Au-delà toutefois de ce premier aspect didactique, il y a bien une thèse dans ce texte, qui
concerne l’activité de l’enfant, et ce par quoi son activité peut être stoppée, brisée, aliénée,
empêchée. Elle concerne aussi ou nous dit quelque chose de notre activité créative et ses
sources, et à nouveau ce par quoi elle peut être empêchée. Si l’enfant est celui qui fait autant
l’expérience d’une activité libre et d’une libido exploratoire que de ce qui, inexplicablement,
l’en sépare et si c’est peut-être chez lui que cette double expérience est la plus vive, en même
temps cela n’est pas sans lien avec l’expérience de la créativité comme telle et de l’expérience
que peuvent s’en faire les adultes. Or, être séparé de ce que l’on peut, voilà ce qui constitue
l’aliénation, pour l’enfant aussi bien que pour l’adulte, voilà ce qui constitue le risque de
l’aliénation mentale. Il faut donc chercher à la fois ce qui définit cette activité et ce qui la
menace.
La communication s’efforcera de présenter chacune de ces notions et surtout les liens qu’il est
possible de faire entre elles. Elle vise ainsi une introduction non seulement à certains des
concepts de cette œuvre mais aussi une analyse de quelque chose comme la posture ou le
problème deleuzien. Elle interrogera également cette théorie de l’activité, dans son lien autant
à ce que la tradition philosophique a pu en dire, particulièrement Dewey et Alain (tous deux
mirent cette notion au cœur de leur réflexion sur l’école et l’éducation), qu’à l’activité ordinaire
ou extraordinaire de l’enfant au sein de l’école et dans ses apprentissages, qu’aux activités
enfin des adultes dans les institutions où ils travaillent. Son but est bien de mettre au jour ce qui
dans cette œuvre de G. Deleuze, nous permet de construire une vision autant qu’une pratique,
plus attentive à « ce que disent les enfants », à ce que disent ceux qui sont en position ou en
désir de créativité. Il est aussi de faire voir quels sont les ressorts de toute aliénation.
Hubert Vincent, professeur des universités, université de Rouen, CIVIIC.
2 - Penser l’éducation avec Deleuze : vers une éducation mineure
On trouve chez Daniel Pennac (Chagrin d’École) l’idée d’un « présent d’incarnation » comme
la définition même de l’apprentissage. On trouve chez Deleuze et Guattari (Kafka ; Mille
Plateaux) le concept de mineur (littérature mineure ; science mineure ; philosophie mineure).
Cette communication veut promouvoir un usage et un transfert du concept de mineur propre à
la philosophie deleuzienne en vue de produire des résonances avec l’éducation. Est-il possible
de parler d’une éducation mineure? Qu’est-ce que la minorité dans l’éducation? Est-il possible
de penser l’éducation comme la production d’événements? Comment penser l’événement
apprentissage et son incarnation dans un cours ?
On travaillera ces questions en cherchant à caractériser une éducation mineure en opposition
avec une éducation majeure, celle de l’État, produite dans les bureaux et exprimée dans les
documents officiels. L’éducation majeure est celle des plans et politiques de l'éducation
publique, des paramètres et des lignes directrices. L’éducation mineure est quant à elle
micropolitique, elle est encore une « machine de guerre » contre l’appareil d’État de l’éducation
majeure, et elle touche l’action du professeur dans la classe avec ses élèves. L’éducation
mineure est un acte de rébellion et de résistance. Révolte contre la pratique établie, résistance
aux politiques imposées. Elle est ainsi une « ligne de fuite », la production d’un autre
enseignement et de nouvelles virtualités.
Silvio Gallo, université de Campinas, Brésil.