'acquisition de la représentation, l'enfant autiste a du mal à parvenir à la simulation. - La théorie de l'esprit : du fait de la déficience des étapes précédentes, elle ne peut pas se mettre en place de façon normale. C'est ce qui explique que les personnes autistes paraissent vulnérables, perturbées par des situations imprévues, et éprouvent des difficultés dans les relations sociales. La personne autiste éprouve des difficultés à comprendre le langage pragmatique soient les ambiguïtés, les sousentendus du langage, l'humour, les intentions des autres. Les personnes autistes ne parviennent pas à prendre de la distance par rapport à la réalité perceptive, à laisser de côté leurs propres états mentaux pour tenir compte de ceux d'autrui ; ils estiment que les autres pensent et ressentent la même chose qu'eux. Ce n'est pas parce que les personnes autistes n'ont pas de théorie de l'esprit à un âge donné qu'ils ne pourront pas l'acquérir plus tard : il y aura un retard, un décalage dans les acquisitions par rapport à la population normale. La généralisation La classification par catégories conditionne également les processus de généralisation, c'est-à-dire la capacité à reconnaître un concept dans toutes les situations. Nous apprenons à appréhender le monde par associations successives, par analogies, par différences et par généralisation. Dès son plus jeune âge, l'enfant apprend à catégoriser, classer les informations, les objets, les situations, les animaux, les moyens de transport, les événements. C'est ce qui nous permet de nous adapter à une situation nouvelle, en allant chercher dans notre mémoire des éléments qui, sans être identiques, présentent néanmoins un certain nombre de similitudes. Exemple : si je vous parle de vacances au ski, vous pouvez imaginer ce que cela peut représenter, parce que vous avez une expérience de ce que sont les vacances, et que vous savez des choses sur le ski et la montagne, grâce à des lectures, des films ou des émissions de télévision ou par expérience personnelle. Pour une personne autiste, ce processus est beaucoup plus difficile, car pour elle, toute situation est nouvelle si un seul élément est modifié : un enfant autiste peut très bien associer le concept « boire » à un verre particulier et non à l'action elle-même de boire dans n'importe quel récipient. Il peut avoir appris à laver correctement les assiettes, sans savoir que la même technique peut être utilisée pour laver les verres. C'est ce qui rend difficile pour une personne autiste de donner un sens à son expérience, car elle a du mal à établir une relation entre les idées et les événements. Elle peut s'attacher au sens général, et pas nécessairement au sens contextuel. Exemple : dans le film « Rain Man », RAY s’engage sur le passage piéton lorsque le bonhomme est vert, lors de sa traversée le bonhomme passe au rouge, RAY s’arrête : on ne bouge pas lorsque le feu est rouge. Il ne pense pas aux voitures qui vont démarrer et au danger mais à ce qu’on lui a appris : ne pas traverser au rouge ! C'est la raison pour laquelle le langage constitue une difficulté importante pour les personnes autistes : l'interprétation est littérale, et la dimension symbolique est très difficile à percevoir pour elles, de même que les métaphores ou le sens différent donné à un même mot en fonction du contexte. Comment faire la différence, par exemple, entre les différents sens du mot « pied », selon que l'on parle du pied d'un être humain, du pied de la table, du pied d'un verre, sans parler du pied de la montagne ou du pied du mur ? Aaron, jeune autiste verbal ne comprenait pas que l'on puisse dire que le pictogramme était accroché « sur » le mur, car pour lui on devait dire que le pictogramme était accroché « devant » le mur. LA CLASSIFICATION SEQUENTIELLE Ce classement permet de ramener à un concept un ensemble d'informations reçues successivement. Par exemple, se laver les mains, c'est ouvrir le robinet, se mouiller les mains, mettre du savon, frotter, rincer, essuyer. Le codage des informations permet non seulement de reconnaître chaque geste, mais aussi de les ordonner pour les réaliser dans une succession logique. Une personne autiste qui a mal encodé le concept de se laver les mains pourra très bien commencer par mettre le savon sur les mains, les essuyer, puis ouvrir le robinet. Plus le nombre de séquences est important, plus ce type de traitement séquentiel est difficile. Problèmes d'organisation L'encodage séquentiel concerne la capacité à retenir les séquences dans le bon ordre. C'est ce qui permet de concevoir des tâches complexes, de s'organiser. Cela nécessite d'intégrer plusieurs éléments afin d'obtenir le résultat recherché. L'aptitude à s'organiser est déficiente chez les personnes autistes, en raison du déficit au niveau des capacités d'encodage séquentiel, car elle nécessite de se concentrer à la fois sur la tâche immédiate, et sur le résultat désiré. C’est le déficit de la fonction exécutive. Nous demandons à Maximilien d’aller s’habiller pour aller dehors, il met son pull qui se trouve au porte-manteau. Il comprend le concept « s'habiller », mais pas nécessairement le concept « comment s'habiller », en fonction du temps qu'il fait, de l'activité qu'il doit faire, des circonstances. Clarification de l'environnement De même, il faut les aider à faire les choses dans le bon ordre, et pour cela donner des indications précises et claires pour que le but recherché puisse être atteint, en décomposant les tâches complexes en parties élémentaires, en visualisant le début et la fin de l'activité (importance du concept « TERMINE », qui permet de comprendre la finalité des choses). Par exemple, Alexandre, en colonie de vacances, commence par se coiffer, et ensuite prend sa douche, il n'a pas nécessairement compris que les différentes étapes devaient se dérouler dans un certain ordre : d'abord se déshabiller, puis se mouiller, mettre du savon sur le gant, se savonner, se rincer, se sécher, se rhabiller, et en dernier lieu se coiffer. Il faut montrer à la personne les différentes étapes, concrétisées par le moyen qu'elle peut comprendre, afin qu'elle puisse faire les choses dans le bon ordre. Les moyens de concrétisation peuvent être des objets, des images, des photos, des mots écrits, des indications verbales schématiques, en fonction des capacités d'abstraction et de conceptualisation de l'individu. Il faut être le plus explicite possible, car ce qui nous paraît évident ne l'est pas nécessairement pour la personne autiste. La notion de "fin" La « fin », c'est-à-dire la finalité (c'est ce qui donne le sens de l'action), mais c'est aussi le terme, l'achèvement au sens temporel. Or, le temps est une notion abstraite, difficile à saisir pour une personne autiste, car elle se réfère à une donnée non visible. C'est pourquoi il est important de structurer la journée par un emploi du temps, qui informe à tout moment l'enfant sur ce qui est passé, et sur ce qui reste à faire. De cette manière, on augmente la zone de prévisibilité, et on diminue la zone d'incertitude, souvent source d'angoisse. La prise en compte des troubles cognitifs de la personne autiste nous conduit à mettre en œuvre une éducation individualisée, en effet l’intensité des troubles cognitifs est variable en fonction des personnes, comme partout il ne faut pas généraliser, mais cela est nécessaire pour dresser un tableau : - les capacités de chaque individu sont particulières, ce qui implique une évaluation très complète des compétences, des points forts et des points faibles, dans tous les domaines ; cette évaluation doit se réaliser avec des outils adaptés, et être revue périodiquement. - il est indispensable de structurer l'environnement, d'adapter ses caractéristiques en le rendant clair pour la personne, et en diminuant les sources de confusion et de souffrance. 3- le comportement Les comportements indésirables ou inadaptés des personnes autistes sont souvent liés à leur incompréhension et à leur manque de connaissance des situations sociales, ainsi que leurs aspects convenus Il est rare qu'elles soient délibérément agressives, même si elles peuvent avoir des comportements violents. Si elles "désobéissent", ce n'est peut-être pas l'expression d'un processus volontaire et conscient, mais le résultat d'un manque de compréhension du sens de ce qui leur était demandé. Elles peuvent aussi être submergées par les stimuli sensoriels qu'elles ne savent pas filtrer. Astrid fait une colère alors que nous allons prendre le métro ; nous avons expliqué aux enfants où nous allions, pourquoi et comment. J’essaie de calmer Astrid, en vain ; sur un bout de papier, je dessine brièvement un théâtre et le montre à Astrid, elle se calme. Astrid ne semblait pas avoir compris notre destination, lorsque nous l’avons explicité oralement. Les troubles du comportement sont liés à des déficits sous-jacents. C'est au niveau de ces déficits que nous devons travailler, et non du comportement lui-même, qui ne constitue que la partie émergée de l'iceberg. Intervenir directement au niveau du comportement indésirable relève d'une démarche comportementaliste ou de conditionnement. Cette démarche peut être utilisée dans des circonstances qui doivent rester exceptionnelles (si l'enfant se met en danger, par exemple). Mais il vaut mieux chercher à comprendre ce qui explique ces comportements, pour agir sur les causes, et non sur les effets que l'enfant ne peut pas toujours comprendre ou maîtriser. 3.1- la résistance au changement La résistance au changement est une cause fréquente de troubles du comportement. Pour nous, le différent est excitant, stimulant. Les vacances sont l'occasion de changer de cadre, d'activités. Pour un enfant autiste, le changement est angoissant, car les repères qui le sécurisent sont modifiés, et la situation nouvelle ne peut pas être rattachée à des expériences antérieures. Un enfant autiste peut être sensible à un changement de personne dans son entourage, mais aussi à des changements ressentis chez une même personne, que ce soit son apparence physique (coiffure, vêtements) -Antoine remarque les changements de chaussures chez toutes les personnes de l’équipe- ou son humeur, voire ses tensions que l'enfant perçoit souvent très bien (certains parents disent que leur enfant autiste est "une éponge", un "buveur d'ambiance"). C'est ce qui explique que les enfants autistes sont souvent plus à l'aise avec les objets, qui sont toujours les mêmes, et donc plus rassurants. L'ordinateur est à cet égard un outil souvent apprécié des enfants autistes, car il a des réponses qui ne dépendant pas de son humeur, et on peut se tromper dix fois de suite sans qu'il se mette en colère ! Pour aider l'enfant à gérer les changements, on va ménager des espaces de transitions lorsqu'il doit changer d'activité, il va dans une aire bien définie et repérée, où il trouvera les indications nécessaires pour comprendre, à partir de son emploi du temps, ce qui va se passer ensuite, et où il doit aller. L'introduction des changements doit être progressive : on va introduire un changement à la fois, sans changer les autres éléments. 3.2- le jeu Beaucoup d'enfants autistes ne savent pas jouer spontanément, et ne considèrent pas cela comme une activité agréable. Il est souvent nécessaire de leur apprendre comment on joue, comme si c'était un travail. L'objectif est de leur enseigner comment gérer leurs temps de loisirs et devenir plus autonomes dans ce domaine. On va utiliser des activités qui sont attrayantes pour eux, à partir de leurs goûts de leurs intérêts. Même le jeu doit être structuré, pour être compréhensible par l’enfant. Les personnes autistes ont des aptitudes très inégales selon les axes de développement, et nous devons toujours vérifier que ce que nous disons est compris. Certaines personnes autistes peuvent réaliser des performances particulières qui peuvent masquer des difficultés spécifiques. Une bonne compréhension intellectuelle apparente peut cacher un manque de compétence dans la compréhension des situations sociales. 3.3- comportements répétitifs et obsessionnels Les personnes autistes manifestent souvent une grande obstination pour obtenir ce qu’ils désirent : objet, expériences sensorielles, comme le fait de toucher les choses, les gens de répéter des rituels complexes. Ces comportements semblent avoir une grande importance pour ces personnes, mais certains de ces rituels ne sont pas acceptables socialement, comme toucher les gens, les renifler, se masturber en public… Il faut donc pour favoriser l’insertion sociale, faire disparaître ces comportements inacceptables au profit des rituels acceptables. Les personnes autistes sont, comme nous l’avons vu, toutes uniques et différentes. L’autisme est très complexe dans son expression, il convient donc de proposer une prise en charge adaptée aux besoins spécifiques des personnes autistes. Cette prise en charge individuelle et évolutive en fonction des progrès des personnes doit être menée par une équipe pluridisciplinaire. Deuxième partie De la communication Aux communications Dans cette seconde partie, nous allons aborder la communication, à travers la théorie dans un premier temps puis à travers des approches communicatives, des outils qui peuvent aider les personnes autistes à communiquer. I- LA COMMUNICATION ? Dans un premier temps nous définirons la communication, puis dans un second temps, nous nous attacherons à expliciter les déficits de communication présents dans l’autisme. 1- définition Au cours des cinquante dernières années, plusieurs modèles de communication ont vu le jour. Plusieurs sont dérivés du premier modèle proposé par Shannon et Waever, en 1949, qui représentait la communication comme un acte par lequel une source quelconque communique de l’information à un récepteur, par le biais d’un transmetteur : Représentation schématique du modèle de Shannon et Weaver Source d’information Transmetteur message récepteur signal signal émis reçu Source d’interférence destination Bien que ce modèle ait permis de grandes avancées, certains chercheurs ont souligné que plusieurs aspects de la communication humaine ne correspondent pas au modèle. En effet, dans la plupart des interactions sociales, l’émetteur d’un message est aussi le récepteur de la réaction provoquée chez son interlocuteur. De plus, l’information relayée n’est pas toujours perçue de la même manière par chacun d’entre eux. Cela dépend, en effet, des motivations et du contexte dans lesquels se trouvent les deux parties. Le processus de communication apparaît aujourd’hui comme un processus en boucle et non linéaire, et complexe où les actions sont interdépendantes. Il semble que ces deux points fassent défaut aux personnes autistes, les empêchant ainsi d’accéder à la communication : ils n’ont, en effet, pas conscience d’être impliqués dans un processus complexe qui engage autant l’autre qu’eux. De plus, le sentiment d’empathie, si nécessaire à la communication, leur fait défaut. En effet pour communiquer, il faut avoir conscience de l’autre, pour attirer son attention et lui envoyer un message. Ce message doit être compréhensible par l’autre pour que la réponse soit adaptée. Il semble que les difficultés de communication des personnes autistes se trouvent dans le signal, le message. Tout semble se passer comme si nous n’avions pas le bon code pour déchiffrer le message. Pour les personnes autistes, il semblerait qu’elles ne parviennent pas à trier tous les messages qui leur sont envoyés. Un peu comme un micro qui enregistre tous les sons y compris les bruits de fond parasites et pas seulement celui qui nous intéresse. On peut définir deux types de communication : - La communication non verbale, on la définit habituellement comme toute forme de communication utilisant un véhicule autre que la voix. Selon Patterson (1983), cette forme de communication remplit plusieurs fonctions : elle véhicule nos sentiments, régularise les conversations, exprime l’intimité, la volonté de contrôle et sert de support à la communication verbale. Elle peut se faire par des expressions faciales, expressions du regard, le langage du corps et le toucher. Malgré tout ce qu’elle permet, cette communication comporte, d’après Schneider, Hastolf et Ellsworth (1979), un certain nombre de limites quant à l’importance de l’information qu’il est possible de véhiculer, la clarté des signaux et la conscience que les interlocuteurs ont de ce code. - La communication verbale est un outil plus sophistiqué et plus précis qui permet de rendre compte de la complexité des relations humaines. Elle inclut l’aspect verbal, relié à la langue (articulation, syntaxe, prosodie…), et l’aspect para verbal qui concerne tous les phénomènes accompagnant l’usage de la langue (hésitation…). C’est un outil plus sophistiqué et plus complexe, en particulier dans le cas des personnes autistes. La communication s’établit à plusieurs niveaux ou buts : Demander : envoyer un message pour signifier ce que l’on veut. Attirer l’attention : indiquer à une personne qu’on veut échanger. Commenter : faire ressortir des caractéristiques personnelles ou de l’environnement immédiat (objets, personnes). Donner des informations : répondre à une question posée ou faire ressortir les caractéristiques d’une personne, d’un objet, d’un environnement pas directement perceptible. Chercher de l’information : poser une question à un interlocuteur pour obtenir une réponse. Autres : exprimer des sentiments routines sociales Comme nous l’avons vu, l’acte de communiquer peut avoir plusieurs formes et différents desseins. Nous verrons dans un deuxième paragraphe, les troubles spécifiques des personnes autistes, afin de mieux comprendre leurs difficultés en matière de communication. 2-Les troubles de la communication chez la personne autiste Selon le DSM IV, trois critères définissent la pathologie autistique : - altération des interactions sociales - aspect restreint répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités - altération des capacités de communication verbale et non verbale Dans ces trois critères nous nous intéresserons, plus particulièrement, à l’altération des capacités de communication verbale et non-verbale. Comment peut-on définir ce critère ? Marcelli D., dans son livre Enfance et psychopathologie, l’explique ainsi : « Le langage n’apparaît pas à l’âge habituel et cette absence de langage ne s’accompagne d’aucune tentative de communication gestuelle ou mimique. Il n’y a pas de jeu de « faire-semblant », pas de jeu d’imitation sociale. Quand le langage apparaît, on note des particularités : outre le retard, il existe une écholalie immédiate ou retardée (répétition comme en écho de ce que vient de dire l’interlocuteur), une prosodie particulière monotone, saccadée, factice, une inversion pronominale (utilisation du « tu » ou du prénom pour se nommer soi-même) ; la syntaxe reste souvent pauvre, retardée, l’expression des émotions est le plus souvent absente en dehors de l’expression d’angoisse. Si le niveau de compréhension du langage est habituellement supérieur au niveau d’expression, on note cependant des anomalies : l’enfant comprend surtout les ordres simples, les mots concrets, les injonctions à réaliser une tâche simple. L’échange plus complexe entraîne au mieux une perplexité, au pire un refus. » Les troubles spécifiques de la communication sont complexes et hétérogènes selon les individus autistes. L’éducateur spécialisé doit permettre aux personnes autistes d’acquérir des outils qui vont pouvoir faciliter leur autonomie quotidienne. Permettre à une personne de pouvoir communiquer et donc d’avoir des interactions sociales, c’est lui permettre d’augmenter sa capacité d’autonomie. Nous verrons dans une seconde partie qu’il existe, pour cela, différents moyens pour aider ces personnes à communiquer, l’éducateur peut aussi utiliser des outils spécifiques. II- APPROCHE EDUCATIVE : LES COMMUNICATIONS ALTERNATIVES, AUGMENTEES ET FACILITEES Les approches communicatives sont des moyens qui permettent de faciliter la communication des personnes ayant des difficultés à comprendre et à se faire comprendre. Nous aborderons dans un premier paragraphe les différents niveaux de communication et dans un second les outils dont dispose l’éducateur. 1- Les différents niveaux de communication La communication est une capacité importante et difficile à maîtriser : si l'enfant a un besoin, il doit pouvoir faire comprendre ce besoin à quelqu'un, en espérant que ce besoin sera satisfait –c’est la communication au niveau de demande. S'il souffre, il doit pouvoir le faire savoir à quelqu'un de son entourage, afin que cette souffrance puisse être soulagée –c’est l’expression d’un sentiment qui peut entraîner une réponse de l’entourage. S'il veut exprimer un désir, faire part d'un choix, il devra communiquer ce désir, ce choix, pour qu'il soit compris et pris en compte. Beaucoup de personnes autistes ne parlent pas, mais sont capables de communiquer. L'objectif est d'orienter les modes de communication pour qu'ils soient fonctionnels. La colère d'un enfant, c'est une communication. L’enfant ne cherche pas forcément une réponse de notre part, il s’agit peut-être seulement d’une information : je suis en colère. Mais nous devons nous interroger sur les raisons de cette colère et c’est peut-être en ces termes que l’enfant attend une réponse. Il exprime quelque chose, que nous devons comprendre et décoder. Mais nous voulons que des modalités plus élaborées, plus compréhensibles aussi, se substituent à ce mode de communication "brut". Il existe plusieurs niveaux de communication, utilisables en fonction des capacités de chaque personne : 1- Communication motrice : l'adulte guide la main de l'enfant pour lui faire prendre un objet (communication réceptive), l’enfant prend la main de l'adulte pour l'amener jusqu'au robinet (communication émettrice). 2- Par objets : l'adulte montre un verre pour signifier à l'enfant qu'il peut boire (communication réceptive) ; l'enfant tend son verre parce qu'il veut boire (communication émettrice). 3- Par images : (photos, dessin, pictogramme). L'utilisation de l'une ou l'autre de ces représentations dépend de l'enfant: Pour certains, la photo est plus facile, parce que plus fidèle à la réalité. Mais pour d'autres, il y a dans une photo des détails non significatifs et superflus (des objets à l’arrière plan), qui peuvent rendre difficile la compréhension. Dans ce cas, le dessin plus ou moins schématique ou symbolique est plus clair pour l'enfant. 4- Par mots écrits : un certain nombre d'enfants autistes peuvent apprendre des mots écrits signifiants, même s'ils ne parlent pas, et même si la lecture formelle n'est pas acquise. 5- Par signes : cela peut parfois être utilisé, mais cela présente quelques inconvénients : peu d'adultes dans la société comprennent le langage des signes, d'autant plus que les signes doivent être adaptés à l'enfant (la LSF utilisée pour les sourds est trop complexe pour pouvoir être utilisée par des enfants autistes). De plus, le signe est quelque chose de fugitif : si l'enfant ne fait pas attention au moment précis où on fait le signe, il ne peut pas comprendre. 6- Le langage : utilisé, bien sûr, pour ceux qui en ont la capacité. Il faut, pour chaque enfant, trouver le système de communication le plus pertinent, qui va lui permettre de comprendre, et aussi de se faire comprendre, d'exprimer ses désirs et de les voir satisfaits. Beaucoup de troubles du comportement résultent d'une incapacité à communiquer, et de la frustration qui en découle. Il faut aussi trouver le mode de communication le plus facile à utiliser par l'enfant, même si on essaie toujours de tendre vers le plus élaboré. A cet égard, l'utilisation du langage, si évidente pour nous, constitue pour beaucoup d'enfants autistes une difficulté majeure, car elle met en jeu des processus neurophysiologiques et neuropsychologiques extrêmement complexes, défaillants chez la personne autiste en raison de ses troubles cognitifs. Il faut garder à l’esprit que la communication prend du sens lorsqu’elle s’inscrit dans un échange, dans une relation. Nous communiquons tous pour obtenir quelque chose. 2- Les outils C’est maintenant que le rôle de l’éducateur me paraît le plus important. La théorie est incontournable, c’est elle qui oriente la pratique. L’éducateur a les enfants et les adultes face à lui. Il doit mettre en place un échange, une relation, établir une confiance entre lui et la personne pour que leur travail commun porte ses fruits. Mon travail de recherche porte en particulier sur les enfants, sur leur prise en charge et sur les outils que l’éducateur peut leur apporter pour palier les déficits de communication. J’ai choisi de traiter trois outils : les pictogrammes, le makaton et la communication facilitée. Le pictogramme est l’outil que l’on associe le plus souvent à l’autisme et qui est le plus utilisé. C’est un outil que je connais depuis environs cinq ans. Il est utilisé avec les personnes autistes car le message passe par le canal visuel et c'est semble-t-il celui qui est le plus performant chez les personnes autistes. On parle de communication alternative. Le makaton est un outil que j’ai découvert durant mon stage à responsabilité éducative, il m’a intrigué dans ce qu’il nécessite dans sa mise en place et son utilisation, ainsi que dans son apparente complexité. La communication facilitée est un outil que j’ai découvert également il y a cinq ans, grâce à un enfant autiste. J’ai pu un peu plus tard avoir de nouvelles expériences, prendre du recul et réfléchir. Je sais à quel point cette technique est controversée aujourd’hui, mais je désirais parler de mon expérience, de mon vécu, de ma pratique. 2.1- Les pictogrammes ou communication alternative Le terme pictogramme est défini de façon consensuelle comme tout support visuel de communication portant un symbole qu’il soit image, photo, dessin, ou mot. Cet outil est utilisé avec les personnes autistes, parce qu’il semble que le canal visuel soit le plus performant chez ces personnes. Dictionnaire le petit Larousse : Pictogramme : n.m. Dessin, signe d’une écriture pictographique. Pictographique : adj. Se dit d’une écriture dans laquelle les concepts sont représentés par des scènes figurées ou par des symboles complexes. Le pictogramme est un outil de communication mis en place dans de nombreux établissements médico-éducatifs. Mon exploration sur les outils de communication alternative débutera donc par une enquête auprès des professionnels, en particulier des éducateurs, travaillant avec des personnes autistes. Voici deux exemples de pictogrammes, à gauche une image et à droite un dessin. Ce pictogramme est une photo de l’ordinateur, en réel. Mes expériences antérieures et pendant la formation m’ont permis de m’interroger sur cet outil ; Je présenterais brièvement deux exemples d’enfants utilisant des pictogrammes. J’ai découvert les pictogrammes, il y a cinq ans, avec l’aide de Vincent. Je trouvais que c’était idéal, que si cela marchait pour lui, cela devait être mis en place pour tous. Maximilien était dans mon groupe de stage, les pictogrammes ne sont pas utilisés formellement pour tous les enfants. Mais pour Maximilien c’était nécessaire. Vincent est un jeune garçon autiste de 10 ans. Il ne parle pas mais communique à l’aide d’un petit nombre de gestes personnels signifiant «maman », «le prénom de son éducatrice », «son lieu de vacances », ou «centre aéré », après avoir attiré l’attention d’une tierce personne. Ses outils de communication sont restreints. Vincent utilise les pictogrammes présents dans son institution et chez lui, avec aisance ; mais à l’extérieur, en visite, en intégration c’est beaucoup plus compliqué. Il apprend quelques signes de la langue des signes française (LSF), mais ces signes deviennent rapidement trop complexes pour lui. Ses éducatrices mettent en place un lexique sous forme de petit classeur, où sont répertoriées plusieurs catégories : les légumes, les viandes, les sucreries et gâteaux, les moyens de transport, les activités, les photos des personnes de son entourage… Vincent peut alors avoir ce classeur toujours sur lui et l’utiliser si besoin. Il ouvre le classeur, va à la catégorie désirée et pointe l’image ou le mot. Maximilien est un jeune garçon autiste âgé de 9 ans. Il parle mais n’utilise pas ce langage pour communiquer. Il communique avec des cris ou des coups, lorsqu’un bruit le dérange, il crie ; s’il est en colère ou content il tape. A table, Maximilien n’arrive pas à signifier ce qu’il veut, autrement qu’en mettant la main dans le plat…ce qui n’est pas aisé lorsque le plat est éloigné. Maximilien comprend la symbolisation des images et des dessins. Pour le repas, les éducatrices mettent à sa disposition des pictogrammes, pour les différents plats (photos), l’eau, le pain (dessin), ainsi qu’un pictogramme signifiant «je veux ». Lorsque Maximilien prend un pictogramme les éducatrices verbalisent sa demande. Au bout de quelques mois, Maximilien peut laisser les pictogrammes et utiliser des mots pour dire ce qu’il veut. Les personnes autistes présentent des déficits de la communication. Les deux observations montrent que l’on a pu utiliser les pictogrammes avec des enfants présentant deux types de déficits. On peut toutefois s’interroger sur l’utilisation de cet outil avec ce public. Le pictogramme est-il un outil privilégié ? Doit-il être le seul outil ? Dans quelles conditions et avec quelles personnes peut-on l’utiliser ? Les pictogrammes nécessitent l’utilisation du canal visuel, qui semble être le plus performant chez les personnes autistes. Mon hypothèse de départ est la suivante : les pictogrammes sont à utiliser avec tous les enfants autistes pour palier leurs déficits de communication. J’ai choisi d’utiliser les questionnaires (27) pour mon enquête, car ils permettent de garder l’anonymat (peut-être alors d’obtenir des réponses plus sincères), de poser des questions simples (fermées), de gagner du temps et de toucher une large population. Les entretiens (2) m’ont permis d’approfondir les questions qui me paraissaient importantes, et encore sans réponse après l’analyse des questionnaires. (voir annexes) Comme je l’ai expliqué, usuellement on considère par pictogramme tout support visuel de communication qu’il soit image, dessin, photo ou mot. Il faut toutefois comprendre que chaque forme de pictogramme a son propre intérêt. La photo c’est la présentation au sens strict de la réalité, c’est une présentation concrète mais également pleine d’informations. La photo peut représenter le réel de l’enfant, par exemple sa table de travail telle qu’elle est aujourd’hui. Mais ce peut être également une photo présentant une table de travail comme la sienne mais qui n’est pas la sienne. L’image et le dessin sont par définition imagés et généralisateurs de l’information, pour reprendre l’exemple, la table de travail devient sur le dessin une table, type écolier, simple, l’image, elle, peut être issu de magazines, de livre, d’abécédaires… La représentation de la réalité peut devenir symbolique, elle fait alors appel à des notions de généralisation, de conceptualisation. Il semble important voire primordial que le pictogramme soit adapté, propre à la personne (qu’elle ait participé au choix des pictogrammes, que ceux-ci soient adaptés à son niveau de développement, de compréhension, à ses centres d’intérêts). Le professionnel se doit de prendre en compte la personne, avec ses envies, ses difficultés, sa sensibilité, ses centres d’intérêt… De plus, il semble qu’il y ait une nécessaire évolution dans le sens où il faut que les pictogrammes soient réactualisés constamment, en fonction de l’évolution de la personne, que l’on puisse accéder à une généralisation (exemple : pour dire «chien », on utilise d’abord la photo du chien de la personne, pour ensuite parvenir à l’image d’un chien en général). L’implication des familles, son association au projet éducatif individuel, ainsi que dans la mise en place et l’utilisation des pictogrammes apparaît nécessaire. Elle doit donc, en premier lieu, participer au choix des pictogrammes, sachant qu’elle est souvent la mieux placée pour trouver l’image ou la photographie la plus pertinente pour l’enfant. Aussi, si on souhaite que les pictogrammes soient utilisés à l’intérieur et à l’extérieur de la structure, il est important qu’éducateurs et familles les utilisent de façon cohérente et complémentaire. Le fait qu’un pictogramme ne puisse avoir qu’un sens permet de beaucoup simplifier la communication, et rassure ainsi l’éducateur qui a l’impression de communiquer avec le jeune. Pourtant, en temps que professionnel, l’éducateur se doit d’être attentif à multiplier les pictogrammes afin d’augmenter le vocabulaire transcrit, permettant d’enrichir l’échange. Le pictogramme répond effectivement à plusieurs difficultés propres à l’autisme, en utilisant le canal visuel - qui est une préférence observée chez les personnes atteintes d’autisme - : obtenir une communication, comprendre et se faire comprendre, favoriser l’expression des désirs et des émotions, cela reste malgré tout encore très difficile, il existe des pictogrammes «de sentiments» mais les personnes autistes les utilisent rarement : Antoine, autiste de bon niveau, ne sait pas adapter son attitude à ce qu’il ressent, lorsqu’il se fait mordre violemment, il rit de façon étrange. Il ne va pas prendre le pictogramme, si on ne le lui demande pas, alors qu’il le ferait seul pour d’autres choses. Exemple de pictogrammes pouvant permettre l’expression des ressentis. Pour faciliter la communication, expression et compréhension, des personnes autistes le pictogramme n’est pas le seul outil, il ne faut surtout pas oublier le langage mais aussi l’écrit ou les gestes. Il ressort de l’ensemble des entretiens que l’utilisation des pictogrammes ne permet pas suffisamment l’expression des ressentis et des sentiments de la personne autiste. On observe deux causes majeures à cette difficulté : - l’outil en lui-même est essentiellement utilisé pour favoriser l’action, le choix et représente le plus souvent des images concrètes (objet, personne…). - une des difficultés majeures de la personne autiste réside dans l’impossibilité à exprimer ce qu’elle ressent (douleur, joie, tristesse, envie…). On peut également se poser la question de la représentation de mots tels que «oui » ou «non ». On peut également se demander ce qu’il est possible d’utiliser avec les personnes les plus déficitaires. L’utilisation de l’objet ne peut-elle pas être la première étape pour ces personnes ? L’utilisation des pictogrammes semble souvent entraîner une forme de conditionnement. Mais on peut supposer que ce n’est pas lié à l’outil lui-même. Le conditionnement n’est-il pas présent dans toute forme d’éducation, auprès de toute personne ? (exemple : punition, récompense). Le pictogramme fait appel à trois niveaux de communication : par image, par mots écrits et par le langage. Il faut aussi prendre en compte la communication par objets qui peut être dans un premier temps, le type de communication correspondant le mieux aux capacités de la personne. Ensuite, le pictogramme peut être introduit en commençant par les centres d’intérêts de la personne. Le pictogramme permet de mettre de la distance par rapport à l’objet et de replacer la personne dans un échange avec une tierce personne. L’utilisation des pictogrammes comme outil de communication doit se faire dans une démarche d’équipe et en prenant en compte la personne autiste dans ses désirs, ses capacités, ses motivations… L’utilisation des pictogrammes permet de travailler l’attention conjointe : la personne prend le pictogramme correspondant à sa demande, va le montrer à un éducateur en attirant son attention pour qu’il réponde à la demande. Elle requiert une motricité adaptée : l’enfant doit se déplacer vers le tableau de communication pour prendre le pictogramme et le montrer à l’adulte ou bien choisir dans son cahier le pictogramme et le montrer à l’adulte. Utiliser des pictogrammes ne se réduit pas à prendre en compte les capacités de la personne et à adapter les représentations, il faut aussi apprendre à la personne à prendre le pictogramme et à attirer l’attention de l’éducateur. Astrid est une jeune autiste qui sait utiliser les pictogrammes. Sa principale difficulté réside dans le mouvement nécessaire pour prendre le pictogramme : le déplacement du corps pour aller au tableau, puis de la main vers le pictogramme. Elle sait ce qu’elle veut et n’a pas de difficulté de préhension. Sa difficulté c’est l’initiation. Elle peut réussir sa démarche si l’adulte la stimule par le geste ou la parole. L’observation de la personne est primordiale pour adapter l’outil de communication. Astrid a des difficultés d’initiative et non de compréhension, c’est pour cette raison qu’elle utilise peu les pictogrammes. 2.2- Le makaton ou communication augmentée Le MAKATON utilise le pictogramme, le geste, la parole. Ce support de communication est créé en 1972 en Angleterre, par trois professionnels dont les prénoms Margaret, Karen et TONy forment le nom MA-KATON. IL est mis en place depuis 1977 en Angleterre. Ces trois professionnels étudient pendant cinq ans des discussions pour en ressortir les mots les plus employés selon l’âge des personnes. Les mots sont ensuite classés par niveaux et représentés par des symboles simples qui à la différence des pictogrammes ne sont pas toujours figuratifs, mais peuvent être « codés ». Cette étude donne lieu à la création d’un ensemble de pictogrammes. L’objectif est de faciliter une communication. Lorsque j’ai découvert ce support de communication, j’ai été très étonnée. En effet, il semble que les personnes autistes aient besoin d’une asepsie sensorielle pour faciliter leur compréhension et en utilisant ce support on envoie trois types d’informations : visuelle par l’image, visuelle par le geste, et auditive. Exemples de pictogrammes et de gestes du makaton Pictogrammes symbolisant des états émotionnels, issus du makaton Pictogrammes symbolisant des verbes, issus du makaton Pictogramm es du m akaton utilisant un code On associe le pictogramme « ami » et le geste « ami » J’ai découvert le makaton sur mon lieu de stage où Antoine et Céline, deux enfants autistes de 10 et 11 ans, l’utilisent. Ils ne parlent pas mais utilisent des mots monosyllabiques pour se faire comprendre. Le Makaton a été mis en place par leur orthophoniste. Nous avons du alors mettre en place dans le groupe, les pictogrammes relatifs à ce support. Antoine et Céline ne se contentent plus de nous montrer un pictogramme mais peuvent faire des phrases à l’aide des pictogrammes makaton. Au lieu de dire «o » lorsqu’ils ont soif, ils peuvent écrire : « je veux boire de l’eau ou du jus » (voir les pictogrammes). Ce support m’a beaucoup étonnée, de part son fonctionnement et son utilisation et d’autre part dans sa complexité. Comment un outil utilisant trois messages en même temps peut-il simplifier la communication ? Comment des personnes autistes ayant du mal à généraliser, à conceptualiser les évènements peuvent-elles comprendre des pictogrammes aussi complexes ? Afin de mener mon enquête, je suis partie de l’hypothèse selon laquelle un outil aussi complexe n’est pas une aide pour la communication des personnes autistes. Malheureusement, je ne connais qu’un seul établissement où le Makaton est pratiqué. Et mes recherches ne m’ont pas permis d’en trouver d’autres. Mon enquête en est pour cette raison réduite. J’ai dans un premier temps opté pour le questionnaire, mais les réponses ont été très peu nombreuses (2). J’ai alors décidé de réaliser des entretiens (2). (voir annexes) Cet outil a deux fonctions de communication, d’abord il permet de transmettre à un message à la personne autiste, mais il permet aussi à la personne autiste de s’accaparer les outils et de les utiliser à son tour pour communiquer. La formation des professionnels est nécessaire préalablement à la mise en place de cet outil. Cet outil a pour objectif de faciliter, dans un premier temps la compréhension des personnes autistes face à un message. Le travail de l’éducateur est alors de se faire comprendre par l’enfant. L’utilisation de trois messages différents (visuel gestuel, visuel pictogramme, et oral) semble augmenter les chances de compréhension de la personne. En effet chaque personne peut alors focaliser son attention sur un des messages L’éducateur parle et signe (fait avec les mains les signes de la LSF) en même temps, au mieux il montre les pictogrammes. L’éducateur n’utilise que les mots et pas la grammaire de la Langue des Signes Française (LSF). Exemple, l’éducateur veut dire à l’enfant qu’ils vont faire une promenade en forêt ; l’éducateur signe «forêt » et «promenade », le verbe peut être signifié par un pictogramme. Au début, l’éducateur ne signe que les mots importants ; l’enfant pourra alors utiliser les signes simples pour formuler une demande. Des temps d’apprentissage sont mis en place pour l’enfant, d’abord individuellement puis par petits groupes. L’apprentissage prend en compte le niveau et la capacité de chaque enfant auxquels ont fait correspondre les niveaux des mots. Cet outil qui peut apparaître complexe dans son utilisation et sa compréhension, offre en réalité une communication très simplifiée. L’éducateur doit en effet simplifier son expression pour pouvoir signer (faire le geste) les mots importants. La phrase prononcée est alors réduite aux mots les plus importants. La personne autiste reçoit alors un message assez concret et simple ce qui facilite la compréhension. Même si tous les enfants de l’établissement n’utilisent pas le makaton pour s’exprimer, le fait d’être baignés par des gestes, des mots et des images crée un environnement favorable à la compréhension et même à la communication : des enfants spontanément pointent ou inventent des gestes pour se faire mieux comprendre. Je n’ai pu trouver qu’un établissement pratiquant le makaton, cela semble dû au fait que cet outil est complexe dans son utilisation. Toute fois, le code des pictogrammes me paraît intéressant à utiliser avec des enfants autistes. Dans mon groupe de stage, tous les enfants comprennent la signification des pictogrammes, alors que j’ai parfois du mal… 2.3- Le pointage ou communication facilitée La communication facilitée (CF) a été mise au point en 1987 en Australie par Rosemary Crossley avec des patients atteints de lésions cérébrales. Elle a été reprise avec des personnes autistes et introduite dans différents pays (usa, Canada, Royaume-Uni, Nouvelle Zélande…). La CF est introduite en France en 1993 par une orthophoniste, A.M. Vexiau qui crée un centre de formation (EPICEA) pour les professionnels. La CF est une technique qui permet à des personnes présentant des troubles sévères de la communication de s’exprimer en désignant du doigt des objets, des images, des symboles, des mots écrits ou des lettres pour épeler des mots. Au départ, les personnes autistes ne peuvent exécuter le mouvement de pointer qu’avec l’aide d’un «facilitant » qui soutient leur poignet en isolant l’index et régule le mouvement sans toutefois le diriger. Ce geste de facilitation permet de compenser les troubles neuromoteurs présents chez les personnes autistes. La communication facilitée nécessite la mise en place de différents outils, et pas uniquement un ordinateur. Tout d’abord elle nécessite la formation de l’éducateur au rôle de facilitant. En effet l’éducateur doit apprendre à sentir le geste de l’enfant après avoir isolé l’index des autres doigts de l’enfant. La première étape consiste à travailler le geste de pointage. L’enfant et le facilitant doivent apprendre à travailler ensemble. Il s’agit de proposer à la personne des choix ou des questions auxquels elle répond en pointant le mot, l’image… Le but est de conduire la personne à s’exprimer seule. Le geste de facilitation permet de cadrer le mouvement, le soutien crée une relation affective qu’on ne peut nier. Ce geste crée la confiance entre les deux partenaires. Il permet de palier le déficit d’initiative présent chez les personnes autistes. En effet les personnes autistes sont parfois apraxiques. L’installation de la personne a une grande importance : table à bonne hauteur, bonne assise, pieds à plat sur le sol, plan de travail incliné, tableau de communication ou clavier placé face à l’épaule. Le contexte peut varier et évoluer par la suite. Cette technique est controversée, il n’existe pas de validation scientifique. Astrid n’est pas verbale. Elle est depuis une semaine très irritable et capricieuse. Pourtant elle fait de gros progrès et nous la complimentons toujours sur les efforts qu’elle fournit. Lorsqu’elle fait une colère Astrid s’isole dans l’infirmerie pour se calmer, parfois avec notre aide. Mercredi, elle a beaucoup de mal à quitter l’infirmerie. Nous décidons de parler avec elle pour comprendre ce qui ne va pas. Astrid sait pointer mais pas encore seule, pas tout le temps. Nous commençons avec le oui/non, c’est une feuille partagée en deux où sont inscrits de part et d’autre d’une ligne le oui et le non. Est-ce que tu ne te sens pas bien dans le groupe ? - Astrid pointe seule le non. Est-ce que quelqu’un te dérange dans le groupe ? (nous pensons à Antoine qui la taquine beaucoup) - Astrid pointe seule le non Est ce que quelque chose ne va pas à la maison ? - Astrid pointe seule le non Elle s’énerve et pointe la photocopie du clavier. Je prend la photocopie du clavier d’ordinateur et la place sur une pochette cartonnée. Astrid est assise à côté de moi. Je prend sa main droite avec ma main droite. Je tiens la pochette avec ma main gauche devant Astrid. Astrid isole seule son index, je soutiens le poignet. Elle tape les lettres une à une et tape l’espace entre les mots : JE DOIS DEVENIR GRANDE POUR PLAIRE A TOUT LE MONDE DUR TRAVAIL POUR GRANDIR Nous demandons à Astrid si elle est contente de grandir, elle pointe seule le oui. Nous lui demandons si elle veut qu’on l’aide plus, elle pointe oui. Astrid est détendue, elle n’est plus crispée et affiche un large sourire. Elle se lève et retourne dans le groupe. Lorsque j’ai entendue parler de communication facilitée pour la première fois, j’étais surprise. Cette technique permet à des personnes n’ayant pas le langage de s’exprimer. Certaines ne savent pas lire ou du moins la preuve n’en est pas faite, et parviennent à s’exprimer et à dire, par le clavier, leurs sentiments, leur ressentis… Je ne me lancerais pas dans le débat opposant ceux qui pensent que c’est en fait le facilitant qui tape et ceux qui défendent cette technique à corps perdu. Mon hypothèse est la suivante : la communication facilitée permet aux personnes autistes grâce au pointage de s’exprimer librement. L’enquête a été réalisée à partir de questionnaires (10) et d’observations au cours de séances d’orthophonie, dans lesquelles la communication facilitée est pratiquée. Ces observations et questionnaires m’ont amenée à des discussions avec l’orthophoniste et des membres de l’équipe, ce qui m’a permis de collecter des avis contraires. (voir annexes) Cette communication doit être adaptée à chaque personne. Les questions, les choix, les mots utilisés doivent l’être en fonction des capacités de compréhension et d’expression de la personne. Cet outil peut être utilisé avec toutes les personnes autistes dans la mesure où elles le souhaitent et sont disponibles. Il doit être utilisé comme un moyen d’ouverture et non de test. Ce moyen d’expression n’est pas spontané bien sûr parce qu’il nécessite la participation d’une tierce personne : le facilitant. Il faut solliciter la personne, l’utilisation dépend de son désir et de sa volonté à communiquer. La communication facilitée n’est pas le langage, c’est un outil de communication. Mais cet outil permet de poser l’attention, la concentration, d’ouvrir l’esprit du jeune sur le monde extérieur, sur l’art, la connaissance à travers des lectures et des échanges en CF sur le point de vue de la personne. Après avoir lu un livre, une petite sœur différente, l’orthophoniste demande à Astrid si elle veut dire quelque chose à son frère et à sa sœur. Elle tape pour son frère : TU AS VIE DAMOUR POUR MOI Et pour sa sœur : TU ME PRETE TES AFAIRES La communication facilitée permet à la personne autiste d’exprimer ses sentiments profonds, les préoccupations du moments, les solutions à des problèmes de la vie de tous les jours. Elle permet le choix. Antoine a un comportement très difficile depuis quelques temps, il est hypotonique avec des moments de très grande agressivité. Il tape : JE DERRERE TRES BIZARRE FIGURE TRES FORT TRAVAIL DE TENUE Un jour après m’avoir mordu, il tape : TU DOIS COMPRENDRE POURQUOI JE MORDS REGARDE MON VISAGE ET REGARDE MES YEUX ET TU SAURAS JE TAIME BIEN MEME SI JE MORDS Elle replace la personne sans langage en tant que sujet et change le regard de l’entourage sur la personne handicapée. La communication facilitée est une étape pour la communication si la personne a suffisamment d’autonomie pour taper seule ensuite. Elle est surtout un moyen d’apprentissage, une étape vers le langage oral pour certains, pour d’autre elle restera facilitée mais permettra néanmoins la communication. Astrid tape : JE PENSE POUVOIR PARLER PAR LA BOUCHE TRES BENTOT Ou JE SAIS PENSER POURPARLER PARLER RESTE UN MYSTERE Antoine tape : TROP DUR POUR MOI DE FAIRE LES SONS EN CE MOMENT Il est important de savoir où on va et ce que l’on attend de l’utilisation de cet outil. L’équipe est concernée dans sa totalité. Les parents doivent aussi dans le meilleur des cas être partie prenante. CONCLUSION Les personnes autistes sont des personnes à part entière, dans leur individualité et leurs caractéristiques. Dans la première partie, nous avons abordé le particularisme de ce syndrome dont l’étiologie est mal connue. Sa caractéristique principale est que l’expression des troubles n’est pas homogène dans les différents domaines (cognition, communication, motricité…). Les prises en charge dans les établissements doivent prendre en compte à la fois la spécificité de ce handicap - on comprend alors l’intérêt de l’existence d’établissements accueillant spécifiquement des personnes autistes - et l’individualité des personnes. La prise en charge éducative, entre autre, doit donc être individuelle et répondre aux besoins spécifiques de la personne. En ce qui concerne la communication, c’est la même chose. L’apprentissage doit être individuel. Chaque personne est unique, l’outil de communication doit être adapté à cette personne. Le choix de tel ou tel outil est difficile, en effet on ne peut pas faire correspondre un trouble à un outil, du moins pas de façon aussi simpliste. L’outil de communication mis en place pour une personne doit lui correspondre et répondre à ses attentes. Il existe peu de certitudes et peu de moyens de vérification. Il ne faut donc pas privilégier un outil à un autre. L’éducateur doit s’adapter aux besoins et aux caractéristiques de la personne. La formation et l’apprentissage sont aussi importants pour la personne autiste que pour les professionnels et en particulier les éducateurs. Je possédais déjà des connaissances sur l’autisme avant d’entamer ma formation. La formation, les stages et le mémoire m’ont permis d’approfondir mes connaissances et de perfectionner ma pratique. J’ai pu à travers le stage et le mémoire prendre conscience de la difficulté à répondre aux besoins de la personne autiste, de la difficulté à évaluer ses compétences, et donc à mettre en place un projet individualisé. Cependant l’individualisation des prises en charge est un moteur qui doit permettre à l’éducateur de maximiser sa pratique en la remettant en question. L’apprentissage de la communication des personnes autistes est un apprentissage à long terme, mais l’éducateur peut se rendre en compte de l’efficacité ou non de ce qu’il propose, et alors agir en conséquence. Mais quelle joie et satisfaction, d’obtenir une réponse : un mot, une image, un signe... ANNEXES Les pictogrammes ............................................... I - questionnaires.................................................... I - entretiens ........................................................... VII Le makaton............................................................ XII - entretiens ........................................................... XII La communication facilitée .............................. XIV -questionnaires ..................................................... XIV LES PICTOGRAMMES COMPTE-RENDU DU QUESTIONNAIRE Les questionnaires ont été distribués à tous types de professionnels : éducateurs spécialisés, psychologues, aides médico-psychologiques, instituteurs spécialisés, psychomotriciens, infirmières, moniteurs éducateurs ; dans diverses établissements accueillant des personnes autistes, en majorité des enfants et des adolescents ou jeunes adultes. 1) Quelles sont pour vous les difficultés de communication des personnes autistes ? -intentionnalité de l'autre et de soi : 7 réponses -absence de langage verbal : 6 -difficulté à exprimer ses sentiments : 5 -difficulté d'initiative : 4 -repli sur soi : 4 -n’ont pas les outils pour entrer en communication : 4 -difficulté à entrer en relation : 3 -difficulté de compréhension : 3 -difficulté d'imitation gestuelle et verbale : 2 -stéréotypies verbales, écholalie : 2 -pas de langage approprié : 1 -difficulté d'attention et d'écoute : 1 -difficulté de compréhension hors contexte : 1 -manque d'intérêt : 1 -langage gestuel : 1 2) Quels moyens utilisez-vous pour entrer en communication avec les personnes autistes ? - le langage : 26 réponses - l'écrit : 21 - les gestes : 21 - le regard : 19 - les mimiques faciales : 18 - les pictogrammes : 18 - le pointing : 16 - l'imitation : 16 - la langue des signes : 8 - autre: 9 (objets: 2/ feeling : 1/ corps : 1/ makaton : 1/ photo informatique : 1/ toucher : 1/ construction de phrases par pictogrammes : 1/ le jeu : 1) 3) Ces moyens sont-ils définis dans le projet d'établissement ? - oui : 17 - non : 10 4) Selon vous sont-ils pertinents ? - oui : 22 - non : 3 pourquoi ? - s’ils sont adaptés aux capacités, besoins et désirs de chaque personne : 10 - utilisation de plusieurs canaux de communication : 3 - favorisent une meilleure compréhension : 2 - s’ils sont compréhensibles et utilisables par les différents milieux de la personne : 2 - tous les moyens et supports sont pertinents lorsqu'il s'agit de communication : 1 - aide pour exprimer les envies, les émotions : 1 5) Ces moyens sont-ils adaptés en fonction de la personne autiste ? - oui : 27 - non : 0 6) Y a-t-il des temps spécifiques d'apprentissage de la communication ? - plusieurs : 19 - aucun : 5 - un : 3 Pouvez-vous donner un ou plusieurs exemples ? - vie quotidienne : 14 - atelier de communication : 7 - temps des repas : 5 - orthophonie : 3 7) Connaissez-vous l'outil pictogramme ? - oui : 27 L'utilisez-vous ? - oui : 22 - non : 5 8) Quels types de pictogrammes utilisez-vous ? - photos : 19 - mots associés : 17 - dessin : 16 - image : 16 - pictogrammes Makaton : 1 9) D'où proviennent les pictogrammes ? - photos : 17 - dessins : 15 - catalogue : 13 - makaton : 2 - code Grach : 1 - autres : 8 (logiciels informatiques : 2/ créations des professionnels : 2/ morceau signifiant d'emballage : 1/ imagier Nathan : 1/ pictogrammes des USA : 1/ pictogrammes Emasme : 1) - sans réponse : 1 10) Qui choisit les pictogrammes ? - professionnels : 20 - personne autiste : 12 - parents : 10 11) L'usage des pictogrammes doit-il se faire précocement ? - oui : 19 - non : 8 12) Quels sont les avantages de cet outil ? - obtenir une communication : 5 - se faire comprendre, comprendre ce que l'on attend de soi : 4 - utilise le canal visuel (préférence pour les personnes autistes) : 4 - expression des désirs, des émotions : 3 - favorise l'autonomie à l'intérieur et à l'extérieur de la structure : 2 - permet de mieux comprendre le déroulement de la journée : 2 - rassure : 2 - apprentissage de la lecture et de la syntaxe : 2 - moyen concret : 2 - notion de choix : 1 - compréhensible par tous : 1 - demander/répondre : 1 - donner un moyen de communication : 1 - évite l'agressivité, incomprise par l'entourage : 1 - favorise le développement des initiatives : 1 - développe l'autonomie physique et verbale : 1 - favorise l'intégration : 1 - permet une structuration de la pensée : 1 - la photo peut être adaptée à l'enfant : 1 13) Quelles sont les limites de cet outil ? - difficile d'exprimer les affectes, les sentiments, communication très « matérielle » : 5 - difficile de représenter les symboles : 3 - doit laisser la place au langage : 3 - pas adapté aux personnes les plus déficitaires : 2 - utilisable à l'extérieur : 2 - lorsqu'il y a début de verbalisation, les pictogrammes pourraient freiner tout langage : 1 - ritualisation des conduites : 1 - limite la spontanéité : 1 - communication essentiellement duelle : 1 - difficile de discriminer les différents éléments du pictogramme : 1 - difficulté à pointer le pictogramme, à fixer son attention : 1 - difficulté, de compréhension des pictogrammes : 1 - pas de limite, ne restreint pas le développement de la communication : 1 14) L'utilisation des pictogrammes est-elle un étape dans l'apprentissage de la communication ? - cela ne doit être qu'une étape : 4 - ne doit pas se substituer au langage : 2 - étape importante : 2 - oui, permet de créer un lien émetteur/récepteur : 1 - doit s’inscrire avec spontanéité dans le quotidien : 1 - oui, avant de généraliser : 1 - oui, aide au développement du langage : 1 - non : 1 TRAITEMENT DES ENTRETIENS Deux professionnels ont été interviewés : un éducateur spécialisé, une orthophoniste. (durée de l’entretien : 30 minutes) Première question : En tant que professionnel, qu’est ce qui motive le choix de l’utilisation de l’outil pictogramme ? • L’absence de communication verbale. • L’observation d’un désir de communication chez la personne autiste. • L’impératif d’avoir un émetteur et un récepteur pour mettre en place des pictogrammes • Quand il y a absence de communication verbale, le pictogramme peut permettre d’amorcer un système de communication. • L’outil pictogramme, utilisé mal à propos, peut réduire ou fermer toute forme de communication. • Il y a nécessité de placer la personne autiste dans un bain linguistique parallèlement. • Pour les personnes particulièrement déficitaires, l’outil pictogramme est intéressant car il met à la fois en place le visuel et le mouvement du corps. Dans ce cas, la technique du pointage sera essentiellement utilisée. • Cet outil reste un moyen parmi d’autres à offrir à la personne autiste face aux difficultés de communication rencontrées. Se limiter à celui-ci, c’est prendre le risque de laisser passer d’autres sources d’informations, informations qu’il faudra toutefois sélectionner. • Le pictogramme devra être individualisé selon les besoins de la personne. Toutefois, il y a nécessité d’harmoniser les pictogrammes afin qu’ils deviennent un moyen de communication davantage accessible, pouvant être utilisés par les professionnels, les parents, voire sur l’extérieur. • Il existe d’autres moyens à utiliser et des méthodes pour arriver au même résultat. Question 2 : Il nous semble que l’utilisation des pictogrammes peut induire une forme de conditionnement de la personne. Qu’en pensez-vous ? • Oui, c’est indéniable car le pictogramme enferme dans une expression et un graphisme. Le mot réduit à un symbole, se limite à une représentation unique et revêt une seule signification. • Ce moyen de communication peut rassurer l’intervenant, sans que celui-ci ne se pose plus de question et ne s’interroge davantage sur la finalité de l’outil proposé. • Il y a nécessité d’une bonne observation des réactions de la personne autiste quand sont proposés les pictogrammes. • Il est indispensable que l’outil pictogramme soit parfaitement adapté aux besoins de la personne et non chercher à ce que le jeune s’adapte à ce moyen. • Selon moi, le pictogramme représenté par des photos, donne une communication plus dynamique. On parle du vécu de l’enfant. • Le pictogramme est mis en place pour que l’enfant s’occupe seul, ne se mutile pas, et prenne de la distance par rapport à l’ adulte. • Le pictogramme peut aider l’enfant verbal dans l’apprentissage de la lecture. • L’outil pictogramme peut devenir une forme de conditionnement d’où la nécessité d’une très grande vigilance. • L’outil pictogramme reste un outil temporaire • C’est une forme de conditionnement mais ce n’est pas forcément négatif. Il existe dans tout système éducatif une forme de conditionnement. Il reste important que celui ci ait un sens, qu’il soit riche en informations, et que la personne puisse aller au-delà de ce moyen de communication. • Le risque d’enfermement existe inévitablement, notamment avec des personnes autistes extrêmement ritualisées. Ceci dit, le pictogramme permet une forme de communication. • Le risque peut être limité si le pictogramme n’est utilisé comme outil unique. • L’outil pictogramme stigmatise la personne en tant que personne déficitaire dans sa relation à l’autre. • Proposer ce type d’outil, ce n’est pas aider la personne autiste à s’insérer dans une vie sociale. Question 3 : Il nous semble impossible d’exprimer les sentiments les ressentis par le biais de pictogrammes. Qu’en pensez-vous ? • Les pictogrammes ne nous permettent pas d’aller très loin dans l’expression très profonde des sentiments. • Le pictogramme a certes ses limites mais ce n’est pas uniquement le pictogramme qui enferme la personne autiste mais davantage l’autisme qui est responsable d’un certain isolement. • Il ne faut pas accorder plus de valeur aux pictogrammes qu’ils n’en ont. Face à une réaction identique (la colère), il est souvent difficile d’en identifier la cause réelle (douleur, mal être, mécontentement), il est donc nécessaire de sérier les pictogrammes. • C’est à l’éducateur de faire le bon choix du pictogramme afin de limiter le risque d’interprétation. • L’outil pictogramme n’a pas la prétention de viser un langage universel. • On ne peut pas matérialiser tous les ressentis de manière graphique, dans ce sens, le pictogramme est limité dans l’expression des sentiments. • Le pictogramme reste un outil qui peut permettre de travailler certains apprentissages sociaux mais face à la personne autiste qui éprouve certaines difficultés à appréhender le monde qui l’entoure et à prêter une intentionnalité à l’autre, le pictogramme L’empathie, l’imagination font appel à des mécanismes est limité. cognitifs défaillants chez la personne autiste. • Le pictogramme reste limité pour exprimer des sentiments. Il montre la relation de cause à effet sans pouvoir être davantage précis. Question 4 : L’utilisation des pictogrammes ne nous semble pertinente que s’ils sont utilisables à l’extérieur de l’établissement. Est-ce concrètement réalisable ? • C’est réalisable s’il y a adhésion de la famille, si l’entourage s’y associe. • Le pictogramme crée de la distance par rapport à l’objet et met du lien. • Difficile de l’utiliser sur l’extérieur, toutefois cet outil permet de faire des choix à l’intérieur de l’institution, choix qu’il n’aurait pas pu faire sans ce support dans un premier temps et qui parfois peut être réutilisé à l’extérieur, notamment dans la famille. • On ne peut pas leur demander de faire de l’hyper communication sous prétexte qu’ils ont des pictogrammes. • L’institution reste un milieu protégé ou cet outil est identifié. Ce n’est pas le cas sur l’extérieur. • L’outil pictogramme n’est pas inefficace même s’il n’est pas utilisé sur l’extérieur. • Le pictogramme est utilisé en premier lieu pour permettre une bonne adaptation de l’individu dans son milieu, pas tellement dans un contexte inconnu. • Le pictogramme, dans sa généralité, reste très réducteur et l’ouvrir sur l’extérieur peut paraître difficile. • Cette forme de communication doit pouvoir généraliser des acquis pour affronter l’extérieur, mais le monde a la particularité d’être imprévisible, ce qui déstabilise la personne autiste. Le MAKATON TRAITEMENT DES ENTRETIENS Deux entretiens ont été réalisés avec un éducateur spécialisé et une orthophoniste travaillant dans un établissement d’accueil pour enfants et adolescents autistes. Le Makaton est utilisé dans cette structure. La durée des entretiens est de 20 minutes. Question 1 : en tant que professionnel qu’est-ce qui motive le choix de l’utilisation de l’outil makaton ? • permet d’offrir aux enfants le maximum de repères signifiants dans la communication • la multiplication des formes de la même information permet à l’enfant de se saisir de ceux qui lui sont le plus aidant • ce mode de communication qui associe langage-geste-pictogramme donne plus de repère et aide la concentration • cet outil permet de simplifier la communication et de la recentrer sur l’essentiel • permet la structuration de la pensée • permet une meilleure compréhension du message • l’enfant communique, il peut s’exprimer grâce à cet outil Question 2 : Le makaton semble être un outil complexe, nécessite-t-il un apprentissage spécifique ? • La première formation est celle des professionnels • nous mettons en place des temps spécifiques d’apprentissage pour les enfants, après avoir évaluer leurs capacités • deux types d’apprentissage (gestes et pictogrammes makaton) : formel : individuel et collectif par groupes de niveau informel : chants avec gestes, travail à l’ordinateur, repas • L’éducateur sont les premiers à proposer l’utilisation de cet outil pour l’enfant, mais les autres acteurs s’en emparent par la suite le plus souvent • outil d ‘apparence complexe mais qui facilite véritablement la communication, du point de vue de l’adulte qui simplifie au maximum ses phrases qui deviennent plus facilement compréhensibles par l’enfant grâce aux gestes et à l’image ; • du point de vue de l’enfant à qui l’éducateur apporte les outil pour s’exprimer Question 3 : Cet outil peut-il s’utiliser avec toutes les personnes autistes, quelques soient leurs capacités ? • oui, si on se place du côté de la compréhension du message, simplifier le message ne peut être que bénéfique pour la personne • Le bain de geste aide l’enfant à mieux comprendre • les temps d’apprentissage leur permettent de s’approprier les outils • l’évaluation des capacités de l’enfant est nécessaire • tous n’ont pas les capacités (motrices) de l’utiliser, mais le fait que l’adulte l’utilise les aide Question 4 : L’utilisation du makaton est peu répandue en France, que se passe-t-il après votre établissement ? • un travail de collaboration est mis en place avec les établissements accueillant nos jeunes • si le jeune n’utilise plus cet outil dans l’avenir, il lui aura apporté une structuration de la pensée, développé son attention conjointe (regarder l’autre pour reproduire les gestes) • l’enfant a pris conscience de ses capacités de communication • les parents formés pour la plupart peuvent continuer à l’utiliser • l’établissement est un environnement structuré, les personnes autistes sont rarement seule dans un environnement inconnu LA COMMUNICATION FACILITEE TRAITEMENT DES QUESTIONNAIRES Les questionnaires ont été distribués aux membres d’équipes pluridisciplinaires. Le traitement concerne 10 questionnaires. 1) Quelles sont pour vous les difficultés de communication des personnes autistes ? - compréhension : 5 - transmission : 4 - inhibition : 4 - attention : 2 - conceptualisation : 3 - motivation : 1 2) quels moyens utilisez-vous pour entrer en communication avec les personnes autistes ? - écrit : 8 - mimique : 8 - geste : 9 - pictogrammes : 8 -imitation : 3 - pointage : 8 - langage : 9 - regard : 9 - LSF (langue des signes française):4 - corps : 3 - ordinateur : 1 -dessin : 1 - CF (communication facilitée) : 4 - PECS : 1 - rituel : 1 3) Ces moyens sont-ils adaptés en fonction de la personne autiste ? - oui : 10 - non : 0 4) Connaissez-vous la communication facilitée ? -oui : 10 - non : 0 l’utilisez-vous ? -oui : 4 - non : 6 5) La communication peut-elle s’utiliser avec toutes les personnes autistes ? - oui : 4 - non : 6 Si non, pourquoi : - problème pour dépasser les émotions - problème de capacité (pour taper seul) - problème du désir 6) Quelles sont, selon vous les conditions préalables a la mise en place d’un tel outil ? - formation des professionnels : 8 - évaluation des capacités de l’enfant : 4 - participation famille : 3 - travail en équipe : 2 - motivation de l’enfant : 1 - respect des écrits : 1 - validation scientifique : 1 - relation de confiance : 1 7) L’usage de la communication facilitée doit-il se faire précocement ? - oui : 6 - non : 4 8) Quels sont, selon vous, les avantages de cet outil ? - expression des sentiments : 6 - la personne retrouve sa place de sujet : 2 - permet de faire des choix : 6 - permet d’améliorer l’attention et la compréhension : 4 9) Quels sont, selon vous, les limites de cet outil ? - communication non spontanée : 6 - capacité à pointer : 4 - respect et utilisation des écrits : 6 - n’est pas une étape dans la communication : 1