Les différentes maladies du coeur Auteur : Dr Pascal AMEDRO 1. Le cœur normal L’oxygène capté dans l’air va dans les poumons, où le sang «bleu» est alors oxygéné et devient «rouge». Il est conduit par les 4 veines pulmonaires jusqu’à l’oreillette gauche, qui charge le «ventricule gauche», pour qu’il éjecte le sang à forte pression dans l’aorte. Tous les organes utilisent alors ce sang oxygéné, et une fois redevenu «bleu», il retourne au coeur par les 2 veines caves jusqu’à l’oreillette droite. Celle-ci charge le ventricule droit qui va éjecter le sang bleu à basse pression dans les artères pulmonaires. Ainsi la boucle est bouclée et on reprend un nouveau cycle. Quatre valves s’ouvrent et se ferment en fonction du cycle cardiaque : la valve aortique, entre le ventricule gauche et l’aorte; la valve mitrale entre l’oreillette gauche et le ventricule gauche; la valve pulmonaire entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire. Le coeur est sous la dépendance d’une conduction électrique, qui part du noeud sinusal (dans l’oreillette droite), emprunte des faisceaux électriques vers le noeud auriculoventriculaire jusqu’aux deux ventricules. Le rythme cardiaque est de l’ordre de 80 à 180 battements par minutes chez un nouveau-né ; il baisse progressivement jusqu’à 60 à 80 battements /minutes chez l’adulte. http://www.dailymotion.com/swf/video/x1aajb 2. Principales Malformations cardiaques Presque un enfant sur 100 nait avec une malformation cardiaque, cela représente la première cause d’anomalies congénitales. On parle aussi de «cardiopathies congénitales». Plus de la moitié sont relativement «bénignes», autorisant une vie normale après chirurgie cardiaque ou cathétérisme interventionnel. Environ 20% de ces malformations cardiaques sont considérées comme complexes et doivent être prises en charge depuis la période foetale jusqu’à l’âge adulte par des médecins spécialistes en cardiologie congénitale. Communication Inter-Auriculaire (CIA) : un trou, de taille variable, est présent entre les deux oreillettes. En général, les enfants n’ont aucun symptôme et on découvre cette anomalie après avoir entendu un souffle cardiaque au stéthoscope. La CIA peut soit se fermer spontanément, soit persister. Dans la majorité des cas, il sera fermé par le cardiopédiatre au cours d’un cathétérisme cardiaque interventionnel : une prothèse est mise en place sous anesthésie générale et l’enfant sort de l’hôpital le lendemain (http://www.amplatzer.com/products/asd_devices/the_amplatzer_septal_occluder/tabid/18 8/default.aspx). Si le cathétérisme n’est pas possible en raison de l’anatomie de la CIA, le patient sera confié au chirurgien cardiaque qui fermera le trou par une suture ou un patch. Comme une CIA existe de façon normale chez le foetus, le diagnostic anténatal est rarement possible. Communication Inter-Ventriculaire (CIV) : un trou, de taille variable, est présent entre les deux ventricules. S’il est petit, l’enfant vit normalement, n’a aucun symptôme et est régulièrement surveillé par le cardiopédiatre. Si la CIV est importante, le nourrisson grossit mal, s’essouffle lorsqu’il tête et nécessite souvent un traitement médicamenteux. On parle alors d’insuffisance cardiaque. Si la CIV ne se ferme pas spontanément ou que l’insuffisance cardiaque ne se stabilise pas, une fermeture par chirurgie cardiaque est nécessaire. Le diagnostic anténatal des CIV larges est possible. Persistance du Canal Artériel (PCA) : le canal artériel est un tuyau qui existe physiologiquement chez le foetus, entre l’artère pulmonaire et l’aorte. Il se ferme normalement après la naissance. S’il persiste et qu’il est significatif, l’enfant risque de se mettre en insuffisance cardiaque. Le canal artériel devra être fermé par le cardiopédiatre au cours d’un cathétérisme interventionnel. L’enfant quitte l’hôpital en général le lendemain du cathétérisme. Rarement, l’enfant est adressé au chirurgien cardiaque qui ligature le canal artériel. Coarctation de l’Aorte : lors de la fermeture du canal artériel après la naissance, il arrive que l’aorte se ferme ou se resserre également. Le nouveau-né risque alors un malaise grave, le nourrisson une insuffisance cardiaque, l’enfant et le jeune adulte une hypertension artérielle, l’adulte un accident vasculaire cérébral. Chez les plus jeunes, le traitement est la chirurgie cardiaque ; chez les autres, on effectue un cathétérisme cardiaque interventionnel. Le diagnostic anténatal de cette pathologie est rarement possible sauf si l’anomalie est associée à d’autres malformations du coeur. Tétralogie de Fallot : il s’agit d’une anomalie embryologique qui a quatre conséquences anatomiques: une CIV, une aorte déviée à droite, un obstacle entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire et un ventricule droit «musclé». Le diagnostic anténatal est souvent réalisé. A la naissance, le nouveau-né risque des accès de «cyanose», où il devient bleu. Un traitement médicamenteux peut être nécessaire, voire la mise en place par le chirurgien cardiaque d’un tuyau qui remplace le canal artériel («Blalock»). Le plus souvent, vers l’âge de 6 mois, la cure complète est effectuée par le chirurgien : fermeture de la CIV, ouverture de l’obstacle entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire. Atrésie Pulmonaire avec CIV (APSO) : c’est la forme extrême de Tétralogie de Fallot, ici le sang ne passe pas du tout entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire. Ici la chirurgie à la naissance est nécessaire, avec mise en place d’un tuyau entre l’aorte et l’artère pulmonaire («Blalock»). La réparation par chirurgie cardiaque est plus complexe mais a lieu en général vers l’âge de 6 mois. Il s’agit d’une cardiopathie congénitale complexe devant être prise en charge par un cardiopédiatre puis par un cardiologue congénitaliste à l’âge adulte. Canal atrio-ventriculaire : il s’agit d’un trou situé dans la région centrale de division du coeur, entre les oreillettes et les ventricules; il existe plusieurs formes isolées ou associées : CIA, CIV, fente sur la valve mitrale. Dans les formes complètes, parfois associées à une anomalie génétique (trisomie 21), le nourrisson est en insuffisance cardiaque et le traitement est chirurgical. Le diagnostic anténatal est souvent possible. Transposition des gros vaisseaux : l’aorte et l’artère pulmonaire sont connectées de façon inversée aux deux ventricules. Le diagnostic est le plus souvent fait pendant la grossesse, même si elle ne gêne pas le foetus. Le nouveau-né doit naître dans une maternité de niveau III disposant d’un service de réanimation néonatale et d’une astreinte de cardiopédiatrie 24h/24h. A la naissance le bébé devient immédiatement «bleu», un cathétérisme est effectué dans la couveuse par le cardiopédiatre pour élargir la CIA et parfois un médicament gardant le canal artériel ouvert est nécessaire. Après quelques jours de vie, l’intervention chirurgicale peu avoir lieu, c’est le «switch artériel», qui remet en place les deux gros vaisseaux ainsi que les artères coronaires. Il s’agit d’une cardiopathie congénitale complexe devant être prise en charge par un cardiopédiatre puis par un cardiologue congénitaliste à l’âge adulte. Ventricule Unique (VU) : de nombreuses malformations cardiaques peuvent conduire à une situation de «ventricule unique», soit parce qu’il n’y a effectivement qu’un seul ventricule, soit parce qu’un des deux ventricules est trop petit. Il s’agit d’une cardiopathie où l’enfant est cyanosé, c’est-à-dire «bleu». Le traitement contre cette cyanose est chirurgical, palliatif, avec en général deux intervention : la première chez le nourrisson, la seconde à quelques années plus tard. Le diagnostic anténatal est fréquent. Il s’agit d’une cardiopathie congénitale complexe devant être prise en charge par un cardiopédiatre puis par un cardiologue congénitaliste à l’âge adulte. Tronc artériel commun (TAC) : lors du développement embryologique, le vaisseau qui donne naissance d’un côté à l’aorte, de l’autre à l’artère pulmonaire, ne s’est pas divisé. Un seul gros vaisseau sort du coeur, au dessus d’une large CIV. Le nourrisson est donc cyanosé et en insuffisance cardiaque. Le traitement est médicamenteux puis chirurgical, dans les premiers mois de vie. Le diagnostic anténatal est fréquent. Il s’agit d’une cardiopathie congénitale complexe devant être prise en charge par un cardiopédiatre puis par un cardiologue congénitaliste à l’âge adulte. Retour veineux pulmonaire anormal (RVPA) : une ou plusieurs veines pulmonaires ne se jettent pas dans l’oreillette gauche mais quelque part dans la circulation du coeur droit (oreillette droite, veines caves, veines sus-hépatiques, etc.). Si les quatre veines pulmonaires sont concernées, on parle de RVPA total, qui lorsque la sang est bloqué, constitue une urgence chirurgicale dès le diagnostic, posé en général dans les premières heures ou jours de vie chez un nouveau-né à la fois cyanosé et en insuffisance cardiaque. Le diagnostic anténatal est rare et difficile mais parfois possible. Anomalies des valves (mitrale, aortique, tricuspide, pulmonaire) : soit elles s’ouvrent mal et on parle de «sténose» ou «rétrécissement»; soit elles se ferment mal, fuient et on parle «d’insuffisance». Parfois les deux phénomènes sont associés. Selon la valve touchée, les symptômes seront différents : souffle cardiaque, insuffisance cardiaque, cyanose, malaise, etc. Le diagnostic anténatal est souvent possible dans les formes sévères, mais parfois ces anomalies évoluent après la naissance vers l’aggravation ou la régression. Pour les formes graves, un traitement par cathétérisme interventionnel (sténose pulmonaire) ou par chirurgie cardiaque (rétrécissement mitral) est indiqué. Ces anomalies peuvent aussi s’associer à d’autres malformations cardiaques. 3. Les anomalies électriques. Elles sont diagnostiquées par l’ECG et/ou le Holter ECG. Elles peuvent apparaitre à tout moment de la vie avec une très large prédominance chez la personne âgée. Dans l’enfance, elles existent soit sur un coeur anatomiquement normal, soit sur un coeur malformé. L’échocardiographie est donc systématique. On peut les découvrir après un malaise, une syncope, des palpitations. Elles peuvent aussi apparaître après une chirurgie cardiaque, ce qui rend indispensable d’effectuer des ECG réguliers chez tout patient opéré du coeur. En particulier, toute personne ayant présenté un malaise à l’effort ou ayant dans sa famille une histoire de «syncopes» ou «morts subites inexpliquées» doit consulter un cardiologue. QT long congénital : c’est une anomalie génétique grave qui peut entrainer des malaises, syncopes voire des morts subites. Le coeur est anatomiquement normal. Chez l’enfant, on les dépiste surtout lorsqu’il y a d’autres cas dans la famille, avec un ECG et une prise de sang. On peut aussi diagnostiquer un syndrome du QT Long après un malaise au repos ou à l’effort. Un traitement médicamenteux est mis en place. Une surveillance étroite (Holter ECG, Epreuve d’effort) est préconisée. Certains médicaments sont formellement contre-indiqués dans le syndrome du QT long (www.qtdrugs.org). Bloc auriculo-ventriculaire (BAV): il s’agit d’un trouble de la conduction électrique, le coeur est alors plus lent que la normale. Soit le diagnostic est effectué chez le foetus («BAV congénital»); soit l’anomalie apparait plus tard, le plus souvent après une chirurgie cardiaque chez l’enfant. Si le coeur est vraiment trop lent, un pacemaker est mis en place. Il s’agit d’un boitier mis dans la loge abdominale chez les petits et sous le muscle pectoral chez les plus grand. Ce boitier est relié à des sondes qui vont stimuler le coeur par l’extérieur (sondes épicardiques) pour les plus jeunes, par l’intérieur (sondes endocardiques) chez les plus âgés. La surveillance à vie est nécessaire, avec ECG, Holter, Echographie et Epreuve d’effort. Tachycardies supra-ventriculaires (TSV) : ce sont les troubles du rythme électrique les plus fréquents; le diagnostic est difficile chez le nourrisson car il ne se plaint de rien, et risque alors de se mettre en insuffisance cardiaque. La plupart des TSV répondent bien au traitement médicamenteux et la majorité disparaissent spontanément dans le premier âge. Pour celles qui persistent, on peut proposer de supprimer le faisceau électrique aberrant par cathétérisme, lorsque l’âge de l’enfant le permet. Dans de rares cas, ces anomalies nécessitent un choc électrique à la naissance (Flutter) et récidivent rarement. Tachycardies ventriculaires (TV) : elles sont plus rares et nécessitent des explorations poussées. En effet, les TV ont des origines variées (génétique, malformation, chirurgie cardiaque, infarctus, etc...). Le risque de syncope et de mort subite est élevé, le traitement médicamenteux est indispensable. Parfois un défibrillateur est implanté, le plus souvent chez l’adulte ou l’adolescent. Un suivi étroit est indispensable.