Chapitre II – L’acquisition des biens
Le titre I du Livre V sur l’acquisition des biens transpose en droit les orientations de
l’ecclésiologie de Vatican II. Il est également marqué par l’application du cinquième principe
de révision du code sur le principe de subsidiarité, déjà évoqué.
1) Un principe général
Concernant l’acquisition des biens, le canon 1259 pose un principe clair et sans appel :
« L’Église peut acquérir des biens temporels par tout juste moyen qui est permis aux autres
personnes selon le droit naturel ou positif.
» C’est une explicitation du canon 1254 § 1, à
l’adresse des États enclins, ici ou là, à restreindre ce droit de l’Église. L’Église revendique
donc une liberté publique reconnue en principe à toute personne juridique.
Il s’agit d’un droit fondé sur le droit divin positif, selon lequel l’Église doit pouvoir disposer
des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Il se fonde, en tant que droit
naturel, sur le droit d’association et le droit de propriété. Ces deux droits vont de pair, car la
négation du droit de propriété entraînerait celle du droit d’association. Ce droit se fonde
également sur la liberté religieuse, car il ne saurait y avoir de liberté religieuse véritable là où
l’État ne reconnaîtrait pas à l’Église et aux divers groupes religieux la capacité patrimoniale.
Le droit international. Un tel refus serait d’ailleurs contraire au droit international, qui protège
les droits des groupes religieux en matière patrimoniale, tant à l’échelon universel qu’à
l’échelon régional
. En effet, la Convention internationale des Droits de l’homme, du 10
décembre 1948, déclare, en son article 2, que « 1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits
et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune,
notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute
autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre
situation. 2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique
ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou
territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque
de souveraineté ». En outre, la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’homme
affirme que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit
être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la
langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou
sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre
situation »
.
L’acquisition ne doit porter que sur les moyens qui sont nécessaires pour que l’Église
remplisse ses finalités. Elle doit éviter de donner ne serait-ce que l’apparence d’un
attachement désordonné aux biens matériels.
Les modes d’acquisition. Différentes classifications des modes d’acquisition ont été avancées.
Contentons-nous de celle proposée par mgr Coccopalmerio :
Le CCEO (c. 1010) est plus concis et, ignorant le c. 1258, ne parle pas de droit de l’Église, mais de droit des
personnes juridiques : « Les personnes juridiques peuvent acquérir des biens temporels par tout moyen juste que
le droit permet aux autres »
Par ex., les groupes religieux se voient reconnaître les droits d’« établir et entretenir des lieux de culte ou de
réunion librement accessibles », de « solliciter et recevoir des contributions volontaires, qu’elles soient
financières ou autres » ou encore les droits « d’acquérir, de posséder ou d’utiliser des livres sacrés, des
publications religieuses dans la langue de leur choix, ainsi que d’autres objets liés à la pratique de la religion ou
d’une conviction » (voir art. 16 du « Document de clôture de la Conférence de Vienne sur la sécurité et la
coopération en Europe (19 janvier 1989) »), cité par J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens, op. c., p. 25.
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, 4 novembre 1950, art. 14.