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L’Islam en débats
Silvia Naef
Y a-t-il une « question de l’image » en Islam ?
132 pages / 14,10 euros
ISBN 978-2-912868-20-6
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Cet ouvrage est publié avec le concours de
l’Institut d’Études
de l’Islam et des Sociétés du Monde Musulman
(EHESS)
©
48 rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie 75004 Paris
cet ouvrage est complété et mis à jour sur le site www.teraedre.fr
Silvia Naef
Y a-t-il une « question de l’image »
en Islam ?
SOMMAIRE
....................................................................................................................................................
9
...........................................................................................................................................................
13
INTRODUCTION
CHAPITRE 1
le point de vue normatif : les textes sacrés et leur interprétation
LES TEXTES SACRÉS
LES POSITIONS DES THÉOLOGIENS À L’ÉPOQUE CLASSIQUE
UNE « QUESTION DE L’IMAGE » A-T-ELLE EXISTÉ EN ISLAM ?
CHAPITRE 2
...........................................................................................................................................................
la figuration malgré tout ? bref parcours géographique et
chronologique
: OMEYYADES, ABBASSIDES, FATIMIDES
LE « MIRACLE » IRANIEN
L’ART OTTOMAN
LES CALLIGRAPHIES FIGURATIVES
LE NON-RÉALISME VOULU DE L’ART ISLAMIQUE
L’ART FIGURATIF EN PAYS D’ISLAM
LES EMPIRES ARABES
33
CHAPITRE 3
...........................................................................................................................................................
65
de la rareté à la profusion (1800 à nos jours)
L’ART FIGURATIF AU SEUIL DE L’ÉPOQUE MODERNE : UN ÉTAT DES LIEUX
L’IMAGE À LA CONQUÊTE DE L’ESPACE PUBLIC ET PRIVÉ : L’IMAGE FIXE
L’IMAGE MOBILE : LE CINÉMA ET LA TÉLÉVISION
LES RELIGIEUX FACE AU DÉFERLEMENT DE L’IMAGE
CONCLUSION
.........................................................................................................................................................
BIBLIOGRAPHIE
...................................................................................................................................................
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
...............................................................................................................
113
117
129
avertissement
7
Note : la translittération des termes arabes ou persans a été
simplifiée ; pour le turc, l’orthographe moderne a été choisie. Les
mots et noms propres d’usage courant ont été écrits selon la graphie usuelle.
Le Coran est cité d’après la traduction de D. Masson ; les
hadiths tirés du recueil de Bukhârî d’après celle de O. Houdas ;
ceux des autres recueils ont été traduits directement de l’original
arabe.
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Y a-t-il une « question de l’image » en Islam ?
INTRODUCTION
La destruction des bouddhas de Bamyan, en 2001, sur ordre du
Mollah Omar, a semblé confirmer l’idée que l’islam est foncièrement hostile à l’image. « Ces statues, disait le décret taliban, ont
été et restent des sanctuaires d’infidèles et ces infidèles continuent
à adorer et à vénérer ces images […]. Allah […] tout-Puissant est le
seul vrai sanctuaire et tous les faux sanctuaires […] doivent être
fracassés […]. » (Centlivres, 2001 : 14).
Cependant, un voyage dans n’importe quel pays islamique
nous confronte à une autre réalité : dans les rues, on voit des
photos de stars du cinéma et de la chanson ainsi que des portraits
de chefs d’État, des images religieuses populaires, des affiches
géantes de cinéma et de publicité ; dans les foyers, les photographies de famille sont omniprésentes ; la télévision est souvent
introduction
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allumée à longueur de journée, et les rites comme la circoncision
et le mariage sont enregistrés sur cassette vidéo et montrés aux
visiteurs.
Rares sont ceux qui se sentent heurtés par cette « multiplication de l’image » (Heyberger/Naef, 2003) qui est un phénomène
nouveau, remontant à la fin du XIXe siècle. Avant cette époque, les
voyageurs occidentaux en Orient signalaient encore avec étonnement toute image figurative qu’ils parvenaient à dénicher dans
l’espace public, et répandirent l’idée qu’il y avait absence totale
d’images, les quelques traces rencontrées étant des exceptions,
des infractions à la loi religieuse. L’orientalisme, qui se constitue
à peu près à la même époque comme discipline universitaire et
qui appréhende la civilisation islamique essentiellement à travers
les textes – et surtout les textes religieux – qu’elle a produits,
contribue à ancrer cette idée dans la doxa occidentale (mais aussi
musulmane), car ces textes sont, dans leur majorité, hostiles aux
représentations figuratives.
Cependant, l’image a toujours existé en Islam, mais ses fonctions étaient différentes de celles qu’elle avait en Occident, notamment dans le domaine religieux. Dans cet ouvrage, nous allons
essayer de faire un rapide tour de la question. Nous partirons de
la position de la religion musulmane, telle qu’elle s’est élaborée
dans la période fondatrice (chapitre 1). Dans le chapitre 2, un
regard succinct sur la production d’images figuratives dans trois
aires centrales du monde musulman, arabe, iranienne et turque,
permettra de voir où et comment l’image a pu exister dans cette
civilisation. Le troisième chapitre est consacré à la « multiplication
des images » à l’époque moderne et contemporaine. En effet, il
est indéniable que la situation a énormément changé depuis le
début du XIXe siècle, ne suscitant, au fond, qu’étonnamment peu
de débats. L’image accompagnait en même temps qu’elle symbolisait la modernisation, souhaitée par l’ensemble de la population,
religieux compris.
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Y a-t-il une « question de l’image » en Islam ?
Dans une première partie, on montrera comment s’affirment
la photographie, l’art statuaire, la peinture, le cinéma et la télévision. La deuxième partie sera consacrée à la réaction des religieux
à cet état de fait. En effet, cette situation qui donne à l’image une
nouvelle place dans la vie quotidienne a mis la religion en porte-àfaux avec l’évolution de la société. Des ré-interprétations des textes
originels, tenant compte de la nouvelle donne, ont ainsi eu lieu,
ré-interprétations qui peuvent aller de l’acceptation conditionnelle
– ou plus rarement totale – des images, jusqu’à leur interdiction
complète.
Le but de cette analyse n’est pas de vouloir expliquer le monde
musulman par le seul biais des opinions des religieux, bien au
contraire. Il s’agit plutôt de montrer comment ceux-ci ont réagi
et réagissent face à une situation sur laquelle leur emprise est, en
fin de compte, réduite. Mais c’est aussi un moyen de comprendre
comment l’interprétation des textes religieux s’adapte à des conditions nouvelles, par quel type de raisonnements elle y parvient et
comment elle justifie certains phénomènes qui, à une lecture plus
stricte, ne pourraient pas être acceptés. La mise en parallèle de la
place réelle acquise par l’image et de la théorisation religieuse à
son égard devrait permettre de vérifier si c’est l’opinion des ulémas qui façonne la société, comme on le prétend souvent, ou si
c’est l’évolution de la société qui contraint ceux-ci à reformuler la
loi afin de légitimer au moins partiellement ce qui est déjà entré
dans les mœurs.
introduction
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CHAPITRE
1
le point de vue
normatif :
les textes sacrés
et leur interprétation
Lorsqu’il est question d’images en pays d’Islam, il faut préciser qu’il
s’agit de celles représentant des êtres vivants ayant un souffle vital
(rûh), donc les êtres humains et les animaux, les végétaux et les
objets inanimés ne rentrant généralement pas dans cette catégorie.
C’est dans ce sens que le terme d’« images » sera employé ici.
le point de vue normatif : les textes sacrés et leur interprétation
13
Dans ce chapitre, il sera question de la position théorique
adoptée par la religion musulmane. On commencera ainsi par
le Coran, le livre révélé des musulmans, et le hadith ou tradition
prophétique, paroles ou actes attribués au prophète. Si, depuis le
xe siècle de l’ère chrétienne, les chiites duodécimains acceptent,
de même que les sunnites, le texte coranique établi après la mort
de Muhammad, il en va tout autrement des hadiths : en effet, les
recueils chiites diffèrent de ceux des sunnites, par le contenu aussi
bien que par la forme. Comparer l’avis des deux groupes n’est pas
sans rapport avec la question de l’image, puisque d’éminents spécialistes ont pu affirmer que l’essor connu par l’art de la miniature,
à partir du XIIIe siècle, en Perse, était dû à une attitude plus libérale
des textes chiites. Enfin, les positions, parfois contradictoires, de
quelques théologiens des siècles constitutifs de la pensée religieuse
seront également passées en revue.
LES TEXTES SACRÉS
Le Coran
Venant apporter un message strictement monothéiste dans un
environnement païen, la prédication muhammadienne combat
avec virulence tout culte consacré à d’autres divinités que le
Dieu unique. Les pratiques cultuelles de l’Arabie antéislamique,
que nous commençons à mieux connaître grâce à l’archéologie,
s’adressaient à des divinités représentées sous forme de statuettes
ou plus souvent par de simples pierres. Le Coran leur donne
plusieurs noms : tamâthîl (pl. de timthâl : image, effigie, ressemblance, figure, statue), ansâb (pl. de nasb : pierre dressée), awthân
(pl. de wathan, idole, de awthana : être nombreux), asnâm (pl. de
sanam, idole, surtout de métal).
C’est en le situant dans ce même cadre de la lutte contre le
polythéisme qu’il faut comprendre le verset du Coran le plus
souvent cité comme ayant pu conduire à une interdiction des
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Y a-t-il une « question de l’image » en Islam ?
images : « Ô vous qui croyez !, le vin, le jeu de hasard, les pierres
dressées [ansâb] et les flèches divinatoires sont une abomination
et une œuvre du Démon. Évitez-les » [V, 90]. Le texte mentionne
l’adoration des « pierres dressées » parmi une série d’autres actes
réprouvés : il n’est nullement question d’« images ». Le mot sûra,
qui désigne l’image en arabe, n’apparaît d’ailleurs qu’une seule
fois dans le Coran, à propos de la création de l’homme : « car il
t’a composé dans la forme (sûra) qu’il a voulue ». Le terme est
un dérivé de la racine sawwara qui signifie «façonner, former
une chose de telle ou telle façon, lui donner une forme, créer »,
un verbe que l’on trouve quatre fois dans le Coran pour désigner
l’action créatrice de Dieu [III,6 ; VII,11 ; XL, 64 ; LXIV,3].
Il serait ainsi difficile de trouver, dans le Coran, une « théorie
de l’image » ou, du moins, une position bien définie à ce sujet.
D’ailleurs, comment le Coran aurait-il pu interdire un culte des
images qui, selon toute vraisemblance, n’existait pas (ou presque)
en Arabie ?
Le hadith
Le hadith, souvent appelé « tradition prophétique » en français, a très vite pris une grande importance dans l’élaboration
théologique et juridique de la religion musulmane, que ce soit
dans le sunnisme ou dans le chiisme. Ce matériel, qui atteignit
les quelques dizaines de milliers de récits aux II-IIIe siècles de l’ère
musulmane, circula d’abord sous forme orale, rapporté de génération en génération par des transmetteurs. Les contemporains,
qui se rendirent compte qu’un certain nombre de faux hadiths
circulait, firent un tri en analysant la fiabilité des autorités qui les
avaient transmis : six recueils canoniques, rédigés entre le IXe et
le xe siècle, s’établirent chez les sunnites, et Quatre livres (al-kutub
al-arba‘) composés entre le Xe et le XIe siècle, chez les chiites duodécimains. À la différence des sunnites, non seulement la parole
du prophète, mais également celle des imams – les descendants
le point de vue normatif : les textes sacrés et leur interprétation
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en ligne directe de Muhammad par sa fille Fâtima et son cousin
‘Alî – a une valeur canonique chez ces derniers. Néanmoins, ces
différences ne doivent pas faire croire qu’il n’y a aucun rapport
entre les traditions recueillies par les deux communautés : très
souvent, les contenus sont semblables, comme on le verra plus
loin.
Dans la religion musulmane, les hadiths – la parole du prophète
(et des imams chez les chiites) – viennent hiérarchiquement tout
de suite après le Coran, la parole de Dieu, et ont considérablement
contribué à façonner la manière de penser et d’agir. Cependant,
les modalités de leur transmission et le décalage qu’il y a entre
l’époque à laquelle ces paroles furent prononcées et celle où elles
furent canonisées font que l’historien peut difficilement considérer ce matériel comme constituant une source fiable remontant à
l’Arabie de Muhammad, soit le VIIe siècle de l’ère chrétienne : si
certains hadiths le sont certainement, d’autres sont plus tardifs.
Ce sont d’ailleurs les doutes quant à l’authenticité d’une partie
de ce matériel qui ont été à l’origine du travail de classement et
d’évaluation accompli entre le IXe et le XIe siècle par les auteurs
musulmans eux-mêmes et de la critique dont il a fait l’objet,
depuis le XIXe siècle, de la part de certains musulmans réformistes.
Des orientalistes, comme Ignaz Goldziher (1850-1921) ou Joseph
Schacht (1902-1969), en vinrent ainsi à considérer que l’ensemble
des récits était postérieur à Muhammad ; aujourd’hui, les chercheurs sont moins radicaux, mais restent prudents quant à l’historicité muhammadienne de ces récits, et les considèrent avant
tout comme de précieux témoins sur les débats qui ont traversé la
communauté dans les premiers siècles de son histoire.
L’image dans les hadiths
Du point de vue quantitatif, le corpus constitué par l’ensemble
des textes du hadith, même en écartant ceux qui ont été jugés
douteux, est beaucoup plus important que celui du Coran. Ainsi,
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Y a-t-il une « question de l’image » en Islam ?
le recueil de Bukhârî (Al-Sahîh), composé au IXe siècle et le plus
couramment utilisé chez les sunnites, contient environ sept mille
trois cents hadiths – qui ne diffèrent parfois entre eux que par
des détails – classés en quatre-vingt-dix-sept chapitres thématiques. De ces chapitres, aucun n’est consacré à la « question des
images » ; celle-ci apparaît dans des rubriques diverses, afférentes
à la prière, aux vêtements ou à tout autre sujet et n’est d’ailleurs
pas toujours au centre du récit. Ce constat est valable également
pour les autres recueils. Cependant, quatre grandes thématiques
peuvent être dégagées.
1.
Les images sont impures et par conséquent incompatibles avec l’exercice de la prière : « Les anges n’entreront pas dans
une maison où il y a un chien, ni dans celle où il y a des images »
(Bukhârî, titre 77, 87). Mises sur le même plan que le chien, un
animal considéré comme impur, leur présence souille l’endroit où
elles se trouvent et le rend impropre à la prière. Cela revient à
rapprocher les images des idoles qui, comme le montre l’exemple
du prophète, ne peuvent être admises dans un lieu où l’on prie.
Dans l’épisode déjà évoqué, lors de la conquête de La Mecque en
630, Muhammad dut détruire les trois cent soixante idoles qui se
seraient trouvées dans la Ka‘ba avant de pouvoir y accomplir la
prière, ainsi que le rapporte le grand historien Tabarî (m. 923) :
« Lorsque toutes les idoles furent emportées, le Prophète entra
dans le temple, et fit une prière de deux prosternations. » (Tabarî,
1980 : 282)
Accessoirement, une deuxième préoccupation peut apparaître :
dans un autre hadith, le prophète fait enlever les représentations
figuratives de crainte qu’elles ne puissent le distraire dans l’accomplissement de sa prière (Bukhârî, titre 77, 93).
Dans les hadiths chiites, la question de la compatibilité des
lieux de prière avec les images se pose en termes similaires, comme
le souligne ce récit : « J’ai dit [au cinquième imam, Muhammad
al-Bâqir] (..) : Lorsque je prie, j’ai devant moi des effigies (tamâthîl)
le point de vue normatif : les textes sacrés et leur interprétation
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et je les regarde. Il m’a répondu : il n’y a pas de mal à cela si tu les
recouvres d’un drap (thawb). Il n’y a pas de mal à cela si elles se
trouvent à ta droite ou à ta gauche, derrière toi, sous tes pieds ou
en dessus de ta tête. Si elles se trouvent dans la [direction de] la
qibla [direction de La Mecque], suspends un drap au-dessus d’elles
et prie; » (Tûsî, Istibsâr, ch. 233, 1502, 1) La peur d’un retour à
l’idolâtrie est exprimée ici sans ambiguïté : ce n’est pas la présence
d’images dans un lieu déterminé en elle-même qui est condamnée,
mais le fait qu’elles pourraient faire l’objet d’un culte. Lorsqu’elles
sont recouvertes d’un drap, ce danger n’existe plus.
Dans les hadiths chiites, le caractère impur de l’image apparaît
d’ailleurs avec davantage d’évidence que chez les sunnites, comme
le montre cet autre texte : « L’envoyé de Dieu a dit : Gabriel est
venu vers moi et m’a dit : nous, les cohortes d’anges, n’entrons
pas dans une maison où se trouvent un chien, l’effigie d’un corps
(timthâl jasad) ou un pot de chambre. » (Kulaynî, al-Kâfî, “ Tazwîq
al-buyût ”, 2) Les choses impures sont ici au nombre de trois et,
aux chiens, viennent s’ajouter les excrétions. Un autre passage du
même recueil affirme : « ‘Alî détestait les images (al-sûra) dans
les maisons. » (ibid, 5) Lorsqu’on sait la vénération que les chiites
portent à ‘Alî, cousin et gendre du prophète et premier imam, on
comprend à quel point la désapprobation des images est forte.
2.
Le lieu où est placée une image ou le support choisi pour
cette image la rendent licite ou illicite : ainsi, un hadith rapporte
que ‘Â’isha, la femme préférée du prophète, avait confectionné et
suspendu des rideaux en utilisant un tissu sur lequel il y avait des
images d’êtres animés. Le prophète, voyant cela, se fâcha ; ‘Â’isha
en fit alors des coussins, ce à quoi le prophète n’eut rien à redire
(Bukhârî, titre 77, 91). La préoccupation de ne pas susciter un culte
ressort clairement de ce récit : suspendue devant soi, la représentation figurative n’est pas admise ; si elle se trouve en revanche
sur le sol, elle peut être tolérée, car on ne pourrait diriger sa prière
vers un objet posé par terre. Plus tard, les juristes interpréteront
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Y a-t-il une « question de l’image » en Islam ?
ce type de texte en disant que tout ce sur quoi on s’assoit ou qu’on
foule des pieds peut comporter des images, car on le rabaisse et,
par conséquent, il n’y a pas de danger d’idolâtrie. Néanmoins, un
autre hadith affirme que le prophète aurait été contrarié même à
la vue de coussins recouverts d’images (Bukhârî, titre 77, 95).
Chez les chiites, les images sur les coussins ou les tapis sont
admises : « [Le sixième imam Ja‘far al-Sâdiq] a dit : Je l’ai questionné sur les coussins et les tapis qui ont des effigies. Il a dit : il n’y
a pas de mal à ce qu’ils se trouvent dans une maison. J’ai demandé :
les effigies ? Tant qu’il s’agit de choses que l’on foule des pieds, il
n’y a pas de mal à cela. » (Kulaynî, al-Kâfî, “ Tazwîq al-buyût ”, 6)
Une autre version du même récit veut qu’il soit détestable (makrûh), mais non pas interdit (harâm), de prier sur un tapis ayant
des images (Tûsî, Istibsâr, ch. 233, 1503, 2). Un hadith attribué au
sixième imam Ja‘far al-Sâdiq rendrait même la prière devant un
feu ou une image licite, « car ce sur quoi un homme prie est plus
proche de lui que ce qui se trouve devant lui ». Cependant, Tûsî,
l’auteur du recueil, considère que le récit est anomal car la chaîne
des rapporteurs est incomplète (Tûsî, Istibsâr, ch. 237, 1512, 3) et
que, par conséquent, la validité du hadith est douteuse.
Sans vouloir en tirer des conclusions sur une filiation
quelconque, il peut être intéressant de noter que la tradition juive
connaît une interprétation parallèle. En effet, une des traductions
de la Torah en araméen, le targoum du Pseudo-Jonathan, commente le passage du Lévitique 26,1, qui interdit de se prosterner
devant des idoles, de la manière suivante : « Cependant vous pouvez placer une mosaïque de pavement représentant des figures
et des images sur le sol de vos sanctuaires […], mais non pas pour
vous prosterner devant elles. » (cité par Prigent, 1991 : 34)
Une autre exception, qui autorise même des objets tridimensionnels, concerne les jeux pour enfants : ainsi, le prophète aurait
admis les poupées, en voyant sa femme ‘Â’isha, encore très jeune
lors du mariage, jouer avec ses amies. Dans un hadith rapporté dans
le point de vue normatif : les textes sacrés et leur interprétation
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