Aux origines de la misogynie islamique
enimes en prière
Com plot contre I
musulmane
a
Prophète
n'ajamais prêché .
le mépris de
la femme...
E
nfin une femme, marocaine et so-
ciologue, qui a l'audace de ne pas
voiler son regard devant les textes
sacrés, examinés jusqu'ici par les
seuls experts de la littérature reli-
gieuse islamique. Fatima Mer-
missi transgresse un interdit, de façon magis-
trale. Elle cherche à prouver, ici que la ques-
tion de l'égalité des sexes, du statut social et
politique de la femme a été posée dès l'avène-
ment de l'islam. Elle insiste. Cette question
fondamentale a été débattue du vivant de
Mohammed et fait partie de la tradition pro-
phétique. Pour Fatima Mermissi, dès le
vue siècle, l'islam aurait pu mettre en place une
législation qui aurait réalisé l'idéal du Pro-
phète d'une société égalitaire sans esclaves et
sans discrimination sexuelle. Mais... Pour
étudier ces premiers temps de l'islam, Fatima
Mermissi adopte la méthode d'analyse des sa-
vants en sciences religieuses qui ont examiné
dans le moindre détail les hadiths, les sentences
prononcées par le Prophète, recueillies et
consignées de son vivant et après sa mort en 632
par ceux qui l'ont connu, ses disciples, ses
épouses, ses proches. Plusieurs volumes de
cette science religieuse, reprise, vérifiée,
commentée par d'autres savants, sont à la dis-
position des croyants et des chercheurs. Ils
constituent, avec le Coran, les sources arabes,
en arabe, de l'auteur du « Harem politique ».
Fatima Mermissi scrute à son tour, suivant
la tradition intellectuelle et religieuse, hadiths,
commentaires des hadiths versets du Coran,
textes biographiques du Pro
phète, de ses dis-
ciples et de ses épouses, pour tenter d'éclairer la
position du Prophète concernant les femmes et
les esclaves considérés par l'Arabie ante-isla-
mique comme des objets dont on hérite, sans
droits ni statut. On apprend ainsi que des
hadiths relevés et répertoriés par certains des
transmetteurs ne sont pas dignes de foi, en
particulier ceux qui concernent les femmes.
Par exemple, Aïcha, l'épouse préférée du Pro-
phète, lettrée en science religieuse, en poésie,
en médecine chef de guerre contre les armées
d'Ali, le gendre de Mohammed qu'elle consi-
dère comme un usurpateur, Aicha, «
mère des
croyants »
que des savants religieux viennent
consulter et qui connaît 1 210 hadiths, met
violemment en question l'authenticité d'un
hadith d'Abu Bakra, condamné lui-même
pour faux témoignage et qui écrit :
«Ne
connaîtra jamais la prospérité le peuple qui
confie ses affaires à une femme »,
hadith au-
quel on se réfère encore aujourd'hui.
Et ce hadith n'est pas le seul à provoquer la
colère de Fatima Mennissi, qui poursuit, im-
placable, l'examen d'autres hadiths où les
femmes sont désignées comme des êtres im-
purs. Les épouses du Prophète qu'on vient
interroger et dont on respecte la parole certi-
fient que le Prophète n'a jamais écarté l'une
d'entre elles au moment de la prière parce
qu'elle l'empêchait d'être dans la direction de
La Mecque,
la qibla.
Elles affirment qu'il n'a
jamais considéré qu'une femme qui a ses règles
est souillée et indigne de tendresse, ou qu'elle
constitue un obstacle à la prière. Par ailleurs,
sur la question de l'héritage, de la violence
contre les épouses, de la sodomie, de l'escla-
vage, Mohammed a pris le parti des femmes et
des esclaves. Il a répété que les femmes ne
doivent plus faire partie de l'héritage, qu'elles
peuvent hériter, ainsi que les orphelines, et que
les esclaves doivent être affranchis. Il a même
confié des pouvoirs politiques et militaires à
d'anciens esclaves. Ces principes, révolution-
naires pour l'époque, seront contrecarrés par
les disciples mêmes du Prophète et, comme le
souligne Fatima Mennissi le
hijab,
le rideau,
le voile, descendra sur Méd
ine, révélé à un
moment où le Prophète doit affronter des crises
graves à l'intérieur et à l'extérieur de la com-
munauté. Le
hijab
va séparer définitivement
l'espace public de l'espace privé, les hommes
des femmes, et les femmes n'auront plus accès
au divin. Pourtant Mohammed avait organisé
sa vie quotidienne et celle de ses épouses et des
croyants les plus humbles autour d'une mos-
quée ouverte sur la chambre d'Aïcha, pour
réduire la distance entre le privé et le politique,
pour que les femmes ne soient pas exclues du
lieu sacré, de la parole prophétique, du débat
religieux.
Cette analyse érudite, textes à l'appui, est
convaincante. Il fallait lire les hadiths comme
le fait l'auteur, avec rigueur et subtilité, avec
nostalgie parfoi
s, pour savoir que la parole
prophétique n'a pas été dirigée contre les fem-
mes. C'est un retour aux sources dont per-
sonne dans le monde islamique ne peut faire
l'économie et dont il faudra tenir compte si l'on
veut éviter une guerre des sexes, car le Coran
reste le texte sacré de référence.
LE&A SEBBAR
e
(1) El Bokhad, « l'Authentique Tradition musulmane »,
choix de hadiths, Sindbad, 1986.
« Le Harem politique, le Prophète et les fem-
mes », par Fatima Mermissi, Albin Michel, 294
pages, 98 F.
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