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HABITER TECHNOLOGIQUEMENT LE MONDE
de présence » que nous sommes nous-mêmes. Nous sommes
présents à nous-mêmes et immédiatement présents aussi à un
environnement, un entourage, un milieu, un monde. Chacun
de nous est une présence-à-soi et une présence-au-monde.
La relation entre ces deux dimensions existentielles, le soi
et le monde, n’est pas une simple superposition, puisque je suis
quelque chose qui est intimement lié au monde dans lequel
je vis et, de l’autre côté, le monde dans lequel je vis dépend
de ce que je suis, de ce que je veux et de ce que je fais – au
moins partiellement et, au minimum, dans la périphérie de ma
propre existence. On aura compris que ce schéma, abstrait mais
simple, définit un programme de travail précis, mais chargé,
parfaitement applicable au monde technologique.
Ma conscience – ma pensée – peut s’occuper de sa propre
existence. Elle rencontre alors les questions très philosophiques
de l’« être » (Que signifie « être » ? En quoi mon existence
diffère-t-elle de celle des objets du monde ?) et du temps (Qu’est-
ce que le temps ? Que signifie-t-il pour chaque être ? et pour
mon être ?). À la croisée de ces interrogations, notre conscience
rencontre la question de la mort. Dans ce questionnement sur
l’être, le temps et la mort comme « horizon » de l’existence
humaine, le livre de Heidegger, Être et Temps, voit une forme
de pensée « authentique », et c’est la direction que suivra la
pensée ultérieure de son auteur.
Mais, avant cela, Heidegger analyse – et, à vrai dire,
dénonce – le fait que ce dont nous nous occupons et nous
préoccupons quotidiennement, ce ne sont plus de grandes
questions, mais de petits soucis, ceux du quotidien. Quelques
exemples, actualisés : Qu’est-ce qu’on mange ? Où poser ma
tasse de café sans avoir à me lever ? Comment dire à Pierre