La presse est-elle indépendante de ses annonceurs

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20 novembre 2011
La presse est-elle indépendante de ses
annonceurs ?
L’histoire a fait grand bruit dans les rédactions. N’ayant pas apprécié la teneur d’un article publié par
le journal économique La Tribune, EDF, a fait savoir qu’il ne souhaitait plus communiquer par
l’intermédiaire du quotidien. Un coup dur pour un journal déjà mal en point.
lecture du quotidien économique La Tribune (photo CB News)
lecture du quotidien économique La Tribune (photo CB News)
La liberté de la presse, principe fondamental de tout système démocratique repose sur la liberté
d’opinion, la liberté mentale et d’expression. Ce principe qui s’appuie sur l’article 11 de la Déclaration
française des droits de l’homme et du citoyen de 1789, par lequel tout citoyen peut parler, écrire,
imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi, vaut
pour les relations entre la presse et les pouvoirs en place et notamment législatif, exécutif et
judiciaire. Mais qu’en est-il entre la presse et ses annonceurs.
En France, le financement de la plupart des journaux est assuré par les abonnements, la vente
directe, et surtout par la commercialisation d’espaces publicitaires. Sans publicité, difficile d’imprimer
et de payer ses journalistes. Et comme l’argent est le nerf de la guerre, les grosses entreprises,
devenus les principaux bailleurs de fonds des journaux en profitent allègrement, maniant même le
bâton pour tenter de clouer le bec à une presse qui n’est pas toujours à leur avantage.
La liberté de la presse s’arrête-t-elle là où commence celle de ses annonceurs ? Sans doute si l’on en
croit la mésaventure du quotidien économique La Tribune.
En pleine polémique sur l’avenir du réacteur nucléaire de Flamanville (Manche), le quotidien a publié
dernièrement un article par lequel il affirme qu’EDF s’apprêterait à abandonner le modèle EPR, trop
couteux, certaines équipes toujours hostiles au réacteur EPR développé par Areva et Siemens,
proposant une porte de sortie suite à l’affrontement entre Verts et PS.
Fureur du PDG d’EDF, Henri PROGLIO, qui menace, par l’intermédiaire de son agence de publicité,
Euro RSCG (Havas), de mettre fin à toutes ses communications dans La Tribune jusqu’à la fin de
l’année. EDF aurait même fait savoir qu’il ne souhaitait plus être présent dans le titre. Manque à
gagner pour La Tribune : 60 000 euros selon le quotidien, 20 000 euros selon EDF.
Une mauvaise nouvelle pour un journal actuellement en procédure de sauvegarde, le tribunal de
commerce devant statuer sur son avenir en janvier prochain.
Forte du pouvoir qu’elles peuvent ainsi exercer, les grosses entreprises tentent d’influencer la presse,
faire en sorte qu’elle ne parle pas trop, surtout lorsque la vérité n’est pas bonne à dire. Même si les
rédactions sont indépendantes des régies publicitaires et si chacun affirme qu’il ne se laissera pas
influencer, certains rédacteur en chef se sont calmés, invités par les financiers à baisser d’un ton,
pour éviter que leur journal ait les vivres coupées.
Mais la pression exercée par l’électricien n’est pas vue d’un bon œil par l’ensemble de la profession
qui brandit la sacro-sainte liberté d’expression. D’autant que les affirmations de La Tribune étaient
fondées : quand on sait que le coût du chantier de ce nouveau réacteur a doublé, il aurait été difficile
d’écrire le contraire. Mais ce qui ne passe pas c’est que le quotidien, devenu plus agressif, sans doute
pour reprendre des parts de marché, avait déjà publié un article début novembre intitulé : « L’EPR est
une catastrophe industrielle ».
Même si aucune décision n’est encore prise, les services de communication d’EDF ne souhaitant pas
apparaître comme le fossoyeur du titre, force est de constater qu’il est de plus en plus difficile d’être
incisif quand les annonceurs, de plus en plus difficiles à convaincre par ces temps de crise, exercent
des pressions sur les journaux.
L’indépendance de la presse, déjà mise à mal, par le gouvernement en place, ne tient plus qu’à un fil,
celui qui la relie à ses annonceurs. Mais entre le pouvoir et le monde économique, le fossé n’est pas si
large, et si le président en place n’a pas réussi à museler la presse, ses amis industriels pourraient
bien être tentés de le faire.
Yannick Sourisseau
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