Pouvoir et conscience
Après un début de polémique sur l’affectation de l’argent de la Zakat, le président du Haut-Commissariat
islamique et le ministre des Affaires religieuses se retrouvaient, avant-hier, à l’antenne de la radio pour
dénoncer d’une même voix la campagne d’évangélisation qui, semble-t-il, s’attaque actuellement à nos
consciences.
Retour donc au front. L’islam est menacé. Et la menace pèse sur l’unicité religieuse, et donc — le pas est vite
franchi par le ministre des Affaires religieuses — sur l’unité du pays. “Il suffit de voir ce qui se passe dans
certains pays africains.”
Justement, il n’y a pas de guerre de religions en Afrique, si l’on excepte celle, terminée, qui avait opposé le
pouvoir islamique de Khartoum au sud chrétien du Soudan. Mais toujours au Soudan, des musulmans sont
massacrés, violés et poussés à l’errance par des milices de musulmans armées et encouragées par le pouvoir
central.
Plus loin, le même intégrisme a, par l’entremise du Hamas, anéanti une unité sans faille que les Palestiniens ont
su cultiver, dans un multi-confessionalisme millénaire, et malgré soixante années d’épreuves, de pressions, de
manipulations, de pluralité politique et de guerre.
Et puisqu’on parlait d’Afrique, le contre-exemple peut se trouver en Algérie. C’est entre musulmans — n’est-ce
pas ? — que nous avons réalisé le sinistre bilan de deux cent mille morts au nom de la religion !
Jusqu’ici, l’origine et l’impact de cette entreprise d’évangélisation n’ont pas été clairement établis. Mais rien,
dans la société, n’indique un vent de conversion. S’agit-il de dédouaner ou de dissimuler l’œuvre de la
propagande intégriste ? Car le seul péril qui menace actuellement l’islam, c’est l’islamisme. Dans les années
1970, les consciences cartilagineuses de nos gosses ont été livrées à l’endoctrinement sommaire d’instituteurs,
dont l’Égypte voulait opportunément se débarrasser pour préserver ses enfants de leur nuisance intellectuelle.
Ces gamins ont eu entre vingt et trente ans dans… les années 1990 !
Dans les années 1980, la télévision d’État a été offerte comme tribune à un imam qui nous expliquait, avec
l’argent du contribuable, que Kateb Yacine ne méritait pas d’être enterré dans son pays. Une dizaine d’années
plus tard, un de ses disciples reprit la même sentence contre Matoub.
Dans les années 1990, des petits prêcheurs, parfois encore imberbes, couraient les villages et les quartiers pour
terroriser nos concitoyens, à coups d’antiennes sommaires, contre les dépravations qui, paraît-il, nous
caractérisaient avant leur survenue.
Aujourd’hui, c’est l’État qui, après avoir pardonné à ceux qui ont tué par trop de religiosité, s’est engagé dans
cette entreprise d’“intégrisation” de la société. Des institutions montent la garde à l’entrée de nos cerveaux ! À
l’évidence, nos consciences sont mieux surveillées que nos caisses.
Après que Ziari eut trouvé que l’alternance au pouvoir profite aux étrangers et est dangereuse pour la
démocratie, Ghoulamallah trouve que la liberté de conscience profite aux missionnaires et est dangereuse pour
l’unité nationale ! Que de raisons pour changer de Constitution !
Et d’oublier les histoires d’argent de la Zakat !
M. H.