ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
DOSSIER
66 onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
QUELLE EST LA
SITUATION CLINIQUE
DU RAPPORT ENTRE
POIDS ET PRONOSTIC
DU CANCER DU SEIN ?
Ces relations existent tout au long
de l’histoire naturelle de la mala-
die tumorale mammaire.
Il existe ainsi une corrélation entre
la mortalité globale ou spécifique
et la présence d’une surcharge
pondérale lors du diagnostic de
cancer du sein localisé. Un IMC
élevé, supérieur à 25, voire à 30, est
associé à une surmortalité globale
et spécifique, tant en statut pré-
que post-ménopausique, et ce, par
rapport à la population ayant un
IMC dit normal, soit entre 18,5 et
25 kg/m2 (1).
Outre cet impact sous forme
d’une surmortalité, un IMC éle-
vé est associé, d’une part, à un
risque de toxicité de grade 3/4 et,
d’autre part, à une diminution
du taux de réponse histologique
lors des chimiothérapies néo-
adjuvantes (2).
Outre cet impact du poids initial,
il existe une prise de poids régu-
lière en cours et après la chimio-
thérapie pour cancer du sein.
Cette prise de poids, de l’ordre
de 2 à 3 kg, s’installe au cours
des 2 premières années après le
diagnostic, elle est suivie d’une
stabilisation en plateau du poids.
Moins de 10 % des patientes re-
viennent au poids qu’elles avaient
avant la réalisation de la chimio-
thérapie (3, 4).
Cette prise de poids, quasi systé-
matique, a un impact sur la mor-
talité globale et spécifique liée au
cancer du sein. Cette corrélation
mortalité et variation de poids
existe, que cette prise de poids sur-
vienne dans l’année ou après 1 an
par rapport au diagnostic du can-
cer du sein (1).
Cette surcharge pondérale abou-
tit au maximum au syndrome
métabolique, syndrome dont le
diagnostic passe par la mise en
évidence d’une association d’au
moins trois facteurs parmi quatre
anomalies que sont l’obésité abdo-
minale, une hypertension arté-
rielle, une dyslipidémie et une
hyperglycémie.
L’existence d’un syndrome méta-
bolique chez une femme suivie
pour cancer du sein est associée
à une surmortalité par cancer
du sein et une augmentation du
risque de survenue d’un deuxième
cancer du sein (5).
Il existe donc une association
entre, d’une part, le poids et sa
variation dans le temps et, d’autre
part, une surmortalité globale et
spécifique par cancer du sein.
GRAISSE ET MUSCLE, UN
COUPLE ANTAGONISTE
Cette corrélation poids-survie
correspond à une dualité existant
au cours de la maladie cancéreuse
entre une prise de graisse et une
fonte musculaire dite sarcopé-
nique.
L’existence d’une masse graisseuse
abdominale est en eet un facteur
lié à une surmortalité globale et
spécifique.
L’évaluation de la masse grais-
seuse lors du diagnostic de cancer
est associée ainsi à un accroisse-
ment de la mortalité spécifique
par cancer du sein. Ainsi, dans une
population analysée selon une
répartition en quatre quartiles de
la masse graisseuse abdominale
appréciée sur le tour de taille ou
le rapport hanche/taille, le fait
d’être dans le quartile haut, que
ce soit sur le tour de taille ou le
ratio taille/hanche, est associé à
une surmortalité spécifique avec
un risque relatif de 2 à 4. Il existe
donc une relation entre adiposité
centrale et survie dans les cancers
du sein (6).
Le deuxième paramètre de ce
couple est la masse musculaire.
Le muscle est le plus gros organe
de l’organisme représentant 40 à
50% du poids total d’un adulte en
bonne santé non obèse.
L’analyse de cette masse muscu-
laire se fait selon son volume. Ce
volume peut être facilement quan-
tifiable par une technique de hand-
grip ou par la mesure de la masse
musculaire déterminée en regard
de la 3e vertèbre lombaire sur les
coupes scanners. D’autres tech-
niques plus complexes existent,
comme le DXA scan ou les me-
sures d’enzymes du catabolisme
musculaire (7).
La variation de la masse muscu-
laire aboutit en cancérologie à la
notion de cachexie tumorale qui
correspond à une fonte muscu-
laire massive, une malnutrition
et une inflammation, mais, dans
un premier temps, avant ce stade
évolué, existe une sarcopénie, qui
correspond à une fonte encore
modérée mais symptomatique des
masses musculaires.
Cette sarcopénie est précoce dans
les cancers du sein. Ainsi, une
femme sous chimiothérapie adju-
vante perd 1,3 kg en moyenne de
masse musculaire et cette sarco-
pénie se majore à distance du trai-
tement (4).
Cette sarcopénie précoce et pro-
gressive est prédictive des risques
de complications iatrogènes. Des
complications postopératoires
3 - TRILOGIE MUSCLES, GRAISSES ET CYTOKINES
DANS LES CANCERS DU SEIN
Dr Thierry Bouillet (Service d’oncologie, CHU Avicenne ; Fédération nationale sport et cancer CAMI)