sions, qui craignent que le discours de la nouvelle évangélisation, telle
que la développe l’Église catholique avec Jean-Paul II, ne corres-
ponde à une recatholicisation du monde et particulièrement, sur le
modèle de la chrétienté médiévale, à une recatholicisation de l’Eu-
rope.
Une déspatialisation de la mission
Le terrain de la nouvelle évangélisation se circonscrit d’abord à
partir d’un diagnostic visant à qualifier la situation concrète rencon-
trée par le qualificatif le plus adéquat possible. Or, il suffit de pointer
quelques expressions pour mettre en évidence la diversité des diag-
nostics posés et révéler la diversité des réalités recouvertes par le
concept d’évangélisation. Alors que les uns comprennent la nouvelle
évangélisation dans le sens d’une restauration, dans l’optique d’un
passé à faire resurgir qui soit en mesure de transformer le monde par
un mouvement de retour, d’autres l’interprètent dans le sens d’un
renouveau fondamental de la mission de l’Église, qu’il convient de
remettre en contact avec une société décrite comme postmoderne,
postchrétienne, sécularisée ou, comme tout récemment, en phase
d’exculturation du christianisme3.Le chemin ainsi tracé est un retour
non au passé mais à l’Évangile. Le concept d’évangélisation se révèle
donc bien vite polysémique4.
S’agissant de la mission, il atteste de la transformation de l’élé-
ment missiologique de l’ad extra àl’ad intra.Prenons l’exemple de
discours d’évêques intervenant lors de l’accueil de confrères africains
ou l’exemple de la prédication dominicale de curés de paroisse pour
la journée missionnaire mondiale. Depuis vingt ans au moins, on
passe d’une prédication qui insistait sur l’élan missionnaire vers d’au-
tres pays à une autre qui vise la mission à l’intérieur des communautés
chrétiennes. On cite alors les prêtres africains ou indiens présents dans
les paroisses catholiques de la vieille Europe, souvent présentés aux
fidèles comme le fruit d’une mission à fronts renversés. À une spiri-
tualisation de la mission correspond sa déspatialisation. Si les protes-
tants parlent de mission intérieure pour désigner leurs efforts pasto-
3. D. HERVIEU-LÉGER,Catholicisme. La fin d’un monde,Paris, Bayard, 2003.
4. Cf. J. LOPEZ GAY,«Evolución histórica del concepto ‘evangelización’ », dans
M. DHAVAMONY,Evangelisation,Rome, 1975, p. 161-190 ; D. GRASSO, « Evangeliz-
zazione. Senso di un termine », ibid., p. 21-47. Ces deux études mettent en évidence
les sens du concept d’évangélisation avant l’ère Jean-Paul II. En ce sens, elles per-
mettent de constater que l’usage qu’en fera le pape Wojtyla sera toujours plus déter-
miné par l’adjectif « nouvelle ».
219LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION
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