Chapitre II – L`acquisition des biens Le titre I du Livre V sur l

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Chapitre II – L’acquisition des biens
Le titre I du Livre V sur l’acquisition des biens transpose en droit les orientations de
l’ecclésiologie de Vatican II. Il est également marqué par l’application du cinquième principe
de révision du code sur le principe de subsidiarité, déjà évoqué.
1) Un principe général
Concernant l’acquisition des biens, le canon 1259 pose un principe clair et sans appel :
« L’Église peut acquérir des biens temporels par tout juste moyen qui est permis aux autres
personnes selon le droit naturel ou positif.1 » C’est une explicitation du canon 1254 § 1, à
l’adresse des États enclins, ici ou là, à restreindre ce droit de l’Église. L’Église revendique
donc une liberté publique reconnue en principe à toute personne juridique.
Il s’agit d’un droit fondé sur le droit divin positif, selon lequel l’Église doit pouvoir disposer
des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Il se fonde, en tant que droit
naturel, sur le droit d’association et le droit de propriété. Ces deux droits vont de pair, car la
négation du droit de propriété entraînerait celle du droit d’association. Ce droit se fonde
également sur la liberté religieuse, car il ne saurait y avoir de liberté religieuse véritable là où
l’État ne reconnaîtrait pas à l’Église et aux divers groupes religieux la capacité patrimoniale.
Le droit international. Un tel refus serait d’ailleurs contraire au droit international, qui protège
les droits des groupes religieux en matière patrimoniale, tant à l’échelon universel qu’à
l’échelon régional2. En effet, la Convention internationale des Droits de l’homme, du 10
décembre 1948, déclare, en son article 2, que « 1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits
et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune,
notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute
autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre
situation. 2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique
ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou
territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque
de souveraineté ». En outre, la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’homme
affirme que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit
être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la
langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou
sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre
situation »3.
L’acquisition ne doit porter que sur les moyens qui sont nécessaires pour que l’Église
remplisse ses finalités. Elle doit éviter de donner ne serait-ce que l’apparence d’un
attachement désordonné aux biens matériels.
Les modes d’acquisition. Différentes classifications des modes d’acquisition ont été avancées.
Contentons-nous de celle proposée par mgr Coccopalmerio :
Le CCEO (c. 1010) est plus concis et, ignorant le c. 1258, ne parle pas de droit de l’Église, mais de droit des
personnes juridiques : « Les personnes juridiques peuvent acquérir des biens temporels par tout moyen juste que
le droit permet aux autres »
2
Par ex., les groupes religieux se voient reconnaître les droits d’« établir et entretenir des lieux de culte ou de
réunion librement accessibles », de « solliciter et recevoir des contributions volontaires, qu’elles soient
financières ou autres » ou encore les droits « d’acquérir, de posséder ou d’utiliser des livres sacrés, des
publications religieuses dans la langue de leur choix, ainsi que d’autres objets liés à la pratique de la religion ou
d’une conviction » (voir art. 16 du « Document de clôture de la Conférence de Vienne sur la sécurité et la
coopération en Europe (19 janvier 1989) »), cité par J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens, op. c., p. 25.
3
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, 4 novembre 1950, art. 14.
1
a) à titre de libéralité : donations, dispositions testamentaires, fondations ;
b) à titre d’acquisition onéreuse : achat-vente, permutation ;
c) à titre d’imposition : impôts et taxes ;
d) à titre d’offrande : collectes, demande d’aumônes ;
e) à titre de prescription acquisitive ou usucapion ;
f) d’autres titres tels que revenus du patrimoine, division ou extinction d’une personne
juridique, dotations et prestations de l’État, etc.
Nous pourrions y ajouter la découverte d’un bien, qui revient au moins partiellement à son
inventeur.
Portée du droit positif. Le droit positif mentionné dans le canon est d’abord le droit positif
canonique, universel ou particulier. Par exemple, le canon 199 (c. 1542 CCEO) énumère des
matières qui ne sont pas soumises à prescription ; les canons 121-123 règlent la fusion et
l’extinction des ensembles de personnes et de choses (c. 129-130 CCEO) ; le c. 281§ 1 (c. 390
§ 1 CCEO) affirme le droit des clercs à recevoir une rémunération « qui convienne à leur
condition » ; etc.
Le droit positif est également le droit civil, qui varie d’un État à l’autre. Les administrateurs
de biens « prendront garde particulièrement que l’Église ne subisse un dommage à cause de
l’inobservation des lois civiles »4. Le canon 1259 ne soumet pas pour autant l’Église au droit
civil, « mais revendique pour elle et pour ses personnes juridiques publiques (c. 1258)
l’égalité de traitement que le droit civil accorde aux autres sujets de l’État pour l’acquisition
des biens »5.
L’Église fait habituellement reconnaître dans les concordats ou autres conventions ses droits
d’acquisition et d’administration des biens temporels, sa liberté de recueillir des fonds de ses
fidèles, d’organiser des collectes, la coopération financière avec l’État, la non-imposition, la
reconnaissance d’avantages fiscaux en faveur de certaines personnes juridiques
ecclésiastiques, etc.
2) Les modes d’acquisition
Le code envisage expressément différents modes d’acquisition de biens temporels. Il s’agit :
a) des offrandes volontaires spontanées ;
b) des offrandes volontaires demandées ;
c) des taxes ;
d) des impôts diocésains ;
e) le cas échéant d’un financement extraecclésial
f) la prescription.
a) Les offrandes volontaires spontanées
Ce premier aspect retiendra longuement notre attention, car nous devons étudier
successivement :
1. les legs
2. les offrandes à l’occasion des services pastoraux
3. les offrandes pour lé célébration de messes
4. les pieuses volontés
5. les fondations pieuses
6. les charges de messes
4
5
C. 1284 § 2, 3° CIC 83 ; c. 1028 § 2, 2° CCEO.
J.-C. Périsset, op. c., p. 71.
Le principe général. Quant aux offrandes spontanées, le canon 1261 § 1 reconnaît que « les
fidèles ont la liberté de disposer de leurs biens temporels en faveur de l’Église ». C’est une
manifestation de la liberté religieuse, que la communauté politique doit respecter, protéger et
favoriser, ainsi que de la participation commune des fidèles à la mission de l’Église,
participation qui est très présente dans le CIC 83, tout particulièrement dans les devoirs et les
droits fondamentaux des canons 208-223 (c. 11-26 CCEO)6. Cette norme s’harmonise avec le
dispositif des canons 1254, 1259 et 1260 (c. 1007, 1010 et 1011 CCEO) sur la liberté
patrimoniale de l’Église face à l’autorité civile.
La libre disposition des biens. Cette disposition peut prendre des formes diverses : don, legs,
offrande à l’occasion des services pastoraux, pieuse volonté et fondation pieuse. Aucune
disposition du droit civil ne doit entraver cette liberté du fidèle d’user de ses biens comme il
l’entend et de l’Église de les accepter. Nous pouvons dire que les canons 1260 et 1261 sont un
développement du canon 222 § 1 (c. 25 § 1 CCEO), en laissant la place à la spontanéité des
fidèles et en n’établissant qu’une obligation générale7.
La libre disposition des biens s’exerce dans les limites du droit naturel et du droit canonique.
Par droit naturel « le mineur, avant l’âge de sept ans accomplis », et celui qui est privé de
l’usage de la raison, sont censés « ne pouvoir se gouverner eux-mêmes » (c. 97 § 2 CIC 83 ; c.
909 § 2-3 CCEO). Par droit ecclésiastique, par exemple, la provision simoniaque d’un office
(c. 149 § 3 CIC 83 ; c. 946 CCEO) ou la renonciation simoniaque à celui-ci (c. 188 CIC 83 ;
c. 968 CCEO) est nulle de plein droit.
« L’évêque diocésain est tenu d’avertir les fidèles de l’obligation dont il s’agit au c. 222 § 1, et
d’en urger l’application de manière opportune » (c. 1261 § 2). Il doit donc rappeler comme
bon lui semble le devoir fondamental de tout fidèle de subvenir aux besoins de l’Église, soit
en se contentant de le leur rappeler, soit en leur imposant des prestations obligatoires. Quelle
est la nature de cette obligation des fidèles ? La doctrine estime en général qu’il s’agit d’une
obligation grave fondée sur le droit naturel et sur les dispositions prises par l’évêque
diocésain. Mais les services ministériels ne sauraient être refusés à celui qui n’accomplit pas
cette obligation.
L’Église préfère ces offrandes volontaires au fait de devoir recourir à des impôts. C’est ce qui
découle, entre autres, de l’inversion de l’ordre des canons au cours des travaux de rédaction,
en plaçant les canons 1261 et 1262 après le canon 12608.
1) Les legs
Les legs sont des dispositions testamentaires mortis causa, par lesquels un fidèle cède à sa
mort la disposition de certains de ses droits patrimoniaux. L’intéressé doit avoir la capacité
juridique de léguer ses biens. L’acte correspondant doit être rédigé par écrit, c’est-à-dire
revêtir une certaine solennité juridique. Le légataire peut désigner un ou plusieurs exécuteurs
testamentaires appelés à assurer que les dispositions testamentaires sont régulièrement
observées.
2) Les offrandes à l’occasion des services pastoraux
Les fidèles sont amenés à verser une offrande à l’occasion de certaines cérémonies
religieuses, telles le baptême, le mariage et les funérailles ecclésiastiques. Cette prestation est
à mi-chemin entre l’offrande spontanée et l’offrande demandée. Le CIC 17 qualifiait cette
rémunération des ministres de « droit d’étole » et la considérait comme une taxe. Le CIC 83
Cf. D. Le Tourneau, Droits et devoirs fondamentaux des fidèles et des laïcs dans l’Église, Montréal, Wilson &
Lafleur, 2010.
7
Cf. D. Tirapu, sub c. 1261, CExCDC, vol. IV/1, p. 73.
8
Cf. Communicationes 12 (1980), p. 402 ; 16 (1984), p. 28-30.
6
parle d’offrande. Le canon 1264, 2° stipule qu’il appartient à l’assemblée des évêques de la
province ecclésiastique de « fixer le montant des offrandes à l’occasion de l’administration
des sacrements et des sacramentaux »9. Il ne s’agit pas de « payer » ces services pastoraux,
c’est pourquoi la norme dit « à l’occasion des sacrements ». Acheter ceux-ci serait de la
simonie pour laquelle une peine de suspense ou d’interdit est prévue (c. 1380 CIC 83 ; c. 1461
CCEO). Le canon 848 interdit de demander plus que ce que l’autorité a établi, et celui « qui
fait un gain illégitime sur les offrandes de messes sera puni d’une censure ou d’une autre
peine juste » (c. 1385).
L’intervention de l’assemblée des évêques de la province ecclésiastique a été voulue pour
assurer une certaine uniformité dans un même contexte territorial10. Mais cette assemblée ne
fixe pas les frais pour les procès, ce qui revient à l’évêque (c. 1649).
Le canon 1181 précise, à propos des funérailles, qu’il ne faudra faire « aucune acception de
personnes », sous-entendu pour des raisons financières, et que l’on veillera « à ce que les
pauvres ne soient pas privés de funérailles convenables » pour les mêmes raisons11.
Lorsque les services pastoraux qui génèrent ces offrandes sont des fonctions paroissiales, ce
qui est le cas le plus fréquent, ces offrandes sont considérées comme faites à la paroisse, sauf
volonté contraire du donateur (c. 531 CIC 83 ; c. 291 CCEO) (cf. chap. VI).
La distinction entre « taxes » au premier alinéa et « offrandes » au deuxième alinéa du canon a
été voulue en raison de la diversité des prestations auxquelles elles se réfèrent. Il est évident
qu’il n’était pas possible de fixer un prix pour les choses sacrées12. Il convient également
d’habituer les fidèles à distinguer ce qui est ressources des prêtres et les actes de leur
ministère, surtout les actes sacramentels13.
3) Les offrandes de messes
Les stips oblata. Les offrandes données à l’occasion de la célébration d’une messe sont un cas
à part. Le code traite la question aux canons 945-95814, à propos de la très sainte Eucharistie,
dans le Livre IV sur la fonction de sanctification de l’Église. Il semble que l’origine de cette
offrande remonte à la coutume d’apporter, au moment de l’offertoire, les oblats nécessaire au
saint sacrifice, le pain et le vin, et d’autres dons pour la subsistance du clergé et l’aide aux
nécessiteux. Ces offrandes, stips oblata, données par les fidèles pour que « la messe soit
appliquée à leur intention15 contribuent au bien de l’Église » et les fait participer « à son souci
pour le soutien de ses ministres et de ses œuvres » (c. 946).
C’est un « usage approuvé de l’Église » que « tout prêtre célébrant ou concélébrant la messe
peut recevoir une offrande » (c. 945 § 1 CIC 83 ; c. 715 § 1 CCEO). Il a l’obligation morale
d’appliquer la messe à l’intention qui lui a été indiquée, même si l’offrande a disparu sans
faute de sa part (c. 949).
La détermination du montant. Le montant de l’offrande est fixé par décret du concile
provincial ou de l’assemblée des évêques de la province ecclésiastique (c. 952 § 1). Les
prêtres se voient recommander vivement de célébrer la messe aux intentions des fidèles,
En droit oriental, il revient à l’évêque éparchial de déterminer, dans les limites fixées par le droit particulier de
son Église de droit propre, les (…) offrandes à l’occasion de la Divine Liturgie, des sacrements, des
sacramentaux et de toute autre célébration liturgique, sauf autre disposition du droit commun » (c. 1013 § 1).
10
Cf. Communicationes 15 (1984), p. 30.
11
Le c. 878 § 1 prescrit, lui aussi, de ne pas faire acception de personnes. Le paragraphe deuxième du même
canon suggère que soient « reçues seulement les offrandes que les fidèles chrétiens offrent de leur propre gré ».
12
Cf. Communicationes 12 (1980), p. 403.
13
Cf. Communicationes 5 (1973), p. 95.
14
Le CCEO est beaucoup plus restreint en la matière, réglée par les c. 715 et 716.
15
L’expression semble imprécise, car le donateur fait souvent célébrer la messe à une autre intention que la
sienne propre. Le c. 945 § 1 parle à juste titre d’« intention déterminée ».
9
surtout de ceux qui sont dans le besoin », « même s’ils n’ont pas reçu d’offrande » (c. 945 §
2). Il ne leur est pas permis de demander une offrande supérieure au montant fixé, mais ils
peuvent l’accepter si elle leur est offerte spontanément (c. 952 § 1).
Une offrande par messe. Le principe général veut que l’on célèbre autant de messes que l’on a
reçu d’offrandes. En cas de binage ou de trinage, le prêtre peur accepter une offrande pour
chaque messe célébrée, tout en ne conservant que l’offrande d’une seule messe. En revanche,
« le prêtre qui concélèbre une deuxième messe le même jour ne peut sous aucun prétexte
recevoir une offrande à ce titre » (c. 951 § 2), à l’exception du jour de Noël (c. 951 § 1). Les
offrandes excédentaires doivent être destinées aux fins établies par l’ordinaire16. Mais le
prêtre peut accepter une rétribution à titre extrinsèque, telle que remboursement des frais de
déplacement, honoraires pour la prédication, etc. (c. 951 § 1).
L’ordinaire du lieu a le devoir et le droit de veiller à l’accomplissement des charges de messes
pour les églises du clergé séculier. Le supérieur a les mêmes devoir et droit pour les églises
des instituts religieux ou des sociétés de vie apostolique (c. 957). L’ordinaire doit contrôler les
registres correspondants (c. 958).
Les messes « collectives ». Un décret de la congrégation pour le Clergé tranche la question
des messes dites « collectives »17. D'après la doctrine, ce décret répond, dans son aspect
formel, à l'article 18 § 2 de PB, c'est-à-dire qu'il acquiert une force législative à même de
modifier le canon 948, en raison de son approbation « en forme spécifique » par le Pontife
romain18.
L’ordinaire en question est l’ordinaire du célébrant, sauf pour les curés et les vicaires paroissiaux, auquel cas il
s’agit de l’ordinaire du lieu : cf. réponse du CPTL, 6 août 1987, CB 1778-1779.
17
Congr. pour le Clergé, décr. Mos iugiter, 22 février 1991, A.A.S. 83 (1991) 443-446.
16
18
Cf. T. Rincon-Pérez, « El decreto de la Congregacion para el Clero sobre acumulacion de
estipendios (22-II-1991), IC 31 (1991), p. 628-640.
L'intervention de la congrégation a été motivée par la pratique qui s'est répandue de célébrer
des messes à plusieurs intentions, dites messes « collectives », pratique suivant laquelle le
célébrant accepte des offrandes remises par divers donateurs et satisfait aux obligations de ces
charges de messes en ne célébrant qu'une seule messe à l'intention collective de l'ensemble,
contrairement au libellé du canon 948 et à la relation de justice qui sous-tend le droit du fidèle
à ce que la messe soit célébrée à son intention. Cette pratique est d'autant plus abusive si le
célébrant conserve par devers lui l'intégralité des offrandes sans destiner le surplus aux fins
déterminées par l'ordinaire. Il faut reconnaître que, dans certains cas, la législation particulière
semblait encourager une telle pratique19.
Parmi les erreurs théologiques sous-jacentes à cette pratique, il faut relever la conception de la
célébration eucharistique comme une action éminemment communautaire de l'Église, dont
une conséquence serait de rendre étrangère à la nature même de la messe l'idée de la
« privatiser » en lui assignant une intention particulière ou en prétendant en destiner les fruits
à notre guise. Ces arguments « traduisent la confusion doctrinale d'une certaine ecclésiologie
au sujet des mérites infinis de l'unique Sacrifice de la Croix, au sujet de la célébation du
sacrement de cet unique Sacrifice que le Christ a confié à l'Église et au sujet du « thesaurus
Ecclesiae » dont l'Église dispose. L'on ne peut pas oublier que la doctrine catholique a
constamment enseigné que les fruits du Sacrifice eucharistique sont attribués de diverses
manières : avant tout à ceux que l'Église elle-même nomme dans les « intercessions » de la
Prière eucharistique, puis au ministre célébrant (ce que l'on appelle le « fruit ministériel »),
ensuite aux offrants, etc. »20
Après avoir consulté les conférences des évêques en « cette matière non légère »21, et pris
conseil auprès des autres dicastères concernés, la congrégation décide ce qui suit : « Selon le
c. 948, des messes distinctes doivent être appliquées aux intentions de ceux pour lesquels une
offrande, fût-elle modique, a été donnée et acceptée. » Par conséquent, le prêtre qui reçoit une
offrande pour célébrer la messe à une intention particulière, est tenu par une obligation ex
iustitia de satisfaire la charge (c. 949) lui-même, ou de confier la charge à un autre prêtre, en
respectant les conditions fixées par le droit (cf. c. 954-955) » (art. 1 § 1).
Violent par conséquent cette norme et chargent gravement leur conscience les prêtres qui
réunissent plusieurs offrandes et ne célèbrent qu’une messe « à une intention qu’ils appellent
« collective », croyant satisfaire de la sorte aux charges acceptées » (art. 1 § 2), tout en
agissant ainsi à l’insu des fidèles. L’on n’oublizra pas que « qui fait un gain illégitime sur les
offrandes de messes sera puni d’une censure ou d’une autre juste peine » (c. 1385).
Une exception est toutefois prévue au paragraphe deuxième, qui est le cœur du décret.
Exception qui, comme toute exception, doit être interprétée strictement (c. 18 CIC 83 ; c.
1500 CCEO). « Dans le cas où les donateurs, étant avertis au préalable et de façon expresse,
consentent librement à ce que les offrandes qu’ils donnent soient réunies dans la célébration
d’une unique messe, il est licite de satisfaire aux charges reçues, appliquée selon l’intention
dite « collective », en ne célébrant qu’une messe » (art. 2 § 1). L’accord libre et explicite du
donateur est donc nécessaire au préalable. Le donateur sera prévenu du jour, de l’heure et du
lieu de la célébration. Cela ne pourra être fait tout au plus que deux fois par semaine (art. 2 §
2).
« Dans le cas envisagé au § 2 de l'art. 2, il est permis au célébrant de ne garder que l’offrande
établie dans le diocèse (cf. c. 950) » (art. 3 § 1).
« Les sommes qui dépassent ce montant diocésain seront remises à l’ordinaire, dont il est
question au canon 951 § 1, qui l’emploiera à des fins déterminées par le droit (cf. c. 946) »
19
Cf. Ibid., p. 642-646, qui cite l'exemple de divers diocèses espagnols.
Mgr Agustoni, secrétaire de la congr. pour le Clergé, cit. Ibid., p. 647-648.
21
A.A.S. 83 (1991) 444.
20
(art. 3 § 2), comme pour les messes de binage et de trinage 22.
En outre, les recteurs des sanctuaires et des lieux de pèlerinage doivent être particulièrement
vigilants sur ce point (art. 4).
Si des prêtres qui reçoivent un grand nombre de charges à des intentions particulières ne
peuvent pas les accomplir personnellement dans l'année, selon ce que le canon 953 établit, au
lieu de les refuser, « frustrant ainsi la pieuse volonté des donateurs et les écartant de leur
bonne résolution » (art. 5), il les donnera à d'autres prêtres (c. 953) ou à son ordinaire (c.
956)23.
4) Les pieuses volontés
Les pieuses volontés peuvent consister en libéralités, envisagées aux canons 1300-1302 (c.
1044-1046 CCEO), qui accroissent directement le patrimoine d’une personne juridique déjà
existante, ou en fondations pieuses, qui comportent des charges imposées au bénéficiaire par
le donateur, d’ordre spirituel ou caritatif.
Nous commençons donc par les pieuses volontés en général.
) Les pieuses volontés en général. Le devoir fondamental du canon 222 § 2 dont, nous
l’avons vu, l’évêque diocésain doit urger l’application (c. 1261 § 2), s’accompagne du
principe posé par le canon 1299 § 1 : « Qui peut disposer librement de ses biens en vertu du
droit naturel et du droit canonique peut laisser ses biens pour des causes pies, par acte entre
vifs ou pour cause de mort. » Le respect et du droit naturel et du droit canonique qui
l’explicite, a pour conséquence que les causes pies établies par celui qui est atteint par une
incapacité ou une interdiction purement civile seront valides si elles sont protégées par le droit
naturel ou par le droit canonique24. La norme du canon 1299 § 1 est une mise en pratique des
vertus de religion et de charité. La personne doit évidemment pouvoir disposer de ses biens à
sa guise, ce qui suppose qu’elle remplit au préalable des obligations de droit naturel telle
qu’assurer l’avenir matériel de sa famille. Cette libre disposition peut être modifiée par la
condition juridique de l’intéressé, comme dans le cas d’un mineur ou d’un membre d’institut
religieux.
La question se pose de savoir si un mineur possédant l’usage de la raison peut disposer de ses
biens. L’on peut estimer que les limites apposées par le droit civil sont une explicitation du
droit naturel et que, en l’absence d’une précision canonique, il faut les respecter en droit
canonique. Le mineur reste toutefois soumis à la puissance parentale et à celle des tuteurs
éventuels dans l’exercice de ses droits.
Des non catholiques sont fondés à donner des biens pour des causes pies, mais l’élément à
prendre en compte pour que cette disposition puisse être considérée comme pieuse est
l’intention juridique manifestée au for externe, non la simple intention morale ou interne25.
Rien n’interdit que des personnes juridiques, aussi bien ecclésiastiques que civiles, procèdent
à des causes pies, pourvu qu’elles le fassent par le truchement de leurs organes légitimes.
Ajoutons que les membres des instituts religieux ne peuvent disposer de leurs biens temporels
sans la permission de leur supérieur compétent (c. 668 § 2 CIC 83 ; c. 529 § 4 CCEO).
Les normes des canons 1299-1302 affirment la priorité des lois canoniques sur celles de l’État
en matière de pieuses volontés, l’intention des donateurs étant d’ordre surnaturel, puisque
motivée par les fins du canon 1254 § 2 (c. 1007 § 2 CCEO).
22
A.A.S. 83 (1991) 445.
Cf. T. Rincon-Pérez, « El decreto de la Congregacion para el Clero sobre acumulacion de estipendios (22-II1991), IC 31 (1991), p. 648-656.
24
A. de Fuenmayor, cité par J. M. Vazquez Garcia-Penuela, sub c. 1299, CExCDC, vol. IV/1, p. 178.
25
J. M. Vazquez Garcia-Penuela, sub c. 1299, ComExCDC, vol. IV/1, p. 179.
23
) Les éléments d’une pieuse volonté. Toute volonté pieuse comporte trois éléments :
a) l’intention du donateur ; b) le but de l’offrande, à savoir des œuvres religieuses ou de
charité chrétienne ; c) le destinataire, personne juridique publique agissant « au nom de
l’Église » (c. 116 § 1). Ceci n’exclut nullement que le donateur soit éventuellement non
catholique, non baptisé ou même athée, du moment qu’il entend soutenir une œuvre sociale
dont il fait siens les objectifs.
La pia voluntas du fidèle peut : a) soit constituer une institution patrimoniale nouvelle, b) soit
apporter des biens à une personne juridique déjà existante, constituant ainsi la fondation
pieuse sur laquelle nous reviendrons.
Sauf indication contraire, « les offrandes faites aux supérieurs ou aux administrateurs de toute
personne juridique ecclésiastique, même privée, sont présumées faites à la personne juridique
elle-même » (c. 1267 § 1 CIC 83 ; c. 1016 § 2 CCEO), non au supérieur ou à l’administrateur
lui-même. C’est une présomption de droit, qui admet donc la preuve contraire. C’est ainsi, par
exemple, qu’une offrande remise au curé est destinée à la paroisse, non à son usage personnel
( c. 531 CIC 83 ; c. 291 CCEO). Les offrandes faites à une église qui est à la fois paroissiale
et capitulaire sont présumées faites à la paroisse (c. 510 § 4).
Cette norme ne concerne pas les associations privées de fidèles qui n’ont pas été dotées de
personnalité juridique (c. 322 § 1). Mais elles sont soumises à la vigilance de l’autorité
ecclésiastique (c. 323 § 1), qui doit donc veiller « à ce que les biens soient employés aux buts
de l’association » (c. 325 § 1).
**Une juste cause pour la refuser. Celui qui reçoit une offrande ne peut la refuser, « si ce n’est
pour une juste cause et, dans les affaires importantes, avec la permission de l’ordinaire s’il
s’agit d’une personne juridique publique » (c. 1267 § 2). La « juste cause » porte sur la
provenance licite des biens, la bonne foi du donateur, la destination qu’il leur donne qui peut
excéder la capacité de gestion du bénéficiaire, la nature et la représentation figurative de la
chose, etc.26 Avant d’accepter un don, surtout s’il est immobilier, il sera prudent que le
bénéficiaire prenne conseil auprès de l’économe diocésain ou de celui de l’institut de vie
consacrée. Le refus d’une offrande est considéré comme dépassant le cadre de
l’administration ordinaire. La non observation des conditions mises au refus par ce canon
entraînerait l’obligation de réparer les dommages causés (c. 128 CIC 83 ; c. 935 CCEO).
***Le rôle de l’ordinaire. L’ordinaire est l’exécuteur de toutes les pieuses volontés, entre vifs
ou pour cause de mort (c. 1301 § 1 CIC 83 ; c. 1045 § 1 CCEO) ; il lui revient donc d’éviter
tout refus inconsidéré d’une pieuse volonté. L’on tiendra compte de la nature de l’offrande et
de la capacité du bénéficiaire d’y faire face, par exemple dans le cas où il y aurait donation
d’un bâtiment. Son rôle est indépendant de la volonté du testateur : il découle de la loi ellemême.
L’ordinaire doit donner sa permission pour accepter des biens « grevés d’une charge modale
ou d’une condition », sous réserve des dispositions du canon 1295, qui portent sur le respect
des normes en matière d’aliénation de biens ecclésiastiques ou de risque de voir s’amoindrir
la situation patrimoniale d’une personne juridique (c. 1267 § 2 CIC 83 ; c. 1016 § 3 CCEO).
La raison est la même que pour le canon 1281 § 1 (c. 1024 § 1 CCEO) sur les actes dépassant
l’administration ordinaire.
Au nombre des charges peut figurer l’obligation de célébrer des messes au titre d’une
fondation pieuse non autonome, dont nous verrons qu’elle doit être acceptée par l’ordinaire.
Certaines conditions grevant la pieuse volonté peuvent être trop lourdes pour le bénéficiaire,
26
Cf. D. Tirapu, sub c. 1267, ComExCDC, vol. IV/1, p. 90.
comme, par exemple, le don d’une propriété en viager à charge d’entretenir les propriétaires
jusqu’à leur décès27.
****Le respect de la finalité. « Les offrandes faites pour une fin déterminée ne peuvent être
affectées qu’à cette fin » (c. 1016 § 1 CCEO ; c. 1267 § 3 CIC 83). C’est-à-dire que la
destination des biens fixée par le donateur doit être respectée scrupuleusement, y compris
dans les modalités qu’il a pu préciser le cas échéant. Cette disposition veut éviter les conflits
éventuels quant à la destination des offrandes, sur laquelle divers canons se prononcent :
offrandes faites à une église qui est à la fois paroissiale et capitulaire (c. 510 § 4), offrande
faite à l’occasion d’une fonction paroissiale réalisée par quelqu’un d’autre que le curé (c. 531
CIC 83 ; c. 291 CCEO), offrandes versées au vicaire à l’occasion de son ministère pastoral (c.
551).
Encore faut-il que la pieuse volonté respecte les canons auxquels il n’est pas permis de
déroger et qu’elle ait été acceptée. Le canon 1300 (c. 1044 CCEO) précise que « les volontés
des fidèles qui donnent ou laissent leurs biens pour des causes pies par acte entre vifs ou pour
cause de mort, une fois légitimement acceptées28, seront très soigneusement – diligentissime exécutées, même en ce qui concerne le mode d’administration et d’utilisation des biens »,
sous réserve du canon 1301 § 3 (c. 1045 § 3 CCEO) qui déclare nulles et non avenues les
clauses contraires au droit de l’ordinaire de veiller à l’exécution des pieuses volontés. C’est-àdire que le donateur ne peut s’opposer au principe hiérarchique qui structure l’Église en tant
que communauté de fidèles « constituée et organisée en ce monde comme une société » (c.
204 § 2 CIC 83 ; c. 7 § 2 CCEO), mais qu’il doit respecter le devoir fondamental de la
communion (c. 209 CIC 83 ; c. 8 CCEO)29. Toute clause visant à annuler le droit de visite de
l’ordinaire qui serait apposée comme une condition sine qua non serait nulle en raison d’un
vice irrémédiable du consentement. Bien que ce paragraphe 3 du canon 1301 envisage cette
clause à propos des dernières volontés, il est prudent d’appliquer cette disposition aussi aux
pieuses volontés inter vivos.
L’adverbe diligentissime souligne que l’accomplissement de la pieuse volonté est une
question de stricte justice.
*****Deux principes. Cette norme établit deux principes : d’une part, le don qu’un fidèle
entend effectuer au profit d’une personne ecclésiastique juridique doit être accepté
légitimement par celle-ci et, d’autre part, une fois accepté, il engage le bénéficiaire à respecter
la volonté du donateur, non seulement quant à l’administration des biens mais aussi quant à
leur utilisation. La volonté du donateur porte non seulement sur la détermination de la part de
biens qui doivent être pris dans son patrimoine et de la fin à laquelle elle est destinée, mais
aussi sur la façon de l’administrer et de l’investir. En effet, le donateur peut exprimer sa
volonté que les biens soient employés non seulement pour les fins spécifiques de la personne
juridique à laquelle il les remet, mais aussi pour des fins différentes, en tout ou en partie,
auquel cas il s’agit d’une fiducie (c. 1302 CIC 83 ; c. 1046 CCEO), dont nous occuperons
plus avant.
S’il fallait procéder à la fusion d’ensemble de personnes ou de choses, il faudrait respecter
« en ce qui concerne la destination des biens et l’accomplissement des charges, la volonté des
fondateurs et des donateurs, ainsi que les droits acquis » (c. 121).
Le devoir de l’administrateur d’accomplir ses fonctions « au nom de l’Église » (c. 1282), en
« bon et fidèle administrateur » (c. 1283, 1°) et en observant les dispositions imposées par le
fondateur ou le donateur (c. 1284 § 2, 3° CIC 83 ; c. 1228 § 2, 3° CCEO), ce devoir de
Voir d’autres cas dans J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 112.
Cf., pour cette incise, Communicationes 5 (1973), p. 102.
29
Cf. D. Le Tourneau, Droits et devoirs…, op. cit., nos 76-88.
27
28
l’administrateur répond au devoir fondamental des fidèles de subvenir aux besoins de l’Église
(c. 222 § 1 CIC 83 ; c. 25 §1 CCEO), dont il convient de favoriser l’accomplissement par une
saine gestion.
b) L’exécution des pieuses volontés
) L’ordinaire, exécuteur-né. La régulation canonique des causes pies s’appuie sur deux
principes fondamentaux : le respect de la volonté du donateur, d’une part, et, de l’autre, la
vigilance de l’ordinaire sur l’exécution des pieuses volontés que détermine le canon 1301 (c.
1045 CCEO).
L’ordinaire est l’exécuteur-né de toutes les pieuses volontés (c. 1301 § 1 CIC 83 ; c. 1045 § 1
CCEO), et doit veiller à leur exécution (c. 1302 § 2). Par ordinaire, on entend ceux
qu’énumère le canon 134 § 1 (c. 984 § 1 & 3 CCEO), à savoir l’évêque diocésain et ceux qui
lui sont équiparés en droit, les vicaires généraux et épiscopaux, et ceux qui possèdent le
pouvoir exécutif ordinaire pour leurs sujets, c’est-à-dire les supérieurs majeurs des instituts
religieux cléricaux et des sociétés cléricales de vie apostolique de droit pontifical. Si la pieuse
volonté n’est effectuée en faveur d’aucune institution existante, mais qu’elle consiste à en
fonder une nouvelle, l’ordinaire chargé de son exécution sera celui qui a la juridiction sur la
nouvelle personne juridique.
L’ordinaire est l’exécuteur éminent, ce qui n’empêche pas le donateur de désigner d’autres
exécuteurs, qui peuvent être les héritiers ou les légataires. Dans ce cas, « de droit, l’ordinaire
peut et doit veiller, même par une visite, à l’exécution des pieuses volontés, et les autres
exécuteurs sont tenus de lui en rendre compte après s’être acquittés de leur mission » (c. 1301
§ 2 CIC 83 ; c. 1405 § 2 CCEO). Il détient donc un droit de vigilance, uniquement sur le
bénéficiaire. L’ordinaire a donc le pouvoir de surveiller la mise en œuvre des volontés pieuses
par les personnes juridiques qui lui sont soumises, même si le donateur n’est pas son sujet. Ce
pouvoir et devoir de vigilance est expressément mentionné à propos des charges de messes (c.
957). Il devra nommer un exécuteur dans le cas du décès ou du refus de l’exécuteur ou des
exécuteurs testamentaires. Il devra le nommer si le donateur a omis de le faire. Il est
également appelé à le démettre de ses fonctions si, après avertissement, il continue de négliger
d’accomplir sa tâche.
) En cas de négligence de l’administrateur. Si l’exécuteur ou les exécuteurs négligent
d’accomplir leur charge, l’ordinaire urgera l’exécution de la libéralité. L’exécution n’est pas
aveugle, en ce sens qu’elle doit tenir compte de la situation réelle, notamment des
changements sociaux et financiers qui peuvent intervenir, et qui ont des répercussions sur le
patrimoine constitué par la cause pieuse. Il y aura lieu alors de procéder à la réduction, la
modération et la commutation des volontés des fidèles pour les causes pies, dont s’occupe le
canon 1310 (c. 1054 CCEO).
L’exécuteur doit respecter les délais éventuellement fixés. En l’absence de toute précision,
l’on s’en tiendra au droit civil. Si la pieuse volonté consiste à créer une fondation pieuse
autonome, l’exécuteur doit suivre les indications de la lettre de fondation jusqu’à ce que la
fondation soit constituée et dotée de ses organes de gouvernement. S’il s’agit d’une fondation
pieuse non autonome, l’exécuteur doit recueillir le consentement de la personne juridique
bénéficiaire.
) Les facultés de l’administrateur. Dans les limites de l’administration ordinaire, il est permis
à l’administrateur d’une cause pie « de faire des dons sur les biens mobiliers qui
n’appartiennent pas au patrimoine stable, pour des buts de piété ou de charité chrétienne » (c.
1285)30. Que les causes pies puissent contribuer à la piété ou à la charité est une bonne chose.
Mais deux limites y sont apportées : a) ne concerner que les biens mobiliers ; b) ne pas porter
sur le patrimoine stable de la personne juridique. De plus ces dispositions doivent relever de
l’administration ordinaire, sous peine d’invalidité (c. 1281 § 1 CIC 83 ; c. 1024 § 1 CCEO).
Ces dons ne doivent pas non plus amoindrir le patrimoine stable de la personne (c. 1295
CIC83 ; c. 1042 CCEO). En outre ils doivent remplir les conditions des canons 1291-1294 (c.
1035-1041 CCEO) sur l’aliénation.
c) La substitution fiduciaire
) Notion de fiducie. La pieuse volonté fiduciaire consiste en la présence d’une charge
confidentielle que quelqu’un, le fiduciant, réalise en faveur d’une personne, le fiduciaire, pour
qu’il destine à des causes pies des biens qu’il lui a transmis. Le fiduciaire devient titulaire de
ces biens, mais son titre est limité par l’obligation personnelle qu’il a contractée envers le
fiduciant. Le fiduciaire n’acquiert donc pas ces biens pour lui mais pour autrui.
La fiducie est une libéralité faite à une personne, le fiduciaire, à charge pour elle de la
transmettre à une cause pie. Le fiduciaire acquiert les biens, non pour lui-même, mais pour un
autre. Il en est le titulaire réel jusqu’à ce qu’ils les ait transmis selon la charge qui lui a été
faite.
) Quand elle peut exister. La substitution fiduciaire peut intervenir entre vifs ou pour cause
de mort. « La personne qui a reçu fiduciairement par acte entre vifs ou par testament des biens
pour des causes pies doit informer l’ordinaire de sa fiducie, et lui indiquer tous les biens
meubles et immeubles qu’il a reçus, avec les charges dont ils sont grevés » (c. 1302 § 1 CIC
83 ; c. 1046 § 1 CCEO). S’il peut l’informer oralement, il est sans doute préférable qu’il le
fasse par écrit, en dressant un inventaire des biens et des charges. Aucun délai n’est précisé
pour ce faire, mais il le fera néanmoins diligentissime, selon l’esprit du canon 1300 (c. 1044
CCEO), ce qui peut se traduire par le plus tôt possible. L’ordinaire à informer est celui du lieu
où le bénéficiaire est domicilié.
La formulation « la personne qui… » manque de rigueur. En effet, il eût été préférable de dire
« le fidèle qui… », étant donné que la personne qui reçoit des biens pour des causes pies ne
peut être qu’un fidèle de l’Église catholique latine ou d’une Église orientale, selon le code
concerné. La norme ne concerne en effet pas celui qui n’a pas été baptisé, qui n’a pas été reçu
dans l’Église catholique, ni celui qui l’a quittée, car les obligations et les droits propres aux
chrétiens s’appliquent à ceux qui sont dans la communion de l’Église (c. 96).
) Le rôle de l’ordinaire. Une fois informé, l’ordinaire « doit exiger que les biens reçus
fiduciairement soient placés de façon sûre, et veiller à l’exécution des pieuses volontés » (c.
1302 § 1 CIC ; c. 1046 § 2 CCEO), en sa qualité d’exécuteur de toutes les pieuses volontés »
(c. 1301 § 1 CIC 83 ; c. 1405 § 1 CCEO). Il s’agit évidemment des biens meubles. Tout
changement du placement doit être effectué avec l’autorisation de l’ordinaire. Le fiduciaire
devra lui rendre compte de sa gestion.
Le système de la fiducie est utilisé pour éviter l’imposition fiscale qui frappe la transmission
directe de biens, ou pour éviter la confiscation de biens ecclésiastiques dans des périodes de
persécution. La fiducie, comme le nom l’indique, suppose que la personne est de confiance,
car elle peut disposer des biens autrement que selon les termes de la fiducie. Le risque existe
Le CCEO est plus directif en ce sens qu’il interdit les dons sur les biens mobiliers n’appartenant pas au
patrimoine stable, « excepté des dons modestes selon une coutume légitime, si ce n’est pour une cause juste de
piété ou de charité » (c. 1029).
30
aussi qu’elle meurt avant de l’avoir exécutée.
Relevons que le choix de l’ordinaire ne dépend pas de la personne du fiduciaire ni directement
du donateur, mais du domicile ou de la condition canonique du bénéficiaire. L’intention du
donateur est donc décisive, puisqu’elle détermine le bénéficiaire de la pieuse volonté et, par
voie de ricochet, l’ordinaire.
) Le refus de la fiducie. Le fiduciaire doit refuser la fiducie si elle comporte une clause
interdisant « de façon expresse et absolue » l’information de l’ordinaire prévue par le droit et
son droit de vigilance (c. 1302 § 1 CIC 83 ; c. 1046 § 1 CCEO), même si cette clause ne rend
pas la fiducie nulle et non avenue. Si le fiduciaire l’a malgré tout acceptée, par ignorance ou
pour toute autre cause, son acceptation est valide, puisque le canon ne comporte pas de
sanction expresse d’invalidité de l’acte, comme dans le cas de l’acceptation d’une fondation
sans l’autorisation de l’ordinaire (c. 1304 § 1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO).
) Le renvoi au droit civil
Le canon 22 (c. 1504 CCEO) établit le principe de la « canonisation » du droit civil, sous
deux conditions : que les lois civiles ne soient pas contraires au droit divin et qu’il n’existe
pas une norme de droit canonique en la matière, laquelle l’emporterait sur la norme civile. Le
canon 1290 prévoit explicitement que la preuve par témoins, du canon 1547, est admise dans
tous les procès, ce que certains ordres juridiques civils ne reconnaissent pas.
Dans les pieuses volontés pour cause de mort en faveur de l’Église (in bonum Ecclesiæ), « les
formalités juridiques du droit civil seront autant que possible observées ». A défaut de l’être,
les héritiers seront avertis de leur obligation « d’accomplir la volonté du testateur » (c. 1299 §
2 CIC 83 ; c. 1043 § 2 CCEO). Mais l’Église n’a aucun moyen de les y contraindre, et
l’obligation en question n’est pas exigible devant la juridiction civile. Elle doit effectuer ce
rappel, même par écrit, mais ne peut ainsi qu’en appeler à la conscience des héritiers. Elle le
fera même si elle prévoit que le rappel sera inefficace ou mal accueilli. Ce respect du droit
civil ne sera pas toujours possible, c’est pourquoi il n’est pas rendu obligatoire, mais
simplement souhaité : « autant que possible », dit le texte.
L’expression in bonum Ecclesiæ doit être interprétée comme faisant référence à toute bonne
œuvre ou toute bonne cause.
Pour les actes entre vifs, même si le renvoi au droit civil n’est pas explicite, il semble découler
directement du canon 1290 (c. 1234 CCEO). Des actes qui ne respecteraient pas les formalités
du droit civil ne seraient probablement pas valides.
5) Les fondations pieuses
a) Généralités. Les fondations pieuses sont un autre type de pieuses volontés, qui se
caractérisent par le fait que les effets produits par l’acte de disposition soit sont permanents
soit sont indéfinis, ce qui se produit par l’inscription d’un patrimoine à une fin pieuse. Les
fondations pieuses sont définies au canon 1303 (c. 1047 CCEO) et se divisent en deux
catégories, alors que le CIC 17 les assimilait toutes à un contrat synallagmatique du genre do
ut facias et ne devenaient jamais une personne juridique. Les fondations comportent trois
éléments : a) un ensemble de biens ; b) une volonté fondatrice pour une finalité précise
déterminée par la volonté du fondateur ; c) une organisation particulière de la disposition des
biens en question (investissement, gestion, administration, etc.), organisation qui varie selon
que l’on a affaire à une fondation autonome ou à une fondation non autonome. Dans le
premier cas, celui de la fondation autonome, c’est le fondateur qui prévoit l’organisation de la
fondation pieuse, qui est établie ex novo et doit recevoir la personnalité juridique. Dans le
second cas, celui de la fondation non autonome, la fondation s’appuie sur une personne
juridique déjà existante pour accomplir les fins déterminées par le fondateur.
Un droit non automatique. Nous avons vu que les fidèles ont la faculté générale de disposer
librement de leurs biens en faveur de causes pies (c. 1299 § 1 CIC 83 ; c. 1043 § 1 CCEO). Il
ne s’ensuit pas automatiquement un droit subjectif inconditionnel à réaliser une fondation
pieuse, car l’autorité a toujours son mot à dire, soit pour ériger la fondation autonome, soit
pour autoriser la personne juridique destinataire des biens à accepter la fondation non
autonome. Cette intervention systématique de l’autorité ecclésiastique est une particularité de
la discipline canonique en matière de fondations. Cette intervention consiste en un contrôle
qui porte sur deux aspects : a) la possibilité de la fondation ; b) son ecclésialité.
Il existe deux sortes de fondations pieuses : a) les fondations pieuses autonomes et b) les
fondations pieuses non autonomes. Dans l’un et l’autre cas, la volonté du donateur est
première quant à l’offrande et à son utilisation.
b) Les fondations pieuses autonomes
Les fondations pieuses autonomes sont des « ensembles de choses affectées aux buts dont il
s’agit au canon 114 § 2 – les œuvres de piété, d’apostolat et de charité spirituelle ou
temporelle – érigés en personne juridique par l’autorité ecclésiastique compétente »31. La
déclaration de volonté qui donne lieu à la fondation peut se réaliser par un acte inter vivos ou
par un acte mortis causa. Cet acte de fondation doit préciser non seulement les biens qui la
dotent et les fins pour lesquelles elle est constituée, mais aussi son mode d’organisation, et ce,
d’ordinaire, par le biais des statuts. Les statuts de cette personne juridique devront être
approuvés par l’autorité compétente (c. 117 CIC 83 ; c. 922 § 1 CCEO).
Les fondations autonomes sont donc dirigées « selon le droit et les statuts, par une ou
plusieurs personnes physiques, ou par un collège » (c. 115 § 3). L’intervention essentielle de
l’autorité ecclésiastique consiste en un acte distinct de l’approbation, qui est l’acte d’érection
de la fondation pieuse, par lequel le patrimoine destiné et organisé acquiert la personnalité
juridique. L’acte d’érection a donc valeur constitutive. Il ne peut être refusé que pour les
motifs indiqués au canon 114 § 3 (c. 921 § 3 CCEO), à savoir si la fondation ne répond pas à
une « fin réellement utile » ou si elle ne dispose pas de moyens suffisants.
Le décret d’érection doit préciser si la personne juridique ainsi créée est privée ou publique,
ce qui correspond à la volonté du ou des fondateurs. Les biens en question doivent, au moins
dans leur majorité, être stables, générateurs de revenus. Seules les fondations pieuses
autonomes jouissent de la personnalité juridique au sens du canon 114 § 2 et présentent donc
la caractéristiques d’être perpétuelles (c. 120 § 1 CIC 83 ; c. 927 § 1 CCEO). Elles peuvent
être publiques ou privées.
Le canon ne dit rien de l’extinction de la fondation pieuse autonome. Il faudra donc s’en tenir
à ce qui est disposé au canon 120 § 1 (c. 927 § 1 CCEO), après l’affirmation du principe
général qu’une personne juridique « est, par sa nature, perpétuelle ».
c) Les fondations pieuses non autonomes
Les fondations pieuses non autonomes sont constituées par « des biens temporels donnés de
quelque façon que ce soit à une personne juridique publique, à charge pour elle d’en employer
les revenus annuels pour faire célébrer des messes et remplir d’autres fonctions
ecclésiastiques déterminées, ou poursuivre les fins dont il s’agit au canon 114 § 2, et cela
pendant un temps assez long dont la durée sera fixée par le droit particulier ». La personne
juridique est préexistante. La conséquence en est que ces fondations non autonomes ne sont
Le CCEO précise l’autorité compétente : « Les fondations pieuses autonomes ne peuvent être érigées que par
l’évêque éparchial ou par une autre autorité supérieure » (c. 1048 § 1).
31
pas elles-mêmes des personnes juridiques.
Le fait que les biens sont donnés « de quelque façon », quoque modo, veut dire qu’ils peuvent
l'être par un acte inter vivos ou mortis causa.
Contrairement au CIC 17, elles ne peuvent donc pas être perpétuelles, en raison des
problèmes soulevés par l’appauvrissement progressif de ce genre de fondations avec
l’écoulement du temps, aggravé par les périodes d’instabilité monétaire, qui ont été
fréquentes, et parfois dramatiques, au XXe siècle.
La norme distingue les fondations pieuses non autonomes destinées à faire célébrer des
messes de celles qui visent à accomplir une des finalités du canon 114 § 2.
Les fondations pieuses non autonomes comportent cinq éléments32 : a) elles sont relatives à
une autre personne juridique et ne peuvent être faites qu’auprès d’une personne juridique
publique, qu’elle soit composée de personnes (un chapitre, une association de fidèles, etc.), de
choses (un lieu sacré), ou mixtes (paroisse, institut religieux) ; b) le mode de donation est
libre, « de quelque façon que ce soit », dit le canon 1303 § 1, 2° (c. 1047 § 1, 2° CCEO), par
actes entre vifs ou mortis causa (c. 1300 CIC 83 ; c. 1044 CCEO), ou par fiducie (c. 1302 CIC
83 ; c. 1046 CCEO) ou directement ; c) la personne juridique publique bénéficiaire doit
utiliser les biens reçus selon la volonté du donateur (c. 1300) ; d) ces charges sont d’abord des
actes de culte, messes ou « d’autres fonctions ecclésiastiques »33, mais ce peut être aussi des
« œuvres de piété, d’apostolat, de charité spirituelle ou temporelle » (c. 114 § 2) ; e) le droit
particulier doit établir une certaine durée d’utilisation des revenus pour les charges fixées,
évoquée comme étant « un temps assez long ».
d) Les conditions de constitution d’une fondation pieuse
) L’autorisation de l’ordinaire. Les conditions de constitution concernent les fondations
pieuses non autonomes, puisqu’il revient à l’autorité ecclésiastique d’ériger les fondations
pieuses autonomes.
Une personne juridique ne peut accepter une fondation pieuse qu’après avoir reçu
l’autorisation écrite de l’ordinaire du lieu. Cette autorisation est requise pour la validité. Elle
peut être générale et antécédente, par exemple inscrite dans l’approbation des statuts ou de
l’acte de fondation. Si les circonstances ont changé, une approbation spécifique et particulière
sera alors nécessaire.
Par application du principe de subsidiarité, l’ordinaire et le droit particulier contrôlent
l’érection des fondations pieuses et la législation y afférente, conformément aux canons 1267
§ 2 et 1295 (c. 1016 § 3 et 1042 CCEO), ainsi qu’au devoir général de vigilance de l’ordinaire
(c. 1276 CIC 83 ; c. 1022 CCEO).
Cette autorisation ne concerne que les fondations pieuses non autonomes, et seule une
personne juridique publique peut accepter une fondation, qui est nécessairement non
autonome.
L’ordinaire ne la donnera qu’après s’être assuré que la personne juridique peut s’acquitter de
cette charge en plus de celles qu’elle remplit déjà et que les revenus de la fondation
correspondent exactement aux charges dont elle est grevée, selon la coutume de chaque lieu
ou région (c. 1304 § 1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO). Autrement dit, l’ordinaire doit s’assurer
de deux points : a) la capacité de la personne juridique d’assumer les obligations de la
fondation, compte tenu des charges qu’elle remplit déjà et b) la capacité financière de la
fondation de couvrir ces obligations, selon la coutume de chaque lieu. Toutefois, si les
Cf. J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 244.
Le code indique ici ou là diverses fonctions ecclésiastiques : fonctions pontificales (c. 408 CIC 83 ; c. 216
CCEO), capitulaires (c. 510 § 3), paroissiales (c. 510 § 3, 558, 560 CIC 83 ; c. 306 § 1, 307 CCEO), des
fonctions liturgiques (c. 503, 567 § 2), sacrées (c. 436 § 3, 561, 562 CIC 83 ; c. 308, 309 CCEO) ou religieuses
(c. 555 § 1, 3° CIC 83 ; c. 278 § 1, 3° CCEO).
32
33
revenus ne suffisent pas à remplir les charges de la fondation, l’ordinaire peut procéder au
préalable à une réduction des charges, selon les canons 1308-1310 (c. 1052-1054 CCEO),
puis accorder l’autorisation. Selon le CIC 83, l’autorisation est requise ad validitatem.
Cette norme ne vise pas les fondations de messes, comme cela se déduit du canon 1307 (c.
1051 CCEO), qui mentionne un registre spécial pour les charges de messes, distinct de celui
des autres fondations pieuses.
) Le refus de la fondation. La personne juridique destinataire peut refuser la fondation, par
exemple si les fins indiquées pour l’emploi des biens ne sont pas conformes à celles de la
personne juridique. Mais comme ces biens sont destinés d’une certaine façon à l’Église, il
sera raisonnable de consulter d’abord l’ordinaire pour que le refus ne soit pas dommageable
au patrimoine ecclésiastique.
Il appartient au droit particulier de déterminer les autres conditions de constitution et
d’acceptation des fondations (c. 1304 § 2 CIC 83 ; c. 1048 § 3). Ceci s’applique aussi aux
fondations pieuses autonomes, et permet une plus grande souplesse de la personne juridique
qui peut ainsi s’adapter à des conditions socio-économiques particulières, ainsi qu’aux
diverses législations civiles nationales.
) Les annotations juridiques. Toute fondation, autonome ou non autonome, même faite de
vive voix, sera consignée par écrit (c. 1306 § 1). Autrement dit, la fondation peut être faite
oralement, et elle est alors valide. Cette condition n’est donc pas requise pour la validité, mais
c’est une mesure de prudence qui fournit un moyen de preuve et permet d’avoir une claire
détermination des charges. La mise par écrit semble s’imposer surtout dans le cas d’une
fondation que l’ordinaire doit autoriser par écrit (c. 1304 §1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO).
Dans le cas des fondations autonomes, l’écrit comportera les statuts de la fondation.
Deux copies des actes de fondation, tant autonome que non autonome, seront conservées,
l’une dans les archives de la curie (à savoir la curie diocésaine ou celle du supérieur majeur de
l’institut de vie consacrée), l’autre dans les archives de la personne juridique concernée par la
fondation (c. 1306 § 2 CIC 83 ; c. 1050 CCEO). L’exemplaire déposé aux archives de la curie
diocésaine répond à la disposition du canon 1284 § 2, 9° (c. 1028 § 2, 8° CCEO), car les actes
fondent les droits de l’Église sur les biens de ces fondations.
e) L’administration d’une fondation pieuse
) Conservation des biens. Afin de protéger dès le premier instant la fondation naissante, la
première mesure qui doit être prise est de déposer aussitôt dans un lieu sûr approuvé par
l’ordinaire les sommes d’argent et les biens meubles attribués à la fondation. Ils seront ensuite
placés au plus tôt dans l’intérêt de la fondation, « avec prudence et de façon utile, au jugement
prudent de l’ordinaire ». Celui-ci doit entendre d’abord les intéressés et son conseil pour les
affaires économiques. L’ordinaire ne désigne pas ce « lieu sûr », comme sous le régime du
CIC 17, mais doit simplement l’approuver. Mention expresse et détaillée des charges de la
fondation sera faite (c. 1305 CIC 83 ; c. 1049 CCEO).
) Une bonne administration. Le canon parle de « sommes d’argent » et du « prix des biens
meubles ». Il semble donc que ces derniers doivent être vendus. Cependant, une bonne
administration peut conseiller de ne pas procéder immédiatement à leur vente et d’attendre
que les conditions du marché soient optimales. Il semble aller de soi qu’il ne convient pas de
vendre les entreprises agricoles, commerciales et industrielles qui forment partie du capital de
la fondation et dont les bénéfices sont destinés par le fondateur à accomplir les charges
pieuses34.
La norme n’envisage pas le dons de biens immeubles, qui pourraient pourtant être effectués
au profit de fondations pieuses autonomes, pour en accroître le patrimoine. Il faudra recourir
alors au c. 115 § 3 sur les personnes juridiques comme ensemble de choses.
) Tableau des charges et registres. En vue d’assurer le respect des volontés des donateurs et
des fondateurs, le tableau des charges à assumer « sera dressé et affiché bien en vue », pour
que les obligations à remplir ne soient pas oubliées (c. 1307 § 1 CIC 83 ; c. 1051 § 1 CCEO).
En plus du registre des offrandes de messes tenu par le curé (c. 958 § 1), le curé ou le recteur
de l’église ou d’une autre lieu pieu conservera un registre « dans lequel seront notées toutes et
chacune des charges, leur exécution ainsi que les offrandes » (c. 1307 § 2 CIC 83 ; c. 1051 § 2
CCEO). Il eût été utile de préciser ici qu’il s’agit de charges de messes, autres que les messes
manuelles consignées dans le registre du canon 958 § 1, charges de messes dont l’offrande
provient des revenus d’une fondation. L’offrande, encore appelée « honoraire », est souvent
de la même valeur que celle de la messe manuelle. En effet, en cas de réduction des charges
de messes (c. 1308 § 3 CIC 83 ; c. 1052 § 3 CCEO), c’est le montant en vigueur dans le
diocèse qui sera retenu. Le registre devra être présenté à l’ordinaire lors de sa visite pour
vérifier que les pieuses volontés sont correctement accomplies (c. 1301 CIC 83 ; c. 1045
CCEO). Les offrandes mentionnées au canon 1307 § 2 (c. 1051 § 2 CCEO) peuvent être
présentées quand la fondation prévoit des actes de charité, indépendant des actes du culte.
Le curé doit donc tenir les registres suivants : a) tableau des charges des fondations pieuses,
s’il y en a (c. 1307 § 1 CIC 83 ; c. 1051 § 1 CCEO) ; b) registre des messes fondées (c. 1307 §
2 CIC 83 ; c. 1051 § 2 CCEO) ; c) registre des messes manuelles (c. 958 § 1) ; d) registre
personnel de célébrations reçues et célébrées (c. 955 § 4).
f) Les modifications des pieuses volontés
) Les conditions de la modification. Le dernier canon du Livre V s’applique aussi bien aux
pieuses volontés en général qu’aux fondations pieuses, en donnant à l’ordinaire des facultés
pour en modifier les charges.
Le changement des circonstances économiques peut amener à modifier les pieuses volontés.
En dehors du cas des offrandes de messes, qui fait l’objet d’une disposition particulière, « si
l’exécution des charges imposées par la fondation est devenue impossible à cause de la
diminution des revenus ou pour un autre motif, sans aucune faute de la part des
administrateurs, l’ordinaire peut diminuer équitablement ces charges » (c. 1310 § 2 CIC 83 ;
c. 1054 § 2 CCEO). « Équitablement » veut dire que si plusieurs bénéficiaires sont
destinataires des revenus de la fondation, ils devront être affectés de façon proportionnelle par
la diminution des charges. La norme énumère trois facteurs de l’impossibilité d’exécution des
charges imposées : a) des motifs financiers, les revenus diminuant ou se tarissant, ou les biens
de la fondation ayant disparu, etc. ; b) d’autres motifs, d’ordre personnel ou circonstanciel,
comme l’absence de personnes en mesure de remplir les charges, la disparition du
bénéficiaire, l’incapacité de mettre en œuvre les normes imposées par la réglementation
civile, etc. ; c) la non imputabilité à l’administrateur de la fondation de l’impossibilité
d’exécuter les charges. L’ordinaire entendra au préalable les intéressés, c’est-à-dire le
fondateur ou ses héritiers et les représentants de la personne juridique dont dépend la
fondation, et le conseil pour les affaires économiques.
) Réduction, modération, commutation. Mais pour que l’ordinaire diminue les charges, il
faut que le fondateur lui en ait expressément donné le pouvoir et qu’il y ait « une cause juste
34
Cf. M. Lopez Alarcon, sub c. 1305, CB, p. 1145.
et nécessaire » pour procéder à la réduction, la modération ou la commutation des volontés
des fidèles (c. 1310 § 1 CIC 83 ; c. 1054 § 1 CCEO). La réduction consiste en une diminution
des actes à charge de la fondation, mais sans en modifier la nature. La modération est une
disposition sur un aspect accessoire de la pieuse volonté, par exemple changer des messes
chantées par des messes récitées. La commutation consiste à remplacer une charge par une
autre, par exemple la charge de donner des aumônes à des nécessiteux par celle d’aider une
œuvre d’assistance.
L’ordinaire doit d’abord entendre les intéressés et son conseil pour les affaires économiques.
Il doit préserver « très soigneusement » la volonté du fondateur (c. 1310).
) L’intervention du Siège apostolique. Le recours au Siège apostolique n’étant prévu que
dans les autres cas (c. 1310 § 3 CIC 83 ; c. 1054 § 3 CCEO), nous avons ici une application
du principe de subsidiarité. L’on recourra au Siège apostolique, par exemple, en cas de
suppression des charges de la fondation, par disparition des biens de celle-ci ou du
bénéficiaire. Ceci n’exclut pas qu’il soit possible d’adresser un recours hiérarchique contre
tout décret de modification de charges, recours qui est adressé à la congrégation pour le
Clergé.
g) L’extinction d’une fondation
« La personne juridique est, par sa nature, perpétuelle » (c. 120 § 1 CIC 83 ; c. 927 § 1
CCEO). C’est le cas de la fondation pieuse autonome. Elle s’éteint donc comme toute
personne juridique, par suppression légitime effectuée par l’autorité compétente ou par
inactivité pendant une période de cent ans. L’inactivité peut résulter du fait que les finalités
poursuivies sont atteintes, ou que les biens dont la fondation est dotée ont été détruits, ou
encore qu’ils ont perdu toute valeur.
Dans le cas des fondations pieuses non autonomes, une fois écoulé le délai prévu par le ou les
fondateurs selon le canon 1303 § 1, 2° (c. 1047 § 1, 2° CCEO), délai qui doit s’inscrire dans
la période de « temps assez long »35 définie par le droit, la fondation s’éteint. Les biens qui
subsistent doivent alors être affectés à l’organisme prévu au canon 1274 § 1 (c. 1021 § 1
CCEO) destiné à assurer la subsistance du clergé, s’ils ont été confiés à une personne
juridique soumise à l’évêque diocésain et si le fondateur n’a pas manifesté une autre volonté
expresse. Car toute volonté manifestée par le fondateur devra être respectée. Dans les autres
cas, ces biens reviennent à la personne juridique elle-même (c. 1303 § 2 CIC 83 ; c. 1047 § 2
CCEO). L’affectation à un bénéficiaire expressément désigné par le donateur ressemble à la
fiducie, à ceci près que la fiducie est assumée par une personne physique, en tant que
personne privée et non au titre de son office, tandis que la fondation non autonome est faite
auprès d’une personne juridique publique.
6) Le cas des offrandes de messes
a) La réduction des charges de messes. Le canon 1308 règle la question de la réduction des
charges de messes, c’est-à-dire la modification d’une volonté pieuse consistant à diminuer le
nombre de charges sans en changer la nature, et ce, par exception au principe général du
canon 1300 (c. 1044 CCEO) sur l’accomplissement des pieuses volontés. C’est pourquoi la
réduction ne peut intervenir que « pour une cause juste et nécessaire » et « est réservée au
Siège apostolique » (c. 1308 § 1 CIC 83 ; c. 1052 § 1 CCEO), habituellement par
l’intermédiaire de la congrégation pour le clergé36, en dehors des cas envisagés par ce même
Mais qui n’est plus in perpetuum.
Ce peut être aussi, selon les cas, par le biais de la congrégation pour les Évêques, de la congrégation pour les
Églises orientales, de la congrégation pour les Religieux et les instituts séculiers, de la congrégation pour
35
36
canon. La pratique est de ne pas déclarer éteinte une fondation tant que les revenus permettent
de célébrer au moins une messe par an.
Il est évidemment question ici des charges faisant l’objet d’une fondation. Les messes
manuelles sont exécutées habituellement dans de brefs délais qui ne les soumet pas aux aléas
économiques.
Si les actes de fondation le prévoient expressément, l’ordinaire peut réduire les charges de
messes en raison de la diminution des revenus y afférents (c. 1308 § 2 CIC 83 ; c. 1052 § 2
CCEO). Il suffit que l’ordinaire fasse inclure cette clause au moment d’autoriser une
fondation pieuse (c. 1304 § 1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO). Cependant, en vertu des
paragraphes 3 et 4 du même canon 1308, l’ordinaire peut réduire les charges même si le
fondateur ne l’a pas prévu, par des instructions spéciales relatives à l’administration (c. 1276
§ 2 CIC83 ; c. 1022 § 2 CCEO).
L’évêque diocésain peut réduire les obligations en proportion du tarif des offrandes en vigueur
dans le cas de messes fondées par legs autonome ou autrement qui possèdent leurs propres
fonds, et ce si nul n’est tenu de compléter l’offrande ou ne peut y être « efficacement
contraint » (c. 1308 § 3 CIC 83 ; c. 1052 § 3 CCEO). Pour les dispositions mortis causa, les
héritiers doivent être avertis de leur obligation d’accomplir la volonté du testateur (c. 1299 § 2
CIC 83 ; c. 1043 § 2 CCEO).
Dans le cas de legs non autonome, si les revenus ne suffisent plus pour atteindre les fins
propres, l’évêque diocésain réduira les charges de messes (c. 1308 § 4 CIC 83 ; c. 1052 § 4
CCEO), par exemple dans le cas d’une « confrérie pour l’assistance des malades qui n’aurait
pas l’argent nécessaire pour payer les frais d’hôpital de ses assistés »37.
Ces mêmes pouvoirs appartiennent au modérateur suprême d’un institut religieux (c. 1308 § 5
CIC 83 ; c. 1052 § 5 CCEO).
Les offrandes et les charges de messes ne sont pas soumises à la prescription (c. 199, 5° CIC
83 ; c. 1542, 5° CCEO).
b) Le transfert des charges de messes
L’autorité qui peut intervenir pour réduire les charges de messes peut aussi en transférer la
célébration à des jours, en des église ou à des autels autres que ceux qui sont déterminés dans
les actes de fondation, pourvu qu’il y ait une cause proportionnée pour agir de la sorte (c.
1309 CIC 83 ; c. 1059 CCEO), ce qui peut être le cas « des mouvements migratoires actuels
de la population, des changements dans les fêtes, du régime des horaires et d’autres raisons
semblables en rapport avec la transformation actuelle de la société »38. L’intervention de
l’autorité pour la réduction des charges est donc une « cause juste et nécessaire » (c. 1308 §
1), alors que pour les modifications de ces mêmes charges il faut « une cause
proportionnée »39. Et ce parce que l’extinction et la réduction atteignent l’essentiel de
l’obligation alors que la modification et la commutation ne portent que sur les modalités ou
les circonstances existentielles.
Le transfert peut être temporel ou local. Il est local à l’intérieur de la même église : les messes
qui devaient être célébrées par fondation dans une chapelle ou à un autel déterminé seront
célébrées dans une autre chapelle ou à un autre autel ; ou encore quand les charges sont
transférées d’une église à une autre, même si cette dernière appartient à une autre personne
juridique, pourvu que les deux se trouvent sous la juridiction du même ordinaire qui transfère
les charges.
l’Évangélisation des peuples ou de la congrégation pour l’Éducation catholique.
37
J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 98.
38
T. Garcia Barbarena, cité par J. M. Vazquez Garcia-Penuela, sub c. 1309, ComExCDC, vol. IV/1, p. 217.
39
Cette différence ne se retrouve pas en droit oriental, c. 1052 et 1053 CCEO.
b) Les offrandes volontaires demandées
Les offrandes demandées sont un deuxième type d’offrandes volontaires. Elles sont
constituées par les différentes quêtes ordinaires ou spéciales, et par les demandes d’aumônes.
1) Les quêtes
Elles se divisent en collectes ordinaires et collectes spéciales.
a) Les collectes ordinaires. Les collectes ordinaires sont le mode habituel et courant pour les
fidèles d’aider l’Église par des « contributions demandées » (c. 1262). L’Église peut se
tourner vers tous les fidèles pour leur demander une aide financière. Nous avons vu que le
devoir fondamental du canon 222 pèse sur tous.
C’est ce devoir que l’évêque diocésain doit « urger » de manière opportune (c. 1261 § 2). Une
manière opportune peut être précisément d’organiser une collecte.
Ce canon 1262 est nouveau par rapport au CIC 17. Il autorise la conférence des évêques à
édicter des normes concernant les contributions demandées (c. 1262), ce qui permet d’assurer
une coordination entre la conférence des évêques et les différents évêques en matière
patrimoniale. C’est le mode de financement que l’Église préfère, comme cela appert du fait
que la commission de révision du code a décidé de placer ce canon avant ceux sur les divers
impôts que l’évêque diocésain peut décider de lever (c. 1263-1264 CIC 83 ; c. 1012-1013
CCEO)40. Il serait possible de faire rentrer dans ces subventiones rogatas les impôts qui
existent dans certains pays en faveur de l’Église, et qui sont déterminées par la loi civile41.
Des collectes peuvent ainsi être organisées à l’échelon national, par exemple pour les
vocations, pour les séminaires et les écoles catholiques, pour les missions, etc. Mais le
pouvoir de la conférence des évêques a été limité, pour ne pas porter atteinte aux compétences
légitimes des évêque diocésains42, et n’a trait qu’à la coordination de l’action des différentes
Églises particulières d’une même région. Si la conférence peut décider de quêtes impérées,
elle ne peut pas organiser la façon de répartir les sommes collectées, tâche qui est du ressort
des organismes bénéficiaires.
En France. Pour la France, en dehors du droit de l’évêque de prescrire une quête selon le
canon 1266 (c. 1014 CCEO), « et du droit particulier concernant les quêtes faites aux
mariages et aux obsèques, les quêtes et offrandes faites aux messes les dimanches et jours de
fête dans les églises et chapelles paroissiales d’un diocèse sont destinées aux paroisses, et ne
peuvent être affectées à une autre personne juridique ou à une autre œuvre d’Église, sans le
consentement ou la demande expresse de l’ordinaire.
Pour les quêtes faites par les missionnaires, on tiendra compte à la fois du c. 1265 § 1 et du
document sur les « Quêtes faites par les missionnaires de passage en France » approuvé par la
conférence des évêques français lors de son Assemblée plénière de novembre 1974 et cité en
annexe43.
On ne peut faire, à l’occasion d’une célébration liturgique, dans les églises et les chapelles
paroissiales, sans l’autorisation de l’ordinaire, une quête destinée à une œuvre culturelle ou
philanthropique.
Le curé veillera à informer les fidèles de la destination des quêtes qui sont faites, et il leur en
rendra compte en temps opportun, conformément au c. 1287 § 2 »44.
40
Cf. Communicationes 15 (1984), p. 28-30.
Cf. Communicationes 15 (1984), p. 29. Cf. chap. VIII.
42
Cf. Communicationes 12 (1980), p. 391 ss.
43
Cf. CB, p. 1899-1900.
44
Texte dans CB, p. 1899.
41
b) Les collectes spéciales. Les collectes spéciales sont visées par le canon 1266 (c. 1014
CCEO). Ce canon, et c’est une innovation par rapport au CIC 17, permet à l’évêque diocésain
d’ordonner une quête spéciale « pour des projets paroissiaux, diocésains, nationaux ou
universels déterminés » « dans toutes les églises et oratoires, même appartenant à des instituts
religieux qui sont de fait habituellement ouverts aux fidèles ». Concernant les instituts
religieux, ce droit d’intervention de l’évêque diocésain est une application du canon 678 § 1
(c. 415 § 1 CCEO) qui lui soumet les religieux « en ce qui concerne le soin des âmes,
l’exercice public du culte divin et les autres œuvres d’apostolat ». S’agissant d’une quête qui
concerne des besoins extraordinaires, l’ordinaire n’y aura recours qu’avec modération45.
Si l’ouverture des lieux de culte des instituts religieux aux fidèles était occasionnelle, le droit
de l’évêque cesserait. Le produit de la collecte doit être envoyé « soigneusement » à la curie
diocésaine.
Ces quêtes, que l’on qualifie d’impérées, car commandées par l’autorité, ne devraient pas être
trop fréquentes, puisqu’il s’agit de « collectes spéciales », non de collectes ordinaires. Une de
ces collectes spéciales est celle que chaque diocèse est invité à envoyer chaque année au saintsiège pour les missions (c. 791, 4°).
c) Une offrande diocésaine.
*Un dernier type d’offrande demandée est une offrande demandée non aux fidèles en tant que
tels mais aux diocèses. Un cas particulier d’acquisition des biens est la contribution des
diocèses en faveur du Siège apostolique prévue par le canon 127146 « en raison du lien de
l’unité et de la charité ». Saint Paul faisait déjà appel à cette « péréquation » des ressources :
« Il n’y a pas à vous mettre dans la gêne pour soulager autrui ; mais le principe d’égalité veut,
dans la circonstance présente, que ce que vous avez en trop supplée à ce qui leur manque » (2
Corinthiens 8, 13-14). Les évêques sont invités à fournir au Siège apostolique, en fonction des
ressources de leur diocèse, « les moyens dont il a besoin, selon les conditions du temps, pour
bien remplir son service envers l’Église tout entière ». Mais il n’est pas question de taxation
des diocèses plus riches en faveur des plus pauvres.
**Les sources de la norme. Cette norme était absente du CIC 17. Elle a pour sources d’abord
Lumen gentium, n° 23, où il est dit que les Églises particulières sont formées « à l'image de
l'Église universelle ; et c'est dans toutes ces Églises particulières et par elles qu'est constituée
l'Église catholique, une et unique », moyennant quoi chaque évêque est tenu à une sollicitude
particulière pour l’ensemble des Églises : « Chaque évêque donc, pour autant que le permet
l'accomplissement de sa charge particulière, est tenu de collaborer avec ses semblables et avec
le successeur de Pierre, auquel tout spécialement fut confiée la charge suprême de propager le
nom chrétien. De toutes leurs forces les évêques doivent procurer aux missions, non
seulement des ouvriers, mais aussi les secours spirituels et matériels aussi bien directement
par eux-mêmes qu'en suscitant de la part des fidèles une fervente coopération » (LG, n° 23/c).
Cette contribution est fonction des ressources des diocèses.
L’autre source est le Directoire sur le ministère pastoral des évêques, nos 46-49 et 138, c’est-àdire la partie qui traite de la coopération, sous la direction du saint-siège, à l’évangélisation
des peuples, envers les Églises persécutées ou manquant gravement de clergé, dans les
questions œcuméniques, et avec les organismes internationaux pour la paix et la justice dans
le monde, ainsi que de l’entraide matérielle aux diocèses pauvres et aux œuvres de charité et
d’apostolat, le Siège apostolique étant nommément cité ici.
Cette coopération financière reçoit souvent le nom de « denier de Saint-Pierre », que le saint-
45
46
Cf. Communicationes 12 (1980), p. 405.
Absent du CCEO.
siège recouvrait depuis le XIIIe siècle sur les États vassaux ou à lui soumis, denier que le
souverain prélevait le jour de la Saint-Pierre. Elle est une expression de la collégialité des
évêques envers la mission universelle de l’évêque de l’Église de Rome, collégialité à laquelle
fait également appel le canon 1274 § 3 (c. 1021 § 3 CCEO).
***Le montant de la contribution. Il est habituel que des quêtes soient organisées chaque
année dans les diocèses pour les besoins du Siège apostolique et pour des œuvres pontificales
déterminées, comme les œuvres pontificales missionnaires.
Aucun montant fixe n’est arrêté, même si cela pourrait être préférable à l’offrande volontaire,
car cela permettrait d’établir un budget prévisionnel moins aléatoire. Cependant la
contribution du diocèse ne se limitera pas nécessairement au produit de la quête, car elle doit
être proportionnée aux ressources du diocèse. Les diocèses sont également invités à fournir à
la Congrégation pour l’évangélisation des peuples une somme proportionnelle à leurs revenus
pour « pourvoir aux multiples situations auxquelles cette Congrégation est appelée à faire
face, en dehors des engagements ordinaires prévus par les Œuvres pontificales
missionnaires », obligation que rappelle le canon 791, 4°47.
« Même si rien n’est dit aux canons 399 et 400, la coutume très ancienne et presque
universelle fait coïncider un apport aux besoins du Siège apostolique avec la visite ad
limina »48.
2) Les aumônes
a) Les demandes d’aumône.
) Les conditions de la demande d’aumônes. Le demande d’aumône, stipem cogere dit le
code (c. 1265 § 1)49, est traditionnelle dans l’Église. Mais elle soumise à certaines conditions.
La première est qu’elle doit être autorisée par écrit et par l’ordinaire propre du quêteur et par
l’ordinaire du lieu. A défaut de ces autorisations, elle est interdite à toute personne physique
ou juridique.
En second lieu, la quête doit porter sur une « fin pieuse ou ecclésiastique ». Ceci exclut donc
toute finalité non catholique, comme, par exemple, la quête qui a lieu pour la Croix Rouge sur
la voie publique, ou pour des associations culturelles ou sociales. Ces institutions ne peuvent
recueillir des fonds dans l’église, généralement sur le parvis à la sortie de la messe, qu’avec
l’autorisation du curé, qui doit veiller « à ce que rien ne soit fait qui ne convienne pas de
quelque manière à la sainteté de Dieu et au respect de la maison de Dieu » (c. 562 CIC 83 ; c.
309 CCEO).
De plus, l’expression stipem cogere, reprise du canon 1503 CIC 17, est comprise par la
doctrine comme portant sur une collecte faite personnellement de vive voix, notamment par
du porte à porte. L’interdiction ne porte donc pas sur la demande adressée à un groupe
restreint de personnes, ni sur les collectes effectuées au moyen de circulaires ou par voie de
presse.
) L’autonomie privée. « Par ailleurs, il convient de veiller, dans ce domaine aussi, au respect
de l’autonomie privée des fidèles, que l’ecclésiologie conciliaire a admirablement mis en
relief50. Ceux-ci sont libres de prendre des initiatives et de soutenir des activités de leur choix,
y compris financièrement »51, et nul ne devrait en prendre ombrage dans l’Église. Ne sont pas
concernées par la norme, cela va sans dire, les collectes faites par envoi en nombre, par appels
47
Circulaire aux présidents des conférences des évêques, 22 février 1976.
L. de Echevarria, sub c. 1271, CIC, traduction de Salamanque.
49
Le CCEO utilise une expression plus large, « eleemosynas colligere » (c. 1015).
50
Cf. AA 7-8 ; c. 215-216.
51
J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens…, op. cit., p. 130.
48
radiophoniques, télévisés ou sur l’internet, ou à l’occasion de kermesses et d’autres ventes. La
norme ne s’applique pas non plus à la mendicité pour sa propre subsistance.
Cette autorisation de l’ordinaire vaut reconnaissance du droit et du devoir fondamentaux des
fidèles « de promouvoir et de soutenir une activité apostolique, même par leurs propres
entreprises » (c. 216 CIC 83 ; c. 19 CCEO)52, ce qu’ils doivent faire dans le respect de la
communion ecclésiale (c. 209 CIC 83 ; c. 12 CCEO)53.
L’interdiction de quêter sans autorisation atteint les personnes privées, tant physiques que
juridiques. Elle vise à réguler les demandes financières et à s’assurer qu’aucune demande
n’est formulée au détriment des œuvres de charité, de piété et d’apostolat du lieu.
Les personnes juridiques publiques, elles, n’ont pas besoin d’autorisation. Elles peuvent
demander de l’argent sans que l’évêque ait un mot à dire. Le curé, par exemple, est libre
d’adresser une telle demande à ses fidèles54. Le diocèse, un institut religieux ou un institut
séculier peut en faire autant.
) Les ordres mendiants. Quant aux ordres mendiants, le canon 1265 § 1 les exclut
nommément de la demande d’autorisation : ils ont par eux-mêmes un droit à quêter reçu une
fois pour toutes55. Par « ordre mendiant », il faut entendre ceux qui ne peuvent pas posséder
de biens, ni individuellement ni collectivement. C’est le cas des frères mineurs et des carmes,
des frères prêcheurs et des augustins. L’Annuario Pontificio mentionne d’autres ordres
mendiants plus récents : trinitaires, mercédaires, servites, minimes, hospitaliers de Saint-Jean
de Dieu et bethlémites. La proposition d’inclure dans cette nomenclature l’ensemble des
instituts de vie consacrée a été rejetée lors des travaux de révision du code56, pour éviter tout
abus éventuel. Par suite, tout autre institut de vie consacrée qui voudrait quêter doit recueillir
l’accord écrit de l’ordinaire du lieu.
Les membres des instituts religieux qui ne sont pas des ordres mendiants au sens strict, s’ils
agissent à titre personnel sont alors des personnes privées et sont donc soumis à la double
autorisation préalable de ce canon 1265. Le mp Ecclesiæ Sanctæ dispose que « les religieux
ne doivent pas recueillir de dons par des souscriptions publiques sans le consentement des
ordinaires des lieux où ces dons sont recueillis »57. Si ces instituts religieux agissent par le
truchement de leurs représentants légitimes, ils ne sont pas soumis à l’autorisation de
l’ordinaire puisqu’ils agissent alors en tant que personnes juridiques publiques de l’Église.
b) L’intervention de la conférence des évêques
« La conférence des évêques peut établir des règles concernant l’organisation des quêtes. »
Cette disposition a été prise pour parer à des abus éventuels58. La faculté a été attribuée aux
conférences des évêques par le motu proprio Ecclesiæ Sanctæ, de Paul VI, en date du 6 août
1966, Ie partie, n° 27.
Ces règles devront être observées par tous, y compris par les membres des ordres mendiants
(c. 1265 § 2), qui « sont appelés » tels et le « sont », souligne le canon. Cette précision veut
englober tous les ordres mendiants existants et les nouvelles fondations à venir faisant vœu de
pauvreté de la même façon. Ce nonobstant, le droit desdits ordres mendiants de quêter sans
autorisation reste entier. Les règles édictées par la conférence des évêques portent sur
Cf. D. Le Tourneau, Droits et devoirs…, op. cit., nos 142-145.
Cf. Ibid., nos 76-88.
54
Cela n’est pas précisé dans le code, car le curé n’est pas une personne privée : cf. Communicationes 12 (1980),
p. 404.
55
Que le c. 1015 CCEO ne mentionne pas.
56
Communicationes 12 (1980), p. 404.
57
M.p. Ecclesiae Sanctae, I, n° 27 § 2, 6 août 1966.
58
Cf. Communicationes 12 (1980), p. 404-405.
52
53
l’organisation des collectes plus que sur les quêteurs eux-mêmes59.
c) Les taxes
a) Les taxes en général. Les taxes envisagées ici sont des taxes administratives, c’est-à-dire
des prestations financières dues par les fidèles lorsqu’ils recourent à certains services
administratifs de l’Église, à tous les échelons de l’organisation administrative, diocésain,
provincial, régional, universel. Elles correspondent à une contre-prestation. Elles se
distinguent donc des impôts, dont il sera question plus avant en ce sens qu’elles comportent
malgré tout un caractère volontaire découlant de la demande de service.
Les offrandes de messes, dont il a déjà été question, n’entrent pas dans ce concept de taxe.
Les offrandes faites par les fidèles à l’occasion de l’administration des sacrements et des
sacramentaux ne sont pas des taxes, mais, comme nous l’avons vu, des offrandes volontaires.
b) Les taxes administratives
Ces taxes ecclésiastiques sont de nos jours réduites à deux domaines : les actes du pouvoir
ecclésiastique en matière gracieuse60 et l’exécution des rescrits du saint-siège accordant une
grâce, un privilège, une dispense, etc.61 C’est l’assemblée des évêques de la province
ecclésiastique qui fixe le montant des taxes « pour les actes du pouvoir exécutif en matière
gracieuse ou pour l’exécution des rescrits du Siège apostolique », montant que « le Siège
apostolique devra approuver » (c. 1264, 1° CIC 83 ; c. 1013 § 1 CCEO)62.
c) Les taxes judiciaires
Les taxes judiciaires ne sont volontairement pas mentionnées dans le canon 126463. Elles sont
réglées par le canon 1649 (c. 1335 CCEO), aux termes desquels l’évêque diocésain, là où il
existe un tribunal ecclésiastique diocésain, ou l’évêque modérateur quand le tribunal est
interdiocésain, fixe les frais judiciaires, le montant des honoraires des procureurs, avocats,
experts et traducteurs et l’indemnisation des témoins, l’assistance judiciaire gratuite et la
réduction des frais, les dommages-intérêts éventuels, la provision ou la caution pour les frais
du procès et les dommages à réparer. La taxe sera versée à l’organe qui intervient.
d) Les impôts diocésains
a) Les impôts diocésains en général.
) Impôt et taxe. La différence de l’impôt d’avec la taxe est qu’il s’agit d’une contribution
demandée par l’autorité ecclésiastique aux fidèles sans contre-prestation directe de leur part.
Le droit de lever des impôts est inclus dans le « droit inné » de l’Église « d’exiger des fidèles
ce qui est nécessaire à ses fins propres » (c. 1260 CIC 83 ; c. 1011 CCEO) ; il est donc
indépendant du pouvoir civil. Ce droit s’exerce ad intra, dans l’ordre intra-ecclésial, et non
plus ad extra, comme dans le cas du canon 1259 (c. 1010 CCEO).
Ce droit de l’Église se fonde sur le fait que les fidèles sont membres de l’Église et ont donc le
devoir, un devoir fondamental (c. 222 § 1 CIC 83 ; c. 25 § 1 CCEO), de subvenir à ses
besoins. Mais les rédacteurs du code ont refusé de suivre la proposition de faire une mention
59
La rédaction du canon a évolué en ce sens : cf. Communicationes 12 (1980), p. 404.
C. 135-142 CIC 83 ; c. 985-992 CCEO.
61
C. 69-75 CIC 83.
62
Le CCEO invite à veiller à ce qu’une même règle soit établie d’un commun accord en matière de taxes et
d’offrandes entre les patriarches et les évêques éparchiaux d’une Église de droit propre qui exercent leur pouvoir
dans le même territoire (c. 1013 § 2).
63
Cf. Communicationes 12 (1980), p. 404.
60
explicite de ce devoir dans le canon. Il a été également souligné que l’expression « exiger des
fidèles » pouvait donner l’impression d’une certaine coercition et d’une menace de sanctions
éventuelles. Le texte a cependant été maintenu en l’état64.
) Les traits communs. Trois types d’impôt sont prévus : l’impôt ordinaire, l’impôt
extraordinaire et l’impôt pour le séminaire. Ils présentent des traits communs :
* l’autorité compétente pour les établir est l’évêque diocésain ;
* la contribution est demandée avec un caractère général, c’est-à-dire qu’elle ne vise pas des
personnes concrètes ;
* l’impôt se cantonne au niveau diocésain ;
* l’impôt doit tenir compte des besoins réels du diocèse et de la capacité effective des sujets ;
* il porte sur les revenus des personnes, non sur leur patrimoine.
b) L’impôt diocésain ordinaire
L’évêque diocésain a le droit « de lever pour les besoins du diocèse65, sur les personnes
publiques soumises à son gouvernement, un impôt modéré, proportionnel à leurs revenus » (c.
1263 CIC 83 ; c. 1012 § 1 CCEO). C’est un impôt qualifié d’ordinaire ; car il présente la
caractéristique de la permanence.
Il s’agit ici : a) d’une contribution générale stable aux besoins du diocèse ; b) dont
l’imposition est décidée par décret de l’évêque diocésain, décret qui indique sa signification et
les personnes concernées ; c) décision qui requiert l’avis du conseil presbytéral et du conseil
diocésain pour les affaires économiques ; d) et qui doit préciser la périodicité, les délais, les
finalités, les modes de versement, les exemptions ; e) il porte sur les personnes juridiques
publiques soumises à la juridiction de l’évêque ; f) il doit être proportionné aux ressources de
chaque personne juridique. L’évêque diocésain agira avec prudence et modération.
Cette contribution générale est motivée par les besoins du diocèse et ne peut frapper que les
personnes juridiques publiques soumises au gouvernement de l’évêque diocésain, personnes
qu’il devra déterminer avec précision. Sont donc exclus du domaine d’application de ce canon
les personnes juridiques publiques qui ne dépendent pas de l’évêque diocésain, ce qui est le
cas des instituts religieux de droit pontifical, des sanctuaires nationaux et internationaux. En
sont exclues bien sûr les personnes physiques et les personnes juridiques privées.
64
65
Cf. Communicationes 12 (1980), p. 400.
« Dans la mesure où cela est nécessaire au bien de l’éparchie », dit le c. 1012 § 1 CCEO.
Le conseil pontifical des Textes législatifs a été saisi au nom de la Conférence nationale des
supérieurs majeurs de religieux d'un pays déterminé, dont l'archevêque avait fait une
application large du canon 1263, soumettant à l'impôt diocésain ordinaire « toute église
paroissiale, rectorale ou chapelle se trouvant dans notre archidiocèse, dirigée par des prêtres
diocésains ou des religieux ». Le conseil pontifical demande de remplacer ce texte par
« toutes les personnes juridiques publiques sur lequelles l'archidiocèse... a juridiction », ou par
des termes équivalents. En outre, la disposition imposant aussi « les célébrations de messes,
que ce soit en semaine ou le dimanche », est jugée « trop générale et comme pouvant
engendrer une praxis non conforme aux lois universelles ». Il est donc demandé qu'il « soit
bien précisé que les offrandes pour des intentions de messes, étant des « entrées » d'une
personne physique, ne peuvent être frappées d'une contribution ordinaire et sont régies par
leurs normes propres (cf. c. 945 et 951 CIC ; cf. aussi l'Interpétation authentique de ce conseil
pontifical sur le c. 951, Responsio I, du 20 février 1987) »66.
Avant de lever cet impôt ordinaire l’évêque doit entendre le conseil pour les affaires
économiques et le conseil presbytéral. C’est une condition nécessaire pour la validité du
décret.
Certains impôts ordinaires sont prévus par le code, comme la contribution pour le séminaire
(c. 264 § 1 CIC 83 ; c. 341 § 1 CCEO).
Le cas des écoles externes des instituts religieux de droit pontifical. Consulté pour savoir si
l’expression « personne publique soumise à son gouvernement » concerne aussi les écoles des
instituts religieux de droit pontifical, le conseil pontifical des textes législatifs a répondu
négativement67. Nous pouvons nous interroger sur la raison qui a motivé cette réponse : ce
peut être soit que, s'agissant de personnes publiques, elles ne sont pas soumises à la juridiction
de l'évêque diocésain, soit qu'il ne s'agit pas de personnes juridiques publiques. En réalité, si
les instituts religieux de droit pontifical dépendent de façon immédiate et exclusive du Siège
apostolique quant à leur régime interne et à leur discipline (c. 593 CIC 83 ; c. 413 CCEO), il
n'en reste pas moins qu'ils sont également soumis au pouvoir de l'évêque diocésain quant à la
cura animarum, à l'exercice du culte public et à d'autres œuvres d'apostolat. C'est ce que
prévoient, par exemple, les canons 678 § 1 et 683 (c. 415 CCEO). Et l'application de ce
principe devra tenir compte des canons 803-806 sur les écoles catholiques (c. 631-639
CCEO). En revanche, si les instituts religieux de droit pontifical sont bien des personnes
juridiques publique ipso iure, il n'est dit nulle part que leurs écoles externes jouissent
automatiquement de cette personnalité : il est uniquement précisé qu'elles ne peuvent être
créées par l'institut qu'avec le consentement de l'évêque diocésain (c. 801). Soulignons donc
que la réponse du conseil d'interprétation authentique du code n'entend ni attribuer la
personnalité juridique publique à toute école externe des instituts ligieux de droit pontifical ni
les soustraire systématiquement à la juriction de l'évêque diocésain68.
c) L’impôt diocésain extraordinaire
Le même canon 1263 envisage la possibilité d’imposer, « en cas de grave nécessité et dans les
mêmes conditions, une contribution extraordinaire et modérée ». Les « mêmes conditions »
fait référence aux consultations nécessaires des conseils pour les affaires économiques et
presbytéral.
Cet impôt extraordinaire s’applique aux « autres personnes physiques et juridiques ». Il faut
66
Cf. Communicationes 32 (2000), p. 15-23 ; J. Minanmbres, « Sul giudizio di congruenza fra legislazione
particolare e norma codiciale riguardante il tributo diocesano ordinario », IE 13 (2001), p. 271-276.
67
En date du 10 août 1989, cf. CB, p. 1780-1781.
68
Cf. J. Miras, « Respuesta auténtica de 20.V.1989. Comentario », IC 31 (1991), p. 222-224.
donc comprendre qu’il ne frappe pas les personnes juridiques publiques soumises au
gouvernement de l’évêque, mais qu’il s’applique uniquement aux personnes physiques et aux
personnes juridiques privées ecclésiastiques soumises à la juridiction épiscopale. Cependant la
doctrine « a admis la possibilité d’étendre le pouvoir épiscopal de façon à permettre à
l’évêque de lever des impôts extraordinaires obligeant des personnes juridiques publiques et
même nous soumises au gouvernement de l’évêque diocésain »69. Le libellé de la norme
ajoute d’ailleurs, en ce sens, « sans préjudice des lois et des coutumes particulières qui lui
accorderaient des droits plus étendus », moyennant quoi la législation diocésaine particulière
pourrait imposer aussi cette contribution aux personnes juridiques publiques.
Cependant la question est loin d’être tranchée, et nécessiterait une intervention clarificatrice
du conseil pontifical des textes législatifs. En l’état, il faut s’en tenir au principe du canon 18
et interpréter le texte strictement et donc exclure son extension de principe. D’autant que le
canon 1263 prévoit déjà que des lois et des coutumes particulières puissent accorder des droits
plus étendus à l’évêque diocésain, et donc que des impôts puissent exister en raison du droit
local.
Le canon 1263 met fin à l’existence du cathedraticum, une contribution versée à l’évêque
diocésain, sous le régime du CIC 17, par les bénéfices ecclésiastiques, les églises et les
confréries laïques du diocèse.
d) L’impôt pour le séminaire
L’impôt pour le séminaire n’est pas prévu dans le Livre V, mais dans le chapitre du Livre II
sur la formation des clercs. Nous y lisons que « l’évêque peut imposer une contribution dans
le diocèse » pour les besoins du séminaire, contribution qui est distincte de la quête impérée
(c. 264 § 1 CIC 83 ; c. 341 § 1 CCEO). Cet impôt atteint « toutes les personnes juridiques
ecclésiastiques, même privées, qui ont leur siège dans le diocèse ». Des exceptions sont
prévues : « A moins qu’elles ne vivent que des seules aumônes, ou que ne s’y trouve en fait un
collège de professeurs ou d’étudiants ayant pour but de promouvoir le bien commun de
l’Église. »
L’impôt pour le séminaire doit être fixé selon les besoins du séminaire et se caractériser par le
fait d’être général et proportionné aux revenus de ceux qui y sont soumis (c. 264 § 2). Il ne
saurait donc les frapper uniformément.
e) Un financement extraecclésial
L’Église cherche quand elle le peut des modes de financements extraecclésiaux. Dans un
régime de séparation entre l’Église et l’État, comme c’est le cas en France, en dehors des
départements concordataires, il est fait appel au denier de l’Église, appelé précédemment
« denier du culte », rendu nécessaire précisément par la loi de 1905 instituant la séparation de
l’Église et de l’État et par le tarissement du financement étatique qu’elle entraînait.
Cependant le concordat napoléonien continue de s’appliquer dans les départements d’AlsaceMoselle, ce qui a pour conséquence que les ministres du culte sont rémunérés par l’État.
Subsistait aussi, jusqu’en 1992, la fabrique d’église, dotée de personnalité juridique civile, qui
assurait l’entretien, la conservation et les célébrations d’un lieu de culte et l’administration
des biens destinés au culte.
Les différents systèmes de financement extraecclésial sont : a) la rémunération des ministres
du culte par l’État, b) l’impôt ecclésiastique perçu par l’État, ce qui est le cas en Allemagne et
en Suisse, c) l’impôt dédicacé ou « assignation fiscale », en vigueur en Espagne et en Italie,
par lequel les citoyens expriment leur volonté d’affecter une part de leurs impôts à une
69
J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens…, op. cit., p. 137.
affectation ecclésiale70. Nous y reviendrons au chapitre VIII.
f) La prescription
) Notion de prescription. Selon le canon 1268 (c. 1017 CCEO), « l’Église admet la
prescription comme moyen d’acquérir et de se libérer en matière de biens temporels ». La
prescription suit les règles des canons 197-199 (c. 1540-1542 CCEO), normes qui figurent à
juste titre dans le Livre I, car, comme la commission codificatrice l’a fait remarquer, « la
prescription n’est pas limitée aux seuls biens temporels »71, mais est une « manière d’acquérir
ou de perdre un droit subjectif, ou encore de se libérer d’obligations » (c. 197 CIC 83 ; c.
1540 CCEO).
La prescription suit les règles de la législation de chaque pays, sous réserve des exceptions
établies dans le code (Ibid.). Une de ces exceptions est l’exigence de « la bonne foi, non
seulement au début, mais tout au long du temps requis » (c. 198 CIC 83 ; c. 1541 CCEO),
alors que le droit civil ne l’exige qu’au début de la possession. La prescription suppose en
outre une matière adéquate, la possession continue durant le temps exigé par la loi, le temps
établi par la loi et un juste titre ou une juste cause, c’est-à-dire un acte juridique par lequel la
possession ou le droit est transmis à un autre.
Peuvent faire l’objet de la prescription toutes les choses corporelles et incorporelles, meubles
et immeubles, publiques et privées. Mais ne sont pas soumis à prescription les offrandes et les
charges de messes, ainsi que les revenus d’un office qui requiert l’ordre sacré, dans le cas où
son titulaire ne serait pas clerc, car la provision de cet office serait alors nulle de plein droit (c.
199, 5°-6° CIC83 ; c. 1542, 5°-6° CCEO).
Des normes spécifiques sur la prescription du patrimoine ecclésiastique figurent aux canons
1269 et 1270 (c. 1018 et 1019 CCEO).
) La prescription des choses sacrées
Les choses sacrées peuvent être acquises par prescription. Par « choses sacrées », il faut
entendre celles « qui sont destinées au culte divin par une dédicace ou une bénédiction » (c.
1171). Les choses sacrées appartenant à des personnes privées peuvent être acquises par des
personnes privées, mais elles ne peuvent pas servir à des usages profanes ni à un usage
impropre (c. 1171), sauf si elles ont perdu leur dédicace ou leur bénédiction (c. 1269 CIC 83 ;
c. 1018 CCEO). Un usage profane permanent leur fait perdre leur caractère de chose sacrée.
« Les lieux sacrés perdent leur dédicace ou leur bénédiction si la plus grande partie est
détruite, ou s’ils sont réduits à des usages profanes de façon permanente, soit par décret de
l’ordinaire compétent, soit de fait » (c. 1212).
Quand les choses sacrées appartiennent à une personne juridique ecclésiastique publique, elles
ne peuvent être acquises que par une autre personne juridique ecclésiastique publique » (c.
1269)72. Il n’est pas exclu qu’une personne juridique ecclésiastique publique acquière par
prescription des biens appartenant à une personne privée, comme « le calice personnel d’un
curé laissé à sa mort, ou la bannière d’une confrérie utilisée aux processions »73. Le respect
des règles du droit civil ne peut s’imposer que pour l’acquisition de biens de personnes
privées par une personne juridique ecclésiastique publique, mais pas pour ceux appartenant à
une autre personne juridique ecclésiastique publique, puisque, dans ce cas, la restriction du
canon 1269 prévaut : seule une personne juridique ecclésiastique publique peut les acquérir
Ce qui présente l’avantage de ne pas augmenter la pression fiscale. Sur ce mode de financement extraecclésial,
cf. J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens…, op. cit., p. 139-145.
71
Communicationes 5 (1973), p. 95.
72
Le CCEO parle évidemment de « personne juridique ecclésiastique » tout court (c. 1018).
73
J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 116.
70
par prescription. Les choses sacrées qui appartiennent au diocèse, à une paroisse ou à une
autre personne juridique publique ne peuvent pas être prescrites par une possession privée,
même longue, et ce, quelles que soient les dispositions du droit civil en la matière.
Des normes spéciales concernent les ex voto (c. 1292 § 2 CIC 83 ; c. 1036 § 4 CCEO).
) La prescription des biens du Siège apostolique et des personnes juridiques publiques. Le
canon1270 établit une prescription centenaire pour « les biens immeubles, les biens meubles
précieux, les droits et actions tant personnels que réels qui appartiennent au Siège
apostolique ». En revanche, les biens d’une autre personne juridique ecclésiastique publique
connaissent la prescription trentenaire. « La raison de cette différence réside dans l’extension
universelle et la durée perpétuelle du Siège apostolique, qui a qualité de personne morale de
par l’ordre divin (c. 113 § 1) ; tandis que toute autre personne juridique publique dans l’Église
est constituée par disposition du droit positif ou par concession spéciale de l’autorité
compétente (c. 114 § 1) »74. Le délai de cent ans pour les biens du Siège apostolique a été
établi par Justinien. Le même Siège apostolique peut acquérir des biens de personnes
juridiques ecclésiastiques publiques par prescription trentenaire.
Les autres biens meubles, même appartenant au Siège apostolique et aux personnes juridiques
publiques, sont prescrits ou non selon les dispositions du droit civil applicables dans chaque
pays. En cas de conflit, l’on suivra le droit civil.
En raisons de privilèges acquis, la prescription acquisitive est de cent ans pour les biens des
ordres mendiants et des cisterciens, de soixante ans pour ceux des bénédictins75.
) Les biens culturels.
*La notion de biens culturels. Le code ne définit pas ce qu’il faut entendre par « biens
précieux ». L’on peut déduire de diverses normes qu’il s’agit de biens qui requièrent « un soin
ordinaire de conservation et des moyens appropriées de conservation » (c. 1220 § 2 CIC 83 ;
c. 872 § 2 CCEO), ou qui sont remarquables par leur antiquité, leur valeur artistique ou
culturelle (c. 1189 CIC 83 ; c. 887 § 2 CCEO). Mais le CCEO vient à notre secours en
précisant que les biens culturels sont « ceux qui ont une grande importance en raison de l’art
ou de l’histoire ou de la matière » (c. 1019), ou encore « des biens qui, d’une certaine façon,
rendent témoignage d’une culture inspirée par la foi »76. Il s’agit de biens dont le concile
demande qu’ils soient accessibles à tous77. Le pape Jean-Paul II a transformé la commission
pontificale de patrimonio artis et historiæ Ecclesiæ conservando en commission de Ecclesiæ
bonis culturalibus78. Il a précisé lui-même que le « concept de « biens culturels » comprend
avant tout le patrimoine artistique de la peinture, de la sculpture, de l’architecture, de la
mosaïque et de la musique, mis au service de la mission de l’Église », y ajoutant « les biens
contenus dans les bibliothèques ecclésiastiques et les documents historiques contenus dans les
archives des communautés ecclésiales », sans en exclure « les œuvres littéraires, théâtrales,
cinématographiques produites par les moyens de communication de masse »79.
J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 118.
J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 120.
76
Communicationes 16 (1984), p. 34.
77
« Que faire pour permettre aux multitudes de participer aux bienfaits de la culture « (GS 56.5) ; « Il faut donc
procurer à chacun une quantité suffisante de biens culturels, surtout de ceux qui constituent la culture dite "de
base " » (GS 60.1).
78
Jean-Paul II, m.p. Inde a pontificatus nostri initio, 25 mars 1993.
79
Jean-Paul II, Allocution à la Ie assemblée de la commission pontificale pour les Biens culturels de l’Église, 12
octobre 1995. Cf. C. Presas Barrosa, “El patrimonio artistico eclesiastico y el nuevo Codex iuris canonici”, Le
nouveau Code de droit canonique-The New Code of Canon Law. Actes du Ve Congrès international de droit
canonique organisé par l’Université Saint-Paul et tenu à l’Université d’Ottawa du 19 au 25 août 1984, publiés
sous la direction de Michel Thériault et de Jean Thorn, Faculté de droit canonique, Université Saint-Paul,
74
75
De nombreuses normes visent à protéger le patrimoine artistique et historique de l’Église,
entre autres :
a) Sacrosanctum Concilium, n° 122 ;
b) circulaire du 6 juin 1961, de la commission pontificale d’Art sacré ;
c) circulaire du 11 avril 1971, de la congrégation pour le Clergé ;
d) Jean-Paul II, constitution apostolique Pastor Bonus, art. 99-104.
**Les accords internationaux. L’on notera que le saint-siège a adhéré à la Convention de
l’Unesco, signée à La Haye, le 14 mai 1954, pour la protection des biens culturels en cas de
conflit armé, et à la Convention de l’Unesco, signée à Paris, le 14 novembre 1970, sur les
mesures à adopter pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert illicite
de propriétés de biens culturels. D’autre part, une prise en compte particulière de ces biens
culturels apparaît dans divers concordats et accords internationaux signés par le saint-siège
avec différents États80.
Une autre source, non canonique, est la loi du 25 juillet 2001 de l’État de la Cité du Vatican
sur la tutelle des biens culturels, définis à l’article 1er comme « les objets mobiliers et
immobiliers qui présentent un intérêt artistique, historique, archéologique ou
ethnographique »81.
La question se pose en droit concordataire de savoir si les États de chaque pays doivent faire
leurs les délais prévus par le droit canonique dans le cas où ils ne coïncideraient pas avec les
délais civils.
Ottawa, 1986, p. 755-786.
80
Cf. G.Feliciani, « La nozione di bene culturale nell’ordinamento canonico », Iustitia in caritate. Miscellanea
di studi in onore di Velasio De Paolis, Cité du Vatican, Urbaniana University Press, 2005, p. 445-455.
81
Sur cette question, cf. G. Feliciani, « La notion de bien culturel en droit canonique », L’Année Canonique 47
(2005), p. 63-74.
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