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Mémoire d’éducateur spécialisé
juin 2001
Institut du Développement Social Canteleu
mots
images
signes
approches communicatives
pour enfants et adolescents
autistes
lle
M MAINGANT Soizic
REMERCIEMENTS
Ce mémoire n’aurait pas existé sans leur soutien et leur aide très
précieuse.
Je tiens donc à remercier les équipes des établissements qui m’ont accueillis
: Notre Ecole à Paris, SESSAD d‘autisme 76 à Rouen, et tous ceux qui ont
pris de leur temps pour répondre à mes questions : à Santos Dumont à Paris,
au CISP d’Autisme 76 à Rouen, au SESSAD de Paris 13e, et à l’espace Léo
Kanner à Yvetôt, à l’IPPA de Créteil.
Ils ont été les inspirateurs de ce travail, merci à eux pour tous ces moments
partagés : Vincent, Alexandre, Charlotte, Antoine, Aaron, Maximilien, Céline,
Astrid et les autres. Merci également à leurs parents pour la confiance qu’ils
m’ont apportée.
Un merci tout spécial au groupe des Kangous, à Anne-Claire et Martine, et à
Nicole.
SOMMAIRE
INTRODUCTION.................................................................................................. p. 4
PREMIERE PARTIE : DE L’AUTISME INFANTILE AUX AUTISMES
I- DE L’AUTISME INFANTILE AUX AUTISMES....................................... P. 7
1- historique .................................................................................................. p. 7
1.1- Bleuler
p. 7
1.2- Kanner
p. 8
1.3- la notion d’autisme infantile
p. 9
1.4- autisme et arriération
p. 9
1.5- courants psychanalytiques
p. 9
1.6- les recherches médicales et psychologiques
p. 10
2- classifications.......................................................................................... p. 10
3- maladie ou handicap ? ............................................................................ P. 11
4- tableau clinique ....................................................................................... p. 12
5- facteurs en cause dans l’autisme ........................................................ p. 14
II- COMPRENDRE L’AUTISME……………………………………………………………………… p. 16
1- La cognition............................................................................................... p. 17
2- les déficits cognitifs spécifiques dans l’autisme ............................ p. 19
2.1- les problèmes sensoriels
p. 19
2.2- L’attention
p. 20
2.3- troubles de l’encodage
p. 22
3- le comportement..................................................................................... p. 29
3.1- la résistance au changement
p. 30
3.2- le jeu
p. 31
3.3- comportements répétitifs et obsessionnels
p. 31
SECONDE PARTIE :
COMMUNICATIVES
DE
LA
COMMUNICATION
AUX
APPROCHES
I- LA COMMUNICATION ?............................................................................... P. 34
1- définition................................................................................................... p. 34
2- les troubles de la communication chez les personnes autistes ... p. 37
II- APPROCHE EDUCATIVE : LES COMMUNICATIONS ALTERNATIVE,
AUGMENTEE, FACILITEE………………………………………………………………………………. p. 38
1– les différents niveaux de communication.......................................... p. 38
2– Les outils .................................................................................................. p. 40
2.1– les pictogrammes ou communication alternative
p. 41
2.2– le makaton ou communication augmentée
p. 48
2.3– le pointage ou communication facilitée
p. 52
CONCLUSION……………………………………………………………………………………………………. P. 56
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. p. 58
ANNEXES ............................................................................................................... p. 62
INTRODUCTION
Lorsque je travaillais dans un centre de loisirs, un enfant autiste de 8 ans
intégra mon groupe.
C’était ma première rencontre avec l’autisme (après Rain Man ! ).
Vincent était non verbal, mais possédait quelques signes de communication qui lui
étaient propres et dont je ne connaissais pas la signification. Cette première journée
était à la fois difficile et extrêmement riche. En effet, ma première réaction face à lui a
été de me demander comment j’allais faire pour échanger, me faire comprendre et
comprendre ce qu’il
voulait. Toute la journée il m’a fait des signes que je ne
comprenais pas, en particulier un où il croisait son index et son majeur en les
pointant vers moi. Il n’avait d’ailleurs pas l’air d’apprécier que je ne puisse lui
répondre.
Le soir, j’ai demandé la signification des signes à ses parents (l’index et le majeur
croisés et les doigts de la main droite pointés dans la paume de la main gauche),
Vincent voulait en fait savoir s’il pouvait revenir au centre ; il est resté une semaine.
J’ai ensuite rencontré Vincent de nombreuses fois au centre de loisirs et dans son
établissement. J’ai pu discuter avec les éducatrices et observer les moyens mis en
œuvre pour favoriser la communication (pictogramme, photos, …).
Après cette rencontre, je me suis beaucoup intéressée à l’autisme. Je désirais
être enseignante, mais j’ai décidé de faire une formation d’éducatrice spécialisée,
suite à cet intérêt pour l’autisme et après avoir travaillé avec des jeunes placés
auprès de la protection de l’enfance.
Tout au long de ma formation, j’ai pu, entre autre, acquérir des
connaissances théoriques sur l’autisme, et faire mon stage à responsabilité dans un
IME accueillant des enfants et adolescents autistes, afin d’approfondir ma pratique
professionnelle avec ce public.
La communication est un thème important dans notre vie à tous. Au niveau du travail
social, de nombreuses réflexions mettent en avant la nécessité d’accorder une large
place à la parole, à l’échange, aux explications, à la communication (compréhension
et expression) en général.
J’ai choisi de travailler avec des personnes autistes. Ce travail est très
enrichissant, par rapport à moi-même et par rapport à mes pairs.
La parole est importante là aussi, même si certains, du fait que ces personnes ne
sont pas toujours verbales, pensent qu’il est inutile d’user de la salive.
La communication prend une place non négligeable dans le travail avec les
personnes autistes. La prise en charge nécessite une remise en question
permanente du travailleur social, qui si elle n’est pas automatique devient
incontournable face à des personnes qui vous poussent constamment dans vos
retranchements.
Lorsque vous prenez le temps de faire des choses avec elles, il se passe
inévitablement quelque chose : un sourire, un regard ou un cri, un coup parfois…
Certains diront que ce n’est pas de la communication car il n’y a pas d’objet.
Mais il se passe quelque chose…
L’autisme est un trouble mal connu, dont l’étiologie n’est pas définie, dans la
première partie je tenterais d’éclaircir ce trouble, son histoire, ces causes et les
connaissances que l’on en a aujourd’hui.
La communication avec des êtres sans parole, peut-être inaccessibles, des
forteresses, oui mais pas vides peut être éclatées, n’est en aucun cas facile mais elle
doit être tentée. L’éducateur doit permettre à ses personnes d’acquérir de
l’autonomie, de tendre vers une vie qui leur corresponde au mieux.
L’éducateur peut les aider par des apprentissages, avec des outils techniques qui
vont favoriser leur communication et par-là leur autonomie. Dans ma seconde partie,
je tenterais d’expliciter les types d’approche communicative - alternative, augmentée
ou facilitée - que l’éducateur peut mettre en place pour palier les difficultés de
communication des personnes autistes.
Première partie
De l’autisme infantile
aux autismes
I- DE L’AUTISME INFANTILE AUX AUTISMES
Au début du XIXème siècle, un jeune garçon est découvert dans une forêt de
l’Aveyron. On le nomme Victor. Cet enfant se comporte comme un animal et ne peut
établir aucun contact avec les êtres humains. Son histoire est popularisée par le film
de François TRUFFAUT « Victor, l’enfant sauvage ».
Le psychiatre français Jean ITARD dresse un tableau de cet enfant en 1801. La
description fait penser à celle d’un enfant autiste.
Victor est-il devenu ce qu’il est en raison de la privation des relations avec ses pairs,
ou son comportement (que nous appellerions autistique aujourd’hui) est-il
responsable de son abandon ?
1- historique
1.1- Bleuler
Le psychiatre suisse E. Bleuler utilise pour la première fois le terme d’autisme
en 1911. Il veut décrire par ce terme le symptôme de repli sur soi de certains patients
schizophrènes.
« Les schizophrènes les plus gravement atteints, ceux qui n’ont
plus de contacts avec l’extérieur, vivent dans un monde à eux. Ils se sont
enfermés dans leurs désirs et leurs souhaits [qu’ils considèrent réalisés],
ou ne se préoccupent que des avatars de leurs idées de persécution ; ils
se sont coupés le plus possible de tout contact avec l’extérieur.
L’évasion de la réalité avec, en même temps, la prédominance absolue
ou relative de la vie intérieure, nous l’appelons l’autisme (…) Ils vivent
dans un monde imaginaire, fait de toutes sortes de réalisations de désirs
et d’idées de persécution. »1
1
E. Bleuler, la démence précoce ou groupe des schizophrénies, 1911
Cette définition de E. Bleuler est à l’origine de la confusion qu’il existait une
continuité entre autisme et schizophrénie. On pensait à tort, on le sait aujourd’hui,
que l’enfant autiste devenait schizophrène à l’âge adulte.
1.2- Kanner
En 1943, Léo Kanner, professeur de psychiatrie à Baltimore, d’origine autrichienne,
publie une étude portant sur 11 enfants. Ils sont apparemment incapables de contact
affectif avec leurs pairs, et présentent des troubles importants du langage et une
inadaptation à la vie sociale.
« Le dérèglement fondamental, pathognomonique2, est l’incapacité
de l’enfant à établir des relations de façon normale avec les personnes et
les situations, dès le début de leur vie. (…) Il existe d’emblée un repli
autistique extrême qui fait négliger, ignorer, refuser à l’enfant tout ce qui lui
vient de l’extérieur. (…) Il a une bonne relation avec les objets ; (…) le
mode de relation avec les personnes est totalement différent. (…) Un
isolement profond prédomine tout le comportement. (…)Les bruits produits
par l’enfant, ses mouvements et tous ses actes sont d’aussi monotones
répétitions que ses paroles. Il existe une limitation nette dans la variété de
ses activités spontanées. La conduite de l’enfant est régie par une
obsession anxieuse de la permanence. »3
Kanner fait l’hypothèse d’une relation entre ce syndrome et l’environnement. Les
enfants observés sont tous issus de milieux aisés et ont tous des parents très
intelligents.
Il remarque que les parents sont sans chaleur, préoccupés de choses abstraites et
limités dans l’intérêt qu’ils portent aux personnes.
Au même moment, Bettelheim travaille avec des enfants présentant les mêmes
symptômes et fait l’hypothèse à la suite d’études que les parents seraient, du fait de
leur détachement, responsables de l’autisme de leur enfant.
2
def : pathognomonique adj. Méd., signe, symptôme qui permet d’établir le diagnostic
certains d’une maladie, parce qu’il en est la caractéristique.
3
L. Kanner, autistic disturbances of affective contact, revue Nervous Child, 1943
Ce n’est qu’en 1969, au congrès de la National Society for Autistic Citizens que Léo
Kanner reconnaîtra son erreur. En effet, son échantillon de 11 enfants n’est pas
représentatif et seules des familles aisées avaient les moyens de se déplacer à
Baltimore pour le rencontrer.
Parallèlement, Hans Asperger, psychiatre autrichien exerçant à Vienne, publie
en 1944 une étude portant sur des enfants présentants des troubles identiques, il les
désigne lui aussi par le terme d’autisme.
1.3- La notion d’autisme infantile
Nous parlons ici d’un syndrome connu sous le nom d’ «autisme infantile
précoce » ou d’ «autisme de Kanner ». Dans ce syndrome, l’autisme a longtemps été
considéré comme le symptôme premier, mais aujourd’hui on s’accorde à dire qu’il
résulte des problèmes spécifiques que rencontrent ces personnes, notamment dans
leur fonctionnement cognitif. De plus l’autisme évolue et peut s’améliorer avec le
temps.
Le terme «autisme infantile précoce », ne doit pas être compris comme un syndrome
n’atteignant que les enfants mais dans le sens où il apparaît dans la petite enfance
(avant 3 ans).
1.4- autisme et arriération
Pendant longtemps l’autisme a été associé au groupe des psychoses
précoces. Ce groupe clinique n’était pas différencié du champ de l’arriération mentale
pris en charge par les hôpitaux psychiatriques. Les services de «défectologie »
regroupait
les
patients
atteints
d’arriération
mentale,
d’encéphalopathies
congénitales ou acquises et par défaut d’autisme et de psychoses précoces. Ces cas
étaient jugés inéducables.
Les psychiatres psychanalystes en se penchant sur l’autisme et les psychoses
précoces ont montré que ses enfants souffraient non pas d’arriération mentale mais
d’un trouble dans la construction de leur personnalité. Ces enfants ont alors été
considérés comme curables et susceptibles d’évolution clinique et d’intégration
sociale.
1.5- courants psychanalytiques
Bruno Bettelheim publie en 1969 un ouvrage intitulé la forteresse vide. Cet
ouvrage reprend l’hypothèse selon laquelle l’enfant déploierait un mécanisme de
défense psychique face à une mère pathologique. Ce mécanisme de repli sur soi,
appelé autisme, serait induit par l’environnement hostile que ressentirait l’enfant. Il se
forgerait alors une carapace, lui offrant la sécurité.
Les traitements préconisés sont la séparation de la famille «pathogène » et la cure
psychanalytique.
La décennie 1960/70 voit se dessiner deux grands courants : dans les pays anglosaxons, on distingue psychose et autisme, on privilègie l’origine organique ; en
France, l’autisme est décrit avec les psychoses en termes psychanalytiques.
1.6- les recherches médicales et psychologiques
Depuis les années 1960, de nombreuses recherches se sont développées, en
particulier en Angleterre et aux Etats-Unis. Elles explorent les troubles cognitifs,
neurologiques, sensoriels observés chez les personnes autistes.
Les chercheurs mettent en évidence des liens entre les syndromes autistiques et des
facteurs organiques ou génétiques, faisant envisager l’autisme comme un trouble du
développement.
2- classifications
En l'absence d'éléments objectifs de causalité, l'autisme se définit comme un
syndrome, c'est-à-dire comme un ensemble de symptômes qui sont repérés
cliniquement par l'observation du comportement du sujet. Un certain nombre de
critères de diagnostic ont été retenu par les scientifiques internationaux, qui
considèrent l'autisme comme un trouble envahissant du développement. Ces critères
sont décrits notamment dans les deux classifications utilisées au plan international :
- C.I.M. 10 (Classification Internationale des Maladies, 10ème version, 1994) de l'OMS
(Organisation Mondiale de la Santé)
- D.S.M. 4 (Diagnostic and Statistical of Mental disorders, 4ème version, 1994 pour
l’édition américaine, 1996 pour l’édition française, chez Masson) de l'association
américaine de psychiatrie
La classification française des Troubles Mentaux des Enfants et Adolescents
(C.F.T.M.E.A., Misès 1993) continue de classer l'autisme parmi les psychoses. Elle
s’oppose ainsi aux classifications internationales.
En 1994, un consensus s'est dégagé en France pour retenir une définition commune
qui se rapproche de celles des classifications internationales, énoncée dans le
rapport de l'ANDEM (Agence Nationale pour le Développement de l'Evaluation
Médicale) :
"Le syndrome d'autisme infantile est un trouble global et précoce du
développement apparaissant avant l'âge de 3 ans, caractérisé par un
fonctionnement déviant etlou retardé dans chacun des trois domaines
suivants :
- interaction sociale
- communication verbale et non-verbale
- comportement"
L’origine de l’autisme est encore méconnue, les classifications doivent se limiter à
l’aspect comportemental de l’autisme.
Pour apporter une prise en charge adaptée, il ne faudrait pas uniquement se limiter
au seul aspect comportemental, mais à tous les domaines qui fondent la personne.
La prise en charge multidisciplinaire paraît être la plus adaptée. L’origine étant floue,
il faut apporter une aide globale : éducative, psychologique, psychomotrice,
orthophonique, scolaire…
3- maladie ou handicap ?
Philippe WOOD, chercheur travaillant pour l'Organisation Mondiale de la
Santé, a montré que ces deux notions ne s'opposent pas, mais ne sont pas à situer
sur le même plan.
Schéma de WOOD appliqué à l’autisme
DÉFAUT
Autisme (exemple) : trouble
Envahissant
du
développement
DÉFICIENCE
Troubles cognitifs et troubles
de la communication
INCAPACITÉ
Résonance sociale
Perception
Communication
Perte ou anomalie d’une
structure
ou
d’une
fonction psychologique,
physiologique
ou
anatomique
Restriction ou absence
d’aptitude à exécuter
une
activité
de
manière normale
Pas de réponse à
l »attente sociale par
rapport à l’âge et au
niveau de la personne
:désavantage social
HANDICAP
MILIEU
PHYSIQUE
Touche la sociabilité et la
capacité à mener une vie
harmonieuse avec ses pairs
MILIEU SOCIAL ET
RELATIONNEL
VECU DU
SUJET
La clarification de Wood permet le décloisonnement de la prise en charge,
cela paraît nécessaire pour les personnes souffrant d’autisme. La personne autiste
doit être prise en compte en tant que personne mais aussi en tant que membre d’une
famille, en effet ce sont des personnes handicapées et handicapantes.
Catherine Milcent dans son livre, l’autisme au quotidien écrit ceci :
« L’autisme n’est pas une maladie, mais un défaut dans le développement
et en particulier dans tout ce qui touche la «résonance sociale », la
perception et la communication. Comme ce manque est présent au
moment où se mettent en place des fonctions cognitives essentielles, il
laisse un handicap extrêmement sérieux et grave même dans ses formes
les plus légères car il touche la sociabilité et la capacité de mener à bien
une vie harmonieuse avec ses pairs »
WOOD donne trois plans d’expérience, nous les appliquons ici à l’autisme :
-
plan d’expérience de la déficience : c’est ici le «défaut », on ne peut pas définir le
domaine d’expression de ce défaut, des querelles et des incertitudes existent encore
différentes thèses : organique, psychologique, génétique.
-
plan d’expérience des incapacités : ce sont ici la «résonance sociale, la
perception et la communication ».
-
plan d’expérience du désavantage social : il découle du handicap et touche «la
sociabilité et la capacité de mener à bien une vie harmonieuse avec ses pairs ».
4- tableau clinique
L'autisme est une pathologie hétérogène et variable. Il s'agit d'un syndrome,
qui peut présenter d'un individu à l'autre des degrés différents, avec une évolution
des symptômes dans le temps : tel signe, présent dès la petite enfance, s'estompera
ou disparaîtra à l'adolescence, mais ce peut être aussi l'inverse.
Un certain nombre de signes sont caractéristiques de l'autisme, et sont décrits
dans le DSM-IV que nous venons de voir :
- isolement
- troubles de la communication
- besoin d'immuabilité
D'autres signes, sans être caractéristiques de l'autisme, lui sont fréquemment
associés :
- anomalies du développement cognitif : le profil de développement est irrégulier,
quel que soit le niveau global intellectuel (alors que dans le retard mental, le profil est
homogène)
- perturbations sensorielles : les réponses aux stimuli sensoriels (auditifs, visuels,
tactiles ) peuvent être étranges (certaines personnes autistes ne supportent pas
qu’on les touche, des sons agréables pour nous sont très irritants pour eux…)
- anomalies motrices (balancements, stéréotypies motrices, marche sur la pointe des
pieds, tournoiements,...)
- troubles du sommeil
- troubles de l'alimentation (anorexie ou boulimie)
- troubles du comportement (auto-mutilation, colères désespérées)
- atteintes neurologiques
- retard mental (certains auteurs pensent que le retard mental concerne 70% des
personnes autistes, ce que contestent d'autres auteurs, qui pensent que l'on sousévalue leurs capacités du fait de leur fonctionnement cognitif particulier)
Les caractéristiques varient selon les individus :
- les premiers signes peuvent être très discrets
- certains signes manquent de spécificité et ne sont pas toujours présents (tableaux
incomplets)
- certaines manifestations peuvent s'observer dans des formes opposées d'un
individu à l'autre (insomnie ou hypersomnie, hypotonie ou hypertonie, hypoactivité ou
hyperactivité)
- certains symptômes peuvent varier avec le temps.
Nous sommes tous différents avec nos qualités, les défauts qui nous sont propres
dans leur expression. Les personnes autistes sont toutes différentes et uniques à la
fois. Il faut les considérer dans leur unicité mais il est nécessaire d’établir un
diagnostic pour adapter la prise en charge.
Il existe différents instruments quantitatifs d’évaluation du syndrome autistique, en
voici quelques uns :
-
BRIACC (Behavior Rating Instrument for Autistic and Atypical Children) de
Ruttenberg et al., il s’agit d’observer des comportements selon huit échelles
quantitatives qui définissent des niveaux de séquence de comportements dans
une trajectoire développementale.
-
BOS (Behavior Observation Scale for autism) adapté par Adrien et al. en 1987
pour la France, permet une définition du comportement par rapport à la classe
d’âge et à l’âge de développement
-
CARS (Childhood Autism Rating Scale) de Schopler adapté en 1985 par Rogé
pour la France, cet outil est issu du programme TEACCH
-
ERC-A (Evaluation Résumée du Comportement Autistique) de Barthélémy
Il existe des instruments mesurant l’évolution des personnes autistes, le PEP (profil
psycho-éducatif) et l’AAPEP (profil psycho-éducatif pour adolescents et adultes), ces
deux outils sont spécifiques au programme TEACCH, ils ont pour caractéristique
principale de prendre en compte l’émergence d’un comportement.
On peut également remarquer l’existence de l’ECSP (échelle d’évaluation de la
communication sociale précoce) qui n’est pas réservée à des personnes autistes
mais qui a fait ses preuves auprès de ce public, en particulier grâce aux travaux de
J.L. ADRIEN.
5- facteurs en cause dans l’autisme
Indépendamment des hypothèses liées à l'environnement qu'il a dénoncées
plus tard, comme nous l'avons vu, Kanner a parlé d'une perturbation innée, avec un
repli extrême présent dès le début de la vie.
Parler de l'autisme en terme de trouble envahissant du développement, c'est
considérer qu'il résulte en partie de désordres au plan de la neurobiologie (discipline
biologique qui étudie le système nerveux) ou au plan de la neuropsychologie (qui
étudie les rapports entre les fonctions psychologiques supérieures et les structures
cérébrales).
Le système nerveux se développe chez un enfant normal entre le stade
embryonnaire et l'achèvement de la myélinisation des axones, vers 3 ans.
Parallèlement au développement du cerveau se mettent en place les fonctions
neuropsychologiques : motricité, sensorialité, langage, socialisation. Tout ce qui, à un
moment ou à un autre du développement, peut porter atteinte au système nerveux,
aura des conséquences sur les fonctions neuropsychologiques qui pourront être
altérées. Dans l'autisme, cela se passe comme si le développement du cerveau
s'effectuait de façon non homogène, avec des carences importantes dans certains
domaines, et des capacités proches de la normale dans d'autres domaines.
Les facteurs en cause peuvent être multiples :
- facteurs génétiques :
Le fait que l'autisme concerne 4 fois plus de garçons que de filles peut laisser
supposer que des gènes liés au sexe puissent être concernés.
Le risque d'avoir un second enfant autiste est 50 à 100 fois plus élevé que pour le
premier. D'autre part, des études internationales sur les jumeaux homozygotes dont
l'un est atteint montrent que le deuxième est atteint également dans environ 80% des
cas.
- facteurs infectieux :
Le fœtus peut être atteint pendant la grossesse par des germes infectieux, ou par
des substances toxiques, qui pourront avoir une répercussion sur le développement
cérébral.
- problèmes prénataux ou périnataux :
Des complications pendant la grossesse, un accouchement difficile ayant entraîné
une anoxie cérébrale, des accidents néonataux, peuvent provoquer des lésions et
atteindre le système nerveux
- atteintes cérébrales
Certaines anomalies du cervelet, de certaines parties du cerveau (retard de
maturation des lobes frontaux) peuvent être parfois associées à l'autisme. On peut
également noter des anomalies d'ordre neurophysiologiques, se traduisant par une
absence de filtrage des informations sensorielles (anomalies des potentiels évoqués
corticaux et du tronc cérébral)
- anomalies métaboliques :
On a pu associer à certains cas d'autisme des anomalies dans les dosages de
neurotransmetteurs (médiateur chimique qui permet à l'influx nerveux de passer
d'une cellule nerveuse à l'autre)
On estime actuellement que l'autisme n'a pas une cause unique, mais qu'il
existe des formes variées d'autisme, dont certaines seraient liées à une
prédisposition génétique, associée à des problèmes infectieux, obstétricaux ou
métaboliques. On ne peut pas exclure que des facteurs psychologiques liés à
l'environnement puissent contribuer à l'apparition des troubles, sans pour autant
qu'ils puissent être considérés comme la cause principale et unique de l'autisme. Uta
FRITH parle d'une « chaîne causale » aboutissant au déclenchement d'un syndrome
autistique : « Il existe quelque part dans la chaîne une cause critique unique, mais
les agents susceptibles d'affecter ce maillon critique sont nombreux et variés ».
II- COMPRENDRE L’AUTISME
Il existe aujourd’hui en France deux grands types de prise en charge :
psychiatrique et éducatif. Mon expérience professionnelle et mes rencontres m’ont
amenée à participer à plusieurs types de prise en charge : éducatif et
pluridisciplinaire. J’entends par « pluridisciplinaire » une prise en charge multiple par
différents
intervenants
ayant
chacun
une
spécialité.
La
prise
en
charge
multidisciplinaire inclue à mon sens une équipe composée de personne d’influence
éducative et d’autres d’influence psychiatrique.
L’étiologie de l’autisme étant mal connue, il me paraîtrait préjudiciable pour la
personne autiste de ne lui apporter qu’un seul type de prise en charge.
On peut répertorier trois types de théories : les théories psychanalytiques, les
théories psychologiques et les thèses des déficits cognitifs spécifiques.
Mon développement est axé sur les thèses des déficits cognitifs spécifiques, il me
paraît incontournable de commencer par présenter la cognition, puis dans un second
temps les déficits liés à l'autisme.
1- la cognition
La théorie cognitive étudie la façon dont l’individu traite les informations
venant de l'environnement. Cette théorie ne réduit pas pour autant l'esprit humain à
sa seule dimension biologique ou neurologique, mais permet d'éclairer un certain
nombre de notions en rapport avec son fonctionnement. Il convient de prendre en
compte également l'intentionnalité, la motivation ou le désir de l'individu, en sachant
qu'il ne peut désirer que ce que son esprit peut appréhender (un enfant de 6 mois ne
peut pas être motivé par la lecture), et ce que son expérience lui permet de
considérer comme désirable.
Définition de la cognition :
Ensemble des opérations mentales qui servent à traiter les informations
venant de l'environnement.
Ces opérations peuvent être schématisées en 3 étapes :
Dans la 1ère étape, les informations deviennent des SENSATIONS
Au départ, l'information est constituée d'un certain nombre de stimuli qui proviennent
du monde extérieur, et qui sont captés par nos entrées sensorielles (la vue, l'ouïe,
l'odorat, le goût, le toucher). Nous sommes en permanence bombardés par des
stimuli, qui ne sont pas tous transformés en sensations, parce que des processus
neurologiques complexes modulent l'intensité de ces stimuli, inhibant les uns et
amplifiant les autres. Ce phénomène est appelé la neuromodulation sensorielle.
Un autre facteur intervient, qui constitue lui aussi un filtre, ou au contraire un
amplificateur : il s'agit de l'attention. Celle-ci dépend essentiellement de 3 facteurs :
- la vigilance
- la motivation
- la compréhension de l'environnement
Dans la 2ème étape, la sensation va se transformer en PERCEPTION
Tous les stimuli venant d'un objet vont être analysés (forme, poids, couleur, odeur,
goût, texture, ...), puis synthétisés et attribués à cet objet, ce qui permet d'associer
les caractéristiques d'un objet à l'objet lui-même. Cette étape permet de dépasser le
stade de la seule sensation pour atteindre celui de la perception, c'est-à-dire
l'ouverture sur un monde d'objets extérieurs indépendants du sujet. Au lieu de se
centrer sur lui-même et sur ses sensations, le sujet se centre sur le monde extérieur
qui lui permet de donner du sens à ces perceptions.
Dans la 3ème étape, les informations ressenties et perçues vont être encodées
(conceptualisées, mises en mémoire).
Dans cette phase, le sujet va classer les informations et élaborer des concepts, ce
qui lui permettra ensuite de les rappeler, de les évoquer mentalement, et d'accéder
au langage.
Sur le plan neurologique, il existe des hypothèses selon lesquelles les deux parties
du cerveau ont pour l'encodage des fonctions spécifiques et complémentaires :
- le cerveau droit utiliserait essentiellement des critères perceptifs phonologiques ou
visuospatiaux, qui permettent de décrire l'objet (c'est rond, c'est orange, c'est
brillant).
- le cerveau gauche utiliserait plutôt des critères abstraits (c'est un fruit). L'encodage
du cerveau, gauche permet la conceptualisation.
Cet encodage utilise deux types de classements : par catégories et séquentiel.
2- les déficits cognitifs spécifiques dans l’autisme
Après avoir présenté la cognition, nous allons aborder les déficits spécifiques. Ils se
décomposent en trois : les problèmes sensoriels, l’attention et les troubles de
l’encodage. Il existe différentes thèses à propos de ces déficits.
2.1- Les problèmes sensoriels
Les personnes autistes ont une défaillance au niveau de la première étape,
celle de la sensation, en raison d'un trouble de la modulation sensorielle, c'est-à-dire
de la capacité de filtrage des stimuli transmis par les organes sensoriels
périphériques : les récepteurs sensoriels fonctionnent bien, mais la modulation est
anormale, allant de la surstimulation à l'inhibition massive. Cela se passe de façon
apparemment imprévisible au niveau de tous les récepteurs : certains ont des
préférences alimentaires inhabituelles (intérêt immodéré pour le salé, le piquant,
voire l'ingestion de matières non comestibles), d'autres ont des réactions bizarres
aux sons (ne réagissent pas à certains bruits de forte intensité, et se montrent
perturbés par des bruits apparemment anodins), certains ne supportent pas d'être
touchés, d'autres reniflent sans arrêt les personnes et les objets.
Temple GRANDIN compare son environnement sonore à un poste de radio
dont on ferait varier l'intensité et la fréquence de manière aléatoire, avec à certains
moments des bruits qui se transforment en véritable supplice («comme la roulette du
dentiste qui atteint un nerf »).
Certains troubles du comportement observés chez des personnes autistes ont leur
origine dans cette incapacité à moduler les stimuli sensoriels. Cela doit nous
conduire :
- à repérer et supprimer les sensations qui sont source de souffrance pour les
personnes autistes, même si elles nous apparaissent banales et ordinaires. Ces
sensations peuvent être différentes d'une personnes à l'autre, et varier d'un moment
à l'autre. Il ne faut donc pas s'étonner si un bruit, bien toléré par une personne autiste
à un moment donné, lui devient l'instant d'après insupportable.
- à envisager les conséquences au plan éducatif : pour faire passer un
message et éviter qu'il ne soit noyé au milieu d'autres stimuli parasites, il faut :
- amplifier le message en le simplifiant
- diminuer tous les autres stimuli
Cette "asepsie4 sensorielle" est à rechercher surtout dans les situations difficiles, et
en particulier lorsqu'il s'agit d'un temps d'apprentissage, ou dans les moments de
surcharge émotive. Mais dans un second temps, lorsque l'enfant aura acquis une
nouvelle compétence, il sera nécessaire de viser à lui permettre de l'utiliser dans la
vie quotidienne, et pour cela de diminuer progressivement l’asepsie sensorielle pour
en arriver aux conditions de la vie normale.
4
asepsie n.f. : méthode, technique visant à débarrasser l’organisme de toute contamination
microbienne. Ici on peut dire stérile neutre, débarrassé des parasites.
Les professionnels, en particulier les éducateurs, doivent prendre en compte cette
nécessité d’« asepsie sensorielle », qui va permettre de faciliter les apprentissages.
L’environnement doit être débarrassé des éléments (sonore, visuel…) pouvant le
parasiter.
Nous devons être très attentifs aux risques de surstimulation. En particulier, la
voix humaine peut être un stimulus supplémentaire qui, au lieu de rassurer l'enfant,
peut lui être insupportable : si un enfant manifeste un trouble du comportement lié à
une
forte angoisse devant quelque chose qu'il ne comprend pas ou ne maîtrise pas, le
fait d'élever la voix pour faire cesser ce comportement peut avoir l'effet inverse de
l'effet recherché, et amplifier l'angoisse de l'enfant.
De la même façon, un fond
sonore ou musical, que nous pouvons considérer comme agréable et apaisant, peut
être source de perturbation empêchant toute concentration pour la personne autiste
sur une tâche précise.
2.2 - L'attention
Nous constatons qu'il est souvent difficile d'attirer l'attention d'une personne
autiste, alors qu’elle peut se concentrer sur la contemplation d'un objet qui tourne,
sur des poussières minuscules ou des jeux d'ombres et de lumière.
Centres d'intérêts différents
Une première explication est que les personnes autistes ont souvent des
centres d'intérêt très différents des nôtres. Du fait de leur déficit de socialisation, et
de leur difficulté à apprendre à travers ce que font les autres, elles ne considèrent
pas comme important et significatif ce qui l'est pour les autres. Elles peuvent se
concentrer sur des détails qui nous apparaissent sans importance, et manifestent
une inaptitude à hiérarchiser l'importance relative des informations. Des détails
mineurs peuvent avoir pour elles autant d'importance que des informations
signifiantes : sur mon lieu de stage, les toilettes ont été refaits pendant les vacances
de Février, une nouvelle cloison pour la douche, trois lavabos, un urinoir. En entrant
dans les toilettes avec un enfant, je m’étonne de ce changement, lui ne fait rien, il va
dans le toilette puis vient me chercher pour me montrer quelque chose. La poignée
de la chasse d’eau a été changée.
Confusion de l'environnement
Une seconde explication est que les personnes autistes ne saisissent pas
nécessairement le sens d’une demande, sortie de son contexte. Pour cela, il est
nécessaire que l'environnement leur soit compréhensible, ce qui nécessite une
structuration, c'est-à-dire un repérage clair de cet environnement. Si je dis à Astrid,
une enfant autiste de mon lieu de stage, « viens travailler » en l'entraînant vers la
table où elle a l'habitude de manger, si elle ne sait pas ce que signifie le mot
« travailler », elle pourra penser qu'elle est là pour manger, et se mettre en colère
parce qu'on ne lui amène pas de nourriture. Elle ne comprendra ce qu'on attend
d’elle que grâce à une organisation qui lui rendra l'espace significatif, en aménageant
des lieux spécifiques pour le travail, pour les repas, pour les jeux solitaires, pour les
activités sociales, etc. Ainsi, elle apprendra progressivement à associer chaque lieu
avec une activité spécifique, ce qui permettra de favoriser son attention sur l'activité.
Distractions
Un troisième élément est de nature à perturber l'attention : les distractions.
Certaines personnes autistes sont tellement concentrées sur leurs sensations
qu'elles ne perçoivent pas nécessairement les messages que nous leur adressons.
Elles sont en permanence parasitées par les informations sensorielles qu'elles ne
peuvent filtrer ou hiérarchiser :
- distraction visuelle : quelqu'un qui se déplace, lumière,...
- distractions auditives : un bruit, même faible, pas forcément perçu par
l'entourage
- distractions internes : désir compulsif de prendre un objet, de fermer une
porte, d'éteindre la lumière,...
Certaines personnes ont tellement de difficultés à concentrer leur attention qu'elles
sont perpétuellement en mouvement, en situation d'exploration. Céline, jeune fille
autiste, n’arrive jamais à se poser, à s’occuper seule, lorsqu’elle prend un livre et
veut le regarder avec moi, elle s’assoit tourne les pages vite fait et range toute l’aire
de jeux. D'autres au contraire semblent limiter cet envahissement de stimuli en se
« fermant » et en se concentrant sur un nombre d'objets restreints, ou en s'adonnant
à des comportements répétitifs et stéréotypés. Astrid, elle, peut jouer des heures
avec des angles de mécano en plastiques ou des cubes gigognes ; elle les emboîte,
les classe par couleur, son jeu est très construit mais répétitif.
Motivation
Un dernier élément empêche les personnes autistes de fixer leur attention : la
motivation. Ce qui nous paraît motivant ne l'est peut-être pas pour la personne
autiste, et inversement, certaines motivations d'une personne autiste nous
apparaîtront bien peu conventionnelles. Il est donc nécessaire de connaître ces
motivations, afin de les utiliser pendant les apprentissages, et pour renforcer ceux-ci
en termes de « récompense ».
2.3 - Troubles de l'encodage
Les personnes autistes ont souvent une bonne mémoire visuelle (mémoire
des lieux, de la place des objets, des itinéraires, parfois des chiffres) ce qui pose
problème pour elles, c'est la classification de l'information, son encodage, de façon
générale son organisation.
LA CLASSIFICATION PAR CRITERES PERCEPTIFS
La classification par critères perceptifs semble s'effectuer correctement chez
les personnes autistes. C'est le point fort sur lequel il est possible de s'appuyer, et il
faudra toujours utiliser des critères visuo-spatiaux pour les aider à se repérer.
Temple GRANDIN, qui n’est qu’un exemple qui nous éclaire et qu’il ne faut
pas généraliser, explique que ses capacités d'évocation d'un concept sont liées à
des images, concrètes correspondant à des souvenirs précis. Si vous demandez à
une personne de penser à un chat, elle aura à l'esprit l'image d'un chat « standard »,
alors que Temple Grandin passera en revue dans sa tête la vidéo de tous les chats
qu'elle a connus. Pour elle, le « chat standard » n'existe pas. De même, le mot
« maison » ou « église » est associé à des images précises des maisons ou des
églises qu'elle a connues (Penser en images).
LA CLASSIFICATION PAR CATEGORIES
Elle implique la notion de concept, à des niveaux différents d'abstraction :
« c'est une orange » : c'est le concept le moins large, c'est également le moins
abstrait « c'est un fruit » : le concept est un peu plus large, un peu plus abstrait
« c'est un végétal » : c'est le concept le plus large, c'est aussi le plus abstrait.
Les concepts les plus larges, les plus abstraits, sont ceux qui véhiculent le
plus d'informations ; ils impliquent par conséquent un traitement plus complexe. Les
concepts les plus abstraits sont donc ceux qui sont les plus difficiles à construire et à
traiter, donc à comprendre et à utiliser. Pour les personnes autistes, il est nécessaire
de tenir compte de cette difficulté, en restant le plus concret possible pour permettre
une meilleure compréhension.
La classification par catégories, qui est la base de la conceptualisation, pose
problème parce qu'elle implique un certain degré d'abstraction, mais aussi parce que
souvent, la construction d'objets n'est pas performante, alors qu'elle est la condition
préalable. C’est la difficulté de faire émerger un concept (c’est à dire de déterminer
les points communs et de « généraliser ») de faire des ensembles.
On peut aussi aboutir de cette manière à des couplages aberrants : la cave
peut de façon logique coder le sous-sol de la maison, mais elle peut aussi coder le
fait d’allumer la lumière, car chaque fois que l'on dit « je vais à la cave », en même
temps on allume la lumière, un enfant autiste peut donc très bien dire « je vais à la
cave » chaque fois qu'on allume la lumière.
De tels codages aberrants sont plus visibles chez les personnes verbales, mais ils
existent aussi chez des personnes non verbales, et sont plus difficiles à repérer.
Prévenir les couplages aberrants, c'est commenter de façon précise l'action ou la
situation, en utilisant des supports physiques (image, mot, phrase, selon les
capacités de la personne).
Quand on allumera la lumière, il faudra montrer la
lumière en disant « lumière », ou « j'allume la lumière », mais pas « nous allons à la
cave », afin que la personne associe les mots « j’allume la lumière » à l’action
d’allumer la lumière, et pas « nous allons à la cave » à l’action d’allumer la lumière.
La théorie de l'esprit
C'est la capacité du sujet à s'attribuer et à attribuer aux autres des « états
mentaux » (croyances, désirs, intentions, sentiments,... ), dans le but de prédire,
d’expliquer et de comprendre un comportement. Elle est donc indispensable pour
pouvoir communiquer normalement avec quelqu'un d'autre, car elle permet
d'interpréter et de comprendre les comportements des autres, et cela dans le but
d’ajuster notre propre comportement. C'est ce qui nous permet de « nous mettre à la
place de l'autre », de nous décentrer de notre propre point de vue pour comprendre
celui de l'interlocuteur. Une déficience de la théorie de l'esprit, constatée chez de
nombreux sujets autistes, entraîne un manque de compréhension de ce que les
autres peuvent ressentir, vouloir, croire, penser, savoir, et une incompréhension de
l'humour, des sous-entendus de la langue.
L’attention conjointe
La capacité de théorie de l'esprit commence à se développer chez l'enfant
normal dès la fin de sa première année, et se manifeste par une association de
comportements constitutifs de l'attention conjointe.
Cette attention conjointe se définit par une orientation de deux ou plusieurs
personnes vers un objet commun, qui se réalise par :
- le regard conjoint
- l'alternance du regard entre l'objet et l'adulte
- le pointage du doigt pour montrer quelque chose
- l'association du sourire
Il s'agit par conséquent de partager un centre d'intérêt commun. Quand l'enfant
utilise ces comportements, c'est bien parce qu'il a l'intention de communiquer
quelque chose à l'adulte qui est près de lui. C'est la base des échanges sociaux.
C'est aussi la base d'une communication, d'abord pré-verbale, puis verbale. En
situation d'attention conjointe, l'enfant ne se limite pas à orienter son regard et à
pointer le doigt en direction de l'objet ; il cherche surtout à partager un état
émotionnel. L’attention conjointe est la capacité d’avoir une attention commune avec
quelqu’un, de regarder ce qu’il regarde et de considérer ce qu’il considère.
Le passage, au cours du développement, de l'attention conjointe à la théorie
de l'esprit est rendu possible par l'accès à la capacité de faire semblant, de simuler,
qui apparaît vers l'âge de 2 ans. Simuler ou faire semblant, c'est pouvoir se faire une
idée de la réalité, et être capable d'avoir une représentation mentale de ce qui est
simulé (la représentation mentale est la capacité qu'a un individu à imaginer et à
évoquer les objets, les actions ou les personnes en leur absence). Cela signifie que
l'enfant peut transformer la réalité par le jeu, tout en sachant ce qu'est véritablement
cette réalité.
Pour les personnes autistes, les fonctions sont altérées : l'attention conjointe, le jeu
de « faire-semblant » et la théorie de l'esprit.
- L'attention conjointe : les enfants autistes ont du mal à avoir une attention
conjointe : ils alternent brièvement le regard entre l'objet et l'adulte, ils peuvent
sourire, mais le sourire est rarement associé au regard alterné ; ils peuvent pointer
du doigt pour obtenir un objet, beaucoup plus difficilement pour montrer quelque
chose.
- La simulation : du fait d'une mauvaise attention conjointe, condition de l'acquisition
de la représentation, l'enfant autiste a du mal à parvenir à la simulation.
- La théorie de l'esprit : du fait de la déficience des étapes précédentes, elle ne peut
pas se mettre en place de façon normale. C'est ce qui explique que les personnes
autistes paraissent vulnérables, perturbées par des situations imprévues, et
éprouvent des difficultés dans les relations sociales. La personne autiste éprouve
des difficultés à comprendre le langage pragmatique soient les ambiguïtés, les sousentendus du langage, l'humour, les intentions des autres.
Les personnes autistes ne parviennent pas à prendre de la distance par
rapport à la réalité perceptive, à laisser de côté leurs propres états mentaux pour
tenir compte de ceux d'autrui ; ils estiment que les autres pensent et ressentent la
même chose qu'eux.
Ce n'est pas parce que les personnes autistes n'ont pas de théorie de l'esprit à un
âge donné qu'ils ne pourront pas l'acquérir plus tard : il y aura un retard, un décalage
dans les acquisitions par rapport à la population normale.
La généralisation
La classification par catégories conditionne également les processus de
généralisation, c'est-à-dire la capacité à reconnaître un concept dans toutes les
situations.
Nous apprenons à appréhender le monde par associations successives, par
analogies, par différences et par généralisation.
Dès son plus jeune âge, l'enfant apprend à catégoriser, classer les informations, les
objets, les situations, les animaux, les moyens de transport, les événements. C'est
ce qui nous permet de nous adapter à une situation nouvelle, en allant chercher dans
notre mémoire des éléments qui, sans être identiques, présentent néanmoins un
certain nombre de similitudes.
Exemple : si je vous parle de vacances au ski, vous pouvez imaginer ce que cela
peut représenter, parce que vous avez une expérience de ce que sont les vacances,
et que vous savez des choses sur le ski et la montagne, grâce à des lectures, des
films ou des émissions de télévision ou par expérience personnelle.
Pour une personne autiste, ce processus est beaucoup plus difficile, car pour
elle, toute situation est nouvelle si un seul élément est modifié : un enfant autiste
peut très bien associer le concept « boire » à un verre particulier et non à l'action
elle-même de boire dans n'importe quel récipient.
Il peut avoir appris à laver
correctement les assiettes, sans savoir que la même technique peut être utilisée pour
laver les verres.
C'est ce qui rend difficile pour une personne autiste de donner un sens à son
expérience, car elle a du mal à établir une relation entre les idées et les événements.
Elle peut s'attacher au sens général, et pas nécessairement au sens contextuel.
Exemple : dans le film « Rain Man », RAY s’engage sur le passage piéton
lorsque le bonhomme est vert, lors de sa traversée le bonhomme passe au rouge,
RAY s’arrête : on ne bouge pas lorsque le feu est rouge. Il ne pense pas aux voitures
qui vont démarrer et au danger mais à ce qu’on lui a appris : ne pas traverser au
rouge !
C'est la raison pour laquelle le langage constitue une difficulté importante pour
les personnes autistes : l'interprétation est littérale, et la dimension symbolique est
très difficile à percevoir pour elles, de même que les métaphores ou le sens différent
donné à un même mot en fonction du contexte. Comment faire la différence, par
exemple, entre les différents sens du mot « pied », selon que l'on parle du pied d'un
être humain, du pied de la table, du pied d'un verre, sans parler du pied de la
montagne ou du pied du mur ? Aaron, jeune autiste verbal ne comprenait pas que
l'on puisse dire que le pictogramme était accroché « sur » le mur, car pour lui on
devait dire que le pictogramme était accroché « devant » le mur.
LA CLASSIFICATION SEQUENTIELLE
Ce classement permet de ramener à un concept un ensemble d'informations
reçues successivement. Par exemple, se laver les mains, c'est ouvrir le robinet, se
mouiller les mains, mettre du savon, frotter, rincer, essuyer. Le codage des
informations permet non seulement de reconnaître chaque geste, mais aussi de les
ordonner pour les réaliser dans une succession logique. Une personne autiste qui a
mal encodé le concept de se laver les mains pourra très bien commencer par mettre
le savon sur les mains, les essuyer, puis ouvrir le robinet. Plus le nombre de
séquences est important, plus ce type de traitement séquentiel est difficile.
Problèmes d'organisation
L'encodage séquentiel concerne la capacité à retenir les séquences dans le
bon ordre. C'est ce qui permet de concevoir des tâches complexes, de s'organiser.
Cela nécessite d'intégrer plusieurs éléments afin d'obtenir le résultat recherché.
L'aptitude à s'organiser est déficiente chez les personnes autistes, en raison
du déficit au niveau des capacités d'encodage séquentiel, car elle nécessite de se
concentrer à la fois sur la tâche immédiate, et sur le résultat désiré. C’est le déficit de
la fonction exécutive.
Nous demandons à Maximilien d’aller s’habiller pour aller dehors, il met son pull qui
se trouve au porte-manteau. Il comprend le concept « s'habiller », mais pas
nécessairement le concept « comment s'habiller », en fonction du temps qu'il fait, de
l'activité qu'il doit faire, des circonstances.
Clarification de l'environnement
De même, il faut les aider à faire les choses dans le bon ordre, et pour cela
donner des indications précises et claires pour que le but recherché puisse être
atteint, en décomposant les tâches complexes en parties élémentaires, en visualisant
le début et la fin de l'activité (importance du concept « TERMINE », qui permet de
comprendre la finalité des choses).
Par exemple, Alexandre, en colonie de vacances, commence par se coiffer, et
ensuite prend sa douche, il n'a pas nécessairement compris que les différentes
étapes devaient se dérouler dans un certain ordre : d'abord se déshabiller, puis se
mouiller, mettre du savon sur le gant, se savonner, se rincer, se sécher, se rhabiller,
et en dernier lieu se coiffer.
Il faut montrer à la personne les différentes étapes, concrétisées par le moyen
qu'elle peut comprendre, afin qu'elle puisse faire les choses dans le bon ordre. Les
moyens de concrétisation peuvent être des objets, des images, des photos, des mots
écrits,
des
indications
verbales
schématiques,
en
fonction
des
capacités
d'abstraction et de conceptualisation de l'individu. Il faut être le plus explicite
possible, car ce qui nous paraît évident ne l'est pas nécessairement pour la personne
autiste.
La notion de "fin"
La « fin », c'est-à-dire la finalité (c'est ce qui donne le sens de l'action), mais
c'est aussi le terme, l'achèvement au sens temporel.
Or, le temps est une notion abstraite, difficile à saisir pour une personne autiste, car
elle se réfère à une donnée non visible. C'est pourquoi il est important de structurer
la journée par un emploi du temps, qui informe à tout moment l'enfant sur ce qui est
passé, et sur ce qui reste à faire.
De cette manière, on augmente la zone de
prévisibilité, et on diminue la zone d'incertitude, souvent source d'angoisse.
La prise en compte des troubles cognitifs de la personne autiste nous conduit
à mettre en œuvre une éducation individualisée, en effet l’intensité des troubles
cognitifs est variable en fonction des personnes, comme partout il ne faut pas
généraliser, mais cela est nécessaire pour dresser un tableau :
- les capacités de chaque individu sont particulières, ce qui implique une évaluation
très complète des compétences, des points forts et des points faibles, dans tous les
domaines ; cette évaluation doit se réaliser avec des outils adaptés, et être revue
périodiquement.
- il est indispensable de structurer l'environnement, d'adapter ses caractéristiques en
le rendant clair pour la personne, et en diminuant les sources de confusion et de
souffrance.
3- le comportement
Les comportements indésirables ou inadaptés des personnes autistes sont souvent
liés à leur incompréhension et à leur manque de connaissance des situations
sociales, ainsi que leurs aspects convenus Il est rare qu'elles soient délibérément
agressives, même si elles peuvent avoir des comportements violents.
Si elles
"désobéissent", ce n'est peut-être pas l'expression d'un processus volontaire et
conscient, mais le résultat d'un manque de compréhension du sens de ce qui leur
était demandé.
Elles peuvent aussi être submergées par les stimuli sensoriels
qu'elles ne savent pas filtrer.
Astrid fait une colère alors que nous allons prendre le métro ; nous avons expliqué
aux enfants où nous allions, pourquoi et comment. J’essaie de calmer Astrid, en
vain ; sur un bout de papier, je dessine brièvement un théâtre et le montre à Astrid,
elle se calme. Astrid ne semblait pas avoir compris notre destination, lorsque nous
l’avons explicité oralement.
Les troubles du comportement sont liés à des déficits sous-jacents. C'est au
niveau de ces déficits que nous devons travailler, et non du comportement lui-même,
qui ne constitue que la partie émergée de l'iceberg.
Intervenir directement au niveau du comportement indésirable relève d'une
démarche comportementaliste ou de conditionnement. Cette démarche peut être
utilisée dans des circonstances qui doivent rester exceptionnelles (si l'enfant se met
en danger, par exemple). Mais il vaut mieux chercher à comprendre ce qui explique
ces comportements, pour agir sur les causes, et non sur les effets que l'enfant ne
peut pas toujours comprendre ou maîtriser.
3.1- la résistance au changement
La résistance au changement est une cause fréquente de troubles du
comportement. Pour nous, le différent est excitant, stimulant. Les vacances sont
l'occasion de changer de cadre, d'activités. Pour un enfant autiste, le changement
est angoissant, car les repères qui le sécurisent sont modifiés, et la situation
nouvelle ne peut pas être rattachée à des expériences antérieures.
Un enfant autiste peut être sensible à un changement de personne dans son
entourage, mais aussi à des changements ressentis chez une même personne, que
ce soit son apparence physique (coiffure, vêtements) -Antoine remarque les
changements de chaussures chez toutes les personnes de l’équipe- ou son humeur,
voire ses tensions que l'enfant perçoit souvent très bien (certains parents disent que
leur enfant autiste est "une éponge", un "buveur d'ambiance"). C'est ce qui explique
que les enfants autistes sont souvent plus à l'aise avec les objets, qui sont toujours
les mêmes, et donc plus rassurants. L'ordinateur est à cet égard un outil souvent
apprécié des enfants autistes, car il a des réponses qui ne dépendant pas de son
humeur, et on peut se tromper dix fois de suite sans qu'il se mette en colère !
Pour aider l'enfant à gérer les changements, on va ménager des espaces de
transitions lorsqu'il doit changer d'activité, il va dans une aire bien définie et repérée,
où il trouvera les indications nécessaires pour comprendre, à partir de son emploi du
temps, ce qui va se passer ensuite, et où il doit aller. L'introduction des changements
doit être progressive : on va introduire un changement à la fois, sans changer les
autres éléments.
3.2- le jeu
Beaucoup d'enfants autistes ne savent pas jouer spontanément, et ne
considèrent pas cela comme une activité agréable. Il est souvent nécessaire de leur
apprendre comment on joue, comme si c'était un travail. L'objectif est de leur
enseigner comment gérer leurs temps de loisirs et devenir plus autonomes dans ce
domaine.
On va utiliser des activités qui sont attrayantes pour eux, à partir de leurs goûts de
leurs intérêts. Même le jeu doit être structuré, pour être compréhensible par l’enfant.
Les personnes autistes ont des aptitudes très inégales selon les axes de
développement, et nous devons toujours vérifier que ce que nous disons est compris.
Certaines personnes autistes peuvent réaliser des performances particulières qui
peuvent masquer des difficultés spécifiques. Une bonne compréhension intellectuelle
apparente peut cacher un manque de compétence dans la compréhension des
situations sociales.
3.3- comportements répétitifs et obsessionnels
Les personnes autistes manifestent souvent une grande obstination pour
obtenir ce qu’ils désirent : objet, expériences sensorielles, comme le fait de toucher
les choses, les gens de répéter des rituels complexes. Ces comportements semblent
avoir une grande importance pour ces personnes, mais certains de ces rituels ne
sont pas acceptables socialement, comme toucher les gens, les renifler, se
masturber en public… Il faut donc pour favoriser l’insertion sociale, faire disparaître
ces comportements inacceptables au profit des rituels acceptables.
Les personnes autistes sont, comme nous l’avons vu, toutes uniques et
différentes. L’autisme est très complexe dans son expression, il convient donc de
proposer une prise en charge adaptée aux besoins spécifiques des personnes
autistes. Cette prise en charge individuelle et évolutive en fonction des progrès des
personnes doit être menée par une équipe pluridisciplinaire.
Deuxième partie
De la communication
Aux communications
Dans cette seconde partie, nous allons aborder la communication, à travers la
théorie dans un premier temps puis à travers des approches communicatives, des
outils qui peuvent aider les personnes autistes à communiquer.
I- LA COMMUNICATION ?
Dans un premier temps nous définirons la communication, puis dans un
second temps, nous nous attacherons à expliciter les déficits de communication
présents dans l’autisme.
1- définition
Au cours des cinquante dernières années, plusieurs modèles de
communication ont vu le jour. Plusieurs sont dérivés du premier modèle proposé par
Shannon et Waever, en 1949, qui représentait la communication comme un acte par
lequel une source quelconque communique de l’information à un récepteur, par le
biais d’un transmetteur :
Représentation schématique du modèle de Shannon et Weaver
Source
d’information
Transmetteur
message
récepteur
signal
signal
émis
reçu
Source d’interférence
destination
Bien que ce modèle ait permis de grandes avancées, certains chercheurs ont
souligné que plusieurs aspects de la communication humaine ne correspondent pas
au modèle. En effet, dans la plupart des interactions sociales, l’émetteur d’un
message est aussi le récepteur de la réaction provoquée chez son interlocuteur.
De plus, l’information relayée n’est pas toujours perçue de la même manière
par chacun d’entre eux. Cela dépend, en effet, des motivations et du contexte dans
lesquels se trouvent les deux parties.
Le processus de communication apparaît aujourd’hui comme un processus en
boucle et non linéaire, et complexe où les actions sont interdépendantes.
Il semble que ces deux points fassent défaut aux personnes autistes, les
empêchant ainsi d’accéder à la communication : ils n’ont, en effet, pas conscience
d’être impliqués dans un processus complexe qui engage autant l’autre qu’eux. De
plus, le sentiment d’empathie, si nécessaire à la communication, leur fait défaut.
En effet pour communiquer, il faut avoir conscience de l’autre, pour attirer son
attention et lui envoyer un message. Ce message doit être compréhensible par
l’autre pour que la réponse soit adaptée. Il semble que les difficultés de
communication des personnes autistes se trouvent dans le signal, le message. Tout
semble se passer comme si nous n’avions pas le bon code pour déchiffrer le
message. Pour les personnes autistes, il semblerait qu’elles ne parviennent pas à
trier tous les messages qui leur sont envoyés. Un peu comme un micro qui enregistre
tous les sons y compris les bruits de fond parasites et pas seulement celui qui nous
intéresse.
On peut définir deux types de communication :
- La communication non verbale, on la définit habituellement
comme toute forme de communication utilisant un véhicule autre que la voix. Selon
Patterson (1983), cette forme de communication remplit plusieurs fonctions : elle
véhicule nos sentiments, régularise les conversations, exprime l’intimité, la volonté
de contrôle et sert de support à la communication verbale. Elle peut se faire par des
expressions faciales, expressions du regard, le langage du corps et le toucher.
Malgré tout ce qu’elle permet, cette communication comporte, d’après Schneider,
Hastolf et Ellsworth (1979), un certain nombre de limites quant à l’importance de
l’information qu’il est possible de véhiculer, la clarté des signaux et la conscience que
les interlocuteurs ont de ce code.
- La communication verbale est un outil plus sophistiqué et
plus précis qui permet de rendre compte de la complexité des relations humaines.
Elle inclut l’aspect verbal, relié à la langue (articulation, syntaxe, prosodie…), et
l’aspect para verbal qui concerne tous les phénomènes accompagnant l’usage de la
langue (hésitation…). C’est un outil plus sophistiqué et plus complexe, en particulier
dans le cas des personnes autistes.
La communication s’établit à plusieurs niveaux ou buts :
Demander : envoyer un message pour signifier ce que l’on veut.
Attirer l’attention : indiquer à une personne qu’on veut échanger.
Commenter : faire ressortir des caractéristiques personnelles ou de l’environnement
immédiat (objets, personnes).
Donner des informations : répondre à une question posée ou faire ressortir les
caractéristiques d’une personne, d’un objet, d’un environnement pas directement
perceptible.
Chercher de l’information : poser une question à un interlocuteur pour obtenir une
réponse.
Autres : exprimer des sentiments
routines sociales
Comme nous l’avons vu, l’acte de communiquer peut avoir plusieurs formes et
différents desseins. Nous verrons dans un deuxième paragraphe, les troubles
spécifiques des personnes autistes, afin de mieux comprendre leurs difficultés en
matière de communication.
2-Les troubles de la communication chez la personne autiste
Selon le DSM IV, trois critères définissent la pathologie autistique :
-
altération des interactions sociales
-
aspect restreint répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des
activités
-
altération des capacités de communication verbale et non verbale
Dans ces trois critères nous nous intéresserons, plus particulièrement, à l’altération
des capacités de communication verbale et non-verbale.
Comment peut-on définir ce critère ?
Marcelli D., dans son livre Enfance et psychopathologie, l’explique ainsi :
« Le langage n’apparaît pas à l’âge habituel et cette absence de langage
ne s’accompagne d’aucune tentative de communication gestuelle ou
mimique. Il n’y a pas de jeu de « faire-semblant », pas de jeu d’imitation
sociale.
Quand le langage apparaît, on note des particularités : outre le retard, il
existe une écholalie immédiate ou retardée (répétition comme en écho de
ce que vient de dire l’interlocuteur), une prosodie particulière monotone,
saccadée, factice, une inversion pronominale (utilisation du « tu » ou du
prénom pour se nommer soi-même) ; la syntaxe reste souvent pauvre,
retardée, l’expression des émotions est le plus souvent absente en
dehors de l’expression d’angoisse. Si le niveau de compréhension du
langage est habituellement supérieur au niveau d’expression, on note
cependant des anomalies : l’enfant comprend surtout les ordres simples,
les mots concrets, les injonctions à réaliser une tâche simple. L’échange
plus complexe entraîne au mieux une perplexité, au pire un refus. »
Les troubles spécifiques de la communication sont complexes et hétérogènes selon
les individus autistes. L’éducateur spécialisé doit permettre aux personnes autistes
d’acquérir des outils qui vont pouvoir faciliter leur autonomie quotidienne. Permettre
à une personne de pouvoir communiquer et donc d’avoir des interactions sociales,
c’est lui permettre d’augmenter sa capacité d’autonomie. Nous verrons dans une
seconde partie qu’il existe, pour cela, différents moyens pour aider ces personnes à
communiquer, l’éducateur peut aussi utiliser des outils spécifiques.
II-
APPROCHE
EDUCATIVE :
LES
COMMUNICATIONS
ALTERNATIVES, AUGMENTEES ET FACILITEES
Les approches communicatives sont des moyens qui permettent de faciliter la
communication des personnes ayant des difficultés à comprendre et à se faire
comprendre. Nous aborderons dans un premier paragraphe les différents niveaux de
communication et dans un second les outils dont dispose l’éducateur.
1- Les différents niveaux de communication
La communication est une capacité importante et difficile à maîtriser : si l'enfant a un
besoin, il doit pouvoir faire comprendre ce besoin à quelqu'un, en espérant que ce
besoin sera satisfait –c’est la communication au niveau de demande. S'il souffre, il
doit pouvoir le faire savoir à quelqu'un de son entourage, afin que cette souffrance
puisse être soulagée –c’est l’expression d’un sentiment qui peut entraîner une
réponse de l’entourage. S'il veut exprimer un désir, faire part d'un choix, il devra
communiquer ce désir, ce choix, pour qu'il soit compris et pris en compte.
Beaucoup de personnes autistes ne parlent pas, mais sont capables de
communiquer.
L'objectif est d'orienter les modes de communication pour qu'ils
soient fonctionnels. La colère d'un enfant, c'est une communication. L’enfant ne
cherche pas forcément une réponse de notre part, il s’agit peut-être seulement d’une
information : je suis en colère. Mais nous devons nous interroger sur les raisons de
cette colère et c’est peut-être en ces termes que l’enfant attend une réponse. Il
exprime quelque chose, que nous devons comprendre et décoder. Mais nous
voulons que des modalités plus élaborées, plus compréhensibles aussi, se
substituent à ce mode de communication "brut".
Il existe plusieurs niveaux de communication, utilisables en fonction des capacités de
chaque personne :
1- Communication motrice : l'adulte guide la main de l'enfant pour lui faire prendre
un objet (communication réceptive), l’enfant prend la main de l'adulte pour l'amener
jusqu'au robinet (communication émettrice).
2- Par objets : l'adulte montre un verre pour signifier à l'enfant qu'il peut boire
(communication réceptive) ; l'enfant tend son verre parce qu'il veut boire
(communication émettrice).
3- Par images : (photos, dessin, pictogramme). L'utilisation de l'une ou l'autre de ces
représentations dépend de l'enfant: Pour certains, la photo est plus facile, parce que
plus fidèle à la réalité. Mais pour d'autres, il y a dans une photo des détails non
significatifs et superflus (des objets à l’arrière plan), qui peuvent rendre difficile la
compréhension. Dans ce cas, le dessin plus ou moins schématique ou symbolique
est plus clair pour l'enfant.
4- Par mots écrits : un certain nombre d'enfants autistes peuvent apprendre des
mots écrits signifiants, même s'ils ne parlent pas, et même si la lecture formelle n'est
pas acquise.
5- Par signes : cela peut parfois être utilisé, mais cela présente quelques
inconvénients : peu d'adultes dans la société comprennent le langage des signes,
d'autant plus que les signes doivent être adaptés à l'enfant (la LSF utilisée pour les
sourds est trop complexe pour pouvoir être utilisée par des enfants autistes). De
plus, le signe est quelque chose de fugitif : si l'enfant ne fait pas attention au moment
précis où on fait le signe, il ne peut pas comprendre.
6- Le langage : utilisé, bien sûr, pour ceux qui en ont la capacité.
Il faut, pour chaque enfant, trouver le système de communication le plus pertinent,
qui va lui permettre de comprendre, et aussi de se faire comprendre, d'exprimer ses
désirs et de les voir satisfaits. Beaucoup de troubles du comportement résultent
d'une incapacité à communiquer, et de la frustration qui en découle.
Il faut aussi trouver le mode de communication le plus facile à utiliser par l'enfant,
même si on essaie toujours de tendre vers le plus élaboré. A cet égard, l'utilisation
du langage, si évidente pour nous, constitue pour beaucoup d'enfants autistes une
difficulté majeure, car elle met en jeu des processus neurophysiologiques et
neuropsychologiques extrêmement complexes, défaillants chez la personne autiste
en raison de ses troubles cognitifs.
Il faut garder à l’esprit que la communication prend du sens lorsqu’elle s’inscrit
dans un échange, dans une relation. Nous communiquons tous pour obtenir quelque
chose.
2- Les outils
C’est maintenant que le rôle de l’éducateur me paraît le plus important. La
théorie est incontournable, c’est elle qui oriente la pratique.
L’éducateur a les enfants et les adultes face à lui. Il doit mettre en place un échange,
une relation, établir une confiance entre lui et la personne pour que leur travail
commun porte ses fruits.
Mon travail de recherche porte en particulier sur les enfants, sur leur prise en charge
et sur les outils que l’éducateur peut leur apporter pour palier les déficits de
communication.
J’ai choisi de traiter trois outils : les pictogrammes, le makaton et la communication
facilitée.
Le pictogramme est l’outil que l’on associe le plus souvent à l’autisme et qui
est le plus utilisé. C’est un outil que je connais depuis environs cinq ans. Il est utilisé
avec les personnes autistes car le message passe par le canal visuel et c'est
semble-t-il celui qui est le plus performant chez les personnes autistes. On parle de
communication alternative.
Le makaton est un outil que j’ai découvert durant mon stage à responsabilité
éducative, il m’a intrigué dans ce qu’il nécessite dans sa mise en place et son
utilisation, ainsi que dans son apparente complexité.
La communication facilitée est un outil que j’ai découvert également il y a cinq
ans,
grâce à un enfant autiste. J’ai pu un peu plus tard avoir de nouvelles
expériences, prendre du recul et réfléchir. Je sais à quel point cette technique est
controversée aujourd’hui, mais je désirais parler de mon expérience, de mon vécu,
de ma pratique.
2.1- Les pictogrammes ou communication alternative
Le terme pictogramme est défini de façon consensuelle comme tout support
visuel de communication portant un symbole qu’il soit image, photo, dessin, ou mot.
Cet outil est utilisé avec les personnes autistes, parce qu’il semble que le canal
visuel soit le plus performant chez ces personnes.
Dictionnaire le petit Larousse :
Pictogramme : n.m. Dessin, signe d’une écriture pictographique.
Pictographique : adj. Se dit d’une écriture dans laquelle les concepts sont
représentés par des scènes figurées ou par des symboles complexes.
Le pictogramme est un outil de communication mis en place dans de nombreux
établissements médico-éducatifs.
Mon exploration sur les outils de communication alternative débutera donc par une
enquête auprès des professionnels, en particulier des éducateurs, travaillant avec
des personnes autistes.
Voici deux exemples de pictogrammes, à gauche une image et à droite un dessin.
Ce pictogramme est une photo de l’ordinateur, en réel.
Mes expériences antérieures et pendant la formation m’ont permis de m’interroger
sur cet outil ; Je présenterais brièvement deux exemples d’enfants utilisant des
pictogrammes.
J’ai découvert les pictogrammes, il y a cinq ans, avec l’aide de Vincent. Je
trouvais que c’était idéal, que si cela marchait pour lui, cela devait être mis en place
pour tous.
Maximilien était dans mon groupe de stage, les pictogrammes ne sont pas utilisés
formellement pour tous les enfants. Mais pour Maximilien c’était nécessaire.
Vincent est un jeune garçon autiste de 10 ans. Il ne parle pas mais
communique à l’aide d’un petit nombre de gestes personnels signifiant «maman »,
«le prénom de son éducatrice », «son lieu de vacances », ou «centre aéré », après
avoir attiré l’attention d’une tierce personne. Ses outils de communication sont
restreints. Vincent utilise les pictogrammes présents dans son institution et chez lui,
avec aisance ; mais à l’extérieur, en visite, en intégration c’est beaucoup plus
compliqué. Il apprend quelques signes de la langue des signes française (LSF), mais
ces signes deviennent rapidement trop complexes pour lui. Ses éducatrices mettent
en place un lexique sous forme de petit classeur, où sont répertoriées plusieurs
catégories : les légumes, les viandes, les sucreries et gâteaux, les moyens de
transport, les activités, les photos des personnes de son entourage…
Vincent peut alors avoir ce classeur toujours sur lui et l’utiliser si besoin. Il ouvre le
classeur, va à la catégorie désirée et pointe l’image ou le mot.
Maximilien est un jeune garçon autiste âgé de 9 ans. Il parle mais n’utilise pas ce
langage pour communiquer. Il communique avec des cris ou des coups, lorsqu’un
bruit le dérange, il crie ; s’il est en colère ou content il tape. A table, Maximilien
n’arrive pas à signifier ce qu’il veut, autrement qu’en mettant la main dans le
plat…ce qui n’est pas aisé lorsque le plat est éloigné. Maximilien comprend la
symbolisation des images et des dessins. Pour le repas, les éducatrices mettent à
sa disposition des pictogrammes, pour les différents plats (photos), l’eau, le pain
(dessin), ainsi qu’un pictogramme signifiant «je veux ». Lorsque Maximilien prend
un pictogramme les éducatrices verbalisent sa demande. Au bout de quelques
mois, Maximilien peut laisser les pictogrammes et utiliser des mots pour dire ce
qu’il veut.
Les personnes autistes présentent des déficits de la communication. Les deux
observations montrent que l’on a pu utiliser les pictogrammes avec des enfants
présentant deux types de déficits. On peut toutefois s’interroger sur l’utilisation de cet
outil avec ce public.
Le pictogramme est-il un outil privilégié ?
Doit-il être le seul outil ?
Dans quelles conditions et avec quelles personnes peut-on l’utiliser ?
Les pictogrammes nécessitent l’utilisation du canal visuel, qui semble être le plus
performant chez les personnes autistes.
Mon hypothèse de départ est la suivante : les pictogrammes sont à utiliser avec tous
les enfants autistes pour palier leurs déficits de communication.
J’ai choisi d’utiliser les questionnaires (27) pour mon enquête, car ils
permettent de garder l’anonymat (peut-être alors d’obtenir des réponses plus
sincères), de poser des questions simples (fermées), de gagner du temps et de
toucher une large population.
Les entretiens (2) m’ont permis d’approfondir les questions qui me paraissaient
importantes, et encore sans réponse après l’analyse des questionnaires. (voir
annexes)
Comme je l’ai expliqué, usuellement on considère par pictogramme tout
support visuel de communication qu’il soit image, dessin, photo ou mot.
Il faut toutefois comprendre que chaque forme de pictogramme a son propre intérêt.
La photo c’est la présentation au sens strict de la réalité, c’est une présentation
concrète mais également pleine d’informations. La photo peut représenter le réel de
l’enfant, par exemple sa table de travail telle qu’elle est aujourd’hui. Mais ce peut être
également une photo présentant une table de travail comme la sienne mais qui n’est
pas la sienne.
L’image et le dessin sont par définition imagés et généralisateurs de l’information,
pour reprendre l’exemple, la table de travail devient sur le dessin une table, type
écolier, simple, l’image, elle, peut être issu de magazines, de livre, d’abécédaires…
La représentation de la réalité peut devenir symbolique, elle fait alors appel à des
notions de généralisation, de conceptualisation.
Il semble important voire primordial que le pictogramme soit adapté, propre à la
personne (qu’elle ait participé au choix des pictogrammes, que ceux-ci soient
adaptés à son niveau de développement, de compréhension, à ses centres
d’intérêts). Le professionnel se doit de prendre en compte la personne, avec ses
envies, ses difficultés, sa sensibilité, ses centres d’intérêt…
De plus, il semble qu’il y ait une nécessaire évolution dans le sens où il faut que les
pictogrammes soient réactualisés constamment, en fonction de l’évolution de la
personne, que l’on puisse accéder à une généralisation (exemple : pour dire
«chien », on utilise d’abord la photo du chien de la personne, pour ensuite parvenir à
l’image d’un chien en général).
L’implication des familles, son association au projet éducatif individuel, ainsi
que dans la mise en place et l’utilisation des pictogrammes apparaît nécessaire. Elle
doit donc, en premier lieu, participer au choix des pictogrammes, sachant qu’elle est
souvent la mieux placée pour trouver l’image ou la photographie la plus pertinente
pour l’enfant. Aussi, si on souhaite que les pictogrammes soient utilisés à l’intérieur
et à l’extérieur de la structure, il est important qu’éducateurs et familles les utilisent
de façon cohérente et complémentaire.
Le fait qu’un pictogramme ne puisse avoir qu’un sens permet de
beaucoup simplifier la communication, et rassure ainsi l’éducateur qui a l’impression
de communiquer avec le jeune. Pourtant, en temps que professionnel, l’éducateur se
doit d’être attentif à multiplier les pictogrammes afin d’augmenter le vocabulaire
transcrit, permettant d’enrichir l’échange.
Le pictogramme répond effectivement à plusieurs difficultés propres à
l’autisme, en utilisant le canal visuel - qui est une préférence observée chez les
personnes atteintes d’autisme - : obtenir une communication, comprendre et se faire
comprendre, favoriser l’expression des désirs et des émotions, cela reste malgré tout
encore très difficile, il existe des pictogrammes «de sentiments» mais les personnes
autistes les utilisent rarement : Antoine, autiste de bon niveau, ne sait pas adapter
son attitude à ce qu’il ressent, lorsqu’il se fait mordre violemment, il rit de façon
étrange. Il ne va pas prendre le pictogramme, si on ne le lui demande pas, alors qu’il
le ferait seul pour d’autres choses.
Exemple de pictogrammes pouvant permettre l’expression des ressentis.
Pour faciliter la communication, expression et compréhension, des personnes
autistes le pictogramme n’est pas le seul outil, il ne faut surtout pas oublier le
langage mais aussi l’écrit ou les gestes.
Il ressort de l’ensemble des entretiens que l’utilisation des pictogrammes ne
permet pas suffisamment l’expression des ressentis et des sentiments de la
personne autiste.
On observe deux causes majeures à cette difficulté :
-
l’outil en lui-même est essentiellement utilisé pour favoriser l’action, le choix et
représente le plus souvent des images concrètes (objet, personne…).
-
une des difficultés majeures de la personne autiste réside dans l’impossibilité
à exprimer ce qu’elle ressent (douleur, joie, tristesse, envie…).
On peut également se poser la question de la représentation de mots tels que «oui »
ou «non ».
On peut également se demander ce qu’il est possible d’utiliser avec les
personnes les plus déficitaires. L’utilisation de l’objet ne peut-elle pas être la
première étape pour ces personnes ?
L’utilisation
des
pictogrammes
semble
souvent
entraîner
une
forme
de
conditionnement. Mais on peut supposer que ce n’est pas lié à l’outil lui-même. Le
conditionnement n’est-il pas présent dans toute forme d’éducation, auprès de toute
personne ? (exemple : punition, récompense).
Le pictogramme fait appel à trois niveaux de communication : par image, par mots
écrits et par le langage.
Il faut aussi prendre en compte la communication par objets qui peut être dans un
premier temps, le type de communication correspondant le mieux aux capacités de la
personne. Ensuite, le pictogramme peut être introduit en commençant par les centres
d’intérêts de la personne. Le pictogramme permet de mettre de la distance par
rapport à l’objet et de replacer la personne dans un échange avec une tierce
personne.
L’utilisation des pictogrammes comme outil de communication doit se faire dans une
démarche d’équipe et en prenant en compte la personne autiste dans ses désirs, ses
capacités, ses motivations…
L’utilisation des pictogrammes permet de travailler l’attention conjointe : la
personne prend le pictogramme correspondant à sa demande, va le montrer à un
éducateur en attirant son attention pour qu’il réponde à la demande. Elle requiert une
motricité adaptée : l’enfant doit se déplacer vers le tableau de communication pour
prendre le pictogramme et le montrer à l’adulte ou bien choisir dans son cahier le
pictogramme et le montrer à l’adulte.
Utiliser des pictogrammes ne se réduit pas à prendre en compte les capacités
de la personne et à adapter les représentations, il faut aussi apprendre à la personne
à prendre le pictogramme et à attirer l’attention de l’éducateur.
Astrid est une jeune autiste qui sait utiliser les pictogrammes. Sa principale
difficulté réside dans le mouvement nécessaire pour prendre le pictogramme : le
déplacement du corps pour aller au tableau, puis de la main vers le pictogramme.
Elle sait ce qu’elle veut et n’a pas de difficulté de préhension. Sa difficulté c’est
l’initiation. Elle peut réussir sa démarche si l’adulte la stimule par le geste ou la
parole.
L’observation de la personne est primordiale pour adapter l’outil de
communication. Astrid a des difficultés d’initiative et non de compréhension, c’est
pour cette raison qu’elle utilise peu les pictogrammes.
2.2- Le makaton ou communication augmentée
Le MAKATON utilise le pictogramme, le geste, la parole.
Ce support de communication est créé en 1972 en Angleterre, par trois
professionnels dont les prénoms Margaret, Karen et TONy forment le nom MA-KATON.
IL est mis en place depuis 1977 en Angleterre.
Ces trois professionnels étudient pendant cinq ans des discussions pour en ressortir
les mots les plus employés selon l’âge des personnes.
Les mots sont ensuite classés par niveaux et représentés par des symboles simples
qui à la différence des pictogrammes ne sont pas toujours figuratifs, mais peuvent
être « codés ».
Cette étude donne lieu à la création d’un ensemble de pictogrammes.
L’objectif est de faciliter une communication.
Lorsque j’ai découvert ce support de communication, j’ai été très étonnée. En effet, il
semble
que les personnes autistes aient besoin d’une asepsie sensorielle pour
faciliter leur compréhension et en utilisant ce support on envoie trois types
d’informations : visuelle par l’image, visuelle par le geste, et auditive.
Exemples de pictogrammes et de gestes du makaton
Pictogrammes symbolisant des états émotionnels, issus du makaton
Pictogrammes symbolisant des verbes, issus du makaton
Pictogramm es du m akaton utilisant un code
On associe le pictogramme « ami » et le geste « ami »
J’ai découvert le makaton sur mon lieu de stage où Antoine et Céline, deux enfants
autistes de 10 et 11 ans, l’utilisent. Ils ne parlent pas mais utilisent des mots
monosyllabiques pour se faire comprendre. Le Makaton a été mis en place par leur
orthophoniste. Nous avons du alors mettre en place dans le groupe, les
pictogrammes relatifs à ce support. Antoine et Céline ne se contentent plus de nous
montrer un pictogramme mais peuvent faire des phrases à l’aide des pictogrammes
makaton.
Au lieu de dire «o » lorsqu’ils ont soif, ils peuvent écrire : « je veux boire de l’eau ou du jus »
(voir les pictogrammes).
Ce support m’a beaucoup étonnée, de part son fonctionnement et son utilisation et
d’autre part dans sa complexité.
Comment un outil utilisant trois messages en même temps peut-il simplifier la
communication ?
Comment des personnes autistes ayant du mal à généraliser, à conceptualiser les
évènements peuvent-elles comprendre des pictogrammes aussi complexes ?
Afin de mener mon enquête, je suis partie de l’hypothèse selon laquelle un outil aussi
complexe n’est pas une aide pour la communication des personnes autistes.
Malheureusement, je ne connais qu’un seul établissement où le Makaton est
pratiqué. Et mes recherches ne m’ont pas permis d’en trouver d’autres. Mon enquête
en est pour cette raison réduite. J’ai dans un premier temps opté pour le
questionnaire, mais les réponses ont été très peu nombreuses (2). J’ai alors décidé
de réaliser des entretiens (2). (voir annexes)
Cet outil a deux fonctions de communication, d’abord il permet de transmettre à un
message à la personne autiste, mais il permet aussi à la personne autiste de
s’accaparer les outils et de les utiliser à son tour pour communiquer.
La formation des professionnels est nécessaire préalablement à la mise en
place de cet outil.
Cet outil a pour objectif de faciliter, dans un premier temps la compréhension des
personnes autistes face à un message. Le travail de l’éducateur est alors de se faire
comprendre par l’enfant.
L’utilisation de trois messages différents (visuel gestuel, visuel pictogramme, et oral)
semble augmenter les chances de compréhension de la personne. En effet chaque
personne peut alors focaliser son attention sur un des messages
L’éducateur parle et signe (fait avec les mains les signes de la LSF) en même temps,
au mieux il montre les pictogrammes.
L’éducateur n’utilise que les mots et pas la grammaire de la Langue des Signes
Française (LSF). Exemple, l’éducateur veut dire à l’enfant qu’ils vont faire une
promenade en forêt ; l’éducateur signe «forêt » et «promenade », le verbe peut être
signifié par un pictogramme. Au début, l’éducateur ne signe que les mots importants ;
l’enfant pourra alors utiliser les signes simples pour formuler une demande.
Des temps d’apprentissage sont mis en place pour l’enfant, d’abord individuellement
puis par petits groupes. L’apprentissage prend en compte le niveau et la capacité de
chaque enfant auxquels ont fait correspondre les niveaux des mots.
Cet outil qui peut apparaître complexe dans son utilisation et sa
compréhension, offre en réalité une communication très simplifiée. L’éducateur doit
en effet simplifier son expression pour pouvoir signer (faire le geste) les mots
importants. La phrase prononcée est alors réduite aux mots les plus importants. La
personne autiste reçoit alors un message assez concret et simple ce qui facilite la
compréhension.
Même si tous les enfants de l’établissement n’utilisent pas le makaton pour
s’exprimer, le fait d’être baignés par des gestes, des mots et des images crée un
environnement favorable à la compréhension et même à la communication : des
enfants spontanément pointent ou inventent des gestes pour se faire mieux
comprendre.
Je n’ai pu trouver qu’un établissement pratiquant le makaton, cela semble dû au fait
que cet outil est complexe dans son utilisation. Toute fois, le code des pictogrammes
me paraît intéressant à utiliser avec des enfants autistes.
Dans mon groupe de stage, tous les enfants comprennent la signification des
pictogrammes, alors que j’ai parfois du mal…
2.3- Le pointage ou communication facilitée
La communication facilitée (CF) a été mise au point en 1987 en Australie par
Rosemary Crossley avec des patients atteints de lésions cérébrales. Elle a été
reprise avec des personnes autistes et introduite dans différents pays (usa, Canada,
Royaume-Uni, Nouvelle Zélande…).
La CF est introduite en France en 1993 par une orthophoniste, A.M. Vexiau qui crée
un centre de formation (EPICEA) pour les professionnels.
La CF est une technique qui permet à des personnes présentant des troubles
sévères de la communication de s’exprimer en désignant du doigt des objets, des
images, des symboles, des mots écrits ou des lettres pour épeler des mots.
Au départ, les personnes autistes ne peuvent exécuter le mouvement de
pointer qu’avec l’aide d’un «facilitant » qui soutient leur poignet en isolant l’index et
régule le mouvement sans toutefois le diriger. Ce geste de facilitation permet de
compenser les troubles neuromoteurs présents chez les personnes autistes.
La communication facilitée nécessite la mise en place de différents outils, et pas
uniquement un ordinateur.
Tout d’abord elle nécessite la formation de l’éducateur au rôle de facilitant. En effet
l’éducateur doit apprendre à sentir le geste de l’enfant après avoir isolé l’index des
autres doigts de l’enfant.
La première étape consiste à travailler le geste de pointage. L’enfant et le facilitant
doivent apprendre à travailler ensemble. Il s’agit de proposer à la personne des choix
ou des questions auxquels elle répond en pointant le mot, l’image…
Le but est de conduire la personne à s’exprimer seule.
Le geste de facilitation permet de cadrer le mouvement, le soutien crée une relation
affective qu’on ne peut nier. Ce geste crée la confiance entre les deux partenaires.
Il permet de palier le déficit d’initiative présent chez les personnes autistes. En effet
les personnes autistes sont parfois apraxiques.
L’installation de la personne a une grande importance : table à bonne hauteur, bonne
assise, pieds à plat sur le sol, plan de travail incliné, tableau de communication ou
clavier placé face à l’épaule. Le contexte peut varier et évoluer par la suite.
Cette technique est controversée, il n’existe pas de validation scientifique.
Astrid n’est pas verbale. Elle est depuis une semaine très irritable et
capricieuse.
Pourtant elle fait de gros progrès et nous la complimentons toujours sur les efforts
qu’elle fournit. Lorsqu’elle fait une colère Astrid s’isole dans l’infirmerie pour se
calmer, parfois avec notre aide. Mercredi, elle a beaucoup de mal à quitter
l’infirmerie. Nous décidons de parler avec elle pour comprendre ce qui ne va pas.
Astrid sait pointer mais pas encore seule, pas tout le temps. Nous commençons avec
le oui/non, c’est une feuille partagée en deux où sont inscrits de part et d’autre d’une
ligne le oui et le non.
Est-ce que tu ne te sens pas bien dans le groupe ?
-
Astrid pointe seule le non.
Est-ce que quelqu’un te dérange dans le groupe ? (nous pensons à Antoine qui
la taquine beaucoup)
-
Astrid pointe seule le non
Est ce que quelque chose ne va pas à la maison ?
-
Astrid pointe seule le non
Elle s’énerve et pointe la photocopie du clavier.
Je prend la photocopie du clavier d’ordinateur et la place sur une pochette
cartonnée. Astrid est assise à côté de moi.
Je prend sa main droite avec ma main droite. Je tiens la pochette avec ma main
gauche devant Astrid.
Astrid isole seule son index, je soutiens le poignet. Elle tape les lettres une à une et
tape l’espace entre les mots :
JE DOIS DEVENIR GRANDE POUR PLAIRE A TOUT LE MONDE
DUR TRAVAIL POUR GRANDIR
Nous demandons à Astrid si elle est contente de grandir, elle pointe seule le oui.
Nous lui demandons si elle veut qu’on l’aide plus, elle pointe oui.
Astrid est détendue, elle n’est plus crispée et affiche un large sourire. Elle se lève et
retourne dans le groupe.
Lorsque j’ai entendue parler de communication facilitée pour la première fois,
j’étais surprise. Cette technique permet à des personnes n’ayant pas le langage de
s’exprimer. Certaines ne savent pas lire ou du moins la preuve n’en est pas faite, et
parviennent à s’exprimer et à dire, par le clavier, leurs sentiments, leur ressentis…
Je ne me lancerais pas dans le débat opposant ceux qui pensent que c’est en fait le
facilitant qui tape et ceux qui défendent cette technique à corps perdu.
Mon hypothèse est la suivante : la communication facilitée permet aux personnes
autistes grâce au pointage de s’exprimer librement.
L’enquête a été réalisée à partir de questionnaires (10) et d’observations au
cours de séances d’orthophonie, dans lesquelles la communication facilitée est
pratiquée. Ces observations et questionnaires m’ont amenée à des discussions avec
l’orthophoniste et des membres de l’équipe, ce qui m’a permis de collecter des avis
contraires. (voir annexes)
Cette communication doit être adaptée à chaque personne. Les questions, les
choix, les mots utilisés doivent l’être en fonction des capacités de compréhension et
d’expression de la personne.
Cet outil peut être utilisé avec toutes les personnes autistes dans la mesure où elles
le souhaitent et sont disponibles. Il doit être utilisé comme un moyen d’ouverture et
non de test.
Ce moyen d’expression n’est pas spontané bien sûr parce qu’il nécessite la
participation d’une tierce personne : le facilitant. Il faut solliciter la personne,
l’utilisation dépend de son désir et de sa volonté à communiquer. La communication
facilitée n’est pas le langage, c’est un outil de communication.
Mais cet outil permet de poser l’attention, la concentration, d’ouvrir l’esprit du
jeune sur le monde extérieur, sur l’art, la connaissance à travers des lectures et des
échanges en CF sur le point de vue de la personne.
Après avoir lu un livre, une petite sœur différente, l’orthophoniste demande à Astrid si
elle veut dire quelque chose à son frère et à sa sœur.
Elle tape pour son frère : TU AS VIE DAMOUR POUR MOI
Et pour sa sœur : TU ME PRETE TES AFAIRES
La communication facilitée permet à la personne autiste d’exprimer ses sentiments
profonds, les préoccupations du moments, les solutions à des problèmes de la vie de
tous les jours. Elle permet le choix.
Antoine a un comportement très difficile depuis quelques temps, il est hypotonique
avec des moments de très grande agressivité.
Il tape : JE DERRERE TRES BIZARRE FIGURE TRES FORT TRAVAIL DE TENUE
Un jour après m’avoir mordu, il tape : TU DOIS COMPRENDRE POURQUOI JE
MORDS
REGARDE MON VISAGE ET REGARDE MES YEUX ET TU SAURAS
JE TAIME BIEN MEME SI JE MORDS
Elle replace la personne sans langage en tant que sujet et change le regard de
l’entourage sur la personne handicapée.
La communication facilitée est une étape pour la communication si la personne a
suffisamment d’autonomie pour taper seule ensuite.
Elle est surtout un moyen d’apprentissage, une étape vers le langage oral pour
certains, pour d’autre elle restera facilitée mais permettra néanmoins la
communication.
Astrid tape : JE PENSE POUVOIR PARLER PAR LA BOUCHE TRES BENTOT
Ou JE SAIS PENSER POURPARLER
PARLER RESTE UN MYSTERE
Antoine tape : TROP DUR POUR MOI DE FAIRE LES SONS EN CE MOMENT
Il est important de savoir où on va et ce que l’on attend de l’utilisation de cet outil.
L’équipe est concernée dans sa totalité. Les parents doivent aussi dans le meilleur
des cas être partie prenante.
CONCLUSION
Les personnes autistes sont des personnes à part entière, dans leur individualité
et leurs caractéristiques.
Dans la première partie, nous avons abordé le particularisme de ce syndrome
dont l’étiologie est mal connue. Sa caractéristique principale est que l’expression
des troubles n’est pas homogène dans les différents domaines (cognition,
communication, motricité…).
Les prises en charge dans les établissements doivent prendre en compte à la
fois la spécificité de ce handicap - on comprend alors l’intérêt de l’existence
d’établissements accueillant spécifiquement des personnes autistes - et
l’individualité des personnes.
La prise en charge éducative, entre autre, doit donc être individuelle et
répondre aux besoins spécifiques de la personne.
En ce qui concerne la communication, c’est la même chose.
L’apprentissage doit être individuel. Chaque personne est unique, l’outil de
communication doit être adapté à cette personne. Le choix de tel ou tel outil est
difficile, en effet on ne peut pas faire correspondre un trouble à un outil, du moins
pas de façon aussi simpliste.
L’outil de communication mis en place pour une personne doit lui
correspondre et répondre à ses attentes. Il existe peu de certitudes et peu de
moyens de vérification. Il ne faut donc pas privilégier un outil à un autre.
L’éducateur doit s’adapter aux besoins et aux caractéristiques de la personne.
La formation et l’apprentissage sont aussi importants pour la personne autiste
que pour les professionnels et en particulier les éducateurs.
Je possédais déjà des connaissances sur l’autisme avant d’entamer ma
formation. La formation, les stages et le mémoire m’ont permis d’approfondir
mes connaissances et de perfectionner ma pratique.
J’ai pu à travers le stage et le mémoire prendre conscience de la difficulté à
répondre aux besoins de la personne autiste, de la difficulté à évaluer ses
compétences, et donc à mettre en place un projet individualisé. Cependant
l’individualisation des prises en charge est un moteur qui doit permettre à l’éducateur
de maximiser sa pratique en la remettant en question.
L’apprentissage de la communication des personnes autistes est un
apprentissage à long terme, mais l’éducateur peut se rendre en compte de l’efficacité
ou non de ce qu’il propose, et alors agir en conséquence.
Mais quelle joie et satisfaction, d’obtenir une réponse : un mot, une image, un
signe...
ANNEXES
Les pictogrammes ............................................... I
- questionnaires.................................................... I
- entretiens ........................................................... VII
Le makaton............................................................ XII
- entretiens ........................................................... XII
La communication facilitée .............................. XIV
-questionnaires ..................................................... XIV
LES PICTOGRAMMES
COMPTE-RENDU DU QUESTIONNAIRE
Les questionnaires ont été distribués à tous types de professionnels :
éducateurs spécialisés, psychologues, aides médico-psychologiques, instituteurs
spécialisés, psychomotriciens, infirmières, moniteurs éducateurs ; dans diverses
établissements accueillant des personnes autistes, en majorité des enfants et
des adolescents ou jeunes adultes.
1) Quelles sont pour vous les difficultés de communication des personnes
autistes ?
-intentionnalité de l'autre et de soi : 7 réponses
-absence de langage verbal : 6
-difficulté à exprimer ses sentiments : 5
-difficulté d'initiative : 4
-repli sur soi : 4
-n’ont pas les outils pour entrer en communication : 4
-difficulté à entrer en relation : 3
-difficulté de compréhension : 3
-difficulté d'imitation gestuelle et verbale : 2
-stéréotypies verbales, écholalie : 2
-pas de langage approprié : 1
-difficulté d'attention et d'écoute : 1
-difficulté de compréhension hors contexte : 1
-manque d'intérêt : 1
-langage gestuel : 1
2) Quels moyens utilisez-vous pour entrer en communication avec les
personnes autistes ?
-
le langage : 26 réponses
-
l'écrit : 21
-
les gestes : 21
-
le regard : 19
-
les mimiques faciales : 18
-
les pictogrammes : 18
-
le pointing : 16
-
l'imitation : 16
-
la langue des signes : 8
-
autre: 9 (objets: 2/ feeling : 1/ corps : 1/ makaton : 1/ photo informatique : 1/
toucher : 1/ construction de phrases par pictogrammes : 1/ le jeu : 1)
3) Ces moyens sont-ils définis dans le projet d'établissement ?
-
oui : 17
-
non : 10
4) Selon vous sont-ils pertinents ?
- oui : 22
- non : 3
pourquoi ?
- s’ils sont adaptés aux capacités, besoins et désirs de chaque personne : 10
- utilisation de plusieurs canaux de communication : 3
- favorisent une meilleure compréhension : 2
- s’ils sont compréhensibles et utilisables par les différents milieux de la
personne : 2
- tous les moyens et supports sont pertinents lorsqu'il s'agit de communication :
1
- aide pour exprimer les envies, les émotions : 1
5) Ces moyens sont-ils adaptés en fonction de la personne autiste ?
- oui : 27
- non : 0
6) Y a-t-il des temps spécifiques d'apprentissage de la communication ?
- plusieurs : 19
- aucun : 5
- un : 3
Pouvez-vous donner un ou plusieurs exemples ?
- vie quotidienne : 14
- atelier de communication : 7
- temps des repas : 5
-
orthophonie : 3
7) Connaissez-vous l'outil pictogramme ?
- oui : 27
L'utilisez-vous ?
- oui : 22
- non : 5
8) Quels types de pictogrammes utilisez-vous ?
- photos : 19
- mots associés : 17
- dessin : 16
- image : 16
- pictogrammes Makaton : 1
9) D'où proviennent les pictogrammes ?
- photos : 17
- dessins : 15
- catalogue : 13
- makaton : 2
- code Grach : 1
-
autres : 8 (logiciels informatiques : 2/ créations des professionnels : 2/
morceau signifiant d'emballage : 1/ imagier Nathan : 1/ pictogrammes des USA :
1/ pictogrammes Emasme : 1)
- sans réponse : 1
10) Qui choisit les pictogrammes ?
- professionnels : 20
- personne autiste : 12
- parents : 10
11) L'usage des pictogrammes doit-il se faire précocement ?
- oui : 19
- non : 8
12) Quels sont les avantages de cet outil ?
- obtenir une communication : 5
- se faire comprendre, comprendre ce que l'on attend de soi : 4
- utilise le canal visuel (préférence pour les personnes
autistes) : 4
- expression des désirs, des émotions : 3
- favorise l'autonomie à l'intérieur et à l'extérieur de la structure : 2
- permet de mieux comprendre le déroulement de la journée : 2
- rassure : 2
- apprentissage de la lecture et de la syntaxe : 2
- moyen concret : 2
- notion de choix : 1
- compréhensible par tous : 1
- demander/répondre : 1
- donner un moyen de communication : 1
- évite l'agressivité, incomprise par l'entourage : 1
- favorise le développement des initiatives : 1
- développe l'autonomie physique et verbale : 1
- favorise l'intégration : 1
- permet une structuration de la pensée : 1
- la photo peut être adaptée à l'enfant : 1
13) Quelles sont les limites de cet outil ?
- difficile d'exprimer les affectes, les sentiments, communication très «
matérielle » : 5
- difficile de représenter les symboles : 3
- doit laisser la place au langage : 3
- pas adapté aux personnes les plus déficitaires : 2
- utilisable à l'extérieur : 2
- lorsqu'il y a début de verbalisation, les pictogrammes pourraient freiner
tout langage : 1
- ritualisation des conduites : 1
- limite la spontanéité : 1
- communication essentiellement duelle : 1
- difficile de discriminer les différents éléments du pictogramme : 1
- difficulté à pointer le pictogramme, à fixer son attention : 1
- difficulté, de compréhension des pictogrammes : 1
- pas de limite, ne restreint pas le développement de la communication : 1
14) L'utilisation des pictogrammes est-elle un étape dans l'apprentissage de
la communication ?
- cela ne doit être qu'une étape : 4
- ne doit pas se substituer au langage : 2
- étape importante : 2
- oui, permet de créer un lien émetteur/récepteur : 1
- doit s’inscrire avec spontanéité dans le quotidien : 1
- oui, avant de généraliser : 1
- oui, aide au développement du langage : 1
- non : 1
TRAITEMENT DES ENTRETIENS
Deux professionnels ont été interviewés : un éducateur spécialisé, une
orthophoniste. (durée de l’entretien : 30 minutes)
Première question : En tant que professionnel, qu’est ce qui motive le choix
de
l’utilisation de l’outil pictogramme ?
•
L’absence de communication verbale.
•
L’observation d’un désir de communication chez la personne autiste.
•
L’impératif d’avoir un émetteur et un récepteur pour mettre en place
des pictogrammes
•
Quand il y a absence de communication verbale, le pictogramme peut
permettre d’amorcer un système de communication.
• L’outil pictogramme, utilisé mal à propos, peut réduire ou fermer
toute forme de communication.
•
Il y a nécessité de placer la personne autiste dans un bain
linguistique parallèlement.
• Pour les personnes particulièrement déficitaires, l’outil pictogramme
est intéressant car il met à la fois en place le visuel et le mouvement
du corps. Dans ce cas, la technique du pointage sera essentiellement
utilisée.
•
Cet outil reste un moyen parmi d’autres à offrir à la personne autiste
face aux difficultés de communication rencontrées. Se limiter à
celui-ci, c’est prendre le risque de laisser passer d’autres sources
d’informations, informations qu’il faudra toutefois sélectionner.
• Le pictogramme devra être individualisé
selon les
besoins de la
personne. Toutefois, il y a nécessité d’harmoniser les pictogrammes
afin qu’ils deviennent un moyen de communication davantage
accessible, pouvant être utilisés par les professionnels, les parents,
voire sur l’extérieur.
• Il existe d’autres moyens à utiliser et des méthodes pour arriver au
même résultat.
Question 2 : Il nous semble que l’utilisation des pictogrammes peut induire
une forme de conditionnement de la personne. Qu’en pensez-vous ?
•
Oui, c’est indéniable car le pictogramme enferme dans une
expression et un graphisme. Le mot réduit à un symbole, se
limite à une représentation unique et revêt une seule
signification.
•
Ce moyen de communication peut rassurer l’intervenant, sans
que celui-ci ne se pose plus de question et ne s’interroge
davantage sur la finalité de l’outil proposé.
•
Il y a nécessité d’une bonne observation des réactions de la
personne autiste quand sont proposés les pictogrammes.
•
Il est indispensable que l’outil pictogramme soit parfaitement
adapté aux besoins de la personne et non chercher à ce que le
jeune s’adapte à ce moyen.
•
Selon moi, le pictogramme représenté par des photos, donne
une communication plus dynamique. On parle du vécu de
l’enfant.
•
Le pictogramme est mis en place pour que l’enfant s’occupe
seul, ne se mutile pas, et prenne de la distance par rapport à l’
adulte.
•
Le pictogramme peut aider l’enfant verbal dans l’apprentissage
de la lecture.
•
L’outil
pictogramme
peut
devenir
une
forme
de
conditionnement d’où la nécessité d’une très grande vigilance.
•
L’outil pictogramme reste un outil temporaire
•
C’est une forme de conditionnement mais ce n’est pas
forcément négatif. Il existe dans tout système éducatif une
forme de conditionnement. Il reste important que celui ci ait
un sens, qu’il soit riche en informations, et que la personne
puisse aller au-delà de ce moyen de communication.
•
Le risque d’enfermement existe inévitablement, notamment
avec des personnes autistes extrêmement ritualisées. Ceci
dit, le pictogramme permet une forme de communication.
•
Le risque peut être limité si le pictogramme n’est utilisé
comme outil unique.
•
L’outil pictogramme stigmatise la personne en tant que
personne déficitaire dans sa relation à l’autre.
•
Proposer ce type d’outil, ce n’est pas aider la personne autiste
à s’insérer dans une vie sociale.
Question 3 : Il nous semble impossible d’exprimer les sentiments les
ressentis par le biais de pictogrammes. Qu’en pensez-vous ?
•
Les pictogrammes ne nous permettent pas d’aller très loin dans
l’expression très profonde des sentiments.
• Le pictogramme a certes ses limites mais ce n’est pas uniquement le
pictogramme qui enferme la personne autiste mais davantage
l’autisme qui est responsable d’un certain isolement.
•
Il ne faut pas accorder plus de valeur aux pictogrammes qu’ils n’en
ont. Face à une réaction identique (la colère), il est souvent difficile
d’en identifier la cause réelle (douleur, mal être, mécontentement), il
est donc nécessaire de sérier les pictogrammes.
•
C’est à l’éducateur de faire le bon choix du pictogramme afin de
limiter le risque d’interprétation.
•
L’outil pictogramme n’a pas la prétention de viser un langage
universel.
•
On ne peut pas matérialiser tous les ressentis de manière graphique,
dans ce sens, le pictogramme est limité dans l’expression des
sentiments.
•
Le pictogramme reste un outil qui peut permettre de travailler
certains apprentissages sociaux mais face à la personne autiste qui
éprouve certaines difficultés à appréhender le monde qui l’entoure et
à prêter une intentionnalité à l’autre, le pictogramme
L’empathie, l’imagination font appel à des mécanismes
est limité.
cognitifs
défaillants chez la personne autiste.
•
Le pictogramme reste limité pour exprimer des sentiments. Il montre
la relation de cause à effet sans pouvoir être davantage précis.
Question 4 : L’utilisation des pictogrammes ne nous semble pertinente que
s’ils sont utilisables à l’extérieur de l’établissement. Est-ce concrètement
réalisable ?
•
C’est réalisable s’il y a adhésion de la famille, si l’entourage s’y
associe.
•
Le pictogramme crée de la distance par rapport à l’objet et met
du lien.
•
Difficile de l’utiliser sur l’extérieur, toutefois cet outil permet
de faire des choix à l’intérieur de l’institution, choix qu’il n’aurait
pas pu faire sans ce support dans un premier temps et qui parfois
peut être réutilisé à l’extérieur, notamment dans la famille.
•
On ne peut pas leur demander de faire de l’hyper communication
sous prétexte qu’ils ont des pictogrammes.
•
L’institution reste un milieu protégé ou cet outil est identifié. Ce
n’est pas le cas sur l’extérieur.
•
L’outil pictogramme n’est pas
inefficace
même s’il n’est pas
utilisé sur l’extérieur.
•
Le pictogramme est utilisé en premier lieu pour permettre une
bonne adaptation de l’individu dans son milieu, pas tellement dans
un contexte inconnu.
•
Le pictogramme, dans sa généralité, reste très réducteur et
l’ouvrir sur l’extérieur peut paraître difficile.
•
Cette forme de communication doit pouvoir généraliser des
acquis pour affronter l’extérieur, mais le monde a la particularité
d’être imprévisible, ce qui déstabilise la personne autiste.
Le MAKATON
TRAITEMENT DES ENTRETIENS
Deux entretiens ont été réalisés avec un éducateur spécialisé et une
orthophoniste travaillant dans un établissement d’accueil pour enfants et
adolescents autistes.
Le Makaton est utilisé dans cette structure.
La durée des entretiens est de 20 minutes.
Question 1 : en tant que professionnel qu’est-ce qui motive le choix de
l’utilisation de l’outil makaton ?
• permet d’offrir aux enfants le maximum de repères signifiants dans la
communication
• la multiplication des formes de la même information permet à l’enfant de
se saisir de ceux qui lui sont le plus aidant
• ce mode de communication qui associe langage-geste-pictogramme donne
plus de repère et aide la concentration
• cet outil permet de simplifier la communication et de la recentrer sur
l’essentiel
• permet la structuration de la pensée
• permet une meilleure compréhension du message
• l’enfant communique, il peut s’exprimer grâce à cet outil
Question 2 : Le makaton semble être un outil complexe, nécessite-t-il un
apprentissage spécifique ?
• La première formation est celle des professionnels
• nous mettons en place des temps spécifiques d’apprentissage pour les
enfants, après avoir évaluer leurs capacités
• deux types d’apprentissage (gestes et pictogrammes makaton) :
formel : individuel et collectif par groupes de niveau
informel : chants avec gestes, travail à l’ordinateur, repas
• L’éducateur sont les premiers à proposer l’utilisation de cet outil pour
l’enfant, mais les autres acteurs s’en emparent par la suite le plus souvent
•
outil
d ‘apparence
complexe
mais
qui
facilite
véritablement
la
communication, du point de vue de l’adulte qui simplifie au maximum ses phrases
qui deviennent plus facilement compréhensibles par l’enfant grâce aux gestes et
à l’image ;
• du point de vue de l’enfant à qui l’éducateur apporte les outil pour
s’exprimer
Question 3 : Cet outil peut-il s’utiliser avec toutes les personnes autistes,
quelques soient leurs capacités ?
• oui, si on se place du côté de la compréhension du message, simplifier le
message ne peut être que bénéfique pour la personne
• Le bain de geste aide l’enfant à mieux comprendre
• les temps d’apprentissage leur permettent de s’approprier les outils
• l’évaluation des capacités de l’enfant est nécessaire
• tous n’ont pas les capacités (motrices) de l’utiliser, mais le fait que
l’adulte l’utilise les aide
Question 4 : L’utilisation du makaton est peu répandue en France, que se
passe-t-il après votre établissement ?
• un travail de collaboration est mis en place avec les établissements
accueillant nos jeunes
• si le jeune n’utilise plus cet outil dans l’avenir, il lui aura apporté une
structuration de la pensée, développé son attention conjointe (regarder l’autre
pour reproduire les gestes)
• l’enfant a pris conscience de ses capacités de communication
• les parents formés pour la plupart peuvent continuer à l’utiliser
• l’établissement est un environnement structuré, les personnes autistes
sont rarement seule dans un environnement inconnu
LA COMMUNICATION FACILITEE
TRAITEMENT DES QUESTIONNAIRES
Les questionnaires ont été distribués aux membres d’équipes pluridisciplinaires.
Le traitement concerne 10 questionnaires.
1) Quelles sont pour vous les difficultés de communication des personnes
autistes ?
- compréhension : 5
- transmission : 4
- inhibition : 4
- attention : 2
- conceptualisation : 3
- motivation : 1
2) quels moyens utilisez-vous pour entrer en communication avec les
personnes autistes ?
- écrit : 8
- mimique : 8
- geste : 9
- pictogrammes : 8
-imitation : 3
- pointage : 8
- langage : 9
- regard : 9
- LSF (langue des signes française):4
- corps : 3
- ordinateur : 1
-dessin : 1
- CF (communication facilitée) : 4
- PECS : 1
- rituel : 1
3) Ces moyens sont-ils adaptés en fonction de la personne autiste ?
- oui : 10
- non : 0
4) Connaissez-vous la communication facilitée ?
-oui : 10
- non : 0
l’utilisez-vous ?
-oui : 4
- non : 6
5) La communication peut-elle s’utiliser avec toutes les personnes autistes ?
- oui : 4
- non : 6
Si non, pourquoi :
- problème pour dépasser les émotions
- problème de capacité (pour taper seul)
- problème du désir
6) Quelles sont, selon vous les conditions préalables a la mise en place d’un
tel outil ?
- formation des professionnels : 8
- évaluation des capacités de l’enfant : 4
- participation famille : 3
- travail en équipe : 2
- motivation de l’enfant : 1
- respect des écrits : 1
- validation scientifique : 1
- relation de confiance : 1
7) L’usage de la communication facilitée doit-il se faire précocement ?
- oui : 6
- non : 4
8) Quels sont, selon vous, les avantages de cet outil ?
- expression des sentiments : 6
- la personne retrouve sa place de sujet : 2
- permet de faire des choix : 6
- permet d’améliorer l’attention et la compréhension : 4
9) Quels sont, selon vous, les limites de cet outil ?
- communication non spontanée : 6
- capacité à pointer : 4
- respect et utilisation des écrits : 6
- n’est pas une étape dans la communication : 1
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