Du Contrat de Lecture au Contrat de Conversation

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Du Contrat de Lecture au Contrat de Conversation
Jean-Maxence Granier
Communication & langages / Volume 2011 / Issue 169 / September 2011, pp 51 - 62
DOI: 10.4074/S033615001100305X, Published online: 10 November 2011
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Jean-Maxence Granier (2011). Du Contrat de Lecture au Contrat de Conversation.
Communication & langages, 2011, pp 51-62 doi:10.4074/S033615001100305X
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Du Contrat de Lecture
au Contrat de
Conversation
La Communication
JEAN-MAXENCE GRANIER
NAISSANCE DU CONTRAT DE LECTURE
Le concept de Contrat de Lecture est apparu en 1985
pour faire face à une problématique précise du marketing
de la presse. Il s’agissait à l’époque, dans un contexte
concurrentiel renforcé, de mieux distinguer, au sein d’un
type de presse donné, celui des magazines féminins,
des positionnements et des identités spécifiques, au-delà
d’une grande similarité de contenus thématiques –
la catégorie de presse « magazines féminins » étant
constituée comme un genre spécifique. Ce concept était
développé par Eliseo Veron1 dans le cadre à la fois de
la linguistique de l’énonciation, marquée par Jakobson
et Benveniste, et de la sémiotique de Peirce, avec la
mise en regard d’un monde construit comme objet,
d’un discours comme signe et d’une instance de production ou de réception comme interprétant. Il trouvait
des échos dans des réflexions connexes venues des études
littéraires et génériques2 , dans une importance nouvelle
donnée à la notion de relation face à celle de contenu
avec l’école de Palo-Alto, dans la montée en puissance
d’un modèle communicationnel3 qui posait le cadre des
conditions a priori de l’interlocution, ou encore dans
Cet article revisite les tenants et aboutissants du succès du concept de « Contrat
de Lecture » développé par Eliseo Veron
dans les années 1980, concept qui a aidé
les médias à mieux définir leur posture
et leurs rôles vis-à-vis de leurs usagers.
Jean-Maxence Granier propose de prolonger le « Contrat de Lecture » dans un
nouveau concept, qui s’en inspire et s’en
distingue : le « Contrat de Conversation ».
Il s’agit d’inciter les médias d’information
à intégrer la participation des internautes
et à reconfigurer leur rôle, pour ne pas
se laisser dépasser par une évolution
technique et sociale qui fragilise les
prises de parole médiatique.
Mots clés :
contrat de lecture, contrat
de conversation, Eliseo Veron, presse
écrite, médias, participation
1. Eliseo Veron, « L’analyse du contrat de lecture », Les médias :
expériences et recherches actuelles, IREP, 1985.
2. Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Seuil, coll. « Poétique »,
1975.
3. Patrick Charaudeau, Langage et discours. Éléments de sémiolinguistique (Théorie et pratique), Paris, Hachette, 1983 ; Patrick
Charaudeau, « Le contrat de communication de l’information
médiatique », Le Français dans le monde, numéro spécial, juillet 1994.
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l’esthétique de la réception de l’école de Constance4 et dans les approches
pragmatiques issues du monde anglo-saxon. Au déclin des logiques purement
structurales, un nouveau modèle faisait son apparition ; il mettait en scène les
tenants et les aboutissants de la communication médiatique et les intégrait à
l’espace sémiotique du discours en les dévoilant à travers des marques spécifiques,
verbales ou visuelles. Ce modèle allait faire florès au sein des spécialistes du
marketing éditorial, car à travers la mise en scène d’un destinataire (« je suis une
femme Elle », « je suis une femme Marie-Claire »), il permettait de faire le lien avec
les attentes du lecteur, des lecteurs et donc de l’audience. Pour abstraite qu’elle
fût, la figure du « destinataire construit » permettait de dépasser les analyses de
contenus et rejoignait la problématique opérationnelle de tout média : créer un
lien fort et continu avec un public et monnayer ce lien auprès des publicitaires et
des marques.
Ce modèle du Contrat de Lecture faisait l’hypothèse puissante de la mise
en scène, dans l’espace sémiotique constitué par un titre de presse, d’une figure
de l’émetteur (versus les producteurs effectifs de ces contenus : journalistes,
rédactions, éditeurs mais aussi publicitaires et marques), d’une figure du
destinataire construit (versus le lectorat effectif), d’une relation spécifique entre
eux et d’un monde construit déterminé (l’univers de la mode, l’univers féminin
par exemple), un univers de référence co-interprété en production et en réception.
Au-delà des discussions théoriques, qui portèrent en particulier sur la notion de
« contrat »5 et de « lecture »6 , le concept s’est révélé remarquablement efficace et
a été utilisé de manière continue dans les études éditoriales et publicitaires depuis
vingt-cinq ans. De fait, le terme lui-même s’est répandu dans le milieu des médias,
utilisé à la fois par les responsables éditoriaux des entreprises de presse, les régies
publicitaires chargées de la commercialisation des espaces et les cabinets d’étude
spécialisés dans le conseil aux médias.
UN CONCEPT OPÉRATOIRE LARGEMENT RÉPANDU ET UTILISÉ
Si la notion de contrat, utilisée métaphoriquement, a pu faire débat, puisqu’au
sens juridique un contrat engage les deux parties, sauf à être en l’espèce léonin,
laissant au magazine toute sa puissance d’imposition d’un monde, on voit bien
comment cette notion a pu malgré tout paraître parlante aux acteurs. Dépassant
la passivité attachée traditionnellement à la figure du lecteur, la relation volontaire
qui s’établit dans le temps avec un titre de presse, que l’on choisit et que l’on paye,
s’inscrit bien dans une forme de contractualisation de l’échange, au moins de fait,
sur le mode d’une relation à laquelle on adhère, en achetant, en lisant avec plaisir
ou intérêt et en achetant à nouveau le titre. Perduration dans le temps, continuité
du lien, ce modèle a donc vocation à expliquer comment le lecteur ordinaire noue
une relation avec un titre en adhérant à un contrat qui se donne à lire concrètement
4. Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Gallimard, coll. « Tel », [1900] 1978.
5. « Contrat » vs « promesse », cf. François Jost, Introduction à L’analyse de la Télévision, Paris, Ellipses,
1999.
6. « Lecture » vs « communication », terme plus large renvoyant à une plus grande variété de dispositifs,
cf. les travaux de Patrick Charaudeau.
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dans un dispositif sémiotique. Les études qui en découlent s’inscrivent à la fois dans
des approches « en émission », sous forme d’analyses sémiotiques d’un Contrat de
Lecture spécifique dans son champ de concurrence (les titres du même segment
de presse), et en « réception », sous forme d’analyses qualitatives du discours
rationnel, mais aussi imaginaire, « projectif » des lecteurs engagés dans ce type
de contrat. La plupart des dispositifs d’étude mis en œuvre dans ce domaine
articulent ces deux dimensions, vérifiant, dans des démarches qualitatives auprès
des lecteurs interrogés en groupe ou individuellement, des hypothèses sémiotiques
posées en chambre à travers l’analyse souvent comparative de corpus et portant sur
l’ensemble des dimensions du magazine : textes, images, mise en page, couverture,
etc. Ces approches ont vocation à contribuer au pilotage d’un titre dans le temps et
à son optimisation, justement quand l’éditeur pressent que le contrat est en train
de se dénouer ; mais elles sont aussi utilisées pour accompagner des lancements de
titres nouveaux, l’analyse des réactions des lecteurs et du champ de concurrence
permettant d’hypostasier une identité et un positionnement encore virtuels. Cette
méthodologie est aussi utilisée de manière un peu différente pour bâtir des
argumentaires visant à convaincre les annonceurs de la pertinence des supports
qu’ils peuvent choisir pour communiquer, puisque le « Contrat de Lecture »
permet de dessiner la figure idéalisée du récepteur. Si le concept s’est vulgarisé, si ses
fondements théoriques sont moins lisibles aux acteurs eux-mêmes, il est devenu,
en tout cas dans le champ de la réflexion française sur les médias, un repère fort et
une méthode effectivement mise en œuvre.
Le modèle, et c’est un autre signe de son succès, a été rapidement étendu avec
profit à la télévision, à la radio et à l’ensemble des médias. On a pu ainsi parler de
« contrat de chaîne » en télévision, mais aussi de « contrat d’émission », montrant
par là qu’il pouvait être utilisé à différents niveaux d’intelligibilités médiatiques.
Deux journaux télévisés du soir obéiront au même genre (celui du journal du
20 heures, par exemple de France 2 et de TF1) et traiteront des mêmes sujets,
mais dans des Contrats de Lecture parfaitement distincts aux yeux mêmes des
téléspectateurs par la relation établie avec eux, symétrique et distante ici, proche
et dissymétrique là, et par la manière de mettre en scène le monde, construit ici sur
le mode de l’intelligibilité, là sur le mode de l’affectivité, ici en mettant en scène
le citoyen, là le peuple. Autre exemple, Turbo (sur M6) et Auto-Moto (sur TF1)
parleront ainsi identiquement du monde automobile, mettront en scène les mêmes
modèles, mais l’un dans une relation d’abord accessible et pédagogique, inscrivant
la voiture dans un paysage dont elle est le prétexte, l’autre sur une base plus experte
et plus polémique, avec une tendance à soulever davantage le capot des voitures
présentées pour elles-mêmes. La relation avec le téléspectateur et la construction du
monde automobile sont bien différentes. Ainsi cette conceptualisation théorique
est-elle devenue un véritable outil, volontiers schématisé, et un langage commun
aux producteurs, ou au moins certains d’entre eux, et aux analystes spécialisés
formés à la sémiotique du discours, verbal ou visuel. Cet outil a l’avantage
d’objectiver sous ses deux faces (production/réception) la relation entre le lecteur
et le titre et de permettre des recommandations précises échappant au seul flair
ou au seul talent des journalistes. Il fait partie de l’habitus professionnel des gens
de presse et rapproche méthodologiquement les publics des médias qui les visent,
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La communication revisitée par la conversation
en permettant de dépasser les limites des segmentations et des positionnements a
priori.
DU DESTINATAIRE CONSTRUIT AU PUBLIC REPRÉSENTÉ
Le succès du modèle, on l’a dit, est lié à la possibilité qu’il donne de véritablement
penser le destinataire du média et de lui donner une présence palpable parce
qu’objectivée dans les signes et les discours. De fait, pour la presse, mais encore
davantage pour la radio ou pour la télévision, la distance inhérente à toute
médiation, la dimension ontologiquement in abstentia du lecteur, de l’auditeur ou
du téléspectateur, a constitué un obstacle, un manque, quelque chose contre quoi
le monde médiatique a lutté par tous les moyens. Que l’on pense par exemple à la
valorisation du direct pour les médias de flux. Le Contrat de Lecture, comme grille
d’interprétation, permettait sur un autre plan, plus conceptuel, de se rapprocher
du public en invitant chaque média à dessiner la figure de celui à qui il s’adresse
comme individu impliqué dans une sémiosis donnant sens à un univers construit
en commun, selon le dispositif que l’outil défini par Eliseo Veron s’est attaché
à expliciter. De fait, pour combler cette distance, les médias ont eu tendance à
mettre en scène de manière hyperbolique un destinataire, et ce, de manière explicite
en tant que spectateur ou en tant que lecteur, ce qui n’est qu’un cas de figure
possible parmi d’autres7 . Clubs d’auditeurs, courriers des lecteurs, médiateurs,
représentation du public dans l’espace du média, tout est bon pour faire sentir
que la relation construite est bien réelle, qu’elle échappe à sa dimension purement
allocutive en rendant manifeste la présence de celui à qui le média s’adresse, comme
si le fonctionnement médiatique moderne était tout emprunt de la nostalgie
de l’agora, des tréteaux du théâtre ou des estrades politiques, de la présence
réelle du public. À travers le modèle du Contrat de Lecture, les médias n’ont
été que trop heureux de faire reconnaître qu’ils instanciaient de toute façon un
destinataire auquel le lecteur/auditeur/téléspectateur réel était invité à s’identifier.
Parallèlement, plus les médias sont devenus de masse, plus ils se sont adressés au
grand nombre et plus ils ont imaginairement déconstruit cette distance. La mise
en scène des publics sur les plateaux de télévision, à ce point importante qu’on
légifère sur elle aujourd’hui (en termes d’âge, de race, de sexe), le public en studio
que l’on entend rire à la radio, tous ces personnages que nous regardons regarder
ce que nous regardons, sont là pour dire la présence effective de la réception
désormais incarnée. Les sémioticiens du télévisuel n’ont pas manqué d’analyser la
manière même dont ces publics étaient mis en scène, jeunes ou vieux, homogènes
ou hétérogènes, nombreux ou clairsemés, à l’italienne ou en cercle, et la radio à
fait de la mise en scène de la parole de ses publics un genre à part entière. Dans
ces cas de figure, l’adéquation au destinataire ne se fait plus seulement sur la
base d’une relation, plus ou moins proche ou distante, plus ou moins symétrique
ou dissymétrique : elle fonctionne sur le mode véritablement imaginaire de la
représentation et de la projection. On ne s’adresse pas seulement à moi, on met
en scène le public auquel je peux m’identifier.
7. Songeons au discours scientifique qui a contrario laisse la figure du destinataire dans l’abstraction et
l’universel.
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DU PUBLIC REPRÉSENTÉ AU PUBLIC INTERACTIF
Les moyens techniques qui se sont développés, le téléphone d’abord, puis le web
et le SMS ensuite, ont constitué une autre façon pour les médias d’échapper en
partie à leur dimension intrinsèquement unidirectionnelle, à travers de nouveaux
dispositifs d’interactivité. Tout à coup, la relation construite proposée pouvait
s’incarner dans une dimension bijective. On sait par exemple que le lancement de
la téléréalité en France s’est appuyé sur cette dimension participative, permettant à
des millions d’auditeurs de se mêler par le vote, payant qui plus est, du devenir
d’un petit groupe humain d’une douzaine de personnes enfermées dans un
loft8 . Aujourd’hui, nombreux sont les plateaux où l’on sollicite l’avis, l’opinion,
la présence d’un auditoire invité à prendre la parole, sur le web, par SMS ou
par téléphone. Cette participation peut prendre une dimension individualisée,
souvent sous la forme du témoignage, ou collective lorsqu’elle mime les logiques
sondagières en rapportant le public à l’ensemble du corps social. Si elle ne
concerne qu’une part de l’audience effective, cette participation a pour vertu de
favoriser l’identification, qui n’est plus seulement existentielle, mais véritablement
spectatorielle : j’aurais pu, ou pas, poser la même question que tel ou tel, se
dit-on en écoutant une émission qui donne la parole aux auditeurs (par exemple,
Le téléphone sonne sur France Inter). Ces prises de parole, surtout si elles sont
synchrones avec le temps de l’émission, sont difficiles à gérer par les journalistes
puisqu’elles s’inscrivent dans la double communication propre aux médias, à la
fois sur le plateau (contraintes conversationnelles : laisser à celui à qui on donne
la parole le temps de s’exprimer) et entre le média et son public (contraintes
communicationnelles d’intelligibilité). Mais il est clair que cette représentation du
destinataire a vocation à renforcer la relation construite évoquée dans le modèle.
Il faudrait donc au final distinguer plusieurs types de conception du public
dans l’espace médiatique : le destinataire construit, c’est-à-dire l’espace sémiotique
de la réception que dessine le média, l’être de signes qui compose la figure de
celui à qui le média s’adresse et que révèle le Contrat de Lecture ; le destinataire
représenté comme public (vs être du monde), c’est-à-dire le public iconiquement
mis en scène dans le média en tant que tel ; le destinataire interactif, inscrit dans
des dispositifs d’échange effectifs, ces deux derniers niveaux étant des formes
manifestes du premier. Cette mise en scène se fait donc de plusieurs façons :
ici implicite, impliquée qu’elle est par le dispositif discursif lui-même et rendue
accessible par le métadiscours que constitue le modèle du Contrat de Lecture ;
là montrée et même soulignée par la présence ou l’interactivité, sur le registre
imaginaire de la représentation, symptôme d’une dénégation de distance inhérente
à la médiation. Il faudrait encore y ajouter la cible publicitaire, c’est-à-dire le public
mis en avant et construit par les médias à destination des annonceurs, et enfin le
public réel, dont on peut mesurer quantitativement la présence ou que l’on peut
interroger sur le mode de l’échantillon, mais auquel on n’accède jamais totalement.
De fait, ces différentes modalités de la figure allocutive indiquent comment celle-ci
est toujours un artefact, construit dans l’espace du discours que révèle le Contrat
8. Loft Story, M6, 2001.
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La communication revisitée par la conversation
de Lecture, ou un référent ultime et jamais complètement atteint par la mesure de
l’audience ou la définition de cibles. Le marketing de la presse s’abreuve à ces deux
sources et inscrit son expertise dans l’analyse des écarts entre elles.
DES MASS-MÉDIAS AUX NOUVELLES CONVERSATIONS NUMÉRIQUES
L’âge moderne, comme période allant du XVIIIe au XXe siècle, a vu les
mass-médias se développer (livre, presse, puis radio et télévision) et modifier la
dynamique de l’opinion. Les mass-médias n’ont pas remplacé les conversations
entre humains qui préexistaient, mais se sont mis à dicter une temporalité
sociale aux échanges9 . Ce faisant, ils ont dominé la prise de parole et se sont
mis à jouer un rôle central visant à rythmer les conversations par l’impulsion
de sujets de débat. Les mass-médias ont ainsi installé un système de diffusion
asymétrique (le lecteur ne peut pas vérifier l’information : le pouvoir de contrôle
est d’un seul côté) et unidirectionnel (le lecteur ne peut pas répondre). Ce
modèle peut autoriser au mieux un feedback cadré, « montré », comme on l’a
dit, mais ni véritable interlocution ni coproduction. Son expression ultime reste
la publicité, qui consiste à voir l’intention de la marque entièrement réalisée dans
le comportement du consommateur ou au moins dans son attitude. La mise en
scène du destinataire puis l’interactivité, on l’a vu, y ont toujours joué un rôle clé
parce que compensateur de la distance médiatique.
Mais depuis l’émergence du web puis du web 2.0, on assiste à l’avènement
d’un nouveau modèle, qui ne détruit pas le modèle mass-médiatique traditionnel,
mais qui le complique ou l’enrichit d’une nouvelle dimension. De fait, la relative
dissolution des médiations dans un dispositif réticulaire, qui place au centre
les individus et prend acte des phénomènes historiques d’individualisation en
favorisant des relations plus symétriques où chacun semble avoir le même statut,
modifie la donne traditionnelle du jeu médiatique et conduit à repenser le rôle
des médias. Si ce modèle voit les attentes que les médias avaient placées dans
l’interactivité plus qu’exaucées, il inquiète aussi la fonction médiatique elle-même
par la mise en réseau directe des individus qui peuvent s’agréger en communauté
au-delà des médias et de leur « segmentation », échanger des informations et,
dans une certaine mesure, faire l’impasse sur les médias classiques eux-mêmes.
Désormais, la position en surplomb des médias traditionnels sur les conversations
est remise en cause, car celles-ci accèdent à un espace de publicisation dans
lequel le coût d’entrée est faible et les effets de réseau puissants et synchrones.
La santé (Doctissimo), le genre (Auféminin), la politique, le sport, la technologie,
le web lui-même sont devenus des thématiques sur lesquelles chacun est en
mesure de prendre la parole. Si auparavant la conversation se faisait sur la base
d’un groupe d’appartenance, s’inscrivait justement dans un contrat socialement
défini a priori, aujourd’hui, c’est au contraire le sujet de conversation qui fonde
des groupes et des communautés d’intérêts sur le web, jusqu’à une forme
d’hyper-segmentation qui tend vers des thématiques plus pointues et des univers
différenciés.
9. Fonction d’agenda setting analysée par Maxwell McCombs et Donald Shaw en 1968.
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Au-delà des effets de mode, la blogosphère, les forums, les tags, les réseaux
sociaux, les mondes virtuels dessinent une nouvelle carte de la communication
et obligent les médias à muter et à y redessiner une place qui leur soit propre.
La crise du modèle économique, qui porte sur la production, la distribution et
la monétisation des contenus, dans laquelle ils sont engagés, mais aussi celle des
pratiques professionnelles appelées à se renouveler, sont les effets les plus apparents
de cette mutation en cours, forte au point de poser la question de l’existence et de
la légitimité même des médias dans leur définition traditionnelle. La réussite des
pure players tient à l’organisation de réseaux d’individus (Facebook), de réseaux
d’informations (Google ou Wikipedia) ou de conversations (Doctissimo), bien
plus qu’à la production directe de contenus organisés selon une certaine vision
du monde. La médiatisation globale d’un espace public, non pas virtuel mais bien
réel, puisque gardant gravé dans le silicium chacun de nos mots et chacune de
nos images, fragilise le rôle de médias confrontés aux « nouvelles conversations
numériques » et à des publics tentés de se constituer en se passant d’eux.
En réalité, ce nouvel âge conversationnel ne consiste pas en un retour à
l’accumulation de micro-conversations, mais en un mariage, inouï jusque-là, entre
le fonctionnement mass-médiatique qui a caractérisé la Modernité et des échanges
interactifs potentialisés par le support technologique fourni par le réseau mondial.
Dans ce cadre, les traits propres à la conversation (symétrie, coproduction) sont
élevés à la puissance de l’Internet qui conserve ses propriétés (publicité, duration)
et se mêlent à ceux du discours mass-médiatique pour dessiner un nouveau modèle
dont les contours apparaissent encore à peine.
UN NOUVEAU RÔLE POUR LES MÉDIAS 2.0
Face à la montée en puissance des Nouvelles Conversations Numériques, les
médias traditionnels, après avoir cantonné dans un premier temps leurs stratégies
numériques à être une vitrine, un gadget pour stagiaire et dangereusement donné
des habitudes de gratuité au lectorat, ont pris la mesure de cette logique qui gomme
les frontières traditionnelles entre émission et réception et transforme l’écoute en
participation, voire en coproduction. Certains médias en ligne se sont construits
sur cette base (Rue 89 ou Le Post en France, Oh My News en Corée) et les médias
historiques se sont tous dotés de dispositifs (outils de commentaires, réseaux
sociaux de lecteurs, forums de discussion, blogs de lecteurs) visant à intégrer cette
dimension à la production de contenus éditoriaux et à lui donner une valeur par
la fidélisation d’un public toujours plus « qualifié », au sein de bases de données
qui permettent de gérer la relation client et d’affecter une valeur précise à tout
lecteur. Ils ont pris en compte le fait qu’aujourd’hui le web permet un feedback
rapide et massif de la part de l’audience à travers le postage de commentaires, de
commentaires sur les commentaires et bientôt de conversations dont le contenu
éditorial apparaît comme le prétexte. C’est par conséquent à la naissance d’un
nouveau rapport entre les publics et les médias que nous assistons, le média
2.0, caractérisé par l’intégration du discours des lecteurs dans le contenu même
du site émetteur, réalisant une part des potentialités du participatif propres au
web. Les médias ont donc désormais vocation à accueillir les contributions et les
coproductions de leurs publics en les associant à leurs propres contenus et voient
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La communication revisitée par la conversation
une part de leur attrait associée à leur capacité à abriter et à enclore cette richesse
conversationnelle. Ils doivent faire face à l’émergence d’une interactivité entre
émetteur et récepteur (votes, commentaires des articles), plus ou moins prise en
compte par des équipes de rédaction quelquefois bousculées dans leurs habitudes,
car cette interactivité n’est plus seulement de l’ordre de la représentation mais bien
réelle, en tout cas actualisable par tout membre du public.
Désormais, les médias s’ouvrent à la conversation avec leur audience :
ils intègrent cet effet retour et modifient éventuellement leurs contenus en
conséquence en les classant, en les hiérarchisant, en les sélectionnant. Une
dimension supplémentaire s’instaure, celle des échanges entre lecteurs eux-mêmes
qui viennent rompre l’isolement interprétatif de chacun d’eux. Le média est ainsi
le terrain d’une conversation au sein même du public, en agrégeant à son espace
sa propre réception. Cette dimension est d’ailleurs encore assez peu reconnue et
pensée par les médias actuels, qui se contentent quelquefois de fournir les outils
du participatif sans en explorer les conditions de réalisation. Nombreuses sont
les entreprises de presse qui continuent à distinguer la rédaction numérique de la
rédaction traditionnelle, au risque de voir des cultures métier divergentes fragiliser
à terme la marque-média elle-même. De fait, si cette dimension reste limitée –
on parle de 1 % de « participants » actifs et de 10 % de lecteurs effectifs des
contenus générés par les utilisateurs (CGU) sur l’ensemble du lectorat –, cette
simple virtualité transforme le rapport que nous avons aux médias. Aujourd’hui
chaque article, chaque vidéo, chaque image affiche ainsi combien de personnes
l’ont vu, apprécié, commenté et cette intégration permanente de la réception,
rendue visible, change la donne.
Les médias interactifs créent des territoires de conversation qui permettent
d’échanger, de débattre, de discuter, à propos d’une information communiquée par
eux. L’intérêt ne se concentre plus seulement sur l’information, mais se déplace sur
le pouvoir de converser, d’interagir, de s’inscrire dans une communauté éphémère
dont l’enjeu ou le prétexte est initialement proposé par le média, mais réapproprié
à chaque instant par le public par le biais de reprises (ce qui fait du lecteur
un média lui-même), de commentaires, de votes et de réactions. Dans ce sens,
ils peuvent jouer un rôle nouveau, celui d’opérateur de synthèse. Il s’agit non
seulement de susciter les échanges, mais aussi de rendre compte de leur état
d’avancement et de leur orientation et de permettre ainsi de prendre du recul, de
relativiser les contributions et d’en rappeler le contexte en évitant ainsi une simple
cumulation paradigmatique de points de vue. C’est l’ambition des sondages. Mais
le sondage produit une image fixe et réduite de l’état des échanges sociaux : c’est
une compression statistique d’une réalité beaucoup plus riche. Les médias digitaux
peuvent désormais proposer de nouveaux types de synthèses plus féconds. Ils
produisent un discours et le diffusent verticalement ; l’audience se l’approprie dans
les espaces d’échanges dédiés ; le contenu est discuté autour des centres d’intérêt ; le
média propose une synthèse des conversations hiérarchisées, un résumé intégrant
le contexte, le déroulement des arguments, des idées. . . enfin ces éléments sont
réintroduits en input et le cycle se reproduit. De fait, si la conservation ordinaire
suppose un nombre réduit d’individus, la technologie, qui rend possible la mise
en relation des concepts (web sémantique) et des locuteurs (réseaux sociaux),
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permet d’imaginer des conversations à la fois plus massives et plus spécialisées
dans lesquelles chacun pourrait se situer à condition de disposer de champs
conversationnels gérés par des médias qui deviennent, d’organisateurs de contenus
proposés, organisateurs de relations au sein de leur public. Le média ne dit plus
simplement le monde, il participe à une conversation ou l’anime. Il ne produit plus
une simple promesse de dialogue, un artefact, mais un dialogue véritable. On passe
donc d’un modèle qui était unidirectionnel, dissymétrique, dans lequel dominait
le collectif sur l’individuel et où les médias dominaient les conversations dans la
constitution de l’opinion, à un modèle potentiellement davantage bidirectionnel
et symétrique, où les conversations se médiatisent et où les dimensions
massives et interindividuelles de la communication ne s’opposent plus mais
convergent.
LE CONTRAT DE LECTURE À L’ÉPREUVE DU WEB 2.0
Ces évolutions du paradigme médiatique poussent à revenir sur le modèle décrit
dans la première partie. Il nous semble en effet que le Contrat de Lecture
s’est édifié pour rendre compte principalement de dispositifs mass-médiatiques,
monologaux et unidirectionnels, ce qui d’ailleurs nourrissait la discussion sur la
valeur analogique du terme « contrat ». Aujourd’hui, la mutation digitale des
médias et le développement d’espaces de dialogue et d’interaction comme la
constitution réticulaire des publics transforment le fonctionnement des médias
traditionnels et le cycle production-consommation en leur adjoignant une
dimension dialogale, par la mise en place d’un échange véritable, et plus seulement
dialogique, plus seulement de l’ordre d’une représentation de l’énonciation ou
de la communication dans l’énoncé. Cette dimension supplémentaire conduit à
réinterroger le concept de Contrat de Lecture.
On peut dans un premier temps se demander si le web, comme une
sorte d’hypermédia, par sa logique de dissémination paradigmatique de blocs
informationnels, ne remet pas en cause la notion même de Contrat de Lecture.
De fait, la presse quotidienne, les news magazines, les mensuels en ligne
voient leur rythme de parution battu en brèche et l’unité de leur support
remise en cause. De plus, le lectorat y accède de manière de plus en plus
éclatée, les moteurs de recherche ou les réseaux sociaux cassant l’organisation
de l’information par grandes marques médias au profit d’entrées d’abord
thématiques. La dématérialisation du support du média, le papier pour la presse,
ou sa délinéarisation pour les médias de flux comme la radio ou la télévision
conduisent à un contrôle moins net du média sur ses contenus, redonnant
d’ailleurs du poids à une source auctorale identifiée, celle du journaliste ou de
l’éditorialiste. Ces nouveaux modes de donation des contenus posent la question
de la valeur même de l’information produite et fragilisent l’instance énonciative
collective garante des contenus et manifestée à travers l’émetteur construit.
Cependant, cette fragilité apparente du Contrat de Lecture n’est peut-être liée qu’à
un moment d’adaptation qui correspond surtout à une difficulté des médias à
réorganiser une dimension « contractuelle » dans un espace communicationnel
aux priorités et aux temps différents.
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La communication revisitée par la conversation
VERS UN CONTRAT DE CONVERSATION ?
On l’a vu, le lecteur (comme l’auditeur ou le téléspectateur) n’est plus seulement
représenté dans l’espace sémiotique du titre (cf. la notion de destinataire construit),
il est aussi potentiellement présent dans cet espace avec son propre discours,
produisant éventuellement lui-même des contenus, interagissant avec d’autres au
sein de réseaux sociaux sous l’égide du média, dialoguant avec le média lui-même.
Il faudrait alors non plus parler d’un Contrat de Lecture, mais d’un Contrat de
Conversation dans lequel chacun est susceptible de prendre la parole, sous les yeux
de tous, et dans lequel le modèle de la lecture, où on m’assigne une place, à laquelle
je me conforme ou non, est supplanté par celui de l’échange, porteur en lui-même
de réciprocité.
Ce saut est important, car, s’il ne remet pas intégralement en cause le modèle,
il oblige à repenser l’articulation entre émission et réception, qui ne disparaît
pas bien sûr, mais qui se complique et s’enrichit. D’une part, la réception se
donne à lire dans l’espace du média lui-même, de manière plus immédiate, d’autre
part, la relation ne s’établit plus seulement entre l’énonciateur et le destinataire
construit, le dispositif instanciant véritablement des allocutaires susceptibles de
devenir énonciateurs au sein même de l’espace médiatique. En conséquence, quelle
est la nature du Contrat de Conversation et qui lie-t-il ? La réversibilité théorique
des places, ou le fait que l’échange ne s’établisse plus de façon univoque ou bivoque
mais intègre chacun dans un espace médiatico-conversationnel reconfiguré, donne
au terme « contrat » un sens renforcé, puisqu’il y a en effet dans tout dialogue
une sorte de contrat de réciprocité effectif. Simultanément, il en affaiblit la portée
initiale, car le lien avec la marque média n’est plus défini dans l’unité et la cohérence
d’une énonciation et est donc moins durable, moins global, plus dilué, comme
le montre une tendance effective toujours plus marquée à la personnalisation
des contenus et à l’hyperchoix. Comme le disait Eliseo Veron, « dans le cas des
communications de masse, c’est le média qui propose le contrat »10 ; alors que
dans la mutation décrite ici, chaque acteur est partie prenante d’un contrat de
conversation plus vaste qui peut même conduire à dessiner le média comme une
instance tierce. La différence tient donc non pas à l’absence de contrat, mais au
déplacement de la notion de contrat, de son sens sémiotique initial à un sens plus
interlocutif où le média ne se contente plus de le proposer, mais pourrait aussi
s’affirmer comme en étant le garant. La notion de contrat se voit à la fois déplacée,
car il ne s’agit plus seulement de sanctionner une adhésion par la lecture à un
dispositif dans lequel on se reconnaît, et renforcée, sous l’angle de la dimension
contractuelle de la conversation.
LA PERSISTANCE DU CONTRAT MÉDIATIQUE
Est-ce à dire pour autant que le modèle du Contrat de Lecture, trop marqué par
les objets d’analyse qu’il se donnait, aurait perdu sa pertinence à la lumière des
évolutions que nous soulignons ? Nous ne le croyons pas. Ce nouveau Contrat
de Conversation dessiné ne subsume pas radicalement le dispositif médiatique et
lui reste en partie inféodé. Nous assistons plutôt à des ajustements qui conduisent
10. Ibid.
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Du Contrat de Lecture au Contrat de Conversation
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à continuer à s’appuyer sur le Contrat de Lecture pour saisir les phénomènes en
cours. Il n’est pas sûr que les Nouvelles Conversations Numériques puissent se
passer des médias et que les médias, sous certaines conditions, ne puissent pas se
renforcer à travers elles.
Si la dimension de la lecture ne suffit plus à elle seule à penser les médias
aujourd’hui, le cœur du modèle se trouve conservé à travers l’idée qu’au procès de
communication fait écho un espace purement sémiotique et discursif qui construit
une place, faite de signes, au destinataire. Si chacun de nous peut effectivement
entrer dans l’espace de l’interlocution offert par le média, cette place n’en demeure
pas moins instanciée dans un dispositif discursif et technologique spécifique qui
porte la marque du média qui l’accueille. Le modèle de la conversation, des tours
de parole, de la co-construction, de la polémicité aussi, doit s’ajouter à celui de la
lecture pour proposer un outil d’analyse des nouvelles configurations médiatiques.
Mais il n’en reste pas moins vrai que les médias devront justement garantir, sous
l’égide de leurs marques, un certain type d’échanges. La conversation réelle qui
peut s’établir entre deux lecteurs, entre un journaliste et son lecteur est aussi pour
tous les autres membres du public une conversation représentée, qui se donne à
voir et fait signe d’un contrat spécifique du média, qui ne sera pas le même dans
Le Monde ou dans Métro. Il s’agit donc plutôt de voir comment les modes de
production éditoriaux peuvent intégrer un savoir-faire journalistique spécifique
dans la gestion de ce dialogue, comment les rédactions peuvent tirer parti de
ces nouveaux contenus qui s’articulent étroitement à ceux produits par le média.
Au-delà des fonctions de contrôle incombant à tout éditeur, chaque média garantit
une règle du jeu qui lui est spécifique, le Contrat de Conversation devenant un
élément important du Contrat de Lecture global, dans une logique d’inclusion de
l’un par l’autre ou sous forme de deux sous-systèmes asynchrones en fertilisation
réciproque plus que de véritable substitution.
De fait, si le Contrat de Lecture doit intégrer le Contrat de Conversation et
associer à l’analyse les propriétés du dialogue, on voit bien comment il conserve
malgré tout sa pertinence. Pour rendre compte de la possibilité offerte à chacun de
prendre la parole dans un espace médiatique donné, qui peut ou non être mis en
œuvre, mais qui fait partie intégrante de l’expérience de marque dans l’univers de
la presse, il faut pouvoir analyser un dispositif dans lequel le destinataire est à la
fois construit sémiotiquement, représenté dans l’espace dialogique par ses pairs et
actualisé dans l’interlocution quand il choisit de prendre la parole.
CONCLUSION : TOUS CORYPHÉES ?
La domination d’un modèle mass-médiatique univoque, qui a produit ses propres
outils d’analyse du fonctionnement des médias, est aujourd’hui bousculée par
l’irruption d’un modèle dialogal à la fois technologique et sociologique. À cheval
sur ces deux modèles, le lecteur ou le public moderne est un peu à l’image du
coryphée du théâtre grec. Il appartient au chœur, qui représente le public, mais il
peut lui aussi, à l’instar du héros, s’avancer sur la scène pour prendre la parole au
nom du chœur et dialoguer avec les personnages, établissant ainsi un lien entre le
public et la scène. À cette nouvelle posture, qui modifie effectivement le rapport
entretenu avec les médias, correspond une évolution du modèle interprétatif,
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La communication revisitée par la conversation
la distinction entre émission et réception étant en partie gommée au profit de
l’analyse d’un Contrat de Conversation dans lequel se conserve l’idée d’un espace
sémiotique désormais davantage co-construit par le média et le public, ce dernier
n’étant plus seulement inscrit dans une logique d’adhésion aux représentations
proposées par le média, mais co-producteur de celles-ci.
JEAN-MAXENCE GRANIER
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