Partie I : les troubles bipolaires - Service Central d`Authentification

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UNIVERSITE DE NANTES
UFR DE NANTES
ECOLE DE SAGES-FEMMES
Diplôme d’état de sage-femme
TROUBLES BIPOLAIRES ET PERINATALITE
BUTON Ludivine
Née le 13 juillet 1983
Directeur de mémoire : Dr GUITTON Bernard
Promotion 2002-2007
1
Sommaire
Introduction …………………………………………………………………………………1
Première partie : Généralités sur les troubles bipolaires…………….2
1. Définition …………………………………………………………………………………2
2. Historique ………………………………………………………………………………...2
3. Epidémiologie ……………………………………………………………………………3
4. Retentissement des troubles bipolaire ……………………………………………..4
4.1. Retentissement familial …………………………………………………………….4
4.2. Retentissement professionnel …………………………………………………….4
4.3. Risque médico-légal ………………………………………………………………..4
4.4. Risque de suicide …………………………………………………………………..4
4.5. Aspects médico-économiques …………………………………………………….5
5. Classification …………………………………………………………………………….5
6. Origine du trouble bipolaire …………………………………………………………..7
6.1. Les facteurs génétiques …………………………………………………………...7
6.2. Les facteurs environnementaux …………………………………………………..7
7. Clinique …………………………………………………………………………………...8
7.1. L’état dépressif majeur …………………………………………………………….8
7.2. L’état maniaque …………………………………………………………………….8
7.3. L’état hypomaniaque ………………………………………………………………9
8. Problèmes des comorbidités ……………………………………………………….10
8.1. Les conduites addictives ………………………………………………………....10
8.2. Les troubles anxieux ……………………………………………………………...10
8.3. Les troubles des conduites alimentaires …………………………………….....10
9. Traitements et prise en charge psychothérapeutique ………………………….11
9.1. Le piège diagnostique …………………………………………………………….11
9.2. Présentation des médicaments utilisés dans le traitement des troubles
bipolaires …………………………………………………………………………..11
9.3. Le traitement des épisodes aigus dépressifs ………………………………….13
9.4. Le traitement des épisodes aigus maniaques …………………………………13
9.5. Le traitement des récidives ………………………………………………………14
9.6. Les avancées pharmacologiques ……………………………………………….14
9.7. La prise en charge psychothérapeutique : la psycho-éducation …………….14
2
Deuxième partie : Troubles bipolaires et Périnatalité….………….…16
1. Généralités ………………………………………………………………………….…..16
1.1. Les réalités épidémiologiques …………………………………………………...16
1.2. La complexité de la prise en charge de ces grossesses ……………………..16
2.Problématiques ………………………………………………………………………...17
2.1 L’influence de la grossesse sur la pathologie bipolaire ………………………..17
2.2 L’influence de la pathologie bipolaire sur la grossesse ………………………..17
3. Médicaments et grossesse …………………………………………………………..20
3.1. Le lithium …………………………………………………………………………..22
3.2. L’acide valproïque et la carbamazépine ………………………………………..27
3.3. L’olanzapine ……………………………………………………………………….30
3.4. La lamotrigine ……………………………………………………………………..32
3.5. L’oxcarbazépine …………………………………………………………………..33
3.6. La rispéridone ……………………………………………………………………..34
3.7. L’aripiprazole ………………………………………………………………………34
4. Apparition d’accès aigus pendant la grossesse ………………………………...36
4.1. Conduite à tenir face à un état dépressif ……………………………………....36
4.2. Conduite à tenir face à un état maniaque ou hypomaniaque ………………..36
4.3. Conduite à tenir face à un état psychotique …………………………………...36
5. Accouchement …………………………………………………………………………37
6. Prise en charge néonatale en salle de naissance et pendant le séjour en
maternité ………………………………………………………………………………..38
7. Suites de couches …………………………………………………………………….39
7.1. La reprise du traitement ………………………………………………………….39
7.2. La surveillance du nouveau-né ………………………………………………….39
7.3. La contraception …………………………………………………………………..40
8. L’allaitement ……………………………………………………………………………40
9. Psychose puerpérale et évolution vers la maladie bipolaire ………………….42
9.1. Définition et épidémiologie ………………………………………………………..42
9.2. Aspect clinique …………………………………………………………………….42
9.3. Traitement ………………………………………………………………………….42
9.4. Evolution …………………………………………………………………………...43
9.5. Vulnérabilité et facteurs de risque ………………………………………………43
3
10. Psychopathologie de la maternité ……………………………………………….45
10.1. Du côté maternel ………………………………………………………………..45
10.2. La constitution du lien mère-nouveau-né …………………………………….45
10.3. Les conséquences psychopathologiques chez l’enfant …………………….45
11. Prévention ……………………………………………………………………………46
11.1. Les unités mère-enfant ………………………………………………………….46
11.2. La place du père …………………………………………………………………47
11.3. Le rôle de la sage-femme ………………………………………………………47
11.4. Modèle suisse …………………………………………………………………...49
Conclusion ………………………………………………………………………………..50
Bibliographie
Annexes :
Annexe 1 : Autoquestionnaire de Angst
Annexe 2 : Le traitement des épisodes aigus dépressifs
Annexe 3 : Le traitement des épisodes aigus maniaques
Annexe 4 : Le traitement des récidives
Annexe 5 : Document d’information destiné aux patientes recevant du lithium et
ayant un désir de grossesse
Annexe 6 : Questionnaire simple qui pourrait être proposé dans le dossier
obstétrical de la patiente
4
« L’esprit a son propre lieu de résidence et peut transformer un paradis
en enfer et un enfer en paradis » .
John Milton (Paradise Lost) (3)
(57)
5
Introduction :
Le trouble bipolaire est une maladie psychiatrique chronique, anciennement
appelée psychose maniaco-dépressive. Il est caractérisé par l’alternance d’épisodes
dépressifs et maniaques entrecoupés de phases où l’humeur reste stable.
L’âge de début précoce des symptômes et la nécessité d’un traitement
thymorégulateur (en grec : thymos = humeur) à vie impliquent que de nombreuses
femmes en âge de procréer souhaitent fonder une famille.
Deux idées reçues sont particulièrement à dénoncer : celle selon laquelle la
grossesse protègerait des rechutes et celle qui édicte l’arrêt des médicaments dans
tous les cas.
Se pose alors le problème de mettre en balance les risques pour l’enfant et le
maintien de l’équilibre maternel.
Il faut également prendre en compte la diversité des situations cliniques que l’on
peut rencontrer : la femme bipolaire qui désire un enfant, celle qui découvre sa
grossesse alors qu’elle a poursuivi son traitement, l’apparition de la maladie pendant
la grossesse et la décompensation dans le post-partum.
Nous exposerons, dans un premier temps, des généralités sur les troubles
bipolaires et dans une seconde partie, une revue des risques et des options
thérapeutiques afférents aux 4 situations très spécifiques que posent la grossesse,
l’accouchement et l’allaitement chez ces femmes.
Enfin, nous verrons que la sage-femme a un rôle essentiel dans
l’accompagnement de ces futures mamans afin de faciliter les premiers liens
d’attachement avec leurs enfants.
6
Première partie : Généralités sur les troubles
bipolaires
1. Définition
Les troubles bipolaires, dénomination plus proche de la réalité clinique que celle
de « maladie maniaco-dépressive », appartiennent, au sein des maladies mentales, à
la catégorie des « troubles de l’humeur ».
Dans son acceptation d’origine, la psychose maniaco-dépressive comprenait tous
les troubles de l’humeur dotés d’un caractère cyclique. Ces troubles ont été baptisés
successivement psychose maniaco-dépressive, maladie maniaco-dépressive puis,
selon les classifications actuelles, troubles bipolaires. Cette nouvelle dénomination a
permis un élargissement considérable du concept de bipolarité rendant davantage
compte de l’hétérogénéité clinique de cette pathologie.
Les troubles bipolaires sont définis par un dérèglement de l’humeur cyclique avec
des phases à polarité maniaque ou hypomaniaque, caractérisées par une euphorie et
une excitation et des phases à polarité dépressive séparées par des périodes au
cours desquelles les sujets sont a priori indemnes de dysfonctionnement psychique
majeur.
Les critères du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux du DSM
IV (Diagnostic and Statistical Manual 4th edition) (4) indiquent comme caractéristique
essentielle des troubles de l’humeur une perturbation de l’humeur définie comme une
« émotion soutenue qui colore la perception du monde ».
2. Historique
Les premiers cliniciens à avoir établi un lien entre manie et mélancolie sont les
praticiens de la médecine antique, et il est de bon ton de rendre hommage à ce
propos à Hippocrate et Arétée de Cappadoce (Ier siècle).
Bien plus tard, Willis, médecin anglais (1622-1675), décrira également la
succession d’états de mélancolie et de manie chez un même patient.
Les travaux de Philippe Pinel et de son élève Etienne Esquirol permettront à Jules
Baillarger (1809-1890) et à Jean-Pierre Falret (1794-1870) de décrire l’alternance de
manies et de dépressions au sein d’une même pathologie. Baillarger en 1854 décrit la
folie à double forme caractérisée par deux périodes, l’une dépressive et l’autre
d’excitation.
7
Falret décrit la même année la folie circulaire, mais introduit la notion d’intervalle
libre. La folie circulaire se caractérise ainsi par des attaques isolées, intermittentes ou
continues, variant de 2 jours à une année avec des transitions brusques dans les
attaques brèves.
En 1899, Emil Kraepelin décrit la folie maniaco-dépressive. Aux deux accès
typiques de manie et de dépression, Kraepelin va ajouter six formes d’états mixtes,
soulevant le problème de l’hétérogénéité clinique des états thymiques rencontrés au
cours de cette pathologie.
En 1957, Leonhard va établir une distinction, qui demeure aujourd’hui valide, entre
maladie bipolaire et unipolaire caractérisée par la récurrence d’épisodes dépressifs
(6).
Cette dichotomie est officiellement instituée en 1980 avec la 3ème édition du DSM
puis en 1994 apparaît la classification DSM IV (4).
3. Epidémiologie
La prévalence des troubles bipolaires sur la vie entière se situe autour d’une
valeur moyenne d’environ 1%.
Si l’on extrapole le taux de prévalence à la population française âgée de 15 ans ou
plus, soit environ 50 millions d’individus, on peut estimer que le trouble bipolaire
affecte presque 500.000 personnes en France.
Les chiffres peuvent être même plus élevés si l’on prend en compte les formes
mineures, non seulement les troubles de type II qui supposent uniquement des
phases d’hypomanie mais également les formes atténuées. Les dernières études de
Hirschfeld en 2003 (28) estiment qu’ils concernent de 3.7 à 5% de la population
générale.
D’autres patients sont naturellement extravertis, optimistes, énergiques,
passionnés : ce sont des hyperthymiques, ils peuvent être considérés comme
appartenant au spectre de la bipolarité.
C’est donc une pathologie fréquente, qui affecte autant les hommes que les
femmes. Ces derniers ayant plus souvent une hyperactivité, une augmentation de
l’estime de soi et un engagement excessif dans les activités à risque, alors que les
femmes ont surtout une fuite des idées et une distractibilité (7).
L’âge de début se situe autour de 20 ans et plus généralement entre 15 et 24 ans :
fin de l’adolescence et début de l’âge adulte. Il existe également des formes juvéniles
et tardives (8).
On ne retrouve pas d’influence de l’origine ethno-culturelle ou du niveau socioéconomique sur la fréquence des troubles bipolaires (8).
8
4. Retentissement des troubles bipolaires :
Toutes pathologies confondues, selon une étude menée conjointement par l’école
de santé publique de Harvard, la Banque mondiale et l’OMS, les troubles bipolaires
constituent la 6ème cause de handicap et on évalue à 1% la proportion d’années de
vie perdues ou vécues avec un handicap par les sujets bipolaires au sein de
l’ensemble de la morbi-mortalité mesurée en DALYs (Disability Adjusted Life Years)
(34).
Au-delà de la souffrance générée par la survenue des épisodes aigus maniaques
ou dépressifs, les troubles bipolaires, s’ils ne sont pas correctement pris en charge,
peuvent avoir des conséquences graves. Elles concernent bien évidemment le sujet
lui-même mais également ses proches et plus largement la société, notamment au
niveau des coûts générés par cette maladie.
4.1. Retentissement familial :
Les troubles bipolaires sont le plus souvent observés chez les sujets célibataires
n’ayant jamais été mariés, divorcés, séparés, veufs, que chez les sujets mariés
n’ayant jamais divorcé. Dans une étude, seulement 24% des sujets de leur enquête
vivaient en couple, 50% n’avaient jamais été mariés et 26% étaient séparés ou
divorcés (37).
Les membres de la famille du sujet souffrent également des répercussions sur les
relations intra-familiales de la maladie de leur proche. L’intensité de cette détresse est
proportionnelle à la sévérité du trouble bipolaire.
4.2. Retentissement professionnel :
Ces personnes sont à risque accru de chômage, d’absentéisme, d’échecs
scolaires. De nombreuses études évaluant le retentissement socio-professionnel des
troubles bipolaires ont montré qu’environ 40% des patients avaient une occupation
professionnelle stable : 51% de ces sujets n’occupaient pas d’emploi rémunéré, 22%
ne travaillaient qu’à temps partiel et seulement 11% avaient un emploi rémunéré à
plein temps (8).
4.3. Risque médico-légal :
La dangerosité d’un sujet en phase maniaque est souvent sous-évaluée, allant
des atteintes aux biens aux agressions sexuelles en passant par des violences
physiques et des excès de vitesse. Ces actes de délinquance semblent surtout le fait
d’une conduite addictive alcoolique ou toxicomaniaque.
Les dépenses inconsidérées, souvent réalisées lors des épisodes maniaques,
peuvent fragiliser le sujet sur le plan financier et social.
4.4. Risque de suicide :
Le trouble bipolaire est associé à un risque de suicide 15 fois plus élevé que celui
de la population générale. D’ailleurs, environ 30% des sujets bipolaires ont déjà
commis une tentative de suicide et 10% décèderont de suicide (26).
9
4.5. Aspects médico-économiques :
Le coût élevé pour la santé publique résulte d’une part de la consommation de
soins (coût direct) mais aussi des coûts indirects générés par les arrêts de travail, la
perte d’emploi et le recours fréquent aux aides sociales.
Aux Etats-Unis, on estime le coût des troubles de l’humeur à 45 millions de dollars
par an dont 30 milliards pour les coûts indirects. On évalue, en France, le coût annuel
des hospitalisations pour épisode maniaque à environ 1,3 milliard d’euros, dont le
coût moyen du traitement a été chiffré dans un hôpital parisien à 22 297 euros dont
98.6% sont consacrés aux frais d’hospitalisation (7).
Ce coût élevé montre l’importance et la nécessité d’une prise en charge adaptée
et correcte des troubles bipolaires.
5. Classification et nosologie :
Les troubles bipolaires sont caractérisés par une propension à présenter des
fluctuations marquées de l’humeur, de manière récurrente. Les caractéristiques des
accès et leur évolution dans le temps permettent de distinguer plusieurs formes
cliniques. Cette pathologie est en effet extrêmement hétérogène, et chaque patient
présente ses propres symptômes qui, dans la majeure partie des cas, se répéteront à
l’identique au cours de chaque épisode.
Il existe plusieurs classifications, celle de référence étant celle de l’association
américaine de psychiatrie :
Le DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual 4th edition) (4)
- Trouble bipolaire de type I
- Trouble bipolaire de type II
- Trouble cyclothymique
- Trouble bipolaire non spécifié
L’humeur normale :
10
Le trouble bipolaire de
type I
le plus typique, est caractérisé
par
l’alternance
d’un
ou
plusieurs
épisodes
maniaques
accompagnés d’épisodes dépressifs
majeurs. Il correspond à l’ancienne
psychose maniaco-dépressive :
Le type II correspond à l’alternance de
phases
maniaques
légères
(hypomaniaques)
et
d’épisodes
dépressifs graves sans épisode maniaque
grave : c’est pourquoi cette forme est
parfois considérée à tort comme un
trouble dépressif unipolaire.
Le trouble cyclothymique est caractérisé
par une évolution chronique et fluctuante
de périodes caractérisées par la présence
de
symptômes
hypomaniaques
et
dépressifs légers sans dépression grave.
C’est une des formes atténuées des
troubles bipolaires.
Le trouble à cycles rapides est défini par
la présence d’au moins 4 épisodes
thymiques, maniaques, hypomaniaques,
dépressifs ou mixtes par an (3).
Le trouble bipolaire non spécifié regroupe toutes les autres formes de bipolarité et
répond à plusieurs critères :
- Lorsque les critères de durée d’un état maniaque ou dépressif ne sont pas
remplis.
- Lorsqu’il existe des épisodes hypomaniaques sans épisode dépressif.
- En cas d’épisodes maniaques ou mixtes surajoutés à un trouble psychotique.
- Lorsqu’il existe un trouble bipolaire dont on ne sait s’il est primaire ou
secondaire à une affection médicale générale ou induit par une substance (ce
diagnostic ne sera généralement envisagé que de manière transitoire).
11
6. Origine du trouble bipolaire
Les connaissances sur les causes exactes du trouble sont partielles, il semble
aujourd’hui qu’il ait une origine multifactorielle où des facteurs essentiellement
génétiques, psychologiques et environnementaux interagiraient entre eux pour
favoriser l’apparition de la maladie. Sans constituer des causes en soi, de nombreux
troubles associés viennent influer sur le cours évolutif de la maladie.
6.1. Les facteurs génétiques :
6.1.1. Les études familiales :
Elles montrent l’existence d’un risque de transmission familiale de la maladie. Le
risque d’être atteint chez les apparentés de premier degré d’un sujet bipolaire est
d’environ 10%, soit un risque 10 fois supérieur à celui rencontré dans la population
générale. Mais cela signifie également que la majorité des personnes ne souffriront
pas de troubles même s’ils ont un parent atteint (8).
Les études de jumeaux ont confirmé la composante génétique de la maladie :
ainsi quand un jumeau homozygote souffre d’un trouble bipolaire, son jumeau en
souffre également dans 40 à 70% des cas. Cela signifie à la fois qu’il existe une
influence génétique mais aussi que l’environnement intervient de façon importante (à
capital génétique identique, le risque n’est pas de 100%) (8).
On retrouve également une corrélation familiale pour l’âge de début des troubles :
les formes à début précoce (avant 17 ans) se caractérisent souvent par une plus
grande sévérité.
6.1.2. Les études de biologie moléculaire :
Les troubles bipolaires seraient également la résultante de dysfonctionnement du
système nerveux central, d’anomalies biochimiques ou de structure et d’activité de
certains circuits neuronaux qui seraient responsables de changements brutaux
d’énergie.
Il existe sans équivoque des facteurs génétiques complexes dans la genèse des
troubles bipolaires ; la recherche concerne par exemple des gènes codant pour la
tyrosine hydroxylase (enzyme limitant la synthèse des catécholamines), la
monoamine oxydase A (enzyme responsable de la dégradation de la sérotonine, la
dopamine et la noradrénaline), ou encore des gènes impliqués dans la
neurotransmission sérotoninergique (5HTT, TPH) (52).
Ces dysfonctionnements biologiques sous-tendus par une vulnérabilité génétique
seront modulés par des facteurs environnementaux.
6.2. Les facteurs environnementaux :
Les évènements stressants de la vie jouent un rôle important dans le
déclenchement des épisodes maniaques et dépressifs.
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Parmi ces évènements pouvant avoir un impact, on retrouve certes les conflits
conjugaux, les deuils, les problèmes professionnels mais aussi tous les évènements
perturbant la vie quotidienne que ce soit le rythme des repas, du sommeil, ou
l’exercice physique, etc.
Les intervalles libres entre les épisodes aigus ne sont pas exempts de troubles
émotionnels qui gardent des répercussions notables sur la vie quotidienne.
Ce trouble est donc causé par de nombreux facteurs qui interagissent entre eux
(7 ; 8).
7. Clinique :
7.1. L’état dépressif majeur :
Les divers symptômes et manifestations sont à rechercher à travers un
interrogatoire et un examen clinique précis et approfondi.
Parmi les symptômes cardinaux, on note en particulier (4 ; 6):
-
Tristesse de l’humeur
Tristesse, pessimisme, désespoir
Irritabilité, agressivité
Idées noires, idées suicidaires
Faible estime de soi
Impression d’inutilité
Culpabilité
-
Ralentissement psychique et moteur
- Ralentissement psychomoteur
- Baisse de la mémoire, difficultés
de concentration
- Manque d’énergie, épuisement
(fatigue constante ne cédant pas
au repos, envie de rester au lit, de
ne plus rien faire)
-
Perte de l’élan vital, du plaisir
Perte du plaisir pour les choses
que l’on aime d’habitude
Modification de l’appétit, du désir
sexuel, de l’envie de voir ses
proches, ses amis
Indifférence affective, prise de
décision difficile
Perte de poids
Envie de rien, plus de goût à rien
Signes associés
Troubles du sommeil (insomnie,
hypersomnie, réveil la nuit)
Anxiété, stress
Somatisations
Idées délirantes dans les formes
les plus sévères de mélancolie
7.2. L’état maniaque (4 ; 6) :
-
Humeur joviale, expansive
Euphorie ou énervement (état
« speed », hyperexcitation)
Irritabilité avec périodes de colère
intenses
Humour jovial, décalé et déplacé
Impression de toute puissance,
d’être le centre du monde
Confiance excessive en soi
Tenues
inadaptées
et
provocatrices
13
-
Regain anormal d’énergie
Hyperactivité désordonnée
Hyperactivité dans les activités
agréables
potentiellement
dommageables
Dépenses inconsidérées
Augmentation anormale des désirs
sexuels
Accélération psychique et motrice
- Accélération motrice : gestuelle,
attitudes maniérées, théâtrales
- Accélération du débit de la parole,
idées fusant dans tous les sens,
parfois incohérentes
- Passage d’une idée ou d’une
activité à une autre
- Impression d’être plein d’énergie
- Aucune sensation de fatigue
malgré l’hyperactivité
-
Signes associés
Négation ou déni de la maladie et
refus de se soigner ou de voir un
médecin
Diminution, voir absence du besoin
de
sommeil.
Epuisement
secondaire
Nerfs à fleur de peau
Idées délirantes, mégalomanie
Hallucinations auditives, visuelles
Somatisations
7.3. L’état hypomaniaque (6) :
Le côté « soleil » de l’hypomanie
Moins d’heures de sommeil
Davantage d’énergie et de résistance
Plus de confiance en soi
Plus de motivation au travail
Plus d’activités sociales
Surcroît d’activités physiques
Plus de projets et d’idées créatives
Moins de timidité
Plus bavard que d’habitude
Exagérément optimiste
Rires, farces, calembours, jeux de mots
Pensée plus rapide
Le côté «sombre» de l’hypomanie
Plus de déplacements, voyages, prises de risque
Dépenses d’argent excessives
Comportement déraisonnable dans les affaires
Plus d’impatience et d’irritabilité
Attention facilement distraite
Augmentation des pulsions sexuelles
Augmentation de la consommation de café
Augmentation de la consommation d’alcool
Le repérage actif de l’hypomanie est difficile car nombre de patients n’évoquent
pas spontanément leurs symptômes qui sont parfois socialement avantageux.
Il nécessite souvent une rencontre avec l’entourage proche du sujet et il existe
des outils : l’autoquestionnaire de Angst (11) à remplir par le patient lui-même
(annexe 1).
14
8. Problème des comorbidités :
L’une des spécificités des troubles bipolaires est la nature et l’importance de ses
comorbidités psychiatriques puisqu’elles concernent 60% des sujets bipolaires dont
25% les multiplient (27).
8.1. Les conduites addictives :
Parmi les comorbidités associées aux troubles de l’humeur, les pathologies
addictives occupent la première place. Dans l’étude ECAP (Epidemiologic Catchment
Area Program), on a observé une conduite addictive chez 60.7% des sujets bipolaires
de type I, avec 46% d’addiction envers l’alcool (13% dans la population générale), et
41% de dépendance aux drogues (6% dans la population générale) (15 ; 36).
8.2. Les troubles anxieux :
La prévalence du trouble panique chez les personnes bipolaires est multipliée par
26 par rapport à la population générale (11). Dans une étude française de 2003
portant sur une cohorte de 318 patients bipolaires, on a retrouvé que 24% souffraient
d’un trouble anxieux comorbide : ainsi, 16% présentaient un trouble panique, 11%
des phobies sociales et 3% un trouble obsessionnel compulsif (27).
8.3. Les troubles des conduites alimentaires :
Certaines pathologies somatiques semblent avoir une incidence plus grande chez
les sujets bipolaires que dans la population générale. Les affections les plus
fréquemment citées sont l’obésité, le diabète de type II, les maladies
cardiovasculaires, les endocrinopathies et les migraines.
En ce qui concerne la surcharge pondérale, elle serait liée à la présence de
comportements compulsifs vis-à-vis de la nourriture (4% de boulimie), au nombre
d’épisodes dépressifs, aux traitements, à la consommation excessive de sucre et à la
sédentarité (32).
Donc l’association des comorbidités psychiatriques au trouble bipolaire entraîne :
- l’augmentation du risque suicidaire
- l’aggravation du trouble bipolaire et de son retentissement psychosocial
- l’allongement des délais de rémission
- une moins bonne réponse thérapeutique aux thymorégulateurs.
15
9. Traitements et prise en charge psychothérapeutique :
9.1. Le piége diagnostique :
Les protocoles des traitements pharmacologiques et des prises en charge
thérapeutiques sont assez bien codifiés, les consensus internationaux sont
convergents et s’affinent avec les améliorations des connaissances
et
compréhensions du génie de la maladie.
Mais certainement, la première des réelles difficultés des traitements est de poser
un diagnostic exact et on constate qu’il se passe très fréquemment 7 à 10 ans entre
le premier épisode et le moment ou ce diagnostic est enfin posé avec certitude.
En effet, ces tous premiers épisodes sont trompeurs et ne s’expriment qu’à travers
l’une des manifestations du trouble bipolaire : soit l’une des comorbidités, ou par un
trouble anxieux, un épisode dépressif majeur ou encore une toxicomanie et/ou un
alcoolisme, soit encore un épisode délirant.
L’apparition d’un état dépressif majeur sera diagnostiqué et traité en tant que tel.
Ce ne sont que les récidives successives, dans les années suivantes, qui finiront par
justifier de se pencher sur le véritable diagnostic.
Donc, ce n’est qu’après avoir posé avec certitude le diagnostic qu’on l’on
pourra proposer un traitement dans un premier temps médical à base de
thymorégulateurs avec en parallèle une prise en charge psychothérapique.
9.2. Présentation des médicaments utilisés dans les traitements des troubles
bipolaires :
Molécules
DCI
Famille
Lithium
Acide Valproïque
Divalproate de
sodium
Valpromide
Téralithe®
Dépakine®
Dépakote®
Carbamazépine
Oxcarbamazépine
Olanzapine
Tégrétol®
Trileptal®
Zyprexa®
Lamotrigine
Rispéridone
Aripiprazole
Lamictal®
Risperdal®
Abilify®
thymorégulateur
antiépileptique
antiépileptique
thymorégulateur
antiépileptique
thymorégulateur
antiépileptique
antiépileptique
antipsychotique atypique
thymorégulateur
antiépileptique
antipsychotique atypique
antipsychotique
Dépamide®
16
Classification
de la FDA (20)
D
D
D
D
D
D
C
C
C
?
Molécules
Indications (56)
Lithium
Acide Valproïque
Divalproate de
sodium
Valpromide
Carbamazépine
Oxcarbamazépine
Olanzapine
Lamotrigine
Rispéridone
Aripiprazole
Prévention des rechutes de psychoses maniaco-dépressives.
Traitement curatif des états d’excitation maniaque ou
hypomaniaque.
Traitement des épilepsies généralisées et partielles.
Pas AMM pour les troubles bipolaires mais largement utilisé.
Traitement des épisodes maniaques chez les patients souffrant
de troubles bipolaires en cas de contre-indication ou
d’intolérance au lithium.
Traitement des troubles bipolaires en cas de contre-indication
ou d’intolérance au lithium et à la carbamazépine mais
efficacité non démontrée dans le traitement des accès aigus
maniaques ou dépressifs.
Prévention des rechutes dans le cadre des psychoses
maniacodépressives, notamment chez les patients présentant
une résistance relative, des contre-indications ou une
intolérance au lithium.
Traitement des états d’excitation maniaque ou hypomaniaque.
Traitement des crises épileptiques partielles.
Pas AMM dans les troubles bipolaires mais largement utilisé.
Traitement des épisodes maniaques modérés à sévères.
Prévention des récidives chez les patients présentant un
trouble bipolaire, ayant déjà répondu au traitement par
l’olanzapine lors d’un épisode maniaque.
Traitement des épilepsies généralisées et partielles.
Pas AMM dans les troubles bipolaires mais largement utilisé.
Traitement des psychoses, en particulier schizophréniques
aiguës et chroniques.
Pas AMM dans les troubles bipolaires mais largement utilisé.
Traitement de la schizophrénie.
Pas AMM dans les troubles bipolaires mais largement utilisé.
La classification FDA (Food and Drug Administration) est un système de classification
pour l’administration des médicaments pendant la grossesse (20).
Catégories
A
B
C
D
X
Interpretation
Les études contrôlées chez l’Homme ne montrent aucun risque.
Les études chez l’Homme et l’animal montrent peu de risques.
Le risque ne peut pas être éliminé : les données humaines manquant
ainsi que les études chez les animaux.
Le risque est mis en évidence : les données humaines le confirment
mais les avantages du traitement peuvent être supérieurs au risque.
Le médicament est contre-indiqué pendant la grossesse : les
données sont positives chez l’Homme ou chez l’animal.
17
9.3. Le traitement des épisodes aigus dépressifs (annexe 2):
9.3.1. Le lithium en première intention :
Dans le cas des épisodes dépressifs d’intensité légère à modérée, un traitement
thymorégulateur en monothérapie sera préféré, notamment le lithium. Dans le cas
des épisodes dépressifs d’intensité sévère ou ceux résistant à la monothérapie, un
traitement antidépresseur sera instauré uniquement sous couverture thymorégulatrice
efficace. Un délai de 4 à 8 semaines est préconisé avant de réévaluer et
éventuellement de changer de molécule (on privilégiera un antidépresseur de la
classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine plutôt qu’un antidépresseur
tricyclique en raison d’un risque de virage maniaque induit de l’humeur).
L’utilisation des antidépresseurs en monothérapie est contre-indiquée en raison du
risque d’induction de virage de l’humeur et d’épisode mixte, mais aussi du risque de
passage à un trouble bipolaire à cycles rapides (+ 4 épisodes thymiques par an).
L’utilisation d’un antipsychotique atypique est recommandée en cas de dépression
avec caractéristiques psychotiques (idées délirantes, hallucinations).
9.3.2. L’électroconvulsivothérapie (électrochocs):
Elle reste une alternative en cas d’épisode dépressif majeur d’intensité sévère.
Son utilisation est relativement peu répandue en France malgré un intérêt
thérapeutique majeur (21).
9.4. Le traitement des épisodes aigus maniaques (annexe 3):
Les régulateurs de l’humeur restent le traitement de première intention des phases
d’excitation.
En France, les 4 molécules sont :
- le lithium
- le divalproate de sodium
- la carbamazépine
- l’olanzapine
Notons que l’AMM permet également, sous certaines conditions, de poursuivre le
traitement comme traitement prophylactique des rechutes après une utilisation dans
la phase maniaque.
Dans le cas d’un épisode maniaque d’intensité légère à modérée, une
monothérapie sera instaurée.
Dans les formes d’intensité sévère, l’association lithium ou divalproate de sodium
et olanzapine est conseillée. Un délai de deux semaines est préconisé avant de
réévaluer et éventuellement de changer de traitement (21).
18
9.5. Le traitement des récidives (annexe 4):
C’est au cours de la phase de maintenance que le traitement va s’orienter
principalement sur les thymorégulateurs:
- le lithium
- la carbamazépine
- le valpromide
- le divalproate de sodium
- l’olanzapine
L’acide valproïque n’a pas l’AMM pour le traitement des troubles bipolaires mais
est très largement utilisé.
L’objectif est de prévenir les rechutes thymiques (dépressives et
(hypo)maniaques), mais également d’améliorer les symptômes résiduels entre les
épisodes, de diminuer la fréquence et la durée des hospitalisations éventuelles,
d’améliorer la qualité de vie du patient et de préserver ses fonctions cognitives.
Le clinicien tendra en général vers une monothérapie sachant que celle-ci est une
réalité clinique pour une faible proportion des patients bipolaires.
En pratique, indépendamment de ces restrictions d’utilisation liées à l’AMM, il est
d’usage de poursuivre le traitement qui s’est montré efficace dans la phase aiguë. La
durée de la phase de maintenance est de 1 à 10 ans, voire à vie pour certains
patients.
9.6. Les avancées pharmacologiques (21):
De nouvelles molécules sont actuellement disponibles dans le traitement du
trouble bipolaire, certaines d’entre elles disposant d’une approbation de la Food and
Drugs Administration (FDA) aux USA (20) :
- L’oxcarbazépine : est une molécule apparentée à la carbamazépine. Elle semble
avoir un profil d’efficacité comparable mais avec une meilleure tolérance et une
utilisation plus simple.
- La lamotrigine : serait intéressante en raison de son profil de tolérance (faible
incidence des prises de poids).
- La rispéridone
- L’aripiprazole
9.7. La prise en charge psychothérapeutique : la psycho-éducation :
Les mesures psychothérapeutiques sont un complément utile, voire indispensable,
aux traitements pharmacologiques. Elles ne se conçoivent cependant pas en dehors
du traitement médicamenteux. Cette combinaison vise à réduire les symptômes, à
prévenir les rechutes thymiques, améliorer la compliance au traitement
médicamenteux et diminuer la durée des hospitalisations. La psychothérapie, à elle
seule, ne peut pas effectivement prétendre à réguler l'humeur.
19
Les traitements psychologiques, basés sur des théories cognitives et
comportementales, peuvent aider à gérer les séquelles des épisodes, ainsi que les
problèmes individuels, familiaux ou de couple.
Des programmes de psychoéducation ont été conçus et mis en place à l’initiative
de plusieurs thérapeutes ou organismes afin « d’améliorer les connaissances sur les
troubles bipolaires des patients mais aussi de leurs proches ».
Construites sur le principe de réunions d’une heure et demie environ, elles
rassemblent 12 à 15 patients et sont animées par des médecins ayant une excellente
connaissance de la maladie.
Le programme s’étale sur 9 séances à 3 semaines d’intervalle et présentent
chacune un thème spécifique (59).
En Loire Atlantique, le programme Bipolact, soutenu par le laboratoire Sanofi et
l’association BIPÔLES 44, est à la disposition des patients ayant des difficultés avec
la bipolarité et est animé par des praticiens nantais, les séances ont pour thème :
Module 1 : Généralités
Module 2 : Manies, hypomanies et états mixtes
Module 3 : Dépression bipolaire
Module 4 : Facteurs de vulnérabilité du trouble bipolaire
Module 5 : Comorbidités
Module 6 : Aspects juridiques
Module 7 : Stratégies de prise en charge pharmacologique
Module 8 : Approches psychothérapiques
Module 9 : Vivre avec sa maladie
9.7.1. Objectifs (21) :
- Réduire la vulnérabilité au stress ;
- Optimiser le traitement ;
- Intervenir sur les différents déterminants de la maladie et sur ses conséquences ;
- Favoriser la prise en charge des troubles associés ;
- Aider à gérer les relations interpersonnelles, les conflits…
9.7.2. Informations et mesures psycho-éducatives :
- Établir et maintenir une alliance thérapeutique ;
- Reconnaître le trouble ;
- Accepter la maladie ;
- Améliorer l’observance du traitement ;
- Savoir reconnaître précocement les symptômes d’une récidive ;
- Agir sur certains facteurs aggravants ;
- Mieux gérer sa vie en fonction du trouble…
20
Deuxième partie : Troubles bipolaires et
Périnatalité
1. Généralités :
1.1. Les réalités épidémiologiques :
L’importance épidémiologique des troubles bipolaires, la répartition égale entre
hommes et femmes, l’âge de début précoce, généralement chez l’adulte jeune, et la
nécessité d’un traitement thymorégulateur à vie impliquent que de nombreuses
femmes en âge de procréer souhaitent une vie normale et donc une famille. Se pose
alors le problème de la thymorégulation lors de leur grossesse et plus
particulièrement lors du premier trimestre.
Actuellement, on ne peut pas estimer le nombre de femmes bipolaires en âge de
procréer car 3 sur 4 ignorent qu’elles sont malades. On ne peut donc, par
conséquent, pas connaître le nombre de grossesse.
Il y a 20 ans, une grossesse débutée sous traitement psychotrope se terminait très
habituellement par une interruption médicale. Aujourd’hui, il n’en est plus de même.
Comme lors de toutes les pathologies médicales chroniques, la grossesse met en
balance des risques pour l’enfant et la réussite de la thérapeutique maternelle. Il
convient de réduire le plus possible les risques pour le fœtus tout en tenant compte
des conséquences pour la mère.
1.2. La complexité de la prise en charge de ces grossesses :
La difficulté d’établir des recommandations précises pour la prise en charge d’une
grossesse d’une femme bipolaire est due au manque d’études prospectives chez la
femme enceinte (qui ne serait pas éthique) et à la diversité des situations cliniques
que l’on peut rencontrer.
La situation la plus « simple » à gérer est lorsque la femme bipolaire a un désir
d’enfant et qu’elle prend le temps avec son gynécologue et son psychiatre
« d’organiser » sa grossesse. Il arrive malgré tout que d’autres consultent leurs
médecins et leur annoncent qu’elles sont enceintes (ce qui sous-entend qu’elle ont
poursuivi leur traitement thymorégulateur en début de grossesse). Ces situations sont
les plus délicates car il faut prendre en compte très rapidement la sévérité de leur
maladie et le terme présumé de la grossesse.
Enfin, une femme non malade peut commencer à décompenser des troubles de
l’humeur pendant sa grossesse ou en post-partum à la suite par exemple d’une
psychose puerpérale.
21
2. Problématiques
2.1. L’influence de la grossesse sur la pathologie bipolaire :
L’idée de croire que la grossesse a un effet protecteur sur le risque de rechutes
de troubles de l’humeur est maintenant bien révolue. Ils conservent leur incidence
habituelle. En effet, l’étude de Viguera, en 2002, montre que 50% des femmes
bipolaires sont symptomatiques pendant la grossesse (45).
De par leurs effets tératogènes, on aurait tendance à vouloir arrêter leur traitement
afin de ne pas provoquer de malformations chez leurs fœtus. Or, les conséquences
d’une rechute lors de la grossesse sont potentiellement dommageables pour la mère,
l’enfant et leur relation ultérieure. De plus, la dépression pendant la grossesse est le
facteur le plus prédictif de dépression du post-partum (25).
Certains comportements liés à une rechute peuvent être très fâcheux. En effet,
une intoxication médicamenteuse volontaire ou toute autre tentative de suicide, ou
encore tout comportement à risque lors d’un état maniaque (prises de drogues,
alcool, tabac) peuvent compromettre la suite de la grossesse.
Enfin le suicide avéré à l’arrêt des thymorégulateurs au premier trimestre de
grossesse est une réalité qui a été clairement décrite dans la littérature (16).
En revanche, la grossesse peut participer à l’aggravation de la maladie de par la
mauvaise adhérence thérapeutique de la femme qui aurait lu que son traitement peut
engendrer des malformations chez son enfant et qui l’a, par conséquent, arrêter sans
l’avis de son psychiatre.
Les modifications de l’organisme maternel pendant la grossesse sont également
importantes. Il existe une augmentation du volume plasmatique atteignant 50% vers
30-34 semaines d’aménorrhée, il y a donc une hémodilution physiologique modifiant
le volume de distribution des médicaments. De plus, l’augmentation du débit sanguin
rénal entraîne une celle de la clairance des médicaments. Ces modifications rendent
donc les traitements moins efficaces, il conviendra alors d’adapter les doses.
Les facteurs hormonaux et psychologiques totalement bouleversés pendant la
grossesse peuvent être également des facteurs d’aggravation de la maladie.
2.2. L’influence de la pathologie bipolaire sur la grossesse :
2.2.1. Les risques tératogènes, néonatals et développementaux liés à la
prescription du traitement (5) :
Le passage transplacentaire des médicaments a lieu pendant toute la période de
développement et pour tous les médicaments sauf les grosses molécules comme
l’héparine et l’insuline. Les risques majeurs de malformations se situent entre le 13 ème
et le 56ème jour de vie embryonnaire. Pendant la période fœtale, la morphogenèse est
achevée, mais il existe des phénomènes de croissance et de maturation (tout
particulièrement, le système nerveux central).
22
A la naissance, le nouveau-né doit s’adapter à la vie extra-utérine et éliminer les
médicaments reçus de la mère avec des fonctions hépatiques et rénales immatures.
Pour l’évaluation du risque, les études épidémiologiques prospectives sont les
plus fiables. Cependant, pour de nombreux médicaments, on manque d’informations :
certains, trop récents n’ont pas assez été étudiés et, pour d’autres, le recul est
insuffisant.
L’inquiétude actuelle est souvent focalisée sur le risque morphologique, peut-être
pas assez sur le risque fonctionnel fœtal et/ou néonatal en terme de comportement
neurologique et encore moins sur les risques retardés (fonctions cognitives, capacités
neurosensorielles et motrices, devenir de l’enfant).
2.2.1.1. Les périodes de risque :
Globalement, il semble qu’environ 2 à 4 % des enfants naissent porteurs d’une
malformation (mineures et majeures confondues).
Les causes de malformations sont très mal définies avec, dans 65 à 70 % des cas,
une cause inconnue. Les causes médicamenteuses ou toxiques ne représentent que
4 à 5 % des cas.
La tératologie désigne l’étude des anomalies du développement sous toutes leurs
formes, depuis les pathologies morphologiques jusqu’aux troubles fonctionnels dus à
la perturbation des processus de différenciation et de maturation pendant la vie intrautérine. Un rapide aperçu de la chronologie du développement intra-utérin explique
bien cette notion.
L’implantation :
Elle s’achève au 12ème jour après la conception, l’embryon est le siège d’échanges
pauvres avec la mère. On considère donc au cours de cette période que le
retentissement des agents extérieurs est de conséquence très faible pour le produit
de conception. Cependant, la loi du « tout ou rien » n’a été réellement validée qu’en
expérimentation animale avec les radiations.
La période embryonnaire :
C’est celle de l’organogenèse, qui succède à l’implantation. Elle va du 13ème au
56
jour après la conception.
ème
L’organogenèse se déroule selon un calendrier chronologique précis. C’est au
cours de cette période que les risques d’atteinte morphologique sont les plus
importants.
Malformations possibles
Anomalies cardiaques
Anomalies de fermeture du tube neural
Anomalies de la lèvre et du palais
Anomalies des organes génitaux
Périodes de risque
18ème au 40ème jour
Jusqu’au 32ème jour
42ème au 63ème jour
Jusqu’à la 14ème semaine
23
La survenue d’une malformation dépend de l’interférence de plusieurs facteurs : la
nature de l’agent responsable, la facilité d’accès de l’agent au niveau embryonnaire,
le moment et la durée d’exposition, la posologie, le nombre de médicaments
(monothérapie ou polythérapie) et enfin les particularités génétiques de l’embryon.
(Pour une polythérapie de 3 médicaments, on observe 11% de malformations ; pour
4, on a 13.5% de malformations et 15% pour 5 médicaments…)
La période fœtale :
Elle commence à la fin du 2ème mois et se poursuit jusqu’à l’accouchement. La
morphogenèse étant pratiquement achevée, on assiste au cours de cette longue
phase à des phénomènes de croissance, de maturation histologique et enzymatique
des organes en place (système nerveux central, organes génitaux, reins…).
Les agressions médicamenteuses se traduisent par des troubles souvent difficiles
à déceler à la naissance, mais dont les conséquences peuvent être handicapantes
pour l’enfant. La mise en évidence de ces troubles peut être encore plus tardive,
allant de quelques mois pour le développement psychomoteur, à plusieurs années
pour les effets carcinogènes.
2.2.1.2. Le risque néonatal (5) :
Chez la mère, en fin de grossesse, on observe une augmentation importante de la
distribution et de l’excrétion des médicaments. Le volume plasmatique est augmenté
de 50% vers la 30-34ème semaine d’aménorrhée ; la concentration plasmatique des
protides est diminuée. La fraction libre de beaucoup de médicaments est de ce fait
augmentée et, par conséquent, leur activité voire leur toxicité peuvent l’être.
Le débit sanguin rénal est augmenté de 50% en fin de grossesse ; la clairance de
la créatinine augmente, d’où la possibilité d’excrétion accélérée de certaines
molécules, par exemple le lithium.
Les capacités métaboliques hépatiques fœtales, bien qu’apparaissant
précocement dans la vie intra-utérine, sont faibles. Il en est de même pour les
capacités excrétrices rénales. Le fœtus peut donc accumuler certains métabolites.
En cas de traitement maternel prolongé jusqu’à la naissance, l’enfant peut donc
être encore imprégné par le médicament pendant plusieurs jours voire plusieurs
semaines. La demi-vie plasmatique d’élimination des médicaments est en général
beaucoup plus longue chez le nouveau-né que chez l’adulte ou l’enfant.
Des effets toxiques peuvent être observés chez le nouveau-né alors que les
posologies maternelles sont restées dans l’intervalle thérapeutique.
Pendant toute la grossesse, aucun médicament ne doit être considéré comme
anodin ; les données cliniques et tout particulièrement épidémiologiques sont
insuffisantes pour de nombreux médicaments.
24
2.2.2. Le risque de transmission de la maladie bipolaire à l’enfant :
Cette notion est souvent une des premières questions que pose le couple qui
désire un enfant. Le psychiatre peut le rassurer car le mode de transmission de cette
maladie est le plus souvent sporadique : ce qui se transmet c’est le terrain, pas la
maladie. Mais il faut également l’informer sur le fait qu’il existe des formes familiales
et que le risque de développement d’un trouble chez un enfant de mère bipolaire est
de 10% (57).
3. Médicaments et grossesse
Lorsqu’une jeune femme, sous thymorégulateur, souhaite débuter une
grossesse, il faut impérativement qu’elle en informe son psychiatre
préalablement.
L’idéal est de pouvoir arrêter le traitement pendant la conception et la période
d’organogenèse du fœtus afin de se prémunir du risque malformatif.
La question est de savoir si la femme peut réellement arrêter son traitement.
Pour répondre à cette question, plusieurs points sont à envisager :
- l’histoire psychiatrique de la patiente, qui est le meilleur facteur prédictif du
besoin à maintenir le traitement (âge de début de la maladie, fréquence et
sévérité des épisodes précédents, délai de réponse aux médicaments,
efficacité du traitement…).
- L’évaluation des capacités de la femme à rencontrer ses responsabilités
quotidiennes, éducatives et professionnelles.
- L’histoire de ses grossesses et accouchements précédents (délai à concevoir).
- La durée plus ou moins récente de stabilité clinique avec ou sans
médicaments.
- La place et l’investissement du conjoint sont également à prendre en compte
car il est un observateur privilégié et peut repérer les symptômes
annonciateurs d’une crise et en sera le garde-fou. Il pourra intervenir très vite
avant que la récurrence ne puisse s’installer.
Le psychiatre doit donc informer la patiente qui disposera pour réfléchir aux enjeux
de la décision de suffisamment de temps, donc jamais en cas de grossesse inopinée.
Ensuite, ce sera alors la femme qui aura la décision ultime. Des questions
importantes doivent nourrir sa réflexion : quel est le risque malformatif de chaque
médicament et, quelle est la période de ce risque ? Quel est le risque de rechute en
cas d’interruption du traitement et quelle en sera la durée ?
Le psychiatre doit bien connaître les informations relatives à ces questions afin
d’éclairer la décision de la patiente. Il devra également encourager la patiente à faire
intervenir au maximum le conjoint dans sa réflexion et ses choix, notamment en
l’introduisant, si elle l’accepte, dans les consultations préalables. Au mieux, un
document d’information écrit (annexe 5) complètera l’information orale.
25
Les consultations d’information et de réflexion seront au moins au nombre de
deux, espacées d’au moins une semaine, avec au mieux remise du document écrit
(annexe 1) lors de la première et, si possible, avec la présence du conjoint (ou parfois
d’un autre proche choisi par la patiente). Leur teneur sera bien entendu l’objet d’une
retranscription dans le dossier de la patiente, en réponse aux exigences de la loi du 4
mars 2002 (17).
Viguera, dans une étude de 2002, a analysé les décisions de 116 femmes
bipolaires enceintes après une consultation psychiatrique au sujet des options et des
risques du traitement pour leurs grossesses et sur 70 réponses, 45% des femmes
voulaient éviter une grossesse avant cette consultation et après celle-ci, 63% d’entre
elles ont décidé de poursuivre la grossesse. On peut donc souligner l’importance de
l’autonomie dans la prise de décision des femmes et de l’importance de leur
fournir des informations précises (45).
Une fois la grossesse démarrée, un suivi psychiatrique très régulier de la femme
est préconisé.
Si l’option thérapeutique choisie est efficace, une consultation mensuelle suffira.
Au contraire, si la maladie n’est pas correctement stabilisée (du fait de l’arrêt ou du
changement du traitement), le psychiatre n’hésitera pas à augmenter le nombre de
rendez-vous et à en informer l’obstétricien.
En effet, ces grossesses sont considérées comme pathologiques, la sage-femme
n’est pas en mesure de les suivre sur le plan médical (article R4127-313 du Code de
Déontologie des Sages-Femmes) (50).
Une femme diabétique ou ayant un lupus, qui envisage une grossesse, est
amenée à en discuter avec son médecin spécialiste mais également avec un
obstétricien qui la guidera dans sa décision.
Le but de cette consultation préconceptionnelle n’est pas de dicter le traitement
ni la conduite à suivre mais de fournir les informations précises concernant les
risques pour la grossesse. Elles doivent prendre en compte les aspects malformatifs,
les options thérapeutiques mais également les limites des connaissances actuelles
(45).
Elle devrait également favoriser la bonne collaboration entre obstétricien,
psychiatre et pédiatre (54 ; 58) afin d’éviter la mauvaise compréhension, l’ambiguïté
et les informations inquiétantes du diagnostic anténatal (par exemple : rassurer les
patientes sur le fait que certaines cardiopathies et même certaines formes de la
maladie d’Ebstein sont souvent curables).
Cette consultation, dans le meilleur des cas, se fera avant la grossesse mais peut
également se faire en tout début de grossesse afin d’établir le programme des
consultations, des examens et d’envisager le lieu d’accouchement qui puisse parer à
une éventuelle urgence psychiatrique ou à une urgence néonatale.
26
Si un arrêt du traitement est envisageable, la diminution des doses sera
progressive afin de minimiser le risque de rechutes. Cependant, compte tenu de la
demi-vie d’élimination des molécules, la dernière prise doit avoir lieu au plus tard à 4
SA (15 jours de grossesse), ce qui est difficilement réalisable dans la pratique. L’arrêt
doit donc se faire avant le début de la grossesse.
La durée de la période sans thymorégulateur n’est pas prévisible car elle dépend
de la fertilité du couple (délai moyen de conception dans la population générale : 12
mois).
La décision de remettre en place le traitement dépend du psychiatre et de la
femme : une première possibilité est d’attendre la réapparition des symptômes afin de
gagner le maximum de temps sans traitement, ou de préférer limiter le risque de
rechute en réinstituant le traitement après le premier trimestre.
Les données récentes nous exposent bien qu’une femme bipolaire enceinte stable
pendant la grossesse a moins de risque de rechuter après l’accouchement qu’une
femme symptomatique pendant sa grossesse (23 ; 35).
Pour les femmes qui ont une forme grave de la maladie (multiples épisodes, +/accès psychotiques…), l’option la plus sûre est de maintenir leur traitement (ou de le
substituer par un autre moins tératogène) avant et pendant la grossesse.
Tout en se concentrant sur l’aspect pharmacologique, il ne faut pas ignorer les
autres facteurs de comorbidité de la maladie : obésité, tabac, drogue et toutes sortes
d’abus potentiels et doivent instituer un programme de consultations et d’entretiens
prénataux (entretien du 4ème mois…).
Comme nous venons de voir, la prise en charge est assez complexe ; nous avons
donc établi, pour chaque médicament, un arbre décisionnel à partir des données de
la littérature.
3.1 Le lithium :
3.1.1. Risque malformatif :
Des registres de « bébés lithium » ont été mis en place à la fin des années 1960
au Danemark, aux USA et au Canada pour surveiller les enfants de mères ayant reçu
du lithium lors du premier trimestre de grossesse. Les résultats initiaux de ces
registres ont fait craindre un risque de cardiopathies malformatives (essentiellement
la maladie d’Ebstein, une hypoplasie ventriculaire droite et malformation de la valve
tricuspide, souvent associées à une malformation septale) 400 fois supérieure au
risque des nouveaux-nés de la population générale (41 ; 48). Ces travaux
rétrospectifs souffrent par nature d’un biais de sur-représentation des « bébés
lithium » malformés, inévitablement plus systématiquement signalés que les « bébés
lithium » sans anomalies.
27
Une étude cas témoin (49) et deux études prospectives (30 ; 31) sont venues
contredire ou au moins fortement pondérer les résultats des registres de « bébés
lithium ». Aujourd’hui, les auteurs considèrent que le risque de survenue d’une
maladie d’Ebstein pour un nouveau-né issu d’une mère ayant pris du lithium pendant
le premier trimestre serait multiplié par 10 à 20, soit un cas pour 1000 à 2000
naissances après une exposition au lithium (18 ; 40). Dans la population générale, ce
risque est estimé à un cas pour 20 000 naissances.
3.1.2. Risque de rechute à l’arrêt du lithium :
Ce risque a été évalué par Suppes et al. à partir de 14 études impliquant un total
de 257 patients (43). Ils ont dénombré 50% de rechutes dans les dix semaines ayant
suivi l’interruption du lithium.
Une méta-analyse de Baker, impliquant 19 études, a confirmé ces résultats avec
50% des patients qui avaient rechuté dans les trois mois suivant l’arrêt du lithium
(13).
Viguera, dans une étude récente de 2000, a étudié le risque de rechute chez 101
femmes bipolaires (type I et type II) : 42 femmes enceintes et 59 femmes non
enceintes. Il a ensuite comparé un groupe avec arrêt rapide du lithium (< 14 jours)
avec un groupe avec arrêt progressif (15 à 30 jours). Le taux de récidive à 40
semaines est similaire pour les femmes enceintes (52%) et les femmes non enceintes
(58%). Et pour les femmes asymptomatiques après 40 semaines d’arrêt de lithium, le
risque de récurrence au cours du post-partum est 3 fois plus fréquent que chez les
autres femmes bipolaires (47).
De plus, si la période du risque malformatif est limitée aux 2 premiers mois de
grossesse, cela ne signifie pas que le lithium sera interrompu seulement deux mois
car il faut évidemment prendre en compte également la période entre la décision
d’avoir un enfant (arrêt de la contraception) et la conception effective.
3.1.3. En prévision d’une grossesse :
Le centre de référence sur les agents tératogènes recommande d’arrêter, si
possible et en accord avec le prescripteur, le traitement thymorégulateur jusqu’à la fin
de l’organogenèse cardiaque (50ème jour post-conception) pour éviter une éventuelle
malformation (53).
3.1.4. Surveillance de la grossesse :
Si le lithium est nécessaire à l’équilibre maternel, dans les formes sévères de la
maladie, il peut être poursuivi sous réserve d’une surveillance adaptée.
On tentera d’instaurer progressivement la dose effective la plus basse pour la plus
courte durée possible, tout en sachant que la femme enceinte peut avoir besoin de
doses plus importantes de médicament par rapport à une autre non enceinte afin de
traiter en juste proportion ses symptômes (dû à la pharmacocinétique et au
métabolisme des médicaments modifiés pendant la grossesse).
28
La période à risque de malformation cardiaque (J21 à J50 post-conception) est
donc couverte par le lithium, le dépistage est possible et se base, outre les
échographies usuellement conseillées, sur une supplémentaire à la 15 ème voire à la
14ème semaine d’aménorrhée. Elle peut détecter une forme grave de la maladie
d’Ebstein. Ces formes graves peuvent relever d’une interruption médicale de
grossesse (IMG). Les formes plus atténuées de la maladie ne seront détectables par
l’échographie qu’à 20 ou 22 semaines d’aménorrhée. Ces formes plus légères ne
relèvent pas d’une éventuelle IMG car elles ne sont pas source de handicap majeur
et peuvent être opérables (17).
Par ailleurs, des contrôles lithémiques mensuels (voire plus si instables) en
recherchant des taux proches de 0.60 plutôt que 0.80 mEq/l sont nécessaires au
cours de la grossesse afin d’éviter impérativement tout surdosage. Pour prévenir des
augmentations brutales de la concentration dans le sang, et donc dans celui de
l’enfant, il est conseillé de fractionner les doses pendant la journée (17).
On devra aussi réitérer les informations que tout patient sous lithium doit connaître
concernant les signes d’alerte d’un surdosage et les situations susceptibles d’en
induire (22).
D’autre part, il est indispensable d’éviter une déplétion sodée maternelle et donc
de ne pas modifier les apports de sodium et d’éviter tout traitement diurétique. En fin
de grossesse, il y a un risque de déséquilibre du traitement car l’élimination du lithium
suit la clairance de la créatinine (attention en cas de toxémie au risque
d’augmentation du taux de lithium).
L’idéal est de prévoir une rencontre du couple avec le pédiatre assez tôt dans la
grossesse où il pourra apprécier l’état de la mère mais également celui du père qui
pourra être un appui essentiel. Le pédiatre pourra ainsi anticiper l’endroit où va vivre
l’enfant et dans quelles conditions (tabac), de qui s’en occupera et prendre
connaissance du soutien familial et l’importance du suivi à long terme. Ils pourront
aborder à ce moment là l’accouchement et la prise en charge éventuelle pédiatrique
et surtout anticiper le désir d’allaitement qui reste encore un sujet polémique.
3.1.5. Si la grossesse débute sous traitement :
Même si dans certains cas, une grossesse est possible sous lithium de manière
réfléchie et préparée, une grossesse inopinée sous traitement est problématique (ce
qui représente 50% des grossesses). Le risque tératogène est encouru puisque la
patiente ne sera pas avertie de sa grossesse dès le premier jour, et que le lithium ne
s’élimine pas instantanément de l’organisme à son arrêt. Le temps de réflexion et de
décision est alors très écourté (17).
29
La complexité de ces situations rend difficile l’établissement de recommandations
généralisables à tous les cas. On peut en revanche formaliser les critères sur
lesquels se fondera la réflexion thérapeutique. Ces critères sont : le degré de
stabilisation de l’humeur qui a été obtenu grâce au thymorégulateur, le terme de la
grossesse au moment où elle est détectée, le choix de la patiente, même, moins bien
et moins sereinement informée.
En pratique, on distingue deux situations :
- La grossesse est découverte assez précocement : on aura plus facilement
tendance à arrêter le médicament en cours pour deux raisons. La première est que la
période de risque malformatif n’est généralement pas terminée et la seconde est que
ces situations comportent malgré tout un avantage en ce sens que la période, jusqu’à
la détection de la grossesse, a été couverte par un thymorégulateur et que la période
qui reste jusqu’à la fin du risque malformatif se trouve donc être relativement courte.
Une interruption durant cette courte période restante a donc moins de chance d’être
dommageable sur le plan du risque de rechute thymique.
Ainsi, pour une patiente traitée par lithium, chez laquelle une grossesse est
détectée à 3 ou 4 semaines, il ne restera que 3 à 4 semaines avant la fin de la
période de risque malformatif pour le cœur. Une interruption du traitement a alors peu
de risques d’être très délétère sur le plan thymique. Le bon sens est donc d’arrêter le
lithium avec l’espoir qu’une malformation ne soit pas déjà survenue (17).
- La grossesse est découverte tardivement ; on peut alors se poser la question
d’arrêter le lithium car la période à risque malformatif (2 premiers mois) a été couverte
par le traitement. On préfère généralement maintenir le lithium car il n’y a pas
d’avantage pour le fœtus et si une anomalie devait se produire : « le mal serait déjà
fait ». On surveillera attentivement le reste de la grossesse et on recherchera une
éventuelle malformation aux échographies.
30
Traitement
antérieur à la
grossesse : le
lithium
En prévision
d’une grossesse
Si la grossesse
débute sous
traitement
Evaluation de la
sévérité de la
maladie et de l’état
de la femme
Découverte
précoce de la
grossesse
Découverte
tardive de la
grossesse
Maintien
possible
pendant la
grossesse
Maladie stable,
bien équilibrée
Forme sévère
de la maladie
Arrêt du
traitement
pendant le 1er
trimestre
Arrêt avec +/remplacement
par Olanzapine
ou Lamotrigine
Maintien
possible
pendant la
grossesse
Evaluation de la
sévérité de la
maladie
Réinstauration
du lithium
possible après
le 1er trimestre
Arbre décisionnel du lithium
3.1.6. A plus long terme ?
Il existe très peu de données sur les effets plus tardifs chez des enfants exposés
au lithium au cours de la grossesse. Une étude portant sur une durée de 5 ans après
exposition durant le deuxième et le troisième trimestres n’a pas mis en évidence de
changements comportementaux significatifs (41).
31
3.2. L’acide valproïque et la carbamazépine :
3.2.1. Risque malformatif :
Compte tenu des données disponibles, l’utilisation du valproate est déconseillée
tout au long de la grossesse. En effet, parmi tous les thymorégulateurs utilisés dans
les troubles bipolaires, le valproate est probablement le plus tératogène : 11% de
malformations congénitales (2 à 3% dans la population générale), surtout pour des
posologies supérieures à 1 g/j.
Les malformations les plus souvent rencontrées, et qui constituent le Valproate
Fetal Syndrome (VFS) sont des anomalies de fermeture du tube neural (AFTN) dans
1 à 2% des cas (fréquence de base des AFTN dans la population générale : 0.03%),
des malformations touchant le cœur et l’aorte (coarctation), les membres (anomalies
réductionnelles du rayon radial), la face (dysmorphies et fentes), le crâne
(craniosténose), les reins et les organes génitaux externes (hypospadias) ainsi que
des retards de croissance intra-utérins (12 ; 20).
La carbamazépine multiplie par 2 ou 3 la fréquence de base des malformations :
5.7%, entraînant un syndrome polymalformatif dans 4 à 6% des grossesses
exposées au premier trimestre.
Les malformations les plus souvent rencontrées sont des anomalies de fermeture
du tube neural, dont les AFTN (0.5 à 1% des cas) contre 0.03%, des fentes labiales
et/ou palatines, des malformations cardiaques, des atteintes des membres et des
organes génitaux externes (hypospadias) (38 ; 12).
On peut noter également d’autres types de malformations associées ou isolées :
dysmorphie faciales, polydactylies, anomalies du septum atrial, atteintes cardiaques
congénitales, hernies inguinales, absence de vésicule biliaire ou de glande thyroïde,
torticolis, meningomyelocèles…
De même que pour le valproate, la carbamazépine aurait un syndrome spécifique
(fetal carbamazépine syndrome ou « FCS ») incluant différents types de
malformations dont les principales caractéristiques sont des anomalies cranio-faciales
mineures, une hypoplasie des ongles et un retard de développement.
3.2.2. En prévision d’une grossesse :
D’une manière générale, pour la carbamazépine comme pour l’acide valproïque
et ses dérivés, du fait de la sévérité et de la fréquence des malformations et ce même
avec une supplémentation en acide folique, l’enjeu thérapeutique ne peut
qu’exceptionnellement justifier leur maintien lors du premier trimestre de grossesse et
surtout pas lors du premier mois, période de formation du tube neural (17).
32
3.2.3. Surveillance de la grossesse :
Après le premier trimestre, la carbamazépine et le valproate (ou ses dérivés)
peuvent être repris si la sévérité de la maladie l’impose, en utilisant les posologies
minimales efficaces avec contrôles des taux sériques, en fractionnant les prises, en
utilisant préférentiellement les formes à libération prolongée et bien sûr en évitant les
polythérapies (17).
Sous carbamazépine, la prescription à la mère à partir de la 36ème semaine
d’aménorrhée d’un supplément oral de vitamine K (10 à 20 mg/j) et la prescription au
nouveau-né d’1 mg de vitamine K intramusculaire minorent le risque d’hémorragie du
nouveau-né (19). Sous valproate, cette supplémentation en vitamine K est également
nécessaire du fait d’un rare risque de coagulopathie par hypofibrinémie (20).
Un dépistage prénatal ciblé sur les malformations potentielles doit être mis en
place en particulier pour les AFTN (celui-ci se mettant en place entre le 17 et 28e jour
postconceptionnel) par des échographies du tube neural. On pourra proposer 5 mg/j
d’acide folique deux mois avant et un mois après la conception.
3.2.4. Si la grossesse débute sous traitement :
Nous avons vu que le maintien au premier trimestre, et particulièrement au
premier mois, de la carbamazépine ou du valproate ne pouvait qu’exceptionnellement
être justifié (22). Cependant, dans le cadre des grossesses imprévues l’exposition à
ces produits à cette période est réelle.
Si la grossesse est découverte très précocement, il est préférable, dans la mesure
du possible, d’arrêter progressivement le médicament au moins jusqu’à la fin du
premier trimestre. Si cette option n’est pas envisageable, on essayera de la
remplacer par une autre moins tératogène afin de protéger la fin de la période
d’organogénèse.
Si au contraire la grossesse est découverte tardivement, le traitement ne doit pas
être interrompu : il y aurait alors plus d’inconvénients que d’avantages.
Une échographie supplémentaire entre la 18ème et la 20ème semaine
d’aménorrhée est alors nécessaire à la recherche d’une AFTN, ainsi qu’un dosage
plasmatique maternel de l’alpha-foetoprotéine, voire une amniocentèse (22).
33
Acide valproïque et
carbamazépine
En prévision d’une
grossesse
Si la grossesse débute
sous traitement
Arrêt progressif dans tous les
cas
Découverte précoce de la
grossesse
Découverte tardive de la
grossesse
Si forme sévère de la maladie
Arrêt progressif dans tous les
cas
Poursuite possible si la
maladie l’impose
Remplacement possible par
olanzapine ou lamotrigine
Si forme sévère de la maladie
Remplacement possible par
olanzapine ou lamotrigine
Arbre décisionnel du valproate et de la carbamazépine
3.2.5. A plus long terme ?
Les données épidémiologiques actuelles n’ont pas mis en évidence de diminution
du quotient intellectuel global chez les enfants exposés in utero au valproate.
Cependant, une légère diminution des capacités verbales et/ou une augmentation
de la fréquence du recours à l’orthophonie ou au soutien scolaire ont été décrites
chez les enfants. Par ailleurs, quelques cas isolés d’autisme et de troubles
apparentés ont été rapportés chez les enfants exposés in utero (10).
Pour les enfants de mères traitées par carbamazépine, les données ne montrent
pas d’effets significatifs sur les scores d’intelligence (57). Des études
complémentaires sont nécessaires pour confirmer ou infirmer l’ensemble de ces
résultats.
Observation 1
Mlle G. Tifenn, 22 ans, vendeuse.
Adressée par son médecin traitant, Mlle G. décrit des alternances de phases
moroses et euphoriques avec alors une sexualité exacerbée, des prises d'alcool et/ou
de cannabis. Elle est de caractère rapidement irritable voire agressif et exprime une
hyperéactivité émotionnelle.
Ces manifestations sont apparues dès la puberté et se sont développées. Elle n'a
pas d'antécédents personnels mais sa mère est, depuis plus de 15 ans, traitée pour
psychose maniaco-dépressive, une sœur consulte pour des troubles similaires. Une
plus jeune sœur de 14 ans commence à exprimer des difficultés caractérielles.
34
Elle accepte, bien que réticente, un traitement normothymique qui créera chez elle
une abrasion de ses affects et une adynamie relative, mais elle se reconnaîtra
stabilisée, en particulier, quant à son agressivité.
Une aménorrhée de 2 mois sous acide valproïque générera chez Mlle G. une forte
angoisse, de par la grossesse en elle-même, et de tous les risques qu’elle peut
engendrer. Elle prendra donc la décision de l'interrompre.
Observation 2
Mme I. Marie Blanche, 37 ans, vit maritalement, 1 enfant, assistante de vie.
A sa première consultation, à l'instigation du médecin généraliste, Mme I. présente
un épisode dépressif majeur de type « hostile » : c'est-à-dire avec une forte charge
d'agressivité ; elle est sous antidépresseurs et sédatifs le soir. Ce traitement verra un
amendement net de sa dépression mais en parallèle une apparition de TOC et une
exacerbation de son irritabilité puis une surexcitation hypomaniaque (virage
hypomaniaque dû aux antidépresseurs).
Le psychiatre basculera sur une médication à base de carbamazépine et de
rispéridone ce qui la stabilisera très correctement pendant plus d'un an. Elle et son
ami désirent un nouvel enfant : elle demandera à adapter/cesser le traitement. Malgré
les informations précisant les risques ainsi que les réelles possibilités médicales, son
traitement sera progressivement arrêté sur un mois.
Trois mois plus tard, elle se retrouve enceinte. La grossesse se déroule sans
aucun problème et Mme I. donne naissance à un enfant en très bonne santé. Dès le
lendemain de son accouchement, un traitement par carbamazépine en monothérapie
sera remis en place. Elle pourra alors allaiter son bébé comme elle le désirait.
3.3. L’olanzapine :
3.3.1. Risque malformatif :
A ce jour, aucune étude contrôlée spécifique n’a été réalisée chez la femme
enceinte.
Dans le Résumé des Caractéristiques du Produit, le fabricant rapporte 7 cas de
grossesses exposées à l’olanzapine durant les essais cliniques : les issues ont été un
avortement spontané, trois avortements thérapeutiques (cause inconnue), un décès
néonatal dû à un défaut cardio-vasculaire (à priori non attribuable au principe actif) et
deux naissances normales.
L’effet de l’exposition à l’olanzapine, à partir du suivi prospectif de 96 femmes
enceintes, se décompose comme suit : 72% des enfants nés d’une telle exposition
étaient normaux, 12.5% d’avortements spontanés ont été relevés, 2% des naissances
ont été prématurées et 1% de malformations majeures, sans précisions, ont été
rapportées (20).
35
L’olanzapine n’est pas tératogène chez l’animal et d’après le CRAT, il ne semble
pas exister de malformations congénitales attribuables à cette molécule. En pratique,
c’est donc le médicament le plus utilisé pour la grossesse.
3.3.2. En prévision d’une grossesse :
En raison des effets tératogènes des autres thymorégulateurs, l’olanzapine peut
être poursuivie à posologie efficace pendant la grossesse et même remplacer les plus
dangereux comme le lithium, l’acide valproïque et la carbamazépine (53).
C’est aujourd’hui, l’option retenue par la plupart des psychiatres sans réel
consensus.
3.3.3. Surveillance de la grossesse :
Avant toute prescription de cette molécule, il faudra s’assurer que la femme ne
soit pas diabétique (ou hypercholestérolémie) et donc pour la grossesse, un
dépistage du diabète gestationnel est fortement conseillé ainsi que la surveillance de
la prise de poids maternelle.
3.3.4. Si la grossesse débute sous traitement :
Il ne faut surtout pas arrêter l’olanzapine sans l’avis du prescripteur. On peut se
permettre de rassurer la patiente quant au risque malformatif. Si le traitement doit être
maintenu, l’olanzapine pourra être poursuivie (53 ; 57).
Traitement antérieur à la
grossesse : l’olanzapine
En prévision d’une grossesse
Si la grossesse débute sous
traitement
Le traitement peut être maintenu
Le traitement peut être maintenu
Arbre décisionnel de l’olanzapine
3.3.5. A plus long terme :
Aucune séquelle comportementale chez les enfants, exposés in utero, jusqu'à 6 –
10 ans n’a été retrouvée (57).
36
Observation 3
Mme X, 36 ans, mariée, 2 enfants, cadre supérieure.
Mme X. a une longue histoire de troubles de type hyperthymique avec impulsivité
et agressivité qu'elle aggrave par une consommation très régulière d'alcool. Un
épisode dépressif majeur, qu'elle met sur le compte de l'épuisement professionnel,
l'amène à consulter.
Un diagnostic de trouble bipolaire est très rapidement posé et admis par Mme X.
Elle acceptera un traitement mais sans remettre réellement en cause ses habitudes
alcooliques peu compatibles avec sa médication, qu'elle adaptera pendant plus de 2
ans selon l'évolution de ses troubles. Les divers effets secondaires seront, en
particulier, une prise de poids nette sous olanzapine et des tremblements constants
avec le lithium.
Mme X. vient, accompagnée de son mari, pour exprimer leur désir d'avoir un
troisième enfant ce qu'elle avait toujours désiré dès le début de sa prise en charge.
Le dernier traitement apparemment à peu près suivi, le psychiatre et le couple
décideront de le maintenir pendant toute la grossesse, qui s’est déroulée sans
difficulté majeure.
Depuis, la mère et l’enfant se portent bien et Mme X a profité de ce moment
particulier de la grossesse pour consulter un addictologue et arrêter totalement sa
consommation d’alcool…
3.4. La lamotrigine :
3.4.1. Risque malformatif :
De nouvelles données issues du Registre Nord-Americain de Grossesses
exposées à la lamotrigine (NAAED Pregnancy Registry) suggèrent une possible
augmentation du risque de fentes labio-palatines isolées chez des enfants de mères
traitées par lamotrigine en monothérapie durant le premier trimestre de la grossesse.
L’analyse des données du registre, retrouve trois cas de fentes palatines isolées et
deux cas de fentes labiales parmi 564 enfants de mères traitées par lamotrigine (8.9
cas / 1000). Ce taux, comparé au taux d’incidence de 0.37 cas / 1000 observé dans
la population générale, est augmenté avec un risque relatif de 24. (29).
En revanche, le taux global de malformations congénitales majeures observées
avec la lamotrigine dans le NAAED Pregnancy Registre n’est pas augmenté par
rapport à celui de la population de référence.
C’est également ce que confirme une étude prospective, publiée en 2002, qui a
évalué l’effet de l’exposition au médicament en monothérapie au premier trimestre
chez 334 femmes (44).
37
3.4.2. En prévision d’une grossesse :
Si une grossesse est envisagée, elle représente l’occasion de peser à nouveau
l’indication du traitement car il faut rappeler malgré tout que la lamotrigine n’a pas
l’AMM pour le traitement des troubles bipolaires.
Si au vu de l’état de la patiente, le traitement doit être maintenu, on s’assurera que
la lamotrigine sera prescrite en monothérapie et on rassurera la patiente quant aux
effets malformatifs pour l’enfant.
3.4.3. Si la grossesse débute sous traitement :
Le traitement efficace par lamotrigine ne doit jamais être interrompu, l’aggravation
de la maladie étant plus préjudiciable pour la mère et le fœtus que les avantages
attendus par l’arrêt du médicament (53).
Une prévention par acide folique des anomalies de fermeture de tube neural est
préconisée un mois avant et deux mois après la conception chez les femmes traitées
par des anti-épileptiques (5mg/jour).
Traitement antérieur à la
grossesse : la lamotrigine
En prévision d’une grossesse
Si la grossesse débute sous
traitement
Le traitement peut être maintenu
Le traitement peut être maintenu
Arbre décisionnel de la lamotrigine
3.5. L’oxcarbazépine :
3.5.1. Risque malformatif :
Les données publiées chez les femmes enceintes exposées à l’oxcarbazépine en
monothérapie au premier trimestre sont peu nombreuses mais d’après le CRAT,
aucun effet malformatif spécifique n’a été retenu (53).
Un cas de malformation cardiaque a été rapporté d’une étude argentine portant
sur 55 nouveaux-nés de mères traitées par oxcarbazépine pendant leurs grossesses
(33). Egalement, on peut noter qu’une autre source insiste sur le risque de fente
palatine (56).
38
3.5.2. En prévision d’une grossesse :
L’oxcarbazépine est une molécule proche de la carbamazépine : on aura tendance
à essayer au mieux d’arrêter le traitement ou d’au moins le remplacer par un
thymorégulateur qui soulève moins d’inquiétude : l’olanzapine ou la lamotrigine. On
mettra également en place une prévention par acide folique.
3.5.3. Si la grossesse débute sous traitement :
On ne poursuivra qu’exceptionnellement ce médicament : si toutes les autres
options thérapeutiques sont vaines. On prévoira alors la prescription de vitamine K1
à la posologie de 10 mg/jour par voie orale pendant les 15 derniers jours de
grossesse du fait du risque hémorragique du nouveau-né (19).
3.6. La rispéridone :
3.6.1. Risque malformatif :
L’innocuité de la rispéridone pendant la grossesse n’a pas été établie. On ne
dispose que de données rassurantes chez l’animal : en conséquence, par mesure de
prévention, il est préférable de ne pas utiliser la rispéridone pendant la grossesse.
3.6.2. En prévision d’une grossesse :
On préfèrera la remplacer par l’olanzapine. En cas d’inefficacité ou de mauvaise
tolérance, l’utilisation de la rispéridone peut être, malgré tout, envisagée en cours de
grossesse d’après le CRAT (53).
3.6.3. Si la grossesse débute sous traitement :
Les avis sont contradictoires : le CRAT autorise sa poursuite alors que l’attitude
générale des psychiatres est plutôt d’essayer de l’arrêter (53).
3.7. L’aripiprazole :
3.7.1. Risque malformatif :
A ce jour, aucune étude contrôlée spécifique n’a été réalisée chez la femme
enceinte. Les études animales n’ont pu exclure une toxicité potentielle sur le
développement. Des études sur le rat et le lapin ont été conduites à des doses 10 à
65 fois supérieures à la dose humaine maximale recommandée. Il a été rapporté un
faible accroissement de la durée de gestation et un léger retard de développement
fœtal (faible poids de naissance, cryptorchidie, retard d’ossification, anomalies
squelettiques) (55).
39
3.7.2. En prévision d’une grossesse :
En raison d’informations insuffisantes sur la tératogenèse chez l’Homme et des
interrogations suscitées par les études menées chez l’animal, le principe de
précaution s’applique : le médicament ne doit pas être utilisé pendant la grossesse.
On aura alors recours à l’olanzapine.
3.7.3. Si la grossesse débute sous traitement :
L’aripiprazole pourra être poursuivi à la condition que la femme n’ait répondu
favorablement qu’à ce médicament et que son arrêt pour la grossesse ne soit pas
envisageable au vu de la sévérité de la maladie.
Traitement antérieur à la
grossesse : l’oxcarbazépine, la
rispéridone et l’aripiprazole
En prévision d’une
grossesse
Si la grossesse débute sous
traitement
Arrêt du traitement avec +/remplac. par olanzapine ou
lamotrigine
Arrêt du traitement avec +/remplac. par olanzapine ou
lamotrigine
Arbre décisionnel de l’oxcarbazépine, de la rispéridone et de l’aripriprazole
40
4. Apparition d’accès aigus pendant la grossesse :
La maladie bipolaire peut se déclarer au moment d’une grossesse par des accès
aigus comme une dépression majeure, un état maniaque ou psychotique. On traitera
ces épisodes a priori comme tels avant de faire le diagnostic de troubles de l’humeur.
4.1. Conduite à tenir face à un état dépressif :
S’il est caractéristique d’une dépression bipolaire, le psychiatre mettra en place
directement un traitement thymorégulateur tel que l’olanzapine (Zyprexa®).
S’il n’est pas caractéristique, il va donc être traité comme une dépression
unipolaire et la décision de mettre en place un antidépresseur est à prendre au cas
par cas. Le couple peut être rassuré sur l’absence d’augmentation du taux de
malformations mais doit être informé sur les risques de complications néonatales (qui
sont généralement bénignes et transitoires).
Si le traitement est instauré ou poursuivi pendant le 3 ème trimestre, il est
recommandé de choisir une maternité qui possède un service de néonatologie.
Les posologies des antidépresseurs doivent être augmentées de 50% du fait du
volume de distribution modifié. Puis une baisse progressive avant l’accouchement est
préconisée afin de se prémunir d’un syndrome de sevrage brutal de l’enfant. Mais,
dans tous les cas, il ne faudra jamais interrompre brutalement le traitement.
En première intention, quel que soit le terme, le CRAT recommande un
antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine tel que la fluoxétine
(Prozac®) alors que les tricycliques seront plutôt de second choix (53 ; 57).
Il faut rappeler que l’allaitement est déconseillé avec ces molécules.
4.2. Conduite à tenir face à un état maniaque ou hypomaniaque :
De par ses conséquences qui peuvent être dramatiques, l’épisode sera traité par
l’olanzapine. Mais la sévérité de l’état peut également imposer une hospitalisation
d’office (57).
4.3. Conduite à tenir face à un épisode psychotique :
Les troubles psychotiques sont rares pendant la grossesse. Mais un syndrome
délirant est une urgence médicale : il faut donc hospitaliser la femme car il existe un
risque majeur pour elle et la grossesse.
En cas de signes modérés et en l’absence d’antécédents psychotiques, on
essayera d’éviter dans la mesure du possible les neuroleptiques pendant le premier
trimestre.
En cas de signes sévères (ou après le premier trimestre, on prescrira plutôt ces
neuroleptiques : l’Halopéridol (Haldol®), le Chlorpromazine (Largactil®) ou des
antipsychotiques : l’amisulpride (Solian®), l’olanzapine (Zyprexa®), le sulpiride
(Dogmatil®) (57).
41
5. Accouchement
Dans la mesure du possible, il est recommandé de diminuer les posologies de
25 à 30%, voire d’arrêter momentanément le traitement dans la semaine qui précède
l’accouchement pour deux raisons : le risque d’intoxication maternelle dans le postpartum du fait de la chute brutale du volume plasmatique. La femme se retrouve donc
très vite à des concentrations plasmatiques au dessus de la fourchette thérapeutique
et des effets toxiques peuvent s’observer chez le nouveau-né (22).
L’accouchement ne se réalisant pas souvent à la date prévue, il est plus prudent
d’interrompre progressivement le traitement pendant le 9 ème mois. Dans tous les cas,
il faut l’arrêter dès que la femme est en travail (57).
C’est au moment de l’accouchement que la sage-femme a un rôle très important.
Elle doit être très présente auprès de la femme, la rassurer, l’écouter et ne pas
hésiter, dans la mesure du possible à avoir recours à la péridurale afin de faciliter la
bonne collaboration avec la femme (57).
La sage-femme doit prévenir le médecin de garde dès l’entrée de la femme en
salle d’accouchement. Le nouveau-né doit être accueilli par un pédiatre prévenu du
traitement maternel et de ces effets possibles (17).
On peut donc dire qu’au niveau obstétrical, l’accouchement d’une femme bipolaire
est tout à fait comparable à celui de tout autre femme.
42
6. Prise en charge néonatale en salle de naissance et pendant le
séjour en maternité
Pour certains médicaments, la toxicité chez les nouveaux-nés est bien connue et
des recommandations ont été mises en place pour chacun :
Exposition du fœtus Répercussions
pendant la grossesse
néonatales
Lithium
Acide valproïque
Carbamazépine
Oxcarbamazépine
Olanzapine
Conduites à tenir à la
naissance et pendant le
séjour en maternité
-accouchement prématuré - lithiémie au cordon et un
- hypotonie avec troubles bilan thyroïdien
respiratoires et cyanose - surveillance de la
(floppy baby syndrome)
fonction cardiaque et de
- hypothyroïdisme
son comportement
- bradycardie
- diabète néphrogène
insipide (45)
- risque de coagulopathie - éviter au maximum tout
par hypofibrinémie
accouchement
- hypoglycémie
traumatique
- syndrome de sevrage - pas de prélèvement
(20)
sanguin ni d’électrode de
scalp
- 1 mg de vitamine K IM
- bilan d’hémostase
- surveillance de la
glycémie
pendant
la
première semaine de vie
et - risque d’hémorragie (19) - éviter au maximum tout
accouchement
traumatique
- pas de prélèvement
sanguin ni d’électrode de
scalp
- 1 mg de vitamine K IM
-tremblements
- surveillance clinique
- hypotonie
- léthargie
- somnolence
43
7. Suites de couches
7.1. La reprise du traitement :
Quelque soit le médicament arrêté pour l’accouchement ou pour la grossesse, il
faut impérativement le réinstituer dans les 24 heures qui suivent la naissance. La
posologie doit être diminuée du fait du risque d’intoxication, il faut donc rapprocher les
dosages de la lithiémie et surveiller l’apparition des signes d’intoxication (nausées,
vomissements, diarrhées, ralentissement psychomoteur, tremblements).
En effet, l’absence de thymorégulateur durant le post-partum est une prise de
risque déraisonnable, sachant le taux très élevé de rechutes du trouble bipolaire à
cette période, allant de 67% à 82% dans les études récentes selon la revue de
Viguera et al. (46).
Rappelons en effet que la psychose du post-partum est 100 fois plus fréquente
chez les patientes atteintes de trouble bipolaire que chez les autres femmes (45).
7.2. La surveillance du nouveau-né :
Tous les nouveaux-nés de mères sous thymorégulateur doivent bénéficier d’une
surveillance particulière :
- du rythme cardiaque
- de la saturation périphérique
- de sa température
- du tonus et du réflexe de succion
- de l’ictère
L’unité « kangourou » parait une bonne solution afin de ne pas les séparer et
favoriser ainsi le bon établissement de la relation mère-bébé, qui peut être
fragilisée de par la pathologie maternelle. La sage-femme est certainement la mieux
placée avec la collaboration de la puéricultrice pour encourager et valoriser la femme
en lui conseillant le « peau à peau » en cas de syndrome de sevrage. Elle devra être
attentive à la tolérance de la femme aux pleurs de son bébé, à la qualité des soins
mais également aux échanges de regards mamans-bébé et à l’intérêt porté à son
développement.
La durée du séjour en maternité sera donc, par conséquent, allongé afin de
surveiller l’état de l’enfant et pour se donner plus de temps et donc plus de chance
pour que la mère et le bébé apprennent à se connaître dans les meilleures conditions
possibles.
En cas d’allaitement autorisé, veiller à se qu’il se fasse avec la plus grande
souplesse possible et que les informations données à la nouvelle maman soient les
plus cohérentes possibles pour ne pas lui engendrer de stress supplémentaire.
44
7.3. La contraception :
Les médicaments inducteurs enzymatiques (acide valproïque, carbamazépine)
rendent inefficaces la contraception hormonale normo et surtout mini-dosée par
dégradation plus rapide au niveau du foie et par compétition au niveau des
récepteurs. Chez les patientes concernées, il est donc préférable d’utiliser un autre
moyen de contraception non hormonal (stérilet au cuivre, moyens locaux…)
La lamotrigine est un antiépileptique de nouvelle génération qui n’a pas
d’interaction avec les oestro-progestatifs ; ce médicament est donc compatible avec
cette contraception.
8. Allaitement
Médicaments
Lithium
Acide valproïque
Divalproate de
sodium
Valpromide
Carbamazépine
Contre-indications
éventuelles
Contre-indiqué
Non contre-indiqué
A réévaluer
Non contre-indiqué
A réévaluer
Olanzapine
Déconseillé
Lamotrigine
A réévaluer
Contre-indiqué
Rispéridone
Oxcarbazépine
Aripiprazole
Déconseillé
45
Effets chez le nouveau-né en
cas d’allaitement
Cyanose, hypotonie, léthargie,
modifications de l’onde T à
l’ECG, hypothermie (10 ; 20)
(9 ; 10)
1 cas de purpura
thrombocytopénique
et 1 cas d’anémie (42)
Troubles hépatiques (20)
(9 ; 10)
hépatotoxicité transitoire,
léthargie, irritabilité (14 ; 20)
Sédation, ictère, cardiomégalie,
tremblements, succion
insuffisante, protusion de la
langue, rash cutané et diarrhée
(20)
(24)
Toxidermie sévère, syndrome de
Lyell, syndrome de StevensJohnson (20)
Pas encore documentés dans
l’espèce humaine
L’allaitement
est
donc
envisageable
seulement
pour
l’acide
valproïque/valpromide/divalproate de sodium et la carbamazépine mais une
surveillance du taux sanguin des médicaments et les enzymes hépatiques est
nécessaire : ce qui rend l’allaitement assez compliqué. Il faut également
recommander à la patiente d’allaiter avant la prise de son médicament.
Mais si la patiente est traitée par un autre thymorégulateur, il conviendra de
conseiller de ne pas allaiter et de maintenir le traitement et jamais l’inverse.
Néanmoins, le choix ultime d’allaiter ou non reviendra toujours à la patiente et il est
des cas où celle-ci, informée des risques, choisira l’allaitement et le maintien du
traitement. Mais, si grande soit l’importance subjective de l’allaitement pour une
patiente, cela ne saurait justifier l’arrêt du médicament dans le post-partum.
On peut remarquer que beaucoup de mères bipolaires souhaitent allaiter leurs
enfants pour plusieurs raisons : elles ont souvent peur de leur transmettre leur
maladie, alors le fait de les nourrir représente pour elles un « bienfait à leur offrir ».
Elles croient également qu’en allaitant, elles fournissent une part du médicament pour
les protéger de leur propre trouble.
D’autres femmes, au contraire, ont très peur d’allaiter du fait du passage du
médicament dans le lait et ne choisiront pas, de toute façon, cette option.
Enfin, il est très important que les patientes connaissent les données et enjeux
concernant l’allaitement avant l’accouchement et que leurs choix aient pu être
réfléchis au préalable et non décidés à la hâte dans les heures qui suivent la
naissance.
Si l’allaitement n’est pas autorisé, se pose alors le problème d’empêcher la
montée laiteuse. En effet, la molécule la plus utilisée dans cette indication est la
bromocriptine (Parlodel*, Bromokin*). Or la bromocriptine est un agoniste
dopaminergique et peut donc induire des accès maniaques et favoriser l’installation
d’une psychose puerpérale. Nous conseillons donc d’éviter la prise de bromocriptine
et de favoriser d’autres molécules pour stopper la lactation. (dihydroergocryptine :
Vasobral®).
46
9. Psychose puerpérale et évolution vers la maladie bipolaire
La survenue d’une psychose puerpérale, dans le post-partum, chez une
femme n’ayant pas d’antécédent psychiatrique, peut être le premier signe
annonciateur du développement de la maladie bipolaire à plus long terme.
9.1. Définition et épidémiologie :
La psychose puerpérale est une entité nosographique qui rassemble les épisodes
psychotiques aigus survenant de façon inattendue et brutale dans les jours suivant
l’accouchement. Son incidence est estimée de 1 à 2 pour 1000 naissances. La
nosographie actuelle la rattache aux psychoses affectives déclenchées par le
contexte puerpéral, elle est en France considérée comme proche des bouffées
délirantes.
9.2. Aspects cliniques :
Elle se caractérise par un début brutal, de 48 à 72 heures après la naissance à 2
semaines après l’accouchement. Les premiers symptômes sont des troubles du
sommeil, de l’irritabilité, de l’excitation.
Ensuite, la phase d’état est au maximum vers le dixième jour avec un tableau
clinique associant une humeur dépressive, exaltée ou mixte, un comportement
désorganisé, incompréhensible, un délire et des hallucinations. La problématique
délirante est généralement centrée sur l’enfant et sa naissance : négation de la
maternité, sentiment de non appartenance ou de non-existence de l’enfant, ou encore
conviction qu’il est mort, qu’il a été substitué ou dérobé par des proches.
Le risque de suicide et/ou d’infanticide impose des mesures thérapeutiques
immédiates.
9.3. Traitement :
La psychose puerpérale implique une hospitalisation en service spécialisé
psychiatrique (service libre ou HDT). Lorsque c’est possible, l’hospitalisation
s’effectue dans une unité mère-bébé. En effet, la non-séparation de la mère et de son
enfant permet de développer des liens le plus rapidement possible. Mais cela n’est
possible que lorsque toutes les conditions de sécurité sont réunies. En ce sens, cette
hospitalisation mère-bébé est parfois délicate et contre-indiquée dans les premiers
temps.
Le traitement doit assurer une sédation (benzodiazépines) et un effet
antipsychotique (antipsychotiques atypiques : rispéridone, olanzapine, amisulpride).
La sismothérapie (électrochocs) peut être proposée après 2-3 semaines d’échec
des neuroleptiques.
47
Au vu de la relation bien établie entre la psychose puerpérale et le trouble
bipolaire, certains experts argumentent que la psychose puerpérale ne peut être
distinguée d’un épisode maniaque et qu’elle devrait être traitée de la même manière,
c’est-à-dire avec un thymorégulateur comme le lithium, l’acide valproïque ou la
carbamazépine.
9.4. Evolution :
L’évolution à court terme est généralement favorable dans la mesure où les
risques immédiats ont été pris en considération. Par conséquent, la rapidité du
diagnostic est un élément pronostic majeur. Celui-ci ne pose habituellement pas de
problème lorsque la mère est en maternité, mais l’accès aux soins peut être
considérablement retardé s’il s’agit d’une mère isolée retournée à son domicile.
A plus long terme, l’évolution schizophrénique est rare. En revanche, la
psychose puerpérale peut être le premier épisode d’un trouble bipolaire
naissant.
9.5. Vulnérabilité et facteurs de risque :
Les facteurs de vulnérabilité semblent liés aux hypothèses biologiques, l’âge et la
parité de la mère. En revanche, des antécédents de psychose puerpérale, de trouble
bipolaire de la mère ou d’antécédents familiaux de trouble bipolaire sont à prendre en
considération, de même les psychoses puerpérales sont plus élevées chez les
femmes ayant eu une césarienne ou un accouchement avec des complications
obstétricales.
Risque de récurrence de psychose du post-partum (PPP). (57)
48
Les hypothèses mettant en jeu des facteurs biologiques n’ont pas encore éclairé
le processus physiopathologique même si on connaît les interactions entre les
oestrogènes et les récepteurs dopaminergiques et noradrénergiques. La chute
oestrogénique en période post-natale contribuerait à une hyperactivité
dopaminergique.
Les évènements de vie et les facteurs de stress ne joueraient un rôle significatif
que dans la vulnérabilité aux troubles non psychotiques du post-partum, en particulier
il semble se dégager un mode de vulnérabilité comparable à celui des troubles
bipolaires.
Observation 4
Mme B. Audrey, 25 ans, vit maritalement, hôtesse d'accueil.
Mme B. fait une bouffée délirante le lendemain de l'accouchement de son premier
enfant, celui-ci étant dans ses bras, il fera une chute et aura le crâne fracturé.
Lorsqu’on reprend ses antécédents, on note une dépression dès l'âge de 16 ans
attribuée à la fatigue et au stress. Plus jeune, elle a été suivie en raison d'un
bégaiement. A partir de 21 ans, elle a présenté des épisodes dépressifs majeurs
toujours mis sur le compte de sa personnalité fortement angoissée.
Pendant la grossesse, elle se décrit bien, voire trop bien, quasi euphorique.
Le diagnostic de troubles bipolaires se fera qu’ après l’accouchement et Mme B.
sera traité par lamotrigine avec une couverture ponctuelle d’anxiolytiques.
Depuis, elle vit dans une exacerbation de son angoisse avec en permanence
l'appréhension de refaire du mal à son enfant et compte pour cela être prise en
charge sur le plan psychothérapeutique.
49
10. Psychopathologie de la maternité :
10.1. Du côté maternel :
Comme pour toute femme, il existe un remaniement psychologique normal lié à la
puerpéralité appelé aussi « maternalité » dont l’élément essentiel est une crise
d’identité chez la femme enceinte. La maternalité, notamment lors de la première
maternité, est une étape maturante qui aboutit à un épanouissement de la féminité.
La grossesse provoque une crise identitaire, dans sa dimension narcissique avec
tous les effets bien connus de troubles émotionnels, modifications du caractère en
relation avec les modifications corporelles (51).
Pour les femmes bipolaires, la grossesse engendre également tous ces
remaniements mais génère aussi beaucoup d’angoisses, d’inquiétudes vis-à-vis de
l’interruption de leur traitement ou de ses conséquences sur l’enfant si celui-ci est
maintenu. Beaucoup de questions sur le risque de transmission de la maladie à leur
bébé ou sur leur capacité à l’élever surgissent au moment de la grossesse et peut
entraîner une telle anxiété qu’il faudra la prendre en considération pour ne pas que la
femme se mette en retrait et s’enferme dans le cercle vicieux de l’isolement.
10.2. La constitution du lien mère-nouveau-né :
D’abord, la mère doit faire le deuil de son état de grossesse et de l’enfant
imaginaire, parfait, idéal. Ensuite, elle doit faire le travail inverse, celui d’attacher à
l’enfant réel des désirs, des espoirs, des sentiments, c'est-à-dire aménager une place
dans sa vie mentale pour ce bébé. Ce travail de réorganisation, quelques heures
après l’accouchement, amène le monde mental de la mère à se restructurer en
incluant le bébé dans sa dynamique et son organisation.
Lors de longues séparations, la restructuration de la mère peut se faire sans
inclure l’enfant (5).
10.3. Les conséquences psychopathologiques chez l’enfant :
La pathologie maternelle se traduit par des accès mélancoliques ou maniaques,
suivis de périodes de stabilisation qui peuvent être longues, cette pathologie
thymique expose donc l’enfant à des changements d’humeur de sa mère. Il peut être
confronté à une mère dépressive, abattue et, parfois, à une mère euphorique dans un
état maniaque. Cet enfant est, par conséquent, soumis à des comportements
imprévisibles qui ne lui permettent pas d’anticiper l’échange. La relation peut évoluer
entre des rapprochements intenses et des mouvements de rejets. Le problème pour
lui sera de se construire une continuité psychique (4).
L’influence de la mère bipolaire, sur le fonctionnement mental de l’enfant, est
extrêmement précoce. Ces risques sont liés, d’une part, aux particularités de la
relation avec sa mère et, d’autre part, aux séparations itératives souvent non
préparées avec des recours à des substituts maternels (lors d’hospitalisations
maternelles). Les risques sont d’autant plus importants que le père présente lui aussi
une pathologie psychiatrique (5).
50
Les symptômes dépressifs chez la mère risquent d’altérer ses possibilités
d’ajustement aux appels du bébé. Celui-ci est confronté a un visage maternel triste,
sans expression, en retrait, irritable, etc., à des échanges silencieux, à une mère
absente de la relation ou au contraire intrusive, hyperstimulante.
Les risques psychopathologiques sont très variables et le rôle du pédiatre sera de
dépister des signes de souffrances : des troubles du tonus (hypo- ou hypertonie), un
évitement du regard ou, au contraire une hypervigilance, une avidité relationnelle, une
tendance à se réfugier dans le sommeil, une hyperadaptation, des troubles
alimentaires… (5)
L’apparition, à long terme, de carences graves de troubles cognitifs, de conduites
addictives et de délinquance, est souvent évoquée. Le risque évolutif à l’âge adulte
serait un tableau proche du syndrome d’abandon, dominé par la dépendance
affective et la tendance au passage a l’acte (2).
11. Prévention
11.1. Les unités mères-enfants :
Pendant longtemps, la pathologie mentale maternelle n’a été considérée que du
seul point de vue de la clinique, sans que l’on s’attardât sur le chaos vécu par le
nourrisson ou les effets des ruptures des liens d’attachement.
On pensait volontiers qu’il était préférable de placer le bébé, soit en pouponnière,
soit au sein du groupe familial et d’attendre que la mère soit en état de s’en occuper.
Pourtant, c’est justement dans la proximité du corps à corps avec son bébé et les
échanges interactifs très précoces qu’une femme devient mère. C’est à partir de ce
constat que s’est créée l’unité mère-enfant qui propose un cadre thérapeutique
spécifique capable à la fois de prendre en compte le désordre psychique maternel et
l’instauration du lien mère-enfant (1).
C’est en 1959 que fut créée la première unité d’hospitalisation mère-enfant à
l’hôpital de Banstead dans le Surrey.
Actuellement, en France, il existe une quarantaine de places d’hospitalisation
complète (dont plus de la moitié pour la région parisienne).
Ces unités ont pour vocation d’accueillir une dyade en crise, dans un lieu
sécurisant pour la femme mais aussi pour l’enfant en attente d’une mère
suffisamment autonome. Il s’agit de différer les décisions improvisées et d’assurer un
maternage pour les mamans, sans qu’elles se sentent persécutées et de les
accompagner.
Leur objectif est également d’assurer auprès du bébé, une continuité des
soins qui sont normalement assurés par la mère, sans se substituer à elle tout
en respectant son style propre.
51
Il s’agit donc d’une hospitalisation prenant en charge une dyade, mais également
une triade, père-mère-bébé (parfois même les grands-parents).
Une part importante du travail implique l’observation de l’interaction mère-bébé
(également grâce à la vidéo) et la mise en place de grilles d’évaluation de ces
interactions permet d’objectiver l’évolution des relations. Ce travail d’observation est
tout à fait essentiel (1).
11.2. La place du père :
Tout au long de cet exposé, on a beaucoup parlé de la mère et de son bébé, mais
il ne faut pas oublier le père qui tient une place fondamentale dans la construction
de l’identité de l’enfant. Cette relation permet à l’enfant de développer des
capacités à investir le monde extérieur mais il tient également une place affective très
importante.
Lorsque la mère est bipolaire, il a un autre rôle essentiel pour la bonne
instauration de la relation mère-enfant. Il est le garde-fou des accès aigus auxquels la
mère peut être soumise. C’est lui qui pourra intervenir en premier afin de prévenir une
éventuelle catastrophe. Il doit donc assurer le « deuxième rempart » pour éviter à
l’enfant d’être soumis à un excès d’excitation, et d’être aussi capable de contenir
l’angoisse maternelle (5). C’est donc en consultations préconceptionnelles et
prénatales que les professionnels pourront évaluer son soutien et sa coopération
pour cette aventure.
Au contraire, un père ayant également une pathologie psychiatrique, peut être
parfois un obstacle à toute démarche, une réflexion multidisciplinaire s’impose alors.
11.3. Le rôle de la sage-femme :
11.3.1. Au Home :
Depuis peu, un poste de sage-femme a été créé à l’unité mère-enfant de l’hôpital
de Nantes afin de remplir deux missions principales :
- La première est la prévention. En effet le Home peut accueillir les femmes qui
n’ont pas encore accouché afin de les entourer et de les rassurer si une
hospitalisation dans la structure est prévue après la naissance. Elles pourront alors
faire connaissance avec le personnel, visiter les locaux et ainsi diminuer au maximum
le stress généré par cette nouvelle hospitalisation.
La sage-femme organise des temps pendant lesquels la future mère pourra se
détendre et libérer ses tensions. Par exemple, des séances de relaxation, de
massages et d’étirement sont proposées et souvent bien appréciées des femmes. Il
est également possible d’envisager des « cours de rattrapage » pour la préparation à
l’accouchement.
52
Le but de la sage-femme est d’amener la femme à investir sa grossesse, à se
projeter après la naissance et à imaginer son bébé pour se préparer doucement à sa
nouvelle vie. Pour cela, elle dispose de petits moyens qui participent à l’élaboration
de cette représentation de l’enfant : elle va inciter la femme à se concentrer sur les
mouvements du bébé. Elle pourra faire écouter les bruits du cœur et lui indiquer la
position du fœtus dans son ventre pour qu’elle puisse l’intégrer dans son corps.
- L’autre mission de la sage-femme est la prise en charge de la femme après la
naissance. Elle va l’entourer au maximum afin qu’elle entoure à son tour son bébé.
La sage-femme organise des séances de relaxation mais également des exercices
pour la rééducation du périnée et de la ceinture abdominale ainsi que des séances
d’expression corporelle afin que la femme puisse investir et prendre soin de son
corps.
Les mamans peuvent également bénéficier de la balnéothérapie (séances
prescrites par le psychiatre) dès huit semaines après l’accouchement avec l’aide de
la psychomotricienne.
Tous ces temps organisés sont surtout des moments propices pour qu’elles se
séparent temporairement de leurs enfants ce qui leur paraît parfois très angoissant.
Petit à petit, il faut qu’elles apprennent à confier leurs bébés car au-delà de l’effet
« bien-être » de ces séances, se cache un réel défit : passer le relais à des
personnes de confiance. C’est un enjeu très important dans la construction du lien
mère-enfant qu’il ne faut pas négliger.
La sage-femme représente également le lien entre la PMI, le centre nantais de la
parentalité (CNP), les services de grossesses à risque et de suites de couche des
différents établissements de santé (60).
11.3.2. Le rôle des sages-femmes :
Rôle d’accompagnement :
L’aspect essentiel du rôle de la sage-femme est qu’à la différence des
professionnels de la santé mentale, la sage-femme prend en charge une femme
enceinte qui est malade et non une femme avec une pathologie bipolaire qui est
enceinte. Cette nuance est fondamentale et facilite la coopération de la femme
qui sent qu’on la considère comme une future mère. C’est sur cette approche
un peu différente que doit insister la sage-femme.
Lorsque la pathologie bipolaire est connue bien avant la grossesse, celle-ci ne
peut pas être suivie médicalement par une sage-femme, mais elle a une place
privilégiée auprès de la patiente :
Lors des séances de préparation à l’accouchement, la sage-femme doit avoir
une écoute attentive afin de faciliter la confiance pour l’expression des émotions
négatives, des difficultés, des souffrances mais aussi des questions pour préparer
des conditions optimales pour l’accueil de l’enfant.
53
L’entretien du 4ème mois est proposé systématiquement à toute femme enceinte.
Son objectif est « de mettre en place précocement les conditions d’un dialogue
permettant l’expression des attentes et des besoins des futurs parents ». La sagefemme doit rechercher le bon investissement de la femme pour sa grossesse et ne
pas hésiter, devant toute interrogation à en faire part au psychiatre. Elle fait, en effet,
le lien entre tous les différents intervenants : les médecins mais aussi l’assistante
sociale, la PMI, le Home…
Un suivi régulier par une sage-femme à domicile pour entourer la patiente
pourrait être plus souvent envisagé. Sa simple présence peut aider la future maman à
bien mener sa grossesse.
Lors de l’accouchement et du post-partum immédiat, la sage-femme est en
contact étroit avec la patiente. L’observation attentive est donc facilitée et elle doit
veiller à l’attitude bienveillante sans jugement du personnel du service. La femme doit
être entourée et accompagnée. Disponibilité, empathie, confiance, rigueur et
souplesse sont 5 notions qui doivent guider la prise en charge de la sage-femme (57).
Rôle de prévention :
La sage-femme a également un rôle de dépistage lors des consultations
prénatales, comme chaque obstétricien, lorsque la maladie n’est encore apparue
(54).
Tout comportement à risque (prise d’alcool, de drogue…), manque
d’investissement de la grossesse, infidélité aux rendez-vous ou, au contraire,
beaucoup de consultations en urgence sans réel motif, des troubles du sommeil, la
non expression des émotions doivent alerter la sage-femme qui doit amener la
femme à consulter un psychologue ou un psychiatre.
11.4. Modèle suisse :
Il existe à Genève, une unité mère-bébé comprenant 16 lits au sein de la maternité
afin d’accueillir des mamans, jour et nuit, avec des pathologies psychiatriques mais
également des pathologies somatiques. Cette unité a été demandée par la maternité
elle-même pour palier aux difficultés de prise en charge de ces mères. Un pédiatre et
un pédopsychiatre sont en permanence sur place pour gérer les situations
compliquées.
Après une brève discussion avec des sages-femmes qui ont déjà été confrontée à
ce genre de situation (surtout dans des petites structures), elles rapportent toutes la
nécessité d’avoir recours au moins à un psychiatre, et en particulier la nuit, en cas de
problème et trouvent ce dispositif suisse très intéressant…
54
Conclusion
Deux idées sont maintenant bien révolues : celle selon laquelle la grossesse
protègerait des rechutes thymiques et celle qui édicte l’arrêt des traitements pour la
grossesse.
En effet, le lithium, l’olanzapine et la lamotrigine sont les thymorégulateurs dont la
prescription est parfois possible au premier trimestre.
Une réflexion de la patiente et au mieux du couple doit être proposée et assortie
d’une information très complète orale et si possible écrite, concernant les risques et
les bénéfices de l’interruption comme de la poursuite du traitement.
L’enjeu thérapeutique ne justifie presque jamais la prise de risque que
constituerait la poursuite au premier trimestre de l’acide valproïque, le valpromide, le
divalproate de sodium, la carbamazépine et l’oxcarbazépine. Pour la lamotrigine, il y
a trop peu de données pour ne pas la contre-indiquer. Pour les autres molécules, le
principe de prudence s’applique : l’abstention.
Dans la majorité des cas et dans le cadre d’une grossesse étroitement surveillée
tant sur le plan obstétrical que psychiatrique, il est possible de reprendre un
thymorégulateur après la période d’organogenèse.
L’allaitement est déconseillé pour toutes les molécules sauf la carbamazépine, le
valproate et ses dérivés. Dans tous les cas, le traitement doit être réinstauré dès le
début du post-partum.
Ces grossesses sont considérées à risques mais la sage-femme a une place
privilégiée auprès de la femme afin d’assurer le meilleur avenir à la mère et son
enfant.
Le réel problème qui persiste actuellement est que sur 4 femmes qui sont
bipolaires, 3 l’ignorent.
C’est pourquoi, afin de dépister plus largement ces femmes, nous avons donc
proposer un questionnaire simple qui pourrait être introduit dans le dossier obstétrical,
au même titre que la prévention des comportements à risque, pour les orienter tout
de suite vers un spécialiste (annexe 6).
55
Bibliographie
Ouvrages :
1. Bydlowski M., Candilis D.
Psychopathologie périnatale
Paris : Puf, 1998, 148 p.
2. Dayan J., Andro G., Dugnat M.
Psychopathologie de la périnatalité
Paris : Masson, 2003, 549 p.
3. De Hert M., Thys E., Magiels G., Wyckaert S.
Tout ou rien
Guide destine aux personnes atteintes de trouble bipolaire
Houtekiet, 2004, 64 p.
4. DSM IV : Diagnostic and Statistic Manual 4th edition
Paris : Masson, 1998, 247 p.
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Pédiatrie en maternité, 2ème ed.
Paris : Flammarion médecine-sciences, 1999, 622 p.
6. Henry C.
Clinique des troubles bipolaires
Les dossiers de l’humeur
Paris : Lilly France, 2005, 122 p.
7. Rouillon F.
Epidémiologie des troubles bipolaires
Les dossiers de l’humeur
Paris : Lilly France, 2005, 104 p.
8. Rouillon F.
Epidémiologie des troubles bipolaires
Brochure à l’usage des patients et de leur entourage.
Les dossiers de l’humeur
Paris : Lilly France, 2005, 28 p.
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The transfer of drugs and other chemical into human milk.
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10. American Academy of Pediatrics Committee on Drugs.
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56
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Sites internet :
50. Article R4127-313 du Code de Déontologie des Sages –Femmes
http://www.ordre-sages-femmes.fr/pro/deonto/prodeontcode0.htm
51. Duverger P., Malka J.
Troubles psychiques de la grossesse et du post-partum.
Module 2 : De la conception à la naissance.
http://www.med.univ-angers.fr/discipline/pedopsy/cours-fichiers
52. Henry C., Gay C.
Etat de la recherche dans les troubles bipolaires
Encyclopédie Orphanet, 2004.
http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-recherchedepression.pdf
53. Le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes
http://www.lecrat.org
54. Schaal J-P., Poizat A., Théry G. et al.
Organiser la collaboration médico-psychologique en périnatalité : proposition de
la société de psychologie périnatale.
http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/journee-perinatalite/pdf/07-molenat.pdf
55. Courriers du service de pharmacologie clinique
[email protected]
56. Le Vidal
http://www.vidal.fr
60
Conférences, réunions et stage :
57. Dépression, Bipolarité et Grossesse
Marra D., Claudel B., Lebrun-Vigues B.
Paris, Site Pitié Salpétrière, 20/01/2007
58. Santé mentale et périnatalité : cohérence des conduites à tenir entre
professionnels.
David P., Winer N., Branger B., Danon G., Chiffoleau A., Boscher C.
Nantes, Clinique Jules Verne, 19/09/2006
59. Séance de psycho-éducation : dépression bipolaire
Louara C.
Nantes, Hôpital de Jour, 26/02/2007
60. Stage au Home pendant 3 semaines
CHU de Nantes, site St Jacques, 09/06
61
Annexes
62
Annexe 1 : Autoquestionnaire de Angst (11).
CHECK-LIST
OUI NON
Moins d'heures de sommeil
Davantage d'énergie et de résistance physique
Davantage de confiance en soi
Davantage de plaisir à faire plus de travail
Davantage d'activités sociales (plus d'appels téléphoniques,
plus de visites...)
Plus de déplacements et voyages
Davantage d'imprudence au volant
Dépenses d'argent excessives
Comportements déraisonnables dans les affaires
Surcroît d'activité (y compris au travail)
Davantage de projets et d'idées créatives
Moins de timidité, moins d'inhibition
Plus bavard que d'habitude
Plus d'impatience ou d'irritabilité que d'habitude
Attention facilement distraite
Augmentation des pulsions sexuelles
Augmentation de la consommation de café et de cigarettes
Augmentation de la consommation d'alcool
Exagérément optimiste, voire euphorique
Augmentation du rire (farces, plaisanteries, jeux de mots,
calembours)
Rapidité de la pensée, idées soudaines, calembours...
Il est à remplir par le patient lui-même lorsqu’il n’est pas dans un épisode aigu.
Un score total supérieur ou égal à 10 se révèle hautement suggestif du diagnostic
d'épisode hypomaniaque.
63
Annexe 2 : Le traitement des épisodes aigus dépressifs (39)
ECT : électroconvulsivothérapie.
64
Annexe 3 : Le traitement des épisodes aigus maniaques (39)
65
Annexe 4 : Le traitement des récidives (39)
Traitement de consolidation :
-
Maintien du traitement pendant au minimum 6 mois puis
suivi de longue durée
- Psychothérapie
- Information sur la maladie et les facteurs déclenchants
GUERISON
Prévention des récidives : prolongation du traitement sur une
longue durée (année), voire à vie.
66
Annexe 5 : Document d’information destiné aux patientes recevant du lithium et ayant
un désir de grossesse (22).
Si vous êtes traitée par lithium pour stabiliser votre humeur et que vous souhaitez avoir un enfant,
ce document est destiné à compléter les informations de votre psychiatre et à vous aider à réfléchir
concernant l’arrêt ou non du lithium en vue d’une grossesse.
er
Auparavant, le lithium était toujours contre-indiqué au 1 trimestre de la grossesse. Aujourd’hui,
dans certains cas, il est jugé préférable de maintenir le traitement. Ainsi, le dictionnaire Vidal ne
mentionne plus la grossesse comme étant une contre-indication absolue au lithium.
Il est possible que le lithium augmente le risque d’une malformation cardiaque appelée maladie
d’Ebstein. Il s’agit d’une malformation souvent sévère d’une valve du cœur droit qui touche un
nouveau-né sur 20 000 et qui nécessite souvent un traitement chirurgical. Cette intervention est
délicate mais permet généralement une réparation complète. La réalité d’un risque accru de maladie
d’Ebstein pour les grossesses au lithium est incertaine. Ce risque serait au maximum de 1/1000, soit
20 fois plus que pour les grossesses de la population générale. Il est également important de savoir
que les enfants d’une grossesse sous lithium ont un développement intellectuel et moteur normal.
Les autres thymorégulateurs (médicaments qui stabilisent l’humeur) n’offrent malheureusement pas
une alternative satisfaisante car ils comportent un risque de malformations. En effet, le risque de spina
bifida a été observé comme voisin de 1% lors de l’exposition prénatale a la carbamazépine (Tégrétol ®)
et évalué de 1 a 5 % lors de l’exposition prénatale au valproate de sodium (Dépakine ®). Ce trouble
peut, dans les cas les plus graves conduire à une paraplégie (paralysie des jambes). Pour les produits
thymorégulateurs plus récents, on ne dispose pas de données précises et, par prudence, il vaut donc
er
mieux ne pas les utiliser pendant une grossesse, surtout au 1 trimestre.
En pratique, il faut peser le pour et le contre du maintien comme de l’interruption du lithium. Le
risque malformatif, dans le cas du maintien du lithium devra être mis en balance avec celui, dans le
cas de l’arrêt du lithium, d’une rechute dépressive ou maniaque lors de la grossesse et de ses
conséquences pour vous, voire pour votre enfant (ingestion médicamenteuse volontaire lors d’une
rechute dépressive, conduite à risque lors d’une rechute maniaque, etc.). Il est nécessaire de prendre
en compte le fait que le risque de rechute a l’arrêt du lithium est majeur (50% de rechute dans les 3
mois) et que votre grossesse ne peut survenir que des mois après la décision d’interrompre votre
contraception.
En pratique, si votre maladie était très sévère avant que vous ne preniez du lithium (rechutes très
intenses et très nombreuses) et qu’elle est très bien stabilisée depuis, il peut être préférable de ne pas
interrompre le lithium pour votre grossesse.
Si votre maladie est stabilisée, vous et si possible votre conjoint, après un temps d’information et de
réflexion avec votre psychiatre, prendrez la décision d’arrêter ou non le lithium en vue d’une
er
grossesse. En fait, le problème ne se pose que pour le 1 trimestre de la grossesse, période de la
er
formation des organes (organogenèse du 14ème jour à la fin du 1 trimestre) et plus précisément pour
la période de formation du cœur (18ème au 40ème jour de grossesse). Si le lithium vous est
bénéfique, il sera de toute façon repris après cette période.
Mener une grossesse sous lithium implique un suivi obstétrical et psychiatrique rapproché :
- les échographies devront être réalisées par des praticiens tout particulièrement expérimentés dans le
ème
diagnostic anténatal des malformations cardiaques. Une échographie à la 15
semaine
d’aménorrhée permet de détecter une forme grave de maladie d’Ebstein. Une forme légère ne sera
ème
ème
détectable en échographie que vers la 20
ou 22
semaine d’aménorrhée. Ces formes légères ne
paraissent pas pouvoir relever d’une éventuelle interruption thérapeutique de grossesse ;
- des contrôles fréquents de votre lithémie (taux de lithium dans le sang) seront nécessaires ;
- une diminution de la dose de 25 à 30% quelques jours avant l’accouchement sera nécessaire ;
- l’allaitement vous sera déconseillé sous lithium.
Enfin, si votre maladie n’est pas encore bien stabilisée, une contraception efficace doit être maintenue
en attendant d’obtenir une bonne stabilisation.
67
Annexe 6 : Questionnaire simple qui pourrait être introduit dans le dossier obstétrical
de la patiente
Pour aider les obstétriciens et les sages-femmes à dépister plus facilement un
trouble de l’humeur et plus généralement une dépression, un questionnaire simple
pourrait être intégré au dossier obstétrical afin de faciliter les questions qui paraissent
parfois délicates :
- Prenez-vous un traitement pour dormir ou des antidépresseurs ?
- Avez-vous des antécédents de dépressions et/ou de troubles psychotiques
dans votre famille ?
- Avez-vous vous-même déjà fait une dépression ?
- Est-ce que ces périodes de dépression ont été précédées ou suivies par
des états de bien-être voire d’euphorie ?
- Qu’en pense votre entourage ?
Si ces réponses venaient à être positives, proposer l’auto questionnaire
d’hypomanie de Angst (annexe 1) afin d’affiner la direction du diagnostic et faire
prendre rendez-vous pour une consultation en urgence avec un psychiatre.
68
NOM : BUTON
PRENOM : LUDIVINE
Titre du mémoire : Troubles bipolaires et périnatalité
Résumé
De nombreuses femmes bipolaires posent le problème de la thymorégulation lors de
leur grossesse et plus particulièrement lors du premier trimestre. On sait maintenant
que la grossesse ne protège pas de la maladie et que l’arrêt systématique des
médicaments peut être préjudiciable pour la mère. Le risque fœtal est donc à mettre
en balance avec la réussite thérapeutique maternelle. D’après la littérature, trois
thymorégulateurs sont compatibles avec la grossesse : le lithium, l’olanzapine et la
lamotrigine. Ce traitement doit s’accompagner d’une prise en charge
psychothérapeutique afin d’améliorer son efficacité. La maladie, sur le plan
obstétrical, n’interfère pas avec l’accouchement en revanche, le post-partum est à
haut risque de décompensation thymique ; une couverture pharmacologique est alors
indispensable. Les médicaments tératogènes pour le fœtus, l’acide valproïque et la
carbamazépine, sont au contraire les seuls autorisés pour l’allaitement. Enfin, le rôle
de la sage-femme est de permettre la bonne instauration du lien mère-enfant fragilisé
par la maladie.
Mots-clés
Troubles bipolaires – Grossesse – Thymorégulateurs – Lithium - Prise en charge Prévention
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