question du lacanisme- pour faire comprendre les complexités qui se cachent derrière une
simple description. Il ne s'agit pas de rechercher si au fond Deleuze a été un dialecticien
ou un lacanien caché, mais de faire voir le processus de travail conceptuel (capture,
modulation et création de concepts), par lequel certains problèmes sont posés d'une toute
autre manière, ou parfois sous un angle différent.
Bien entendu, cette compréhension plus attentive et respectueuse de l'oeuvre
deleuzienne à laquelle on voudrait contribuer dans la mesure du possible se fraie de nos
jours un chemin suite à la recomposition de la scène politique -le post-communisme et les
changements divers au sein de la gauche- et à la nouvelle disposition des centres d'intêret
philosophiques, esquissée déjà dans les années 80. La figure de Deleuze se singularise et
acquiert une entité propre une fois qu'elle se sépare des nuages structuralistes,
poststructuralistes, marxistes et lacaniens, dans lesquels elle a été située, bon gré mal gré.
Sans nier l'influence de ces courants de pensée dans son itinéraire philosophique, il faut se
poser la question de sa propre voix au-délà de partiels déguisements dûs aux exigences de
chaque moment historique.
Il me semble que cette voix personnelle peut être mieux cernée si on la confronte à une
des grandes écoles philosophiques de ce XXème siècle: la phénoménologie. Elle a
configuré une grande partie de la scène philosophique mondiale, non seulement grâce à
l'oeuvre de Husserl et de Heidegger -si on convient à inclure ce dernier sous ce terme-
mais aussi aux différentes lectures françaises entamées dès la Libération, comme celle de
Sartre, Merleau-Ponty, Lévinas ou Ricoeur auquelles il faudrait ajouter le rebondissement
de l'herméneutique à partir de l'oeuvre de Gadamer. Le rapport de Deleuze à la
phénoménologie nous paraît important dans la mesure où il s'établit d'une façon
intermittante sous un aspect explicite, et constant d'un point de vue implicite. Il n'est pas
soumis -comme dans d'autres lignes de pensée- aux aléas de la mode philosophique du
moment. D'un autre côté, l'intérêt de son étude tient à la complexité et même à
l'ambiguïté du rapport. L'hostilité de Deleuze vis-à-vis de la dialectique n'est pas du tout
comparable à ses prises de position par rapport à la phénoménologie. Les reproches et les
critiques se mêlent parfois avec la reconnaissance de certains acquis définitifs. Les