NOUVELLES VOIES DU TRAITEMENT DE LA CRISE SUICIDAIRE

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http://hdl.handle.net/10401/5950/
Avances en Salud Mental Relacional
Advances in Relational Mental Health
ISSN 1579-3516 - Vol. 11 - Núm. 2 - Julio 2012
Órgano de expresión de la Fundación OMIE y AMSA Avances Médicos
Revista Internacional On-line / An Internacional On-line Journal
NOUVELLES VOIES DU TRAITEMENT DE LA CRISE SUICIDAIRE
BORDERLINE
A. Andreoli
En collaboration avec A. Venturini, Y. Burnand, S. Lorillard, A. Berrino, G. Hourton, L. Frambati, P.
Ohlendorf
Adresse des Auteurs : Antonio Andreoli, 23, Bd des philosophes 1205 Genève, Suisse Tel. 0041 22
3214610, Fax 0041 22 3214614, e-mail: [email protected]
RESUMÉ
Le trouble de la personnalité borderline est une construction diagnostic de plus en plus controversée
mais ne rejoint pas moins un enjeu majeur de santé mentale en matière de comportement suicidaire.
Dans ce domaine, des nouvelles formes de psychothérapie ont fait preuve d’efficacité et d’efficience,
mais n’ont pas été encore testées chez des patients borderline admis aux urgences pour tentative de
suicide. Nos travaux se sont proposes de combler cette lacune en investiguant un nouveau modèle de
soins qui met l’accent sur la réaction traumatique a l’abandon au cours d’une relation amoureuse. Cet
événement de vie est un corrélat fréquent de la crise suicidaire borderline et se prolonge d’un deuil
pathologique qui est au centre des vicissitudes cliniques de cette dernière. A partir de ce constat, nous
avons formule l’hypothèse que la psychothérapie analytique serait susceptible d’optimiser le traitement
psychiatrique du borderline suicidaire: a) par la neutralisation des effets déroutants du retour du trauma
infantile chez ces sujets, b) par la facilitation du deuil via l’escamotage des effets des processus primitifs
d’idéalisation et d’identification réactivés, chez ces sujets, par la perte. Apres avoir résume ce modèle,
nous décrirons son application au niveau d’un dispositif cohérent de soins incluant l’urgence,
l’hospitalisation de crise et le traitement ambulatoire a trois mois. Les résultats de nos études
confirment que les programmes étudiés sont efficaces et économiques, en comparaison d’un traitement
usuel de bonne qualité, et ont un impact significatif sur la gestion des services appelles a se faire charge
de la crise suicidaire borderline.
Mots clef: Trouble de la personnalité borderline. Tentative de suicide. Psychothérapie. Psychanalyse.
Urgence. Crise. Traitement aigu. Essai clinique contrôlé. Services psychiatriques.
© 2012 CORE Academic, Instituto de Psicoterapia
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SUMMARY
An increasingly controversial diagnostic construct, borderline personality disorder yet encompasses a
major clinical problem with significant relevance to mental health in the area of suicidal behavior. Over
the last years psychotherapy made impressive progress showing significant effect on the self-damaging
conducts. Few studies were performed among borderline patients referred to emergency room with
suicide attempt and this issue deserves treatment innovation and research. To begin to respond this
need, we investigated an original psychotherapy model focusing on traumatic reaction to abandonment
from a romantic partner and the stormy mourning process of borderline patients confronting loss after
falling in love. Based upon such an assumption, psychoanalytic psychotherapy was expected to optimize
psychiatric treatment among these patients: a) neutralizing traumatic reaction to loss of a romantic
partner and the corresponding realm of unbearable infantile experiences, b) facilitating mourning
process working-out those primitive idealization/identification processes elicited from traumatic loss.
This psychotherapy model was operated in various formats adapted to provide comprehensive acute
treatment, including emergency care, short crisis hospitalization and 3 month ambulatory combined
treatment. The results of several controlled studies aimed to assess each step of the program confirmed
that, compared to valuable treatment as usual, these is cost-effective treatment choice with significant
impact on service management of the borderline suicidal crisis.
Key words: Borderline personality disorder. Suicide attempt. Psychotherapy. Psychoanalysis. Emergency.
Crisis intervention. Acute treatment. Controlled studies. Psychiatric services.
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INTRODUCTION
Nous nous proposons de discuter un aspect peu étudie’ de la psychopathologie et du traitement du
trouble de la personnalité borderline. Il s’agit rapport qui s’établi, parmi ces sujets, entre impulsion
suicidaire et vicissitudes de la vie amoureuse. Nous discuterons, ce problème tout en montrant
comment, et avec quels effets, il nous a été possible de développer, a partir de cette réflexion, un
modèle de soins et de recherche clinique qui n’est pas démuni d’intérêt pour innover le traitement
hospitalier et ambulatoire du comportement suicidaire.
LE DÉBAT ACTUEL SUR LA NOTION DE TROUBLE DE LA PERSONNALITÉ BORDERLINE
Le trouble de la personnalité limite est une construction diagnostic controverse. Autrefois décrit comme
une entité a mi chemin entre la névrose et la psychose (Kernberg, 1989), puis comme une frontière
entre la dépression et la personnalité (Gunderson, 2001), ce désordre est vu actuellement, par une
majorité d’experts comme une dérégulation du développement affectif et du contrôle émotionnel par
l’action conjointe de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux aussi distincts que discontinus
(Paris, 2008). Le patient borderline est, en somme, l’exemple même d’une difficulté de concilier la
complexité de l’objet clinique et la rigueur de la méthode scientifique qui est typique de la psychiatrie.
Des lors, on ne se surprendra guère que, mus par le désir de plier la nosographie des affections
mentales aux exigences de la recherche neurobiologique (Hyman, 2012), on souhaite évacuer des
classifications internationales ce sympathique empêcheur de tourner en rond de nos contradictions
epistemologique. Il n’en a pas été autrement lorsque les psychanalystes avaient fait du patient
borderline la victime de la seule psychogenèse. Nombreux sont heureusement ceux qui signalent le
risque de sacrifier les exigences de la clinique à l’espoir récurrent de progrès a venir. A remarquer que le
trouble de la personnalité borderline n’est pas moins heterogene que la schizophrénie, les troubles de
l’humeur ou les troubles anxieux et que, malgré tout, des progrès très significatifs ont été accomplis au
niveau de l’investigation des bases psycho biologiques de ce désordre. Plus important encore, le trouble
de la personnalité borderline rejoint un problème clinique excessivement fréquent dont on ne saurait
ignorer le relief sans entraîner des graves conséquences pour notre pratique. La question cruciale
poséée par ce désordre est celle du « distinct taste » de tant de dépressions doublées d’une agressivité
et d’une suicidalité qui rendent l’accès du patient très ardu et nécessitent, qu’on le veuille ou pas, une
approche thérapeutique de nature psycho biologique. D’aborder la question borderline sous cet angle a
bien d’avantages: la dépression et plus en particulier la dépression résistante au traitement étant une
priorité de santé mentale et ne peut prétendre de l’évacuer au nom de considérations nosographiques.
PROGRÈS RÉCENTS DU TRAITEMENT DES PATIENTS BORDERLINE ET POLITIQUE DE SANTÉ POUR LE
PATIENT SUICIDAIRE
Par chance, le construct diagnostic borderline et celui de comportement suicidaire grave et répétitif se
superposent quasi parfaitement. Cela nous permet, si non de nous désintéresser du débat
nosographique esquisse plus haut, de nous accorder tout ou moins sur l’idée que, envisage-t-on la
question du point de vue de la structure de la personnalité ou de la dimension comportementale, on
risque bien de tomber en fin de compte sur le même patient et sur la même difficulté, qui est celle des
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dilemmes dramatiques et des coûts considérables associes a la prise en charge du patient suicidaire. Les
services psychiatriques rencontrent notamment des grandes difficultés avec ces sujets et des nouveaux
traitements ambulatoires sont nécessaires pour relever ce défi.
Nous allons prendre ici notre départ en pressntant, à partir d’une brève discussion de la littérature, une
analyse des défis du traitement du patient suicidaire et notamment de la crise suicidaire borderline
(Chap. 1). Dans le deuxième chapitre nous donnerons un aperçu des bases epidemiologiques e
psychopathologiques de notre lecture de la crise suicidaire borderline. Dans le troisième et quatrième
chapitre nous présenterons des exemples d’applications hospitalière et ambulatoire du modèle de soins
dérive de ce nouveau point de vue.
CHAP. 1. IMPORTANCE DE LA TENTATIVE DE SUICIDE ET EFFICACITÉ DES MÉTHODES DE PRÉVENTION
ET TRAITMENT A SON ENCONTRE
Des nombreuses études suggèrent que les crises suicidaires, et les tentatives de suicide qui en
découlent, méritent plus d’attention (pour revue, voir : Paris, 2008, Lorillard, 2010 a et b). Le taux de
tentatives de suicide, toute gravite confondue, a été estimée, pour la durée de vie, autour de 4.5% de la
population générale avec une remarquable stabilité des observations effectuées par les différentes
estimations accomplies (ibidem). Une enquête conduite par nos soins indique d’autre part les sujets
admis pour des raisons psychiatriques aux urgences de l’Hôpital cantonal de Genève pressentent, pour
une moitie, une idéation suicidaire modérée a grave sur l’item correspondant de l’échelle de
Montgomery et que cette idéation était le facteur plus important dans la demande urgente de soins.
Lorsqu’on considère exclusivement les tentatives suicide assez graves pour entraîner une admission aux
urgences médicales, les fréquences se réduisent a environ un dixième mais marquent toujours un
problème très significatif de santé mentale, compte tenu de la difficulté des processus de décision, de la
fréquence des hospitalisations psychiatriques et des coûts directs de santé de ces patients.
REVUE DE LA LITTÉRATURE
En accord avec ces données, un insert accru a été donc porte, au cours des dernières années, aux
méthodes de prévention et de traitement de ces sujets, notamment auprès des populations vues en
urgence. S. Lorillard (2010a) a analysé récemment le riche data basis qui est résulte de ces
investigations en montrant que les résultats observes changent de tout au tout selon que les collectifs
examines portent sur le tout venant des admission aux urgences pour geste suicidaire ou sur des sou
groupes des patients marques par un risque accru de récidive. Les observations de S. Lorillard et coll.
indiquent notamment que si on considère l’ensemble des suicidants vus aux urgences: a) le taux de
récidive est globalement modeste; b) des interventions simples a but préventif ou de fidélisation au suivi
diminuent le risque de récidive; c) en comparaison des dites méthodes, des intervention
psychothérapeutiques ou psychosociales structures ne pressentent pas d’avantage significatif et ont des
coûts supérieurs. Il n’en va autrement lorsque les études portent sur des collectifs de sujets pressentant
un risque accru de récidive. Ainsi, chez les patients avec une histoire de tentatives de suicide repesées
ou les patients borderline les taux de récidive sont très élevés et avoisinent ou dépassent le 50%. Seules
les interventions psychothérapeutiques ou psychosociales structures diminuent ici la fréquence de
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récidive, et les effets observes sont souvent impressionnant. En conclusion, cette revue indique qu’il
faudrait améliorer les méthodes d’évaluation des patients suicidaires aux urgences, afin de mettre en
place des processus de décisions efficientes, mais aussi, idéalement, apprêter une panoplie
d’interventions adaptées à prendre en compte la complexité des enjeux en présence.
IMPORTANCE CLINIQUE ET THÉRAPEUTIQUE DE LA CRISE SUICIDAIRE BORDERLINE
Une enquête conduite aux urgences de l’hôpital cantonale de Genève indique que 61% des patients
admis pour un geste auto dommageable remplissent les critères pour troubles de la personnalité
borderline. Il en va de même pour moitie des dépressions majeures qui constituent la première raison
d’hospitalisation aux urgences et pour ¾ des patients caractérisent par une idéation suicidaire
significative. Une analyse diagnostic plus fine indique la présence de deux petits sou groupes sou
groupes de suicidants, l’un caractérise par une absence de diagnostic psychiatrique structure, l’autre par
la présence d’un trouble nécessitent une hospitalisation psychiatrique classique (crises dépressives
bipolaires, troubles dépressifs avec symptômes psychotiques, trouble psychotique, dépendances
graves). Un groupe de patients dépressifs sans comorbidite significative sur l’Axe deux constitue une
minorité plus significative. En termes de décision clinique, ces groupes sont relativement moins
importants que le groupe borderline (avec et sans dépression associe) car les processus de décision sont
généralement faciles en ce qui concerne ces sujets. Il en va autrement pour les patients borderline :
absence d’évaluation diagnostic valable, décision clinique incongrue tantôt par expulsion trop rapide
des urgences, tantôt par sur hospitalisation alors que ce choix s’avère souvent désastreux, dilemmes
thérapeutiques et médicaux légaux dramatiques, fréquence élevée de rechute et risque de mort par
suicide très important, font de ces patients le group de loin plus significatif parmi l’ensemble des
suicidant de tout service d’urgence. Or, des nouvelles thérapies psychologiques ont été mises au point
au cours des dernières années, qui ont donne des résultats encourageants sur le plan d’un contrôle
efficace du comportement suicidaire du patient borderline (Linehan 1991 et 2006, Bateman et al. 2001
et 2006, Giesen-Bloo et al., 2006), mais le nombre d’études contrôlés demeure modeste et leur
résultats soumis a des limitations. La plus grave étant que ces avancées n’ont pas été du tout testées ou
adaptées a la prise en charge des patients ordinaires adresses aux urgences des grands hôpitaux (le
groupe plus nombreux et plus difficilement accessible sur le plan de la recherche), si bien que les
nouvelles techniques ont fait pour l’heure leur preuves par rapport a la suicida lite du patient borderline
en général et non pas par rapport a la prise en charge de la crise suicidaire de ce dernier. Cela nous
amante à conclure que le suicidant borderline constitue une priorité significative pour l’innovation et la
recherche dans le domaine du comportement suicidaire.
CHAP. 2. LE TRAUMA DE LA DÉCEPTION D’AMOUR, UNE NOUVELLE LECTURE DE LA CRISI SUICIDAIRE
BORDERLINE
Un afflux grandissant de crises de vie multiplie la demande de soins psychiatriques au niveau des
urgences des grands hôpitaux et l’ampleur de ce phénomène nous interroge par son étrange commerce
avec la mort. Cela est d’autant plus troublant que le suicide accompli est, par contre à la baisse à l’instar
des facteurs classiques dont on invoque l’influence sur la volonté de mourir. La dépression est mieux
soignée, et les situations de détresse sociale ou de privation de soins qui soutenant habituellement la
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survenue de cette issue catastrophique de la vie humaine sont moins poignantes qu’autrefois. L’ennui
de vivre et l’image de la mort comme soulagement essaiment notamment dans les agglomérations
urbaines des pays dits développes alors que les communautés moins disloquées par les progrès de notre
civilisation semblent être épargnées, a moins qu’elles ne connaissent aussi le malheur insidieux qu’est le
fait de la destruction, par un progrès matériel trompeur, de l’identité de tout un peuple. Tout cela
rejoint, en conclusion, une espèce de précarité morale de nos communautés en suggérant que les
déterminants profonds de l’épidémie sui generis rappelles plus haut seraient a rechercher aussi du cote
des nos propres états d’âme, et des liens rattachant le malheur humain aux difficultés et aux
contradictions de la vie sentimentale de nos contemporains.
PERTE D’AMOUR ET CONDUITES SUICIDAIRES
Cette idée commence à prendre pied aussi du cote de l’épidémiologie. A l’arrière plan des déterminants
classiques de l’envie de mourir (la dépression, la détresse sociale, les toxicomanies) d’autres facteurs
sont en fait à l’oeuvre qui mérite davantage d’attention. Une étude de Yen et al. (2005) place la perte
d’un romantic partner a la première place des facteurs associes avec la tentative de suicide. Paris lui a
empiète le pas en rappelant l’importance des relations entre vie amoureuse et vicissitudes suicidaires
du patient borderline. Une enquête conduite a l’hôpital cantonal de Genève, a indique que deux tiers
des patients admis aux urgences médicales pour tentative de suicide étaient en train de vivre la rupture
d’une relation d’amour. Lorsque ces même patients étaient interviewes 24 a 48h plus tard par un
psychologue bien entraîne dans le cadre plus intime et soutenant d’une unité hospitalière spécialisée du
même hôpital, la fréquence avec laquelle une rupture sentimentale actuelle était rapportée se montait
a plus de 95%. C’est dire qu’en pratique la rupture amoureuse constitue un corrélat constant de la
tentative de suicide. Dans le sou groupe de sujets remplissant les critères pour trouble de la
personnalité borderline la fréquence se montait a 100%. En comparaison, le risque d’exposition a des
facteurs tels que la dépression majeure (52%), les graves difficultés sociales (30%) ou la dépendance
grave aux substances (24%) étaient nettement moins marque chez ces sujets. Les vicissitudes de la vie
amoureuse pourraient donc représenter un facteur crucial dans le déterminisme de la tentative de
suicide et de sa répétition. Si on accepte cette hypothèse, il faut envisager l’idée que la perte et
l’abandon pressent sur la gâchette des conduites auto dommageables du patient borderline via des
relations peu connues entre l’expérience de l’abandon, et du deuil qui s’en suit, avec le désir de mort.
Du même coup, toute une nouvelle perspective s’ouvre alors a la réflexion sur les causes profondes du
rejet systématique dont ces patients font l’objet, et au développement de nouveaux modes
d’organisation des soins et d’intervention thérapeutique les concernant.
LA CRISE SUICIDAIRE BORDERLINE : UNE RÉACTION TRAUMATIQUE A LA PERTE D’AMOUR
En comparaison du tout venant d’actes dommageable auto infliges, les patients borderline pressentent,
à l’occasion d’une perte d’amour, un risque nettement accru d’exposition à une crise émotionnelle
grave. Il s’agit d’une réaction traumatique bien structure, qui remplit tous les critères du stress
traumatique a l’exception de celui qui porte sur la nature de l’événement traumatisant (mort ou
menace grave de mort). Cette expérience pénible survient brutalement au moment de l’abandon, ou
d’une rupture activement recherche mais accueillie avec indifférence par le partenaire, et devient
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lancinante lorsque tout espoir d’éviter la perte définitive de la relation s’effondre. La séparation est
alors vécue avec un sentiment d’horreur intense et pervibrer qui s’organise par la suite en un syndrome
d’intrusion imposant une reviviscence compulsive de l’image de l’objet aime et qui n’aime plus. Outre
que par une réaction anxieuse insupportable, la réaction traumatique se manifeste par un grave trouble
dissociatif qui va jouer un rôle essentiel dans les vicissitudes cliniques de la crise suicidaires et plus en
particulier dans l’engendrement du passage a l’acte. Le sujet à l’impression de se doubler et d’assister
de loin a d’événements qui pourtant le bouleversent totalement. Les logiques affectives de son
jugement de réalité dérapent et il n’est plus certain de la vérité ou du caractère illusoire de ses propres
perceptions. D’où la sensation de détachement et le sentiment d’inquiétante étrangeté ressentis par les
borderline au moment ou ils accomplissent des gestes pourtant très effrayants au vu leur potentiel
autodestructeur. Ce trouble dissociatif de la conscience joue un rôle important dans l’instabilité et
l’impulsivité caractéristique de ces sujets et cela d’autant plus qu’il s’y ajoute une appétence exagère
pour les substances psycho actives (alcool et benzodiazépines notamment) pouvant accroître
l’impulsivité. Un dernier élément participe du tableau, en sus de la rupture sentimentale qui rejoint le
comportement ambigu, voir abusif du partenaire d’amour et l’attitude peu soutenant, voir maltraitant,
des proches. La réaction traumatique sollicite en effet un comportement d’appel très pathétique, mais
l’entourage naturel du patient renforce par son agir et ses modes de communication inadéquats, voir
sadiques, les relations de son sentiment de détresse et l’attrait perturbant de la mort.
AU DELÀ DE LA DISSOCIATION: LA CRISE SUICIDAIRE COMME DEUIL TRAUMATIQUE DE LA PERTE
D’AMOUR
En résume, la perte de la relation d’amour se double, chez le patient borderline, d’une réaction
traumatique, Cette dernière se transforme à son tour en un processus traumatique de deuil qui
constitue l’aspect clinique central de la crise suicidaire. Le fonctionnement borderline confère en effet à
la clinique du deuil des caractéristiques qui ne peuvent être envisagées d’après la seule lunette de la
dissociation. Voir par exemple l’irruption de processus primitifs d’idéalisation (voir la surestimation
rétroactive du partenaire et de la qualité du lien d’amour perdus.), ou l’excitation érotique sans bornes
qui rejoint le rapport très particulier de ces sujets avec l’ivresse et la transgression (pour une discussion
métapsychologique plus approfondie, voir : Andreoli, 1989). La figure plus typique de cette dimension
de la crise suicidaire nous est donnée par la relation très particulière du patient borderline à la nuit.
L’insomnie est totale, mais le patient ne peut pour autant être réveille de la veille agitée et crépusculaire
dont il est prisonnier. Un deuxième aspect est en rapport avec le surgissement d’un sentiment d’obscure
et terrassant culpabilité, aboutissant a une inhibition du déplaisir et de l’agressivité au service de
l’autoconservation, et donc a une attitude de profonde soumission masochique. Enfin, on constate
l’envahissement du fonctionnement mental par une espèce d’idéalisation de la mort. En d’autres mots,
l’amour déçu de ces patients nous renvoie à une fragilité secrète de l’attachement naturel à la vie, et du
narcissisme, qui nous questionne. Un sentiment poignant de l’ephemere, du contingent, de l’absurde et
du non sens ne cesse de les guetter qui devient maintenant très aigu traduisant un dérapage simultané
des logiques affectives du sentiment de réalité et des processus d’attribution de valeur a l’image de soi
et de la vie et de son corps. Incapables de travailler, de se concentrer, accapares par un travail de
poursuite de l’objet perdu qui ne les lâche plus, honteux de leur impotence, aveugles par une nostalgie
déroutante, les borderline sont consignes désormais par leur deuil traumatique a l’appel mystérieux et
incompréhensible de la mort qui fait marcher au pas la foule anonyme de la danse macabre.
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AU DELÀ DE LA DISSOCIATION
Cette clinique de la crise suicidaire borderline rejoint une espèce d’au delà de la dissociation, traduisant
a son tour l’ingérence de processus d’idéalisation qui interfèrent avec la dynamique naturelle du deuil
d’amour. Trois aspects de ce phénomène sont frappants. Le premier est celui de la magie d’amour. Le
patient se désespère moins de la perte en soi que du menti de son illusion de pouvoir « changer » a sa
guise celui qui l’a amèrement déçu. Cette attitude entrave le deuil mais aussi la thérapie, car le patient
pretentaine d’engager le thérapeute dans sa quête au lieu de se servir de son aide pour mettre fin a son
chagrin. Si cela se produit, et un début de détachement s’amorce, une deuxième, et plus redoutable,
forme d’idéalisation va surgir. L’illusion de ce qui aurait pu être commence alors a se comporter comme
une source d’autodenigration. « Maintenant tu as tout perdu, tout ne vaut plus rien, la vie a perdu tout
son sens ». Enfin un troisième idéal va prendre le relais qui est le plus troublant, car il rejoint, par
l’entremise d’une espèce d’identification à l’agresseur, l’image sans visage d’un total désamour et de la
détresse anéantissante qui en résulte. Que cette image soit de surcroît idéalise envers et contre toute
exigence narcissique du sujet est difficile à comprendre, mais cela ne nous surprend guerre car la culture
et la vie humaines ne cessent de donner des exemples de cette aberration.
LA CRISE SUICIDAIRE COMME « CLINIQUE DU REVENANT »
Pour signaler la nature très spéciale de la réaction traumatique a l’abandon, et du deuil qui s’en suit,
dans la crise suicidaire du patient borderline nous avons propose la notion de « clinique du revenant ».
Un rapport dramatique relie en effet la clinique de la crise suicidaire à l’histoire passée du patient
d’après un scénario répétitif qui entretient une relation compulsive avec des expériences traumatiques
infantiles. La perte d’amour fonctionne, notamment, comme un rideau qui se lever mettant a nu une
espèce de spectre d’amours traumatiques passes. Faute d’un système valable de souvenirs écran, ce
revenant se comporte comme un personnage muet et invisible, et ne raconte rien. Son retour se
marque toutefois indirectement par le dit emballement des processus d’idéalisation, par le retour de
sensations, images et états mentaux charges d’horreur et par une excitation crue et incontrôlable. Sur le
plan de la structure du fonctionnement mental, le revenant est en somme l’exemple même de ce que
A. Green a si heureusement appelle une clinique du réel par opposition à la clinique du refoulement.
Nous trouverons cependant d’indices moins ambigus des travaux souterrains du revenant, lorsque a la
sortie de la phase plus dramatique et confuse de sa crise suicidaire le patient nous parlera davantage de
son enfance, s’il a la chance de s’appuyer sur une relation psychothérapeutique qui prend garde a la
faille dans laquelle ce type de récit peut soudain précipiter son patient. Un insurmontable sentiment de
déception, douleur et frayeur, reviendra avec la mémoire de brûlantes déceptions, d’ardents espoirs de
réparation et de tout l’insoutenable sentiment de découragement qui a marque le vécu de son enfance.
Et qui a été pourtant idéalise et érotise par l’entremise de l’illusion d’amour. Impossible, en effet de
séparer, chez le patient borderline, le fascinant sourire de l’Idéal d’amour vers lequel il ne cesse de se
précipiter tête baisse et l’être sans visage d’une indifférence abusive du parent dont il ne sait se
protéger et qu’il aime a son corps défendant. C’est dire que la vie amoureuse du patient borderline
adulte est prise en otage par un trauma infantile où elle n’a cesse de replonger sa victime. Lorsque la vie
se charge de balayer l’effort dérisoire de réparation qui est malgré tout associe a cette manigance, et le
constat s’impose de la totale faillite d’une vie amoureuse sur laquelle pèse ce poids, est-il finalement si
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étonnant que l’on veuille renoncer a exister alors la possibilité même de profiter d’une forme moins
traumatique d’amour parait soudain inenvisageable?
En conclusion, nous avons été frappes par le rôle de l’idéalisation dans l’acheminement de la réaction
traumatique du patient borderline vers une impasse de la liquidation de son attachement à un objet
d’amour impossible. Cette observation a attire notre attention sur les aspects pulsionnels du deuil
d’amour de ces patients, un point de vue confirme par la constatation plus banale qu’il n’y a pas de
réaction traumatique, ni de deuil pathologique de la rupture sentimentale si le sujet borderline n’est pas
amoureux. L’intolérance a l’abandon du patient borderline, et les troubles de la mentalisation qui s’en
suivent nous renvoient, de ce fait, en sus des relations bien connues de dépendance entre processus
d’attachement et processus de régulation affective (Fonagy et al., 2005), à une espèce de retour
traumatique de l’animisme(Andreoli, 2011) et à la distorsion profonde du sentiment amoureux qui
s’en suit. Ce phénomène nous a semblé avoir la plus grande importance clinique et ne devrait pas être
escamotée dans la prise en charge de ces sujets.
CHAP. 3. APPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES
En accord avec les observations discutées dans le chapitres precedants, nous avons
développe une ligne de recherche clinique visant a investiguer l’hypothèse que des
modèles d’intervention de crise centres sur l’élaboration du trauma de l’abandon
d’amour pouvaient déployer des effets significatifs sur l’issue clinique et les coûts de
traitement des patients borderline admis aux urgences pour un geste auto dommageable.
Le dispositif psychiatrique de Genève a offert une occasion unique de travail dans ce
domaine, car la responsabilité des urgences et du traitement hospitalier bref de ce type
de patients était réunis dans un seul service hospitalo-universitaire jouissant de l’appuis,
des compétences et du réseau nécessaires a la conduite d’une expérimentation de longue
haleine dans le domaine en question. Il existait en fait à Genève une tradition bien
établie (A. Andreoli et al., 1986), qui avait entraîné d’abord le lancement de structures
ambulatoire d’intervention de crise reliée aux secteurs (centres de thérapies brèves,
CTB), puis la création d’une unité hospitalière d’évaluation et de traitement bref a
l’hôpital général. Ces nouveaux dispositifs avaient en commun l’objectif : a) d’éviter des
hospitalisation non appropriées en milieu psychiatrique classique, b) d’innover les modes
d’organisation des soins afin de fournir des soins intenses e continus en milieux
ambulatoires, c) de faciliter un emploi plus extensif de la psychothérapie et de
l’intervention psychosociale au niveau des services afin d’optimiser les résultats du
traitement psychiatrique aigus des troubles psychiatriques graves.
INTERACTION DE CRISE A L’HÔPITAL GÉNÉRAL
Les études effectuées montraient l’utilité de ce type de structures en termes d’impact
sur le fonctionnement du système de services et de coûts de traitement. Un essai
clinique contrôle (Burnand et al. 2002) avait ensuite confirme que, au niveau des patients
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dépressifs adresses aux structures de crise, la psychothérapie était supérieure a des
doses équivalentes de soutien, en termes d’efficacité, de coûts de traitement et
d’épargne de jours de travail perdus, lorsqu’elle était opère en association avec un
traitement antidépresseur standard. La taille des effets observes augmentait lorsqu’on
prenait en compte le sou groupe de patients avec trouble de la personnalité et
notamment les patients remplissant les critères pour trouble de la personnalité
borderline. Ces résultats suggéraient donc que cette forme d’intervention pouvait fournir
un modèle intéressant pour innover le traitement des borderline suicidants admis aux
urgences et cela d’autant plus qu’un travail successif allait montre que l’élaboration du
trauma de la perte était un facteur dans les différences observées. Comme la phase
initiale du traitement semblait jouer un rôle majeur dans le résultats de nos études, et
qu ; il était plus facile de commencer par un traitement de brève durée, nous avons
d’abord entrepris de tester un programme limité a la phase initiale de la prise en charge
des borderline suicidants admis aux urgences médicales de l’hôpital général de Genève.
Ici, tous les patients adresses aux urgences médicales pour geste auto dommageable
étaient dépistes pour la présence de trouble de personnalité borderline et de dépression
majeure et transfères ensuite automatiquement a une unité d’évaluation et traitement
psychiatrique bref associe aux urgences du même hôpital, si les critères diagnostic pour
ces deux désordres étaient remplis (Gaudry_Maire et al., 2009). L’unité en question avait
un nombre limite de lits (8), admettait sur base volontaire et non volontaire, avait une
durée maximum de séjour de 5 jours, offrait un milieu très accueillant, chaleureux, mais
aussi très ouvert a la prise en charge des proches comme allies du traitement. Un modèle
d’interaction de crise y était développe prévoyant de pourvoir, en accord avec nos études
antérieures, la facilitation d’une alliance, une aide empathique a l’expression des
sentiments, un enseignement clinique structure, mais aussi une prise en charge
personnalisée quotidienne visant a négocier la demande et la représentation du trouble
avec un fous specifique sur le trauma actuel de la vie amoureuse. L’objectif était: a)
organiser les conditions pour un traitement ambulatoire viable des la sortie, b) obtenir
une modification symptomatique compatible avec une sortie sur le traitement
ambulatoire, c) développer une motivation pour un traitement combine incluant une
psychothérapie centre sur le deuil su partenaire perdu. Berrino et al. (2011) ont évalue
les résultats de ce programme d’après un design pre-post et nous renvoyions le lecteur a
cet article pour des information plus détailles a ce sujet. En bref, les conclusions de cette
étude suggèrent que ce type d’interaction de crise est faisable (nombre de patients
hospitalises a la sortie et dans les premiers trois mois suivant la sortie autour de 10%),
secoure (pas d’incidents suicidaires graves a trois mois), se solde par une amélioration
significative de la dépression et de ‘idéation suicidaire a la sortie et a trois mois, et
assure une orientation fiable vers une intervention de crise plus structure (traitement
combine ambulatoire, voir plus loin) a la sortie . De surcroît, l’interaction de crise a
l’hôpital général engendrait, après soustraction de ses propres coûts de gestion, un
bénéfice économique substantiel, en comparaison de la situation quo ante, en suggérant
que la création de ce type d’unité est économique sous condition qu’on puisse y
développer un traitement spécialise de la même qualité de celui qu’on vient de décrire.
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RÉPONSE A L’URGENCE
Une deuxième condition est en rapport avec l’organisation des urgences et la qualité de
l’accueil et de l’évaluation psychiatrique dispenses au niveau d’un service de ce type. Il
faut compter aussi avec le degré d’intégration qui s’établit aux urgences entre les
diverses disciplines et professions médicales, mais également entre les urgences et
l’unité susmentionnée, le reste du dispositif psychiatrique et plus en général le système
médical et de santé mentale environnant. On s’aperçoit ainsi que la qualité de l’accueil et
de l’alliance est certes un ingrédient essentiel de la réponse à l’urgence car ils
conditionnent la qualité de l’évaluation et des processus de décisions psychiatriques.
Toutefois, accueil et alliance, eux-mêmes un aspect d’un phénomène plus large qui nous
renvoie a la contribution specifique du psychiatre a la qualité de la culture du service
d’urgence, et notamment sa capacité de faire valoir ce que l’écoute psychothérapeutique
du patient suicidaire nous donne a entendre. Ainsi, nous avons été très frappes par
l’immense impact que une compréhension du drame amoureux du patient borderline
suicidaire a eu non seulement sur les équipes psychiatriques, mais aussi sur les équipes
non psychiatriques, sur les infirmiers et les médecins. Habitues que nous étions a une
attitude qui consistait a traiter le chagrin d’amour comme une bonne raison pour évacuer
le patient dans les meilleurs délais nous avons été heureusement surpris de combien les
équipes peuvent apprendre a se reconnaître dans le patient borderline et a le respecter
si seulement on paie le temps qu’il faut pour aider nos collègues a comprendre que
l’amour ne tue pas moins que la maladie somatique, et qu’en tous cas cela peut détruire
une vie. Une deuxième heureuse surprise est venue de la réaction très positive des
équipes psychiatriques à l’accent que nous avons porte sur la vie amoureuse du patient
borderline. Les graves problèmes de gestion clinique qui sont ceux d’une unité
accueillant une nette majorité de sujets borderline se sont rapidement estompes, le
nombre d’incidents a dramatiquement diminue, comme si nous avions répondu a une
question qui est au centre du désespoir et de la trangressivite bien connue de ce type de
patients et des soignants qui les entourent.
Chap. 3. INTERVENTION DE CRISE AMBULATOIRE : UN MODÈLE STRUCTURE’ DE
PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHANALYTIQUE DE LA CRISE SUICIDAIRE BORDERLINE
Nous avions entre-temps approfondi notre étude psychanalytique de la crise suicidaire
borderline au cours d’une étude pilote de 50 patients orientes vers une prise en charge
psychothérapeutique a durée limitée (3 a 6 mois). Il s’agit d’une étude ouverte et pas
publiée qui a toutefois joue un rôle fondamental dans l’avancement de nos recherches,
car a) cela a permis de montrer qu’il était faisable et secoure de suivre des patients
borderline ambulatoire ment après un très court séjour aux urgences (voir plus haut), b)
que l’issue clinique de patients ainsi traites était satisfaisants a trois mois, et c)
permettait de couvrant la période de loin plus cruciale pour la prévention de la récidive
(3/4 des occurrences surviennent a Genève pendant cette période). D’autre part, cette
étude a permis de tester une première version d’un manuel bien structure d’intervention
psychothérapeutique, puis de l’ajuster en fonction des résultats observes, et en dernière
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analyse de le finaliser pour qu’il serve de base a la formation des intervenants engages
dans les essais cliniques contrôles successifs.
QUELQUES MOTS SUR LA PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHANALYTIQUE SCENTRE SUR LE DEUIL
TRAUMATIQUE (PPCDT)
En résume, nous avons d’abord défini le quoi, pourquoi et comment d’une nouvelle forme
de traitement de la crise borderline que nous avons dénomme « psychothérapie
psychanalytique centre sur le deuil traumatique ». Cette intervention est destinée a être
mise en place a la fin de la prise en charge hospitalière brevet décrite plus haut. Le
trouble que la dite psychothérapie se propose de traiter est la crise suicidaire en tant
que réaction traumatique du patient borderline a la déception d’amour. En ce qui
concerne le pourquoi, l’intervention est suppose déployer ses effets via l’escamotage
(working-out par opposition a working-through) des processus primitifs d’idéalisation,
des convictions mal adaptatives, et des mécanismes d’identification pathologique qui
entravent le travail de deuil du partenaire perdu. Le « comment’ cela va se faire, qui fait
l’essentiel du manuel, est difficile à résumer. Nous limiterons a rappeler que le
traitement se développe sur 25 séances, est conduit en raison de deux séances par
semaine sous le parapluie d’un programme de gestion des risques et se destine a couvrir
la phase plus délicate de la résolution de la crise suicidaire et est associe a un
programme de gestion standard du traitement pharmacologique. A la fin du programme,
un traitement spécialise a plus long terme pourra ou pas suivre. En bref, la prise en
charge se repartit sur cinq phases:
Phase 1: structuration d’une relation thérapeutique stable
Points forts : réveiller au lieu de dater ; faciliter une rencontre affective et humaine,
faire comprendre rapidement au patient qu’on est un professionnel; consoler la honte ;
établir des limites ; débriefing de l’expérience bouleversante vécue pendant la journée et
les heures précédant la tentative; fous sur la déception d’amour, écoute empathique
visant a pointer et partager des affects « point d’orgue de la crise », exploration et
soutien actif par rapport aux conflits-difficultes interpersonnelles et sociales,
renversement de la position consistant a nier la nécessite de s’engager dans un processus
de deuil et les difficultés de ce dernier ; éviter d’encourager ou d’explorer activement le
passé a cette phase du traitement ; contrat thérapeutique bien négocie.
Phase 2: dégagement des processus pathologiques d’idéalisation du partenaire et de la mort
Points forts : exploration de la relation d’amour, clarification/confrontation de l’impossibilité de changer
le partenaire, accent sur son cote non aimât, contraster la magie d’amour, exploration de conduits et
choix pathologiques passes a l’enseigne de l’illusion d’être aime ou de l’évident caractère insatisfaisant
du partenaire, et plus en particulier ses aspects froids, negligeants et rejetant: facilitation de
l’expression des sentiments de déception, résistance active aux acting visant a mettre fin au traitement
et aux intrusions destructives des proches, confronter les tendances autocritiques et négativistes du
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patient lorsque un détachement commence; soutenir activement le patient et montrer patiemment
l’incongruité de son vécu lorsqu’il est envahi par des sentiments anéantissent de ne plus exister, d’être
domine par un destin fatal, de ne pas avoir d’espoir d’aimer et d’être aime; lier insatisfaction vécu dans
la relation avec le partner, prise de conscience du malheur de la vie amoureuse, incapacité de rompre,
conscience que jamais on aura une vie sentimentale ou de famille décente et désir compulsif de mourir,
mais montrer aussi que la même séquence se reproduit dans le traitement de pair aux prises de
conscience
Phase 3: Dégagement (working-out) de l’emprise de l’Idéal infantile et de son rapport avec
l’expérience traumatique actuelle
Points forts : écouter très attentivement quand le patient commence a parler spontanément de son
enfance ; explorer avec empathie et chaleur les expériences passées de négligence, maltraitance et abus
vécues dans le passé et dans l’enfance, admettre sans ambiguïté que le patient a été une victime;
montrer les relations entre ces expériences et les choix amoureuse pathologiques du patient et le
caractère découvrant de sa vie sexuelles; investiguer le contre-investissement de ces souvenir par un
rapport specifique au romantisme, a la nostalgie , au charme de l’ailleurs; support actif a la
mentalisation lorsque l’angoisse apparaît si on touché a l’idéalisation paradoxale de la famille et des
parents; interprétation du transfert négative si le traitement est menace; apporter un insight sur les
relations entre les états d’angoisse et d’horreur vécus dans l’enfance et la réaction traumatique actuelle
a la perte d’amour ; montrer que le partner ressemble quelque part au parent décevant mais avait fait
surgir l’espoir que cette fois-ci les choses iraient autrement ; soutenir le patient en lui montrant qu’au
delà de sa tendance a la répétition il a le potentiel pour une vie sentimentale plus heureuse
Phase 4. Clarification/Confrontation de la loyauté avec un passe traumatique et son poids
dans la vie amoureuse
Points forts : a partir de l’analyse de l’expérience pressente et de l’exploration du passe, et de leur
rapports, travailler les voies par lesquelles le passe traumatique prétend d’occuper la vie amoureuse de
l’adulte; explorer d’autres voies d’aimer et d’autres relations plus valables mais tronquées sans raison;
fous sur l’ennui de ce qui ne réactualise pas les expériences passées et l’excitation de la profanation;
confronter le patient sur le fait que le confort vaut plus que la passion ; montrer ce que c’est l’amour,
par opposition a l’état amoureux; montrer que l’identification a l’agresseur empêche au patient de
comprendre la relation amoureuse et de la construire; montrer qu’il se maltraite comme si le passe avait
pris trop de place en lui et dans ses jugements de valeur; élaborer la culpabilité de ne pas être
conformes aux valeurs familiaux ; présenter le trauma de l’enfance comme le fait d’un monde malade et
révolu; confronter la loyauté avec le passe
Phase 5: processus de deuil et retour a la vie
Points forts : souligner la valeur du déplaisir et la difficulté de s’aimer et de s’aimer a travers l’autre et
son respect ; encourager activement le détachement ; encourager activement le début de nouvelles
relations et les valoriser, mais montrer aussi la tendance a la répétition; ne se lasser de montrer les
effets pernicieux de la coalition de la magie, de la culpabilité et du sentiment de ne pas exister ; valoriser
ce goût de la vie et de la relation qu’est le meilleur cote du borderline ; montrer que le meilleur cote du
traitement c’est d’avoir pu construire une relation d’amitié; rassurer le patient sur le fait qu’il va pouvoir
compter sur nous ; encourager le début d’un traitement a long terme.
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La thérapie est appliquée sous deux formes bien distinctes, l’une opère par des infirmière triées sur le
volet par leur compétence et expérience dans la prise en charge des borderline suicidants, l’autre par
des psychologues et des psychiatres qui sont des psychothérapeutes certifies et ont eu une expérience
approfondie de la psychanalyse. Les deux groupes profitent, en cours de traitement, d’une supervision
hebdomadaire permettant une discussion approfondie en continu de chaque cas suivi.
ETUDES CONTRÔLES DE LA PPCDT
Deux études contrôles ont été conduits qui on porte sur un collectif global de 180 patients et sont en
voie de publication. La première étude a compare trois groupes de sujets borderline sortant des
urgences après tentative de suicide médicamenteuse et orientes au hasard vers la PPCDT ou un
traitement de bonne qualité dans un centre de crise avec sensibilisation forte a la DBT (dialectique
behavior therapy). Le traitement expérimental s’est avère supérieur sur le plan de l’efficacité et des
coûts et le nombre de récidives graves y était plus bas. La deuxième étude visait a déterminer si des
thérapeutes cliniquement très compétents mais non certifies pour la psychothérapie faisaient tout aussi
bien que les psychothérapeute certifies. En effet, les patients suivis par les premiers avaient une issue
clinique moins bonne, mais les différences n’étaient pas impressionnantes et il n’y avait pas de
différences sur les récidives. Cela suggère que la technique est adaptable à différents types de
thérapeute en confirmant que les nurses constituent, au niveau des services, une ressource non
négligeable pour une prise en charge plus spécialisée des patients borderline suicidaires. Un follow-up a
trois ans vient aussi d’être termine qui donnera plus d’informations quant aux effets de cette forme de
thérapie. Enfin, une forme plus longue de thérapie est à l’étude.
CONCLUSION
En conclusion, le trauma de la déception d’amour mérite de recevoir plus d’attention de la part des
cliniciens et des chercheurs qui s’intéressent a la crise suicidaire borderline. Nos données suggèrent que
ce modèle est susceptible d’ouvrir des nouvelles voies de réflexion à l’étude du comportement
suicidaire et de fournir des modèles efficients à l’innovation du traitement et des dispositifs de soins qui
s’adressent a ce type de patients. Un deuxième point important rejoint la confirmation, par nos
résultats, de la valeur du traitement psychanalytique, une méthode thérapeutique très estimée par un
large nombre de cliniciens reconnus mais qui manque pour l’instant d’une assise expérimentale bien
documentée. Troisièmement, nos études nous interrogent sur ce qui importe, au niveau de la théorie et
de l’identité du psychanalyste, lorsque ce dernier oeuvre dans le cadre de la médecine. Nos données
suggèrent que ce dernier aurait d’insert à se présenter davantage comme un expert du rapport de la
maladie et des choses de l’amour plutôt que comme le messager de spéculations psychologiques de
plus en plus mises a mal par les progrès actuels des sciences neurocognitives. Ou la crise suicidaire
borderline dévoile la relation inextricable entre le trauma de l’attachement, la passion d’amour et la
valence pulsionnelle de la mort nous sommes en fait renvoyés une fois de plus a un énigme d’où la
deuxième topique freudienne avait tires ses raisons par trop oubliées. Enfin, le trauma d’amour du
patient borderline semble avoir quelque chose a nous apprendre, par l’entremise de l’épidémie
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suicidaire contemporaine, sur les relations entre l’obscure inquiétude morale qui presse notre société
vers toute sorte de médecines et le malheur grandissant de la vie amoureuse. Le patient borderline est
malgré lui le champion malheureux de l’impasse qui surgit de la nature fondamentalement traumatique
de l’amour humain, ou, comme le dirait Freud et Lacan, des relations inextricables entre le trauma et
l’illusion qui minent a sa base le narcissisme humain (Andreoli, 1989 et 2011). Il faut peut être chercher
ici la source d’une destigmatisation du borderline qui a joue comme un moteur important de nos
traitements. En tous cas nous y voyons la première cause de l’écoute que notre approche a reçu, au delà
de nos meilleurs espoirs, par les équipes des professionnels et le plus vaste public de notre discipline.
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