dossier

publicité
DOSSIER
Soins de support
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
Retour sur la 4e journée CAMI/ICACT
L’
activité physique en oncologie est devenue incontournable. Il s’agit d’un soin de
support qui modifie fatigue et qualité de
vie, mais c’est aussi un traitement qui modifie la survie et le risque de comorbidités.
Elle s’intègre dans les modifications comportementalistes post-thérapeutiques incluant, outre
l’activité physique, les problèmes d’alimentation.
L’activité physique est susceptible de modifier un
certain nombre de comorbidités particulièrement
délétères, y compris des complications comme les
lymphœdèmes qui ne sont plus une contre-indication à l’activité physique et sportive.
Sa mise en place passe par une définition des objectifs individuels et collectifs, une évaluation des
réalisations présentes et des organisations idéales
à mettre en place dans le futur. Mais elle nécessite
aussi une évaluation des pratiques et croyances actuelles, tant vue du côté des patients que vue du côté
des professionnels de la santé.
L’objectif secondaire sera d’aboutir à une prise en
charge socio-économique de cet apport thérapeutique majeur avec ses déclinaisons en milieu hospitalier et en médecine de ville.
Comme chaque année, OnKo+ vous présente un
panaroma de ces questions théoriques, pratiques et
n
économiques.
Dr Thierry Bouillet
Oncologue au CHU Avicenne (Bobigny),
Président national de la fédération
CAMI Sport et Cancer
1L
es aliments anticancer������������������������������������������������������������������������������������������������� p. 64
Sophie Laurent (Micro-nutritionniste, Clinique des Martinets, Rueil-Malmaison)
2P
lan cancer 3 et activité physique :
où en sommes-nous, quelles perspectives ? ����������������������������������������������������������� p. 65
Julie Gaillot (Département Prévention de l’INCa)
3 Trilogie muscles, graisses et cytokines dans les cancers du sein ����������������������� p. 66
Dr Thierry Bouillet (CHU Avicenne ; CAMI)
4S
port et lymphœdème après cancer du sein : que dire, que faire ?������������������� p. 69
Dr Stéphane Vignes (Hôpital Cognacq-Jay, Paris)
5 I nnovation organisationnelle dans la prise en charge
des patients en oncologie ������������������������������������������������������������������������������������������� p. 70
Pr Étienne Minvielle (EHESP ; Gustave Roussy, Villejuif )
6 Mieux comprendre les enjeux pour mieux intégrer l’activité physique et
sportive dans l’offre de soin : enquête nationale Sport et Cancer 2015 ��������� p. 72
Jean-Marc Descotes (CAMI ; Université Paris 13)
7L
a prise en charge physique des patients en onco-hématologie
en Belgique : deux axes majeurs de prise en charge��������������������������������������������� p. 75
Ingrid de Biourge (Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles)
8U
ne innovation en milieu hospitalier : le pôle Sport et Cancer ������������������������� p. 76
Florent Hyafil (CAMI) et Pr Laurent Zelek (CHU Avicenne)
9 Comment les progrès des thérapies anticancéreuses nous obligent à la réforme ���� p. 77
Nicolas Bouzou (Asterès, Fondation Roche)
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
1 - LES ALIMENTS ANTICANCER
DOSSIER
Sophie Laurent (Micro-nutritionniste, Clinique des Martinets, Rueil-Malmaison )
RECOMMANDATIONS
Actuellement en France, la prévention nutritionnelle des cancers
s’appuie sur les recommandations
élaborées à partir d’une évaluation
scientifique collective internationale (WCRF/AICR, 2007).
Selon cette évaluation, il est estimé « que la mise en œuvre des
recommandations nutritionnelles
permettrait d’éviter environ un
tiers des 12 cancers les plus connus
dans les pays développés ».
Ainsi, les facteurs nutritionnels
qui augmentent le risque de cancers sont : boissons alcoolisées,
surpoids et obésité, viande rouge
et charcuterie, sel et aliments salés. Les facteurs qui, au contraire,
réduisent le risque sont : l’activité
physique et les fruits et légumes.
Ce rapport stipule que l’effet protecteur des fruits et légumes serait
associés à leur teneur en divers
micronutriments capables d’agir
tant sur des mécanismes de la
cancérogenèse que sur des mécanismes protecteurs, comme la stimulation du système immunitaire
ou l’activité antioxydante.
Il n’existe, à ce jour, pas de régime
anticancer. Toutefois, certains
aliments, pour lesquels il existe
beaucoup de documentations,
sont protecteurs et référencés par
le Pr David Khayat dans son nouveau livre Prévenir le cancer, ça
dépend aussi de vous.
LE BROCOLI
Le brocoli a une densité nutritionnelle élevée, il est riche en vitamines B9, C et K, en caroténoïdes
et en manganèse. Le brocoli
contient des glucosinolates, dont
80 % de glucopharanine hydroly64
sée par la myrosinase pour former
le sulforaphane. Le sulforaphane
est un anti-inflammatoire agissant sur l’enzyme COX-2. Il s’agit
également d’un modulateur du
système enzymatique des phases 1
et 2 de la détoxification hépatique.
Il influence l’apoptose et réduit
l’angiogenèse.
LE CURCUMA
Le curcuma contient de la curcumine, un principe actif aux propriétés anti-inflammatoires.En effet, la curcumine inhibe le NF-κB,
la phospholipase, la lipoxygénase
et COX-2. Sur la cancérogenèse,
la curcumine freinerait les stades
d’initiation, de promotion et de
progression des cancers ainsi que
l’angiogenèse (1). De nombreuses
études ont été réalisées ou sont
en cours en association avec la
chimiothérapie (2, 3).
LA QUERCÉTINE
La quercétine est un flavonoïde
très présent dans les câpres, le
sureau, les oignons rouges et les
airelles. Elle inhibe la libération de
TNFα et d’interleukine 6 pro-inflammatoires. La quercétine possède une activité anti-aromatase
et inhibitrice de la tyrosine kinase
et de l’EGFR des cellules cancéreuses. En clinique, plusieurs
études ont été réalisées, notamment :
• une étude sur l’association avec
le curcuma dans la polypose adénomateuse (4) ;
• une étude rétrospective sur le
cancer de l’ovaire (5) ;
• une autre sur l’incidence du cancer du pancréas (6).
L’AIL
L’ail contient un composé organo-sulfuré, l’allicine, qui sera
transformé en diallyl sulfide et
diallyl disulfide. Ces composés
permettent de stimuler le système immunitaire en augmentant significativement le nombre
de cellules NK, ils induisent
l’apoptose et l’anti-angiogenèse.
De nombreuses études épidémiologiques ont démontré les
effets positifs de l’ail sur la cancérogenèse (7, 8).
L’EXTRAIT DE GRENADE
L’extrait de grenade contient des
tanins hydrolysables, dont les
punicalagines et l’acide ellagique.
Ce sont de puissants antioxydants. Ils permettent de bloquer la
croissance tumorale et l’angiogenèse (blocage de VEGF et PGEF),
et suppriment la signalisation
inflammatoire cellulaire dans les
cellules cancéreuses du côlon (8).
En clinique, dans le cancer de la
prostate, la prise de jus de grenade
a permis de quadrupler le temps
de doublement des PSA (10).
LE THÉ VERT
Le thé vert riche en catéchines,
dont l’épigallocathéchine gallate (EGCG), bloque les récepteurs et le signal de prolifération
et d’angiogenèse (11). Il favorise
également l’apoptose et inhibe
la mutagenèse induite par les
hydrocarbures polycycliques. La
consommation régulière de thé
vert diminue le risque de cancer
du sein (12) et réduit le taux d’insulin growth factor (IGF-1) dans le
cancer de la prostate (13).
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
CONCLUSION
Ces micronutriments font l’objet
de nombreuses études in vitro et
in vivo afin de démontrer un réel
intérêt à être apportés chaque jour
dans l’assiette des patients atteints
de cancer ou en prévention, avec la
possibilité d’entrevoir, afin d’avoir
les doses recommandées, une supplémentation nutritionnelle. n
Mots-clés :
Aliments anticancer, Nutrition,
Cancer, Prévention
BIBLIOGRAPHIE
1. Aggarwal BB, Kumar A, Bharti AC. Anticancer potential of curcumin:
preclinical and clinical studies. Anticancer Res 2003 ; 23 : 363-98.
2. Bayet-Robert M, Kwiatkowski F, Leheurteur M et al. Phase I à doses
essai d’escalade de docetaxel plus curcumine chez les patients atteints
de cancer avancé et métastatique. Cancer Biol Ther 2010 ; 9 : 8-14.
3. Dhillon N, Aggarwal BB, Newman RA et al. Essai de phase I de la curcumine chez les patients atteints de cancer du pancréas avancé.Clin Res
Cancer 2008 ; 14 : 4491-9.
4. Cruz-Correa M, Shoskes DA, Sanchez P et al. Combination treatment
with curcumin and quercetin of adenomas in familial adenomatous
polyposis. Clin Gastroenterol Hepatol 2006 ; 4 : 1035-8.
5. Nöthlings U, Murphy SP, Wilkens LR et al. Flavonols and pancreatic cancer risk: the multiethnic cohort study. Am J Epidemiol 2007 ; 166 : 924-31.
6. Bobe G, Weinstein SJ, Albanes D et al. Flavonoid intake and risk of pancreatic cancer in male smokers (Finland). Cancer Epidemiol Biomarkers
Prev 2008 Mar ; 17 : 553-62.
7. Galeone C, Pelucchi C, Levi F et al. Onion and garlic use and human
cancer. Am J Clin Nutr 2006 ; 84 : 1027-32.
8. Fleischauer AT, Poole C, Arab L. Garlic consumption and cancer prevention: meta-analyses of colorectal and stomach cancers. Am J Clin
Nutr 2000 ; 72 : 1047-52.
9. Adams LS, Seeram NP, Aggarwal BB et al. Pomegranate juice, total
pomegranate ellagitannins, and punicalagin suppress inflammatory cell
signaling in colon cancer cells. J Agric Food Chem 2006 ; 54 : 980-5.
10. Pantuck AJ, Leppert JT, Zomorodian N et al. Phase II study of pomegranate juice for men with rising prostate-specific antigen following surgery or radiation for prostate cancer. Clin Cancer Res 2006 ; 12 : 4018-26.
11. Jankun J, Selman SH, Swiercz R, Skrzypczak-Jankun E. Why drinking
green tea could prevent cancer. Nature1997 ; 387 : 561.
12. Inoue M, Tajima K, Mizutani M et al. Regular consumption of green
tea and the risk of breast cancer recurrence: follow-up study from the
Hospital-based Epidemiologic Research Program at Aichi Cancer Center
(HERPACC), Japan. Cancer Lett 2001 ; 167 : 175-82.
13. Gupta S, Hastak K, Ahmad N et al. Inhibition of prostate carcinogenesis in TRAMP mice by oral infusion of green tea polyphenols. Proc Natl
Acad Sci USA 2001 ; 98 : 10350-5.
2 - PLAN CANCER 3 ET ACTIVITÉ PHYSIQUE :
OÙ EN SOMMES-NOUS, QUELLES PERSPECTIVES ?
E
Julie Gaillot (Chef de projet au département Prévention de l’Institut national du Cancer [INCa])
n France, plus de 3 millions
de personnes ont ou ont eu
un cancer au cours de leur
vie.
Généraliser une démarche de
prévention après un diagnostic
de cancer (arrêt du tabac, réduction de la consommation d’alcool,
pratique d’une activité physique,
réduction des temps de sédentarité et d’une surcharge pondérale,
repères alimentaires) est un nouvel enjeu à relever, enjeu inscrit
dans le Plan cancer 3 (2014-2019).
Il ne s’agit plus seulement d’éradiquer la maladie cancéreuse mais
de considérer le patient dans sa
globalité pour réduire ses risques
de morbidité et de mortalité sur le
long terme.
ACTIVITÉ PHYSIQUE : DES
BÉNÉFICES MULTIPLES
Dans ce sens, de nombreuses publications scientifiques mettent
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
en évidence que l’activité physique
pendant et après le traitement
en cancérologie améliore la qualité de vie (bénéfice sur l’anxiété, la
dépression, le sommeil, l’image du
corps et le bien-être) et diminue la
sensation de fatigue des patients
atteints d’un cancer, sans effet secondaire.
Les bénéfices en termes de survie
ont également été observés chez
des patients atteints de cancer du
sein et de cancer colorectal notamment.
Pourtant, un grand nombre de
patients augmente leur temps de
sédentarité et réduisent le niveau
de leur activité physique quotidienne (déplacements, activités
domestiques, sport) dès l’annonce
d’un diagnostic de cancer.
UNE EXPERTISE
DE L’INCA EN COURS
Une expertise scientifique est en
cours à l’INCa pour analyser l’ensemble des données existantes
en termes de bénéfices pour le
patient, mais aussi l’ensemble
des barrières et des leviers qui
peuvent favoriser la pratique des
patients (publication prévue fin
2015). Cette expertise constitue
une étape indispensable pour promouvoir l’activité physique auprès
des professionnels de santé et des
patients, afin de disposer d’un argumentaire scientifiquement validé pour notamment renverser la
représentation du malade « allongé », constituant, dans bien des cas,
un frein à la mise en mouvement
de la personne ayant un diagnostic
n
de cancer. Mots-clés :
Activité physique, Prévention, INCa,
Qualité de vie
65
DOSSIER
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
3 - TRILOGIE MUSCLES, GRAISSES ET CYTOKINES
DANS LES CANCERS DU SEIN
DOSSIER
Dr Thierry Bouillet (Service d’oncologie, CHU Avicenne ; Fédération nationale sport et cancer CAMI)
QUELLE EST LA
SITUATION CLINIQUE
DU RAPPORT ENTRE
POIDS ET PRONOSTIC
DU CANCER DU SEIN ?
Ces relations existent tout au long
de l’histoire naturelle de la maladie tumorale mammaire.
Il existe ainsi une corrélation entre
la mortalité globale ou spécifique
et la présence d’une surcharge
pondérale lors du diagnostic de
cancer du sein localisé. Un IMC
élevé, supérieur à 25, voire à 30, est
associé à une surmortalité globale
et spécifique, tant en statut préque post-ménopausique, et ce, par
rapport à la population ayant un
IMC dit normal, soit entre 18,5 et
25 kg/m2 (1).
Outre cet impact sous forme
d’une surmortalité, un IMC élevé est associé, d’une part, à un
risque de toxicité de grade 3/4 et,
d’autre part, à une diminution
du taux de réponse histologique
lors des chimiothérapies néoadjuvantes (2).
Outre cet impact du poids initial,
il existe une prise de poids régulière en cours et après la chimiothérapie pour cancer du sein.
Cette prise de poids, de l’ordre
de 2 à 3 kg, s’installe au cours
des 2 premières années après le
diagnostic, elle est suivie d’une
stabilisation en plateau du poids.
Moins de 10 % des patientes reviennent au poids qu’elles avaient
avant la réalisation de la chimiothérapie (3, 4).
Cette prise de poids, quasi systématique, a un impact sur la mortalité globale et spécifique liée au
cancer du sein. Cette corrélation
mortalité et variation de poids
existe, que cette prise de poids survienne dans l’année ou après 1 an
66
par rapport au diagnostic du cancer du sein (1).
Cette surcharge pondérale aboutit au maximum au syndrome
métabolique, syndrome dont le
diagnostic passe par la mise en
évidence d’une association d’au
moins trois facteurs parmi quatre
anomalies que sont l’obésité abdominale, une hypertension artérielle, une dyslipidémie et une
hyperglycémie.
L’existence d’un syndrome métabolique chez une femme suivie
pour cancer du sein est associée
à une surmortalité par cancer
du sein et une augmentation du
risque de survenue d’un deuxième
cancer du sein (5).
Il existe donc une association
entre, d’une part, le poids et sa
variation dans le temps et, d’autre
part, une surmortalité globale et
spécifique par cancer du sein.
GRAISSE ET MUSCLE, UN
COUPLE ANTAGONISTE
Cette corrélation poids-survie
correspond à une dualité existant
au cours de la maladie cancéreuse
entre une prise de graisse et une
fonte musculaire dite sarcopénique.
L’existence d’une masse graisseuse
abdominale est en effet un facteur
lié à une surmortalité globale et
spécifique.
L’évaluation de la masse graisseuse lors du diagnostic de cancer
est associée ainsi à un accroissement de la mortalité spécifique
par cancer du sein. Ainsi, dans une
population analysée selon une
répartition en quatre quartiles de
la masse graisseuse abdominale
appréciée sur le tour de taille ou
le rapport hanche/taille, le fait
d’être dans le quartile haut, que
ce soit sur le tour de taille ou le
ratio taille/hanche, est associé à
une surmortalité spécifique avec
un risque relatif de 2 à 4. Il existe
donc une relation entre adiposité
centrale et survie dans les cancers
du sein (6).
Le deuxième paramètre de ce
couple est la masse musculaire.
Le muscle est le plus gros organe
de l’organisme représentant 40 à
50 % du poids total d’un adulte en
bonne santé non obèse.
L’analyse de cette masse musculaire se fait selon son volume. Ce
volume peut être facilement quantifiable par une technique de handgrip ou par la mesure de la masse
musculaire déterminée en regard
de la 3e vertèbre lombaire sur les
coupes scanners. D’autres techniques plus complexes existent,
comme le DXA scan ou les mesures d’enzymes du catabolisme
musculaire (7).
La variation de la masse musculaire aboutit en cancérologie à la
notion de cachexie tumorale qui
correspond à une fonte musculaire massive, une malnutrition
et une inflammation, mais, dans
un premier temps, avant ce stade
évolué, existe une sarcopénie, qui
correspond à une fonte encore
modérée mais symptomatique des
masses musculaires.
Cette sarcopénie est précoce dans
les cancers du sein. Ainsi, une
femme sous chimiothérapie adjuvante perd 1,3 kg en moyenne de
masse musculaire et cette sarcopénie se majore à distance du traitement (4).
Cette sarcopénie précoce et progressive est prédictive des risques
de complications iatrogènes. Des
complications
postopératoires
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
Muscle
squelettique
Tendon
Désadaptation
Nerfs et
vaisseaux
Tissu
conjonctif sanguins
Troubles du comportement
Fatigue
Anomalies musculaires
Anomalies hormonales
Tissu conjonctif
Faisceau de
fibres musculaires
Noyau
Myocyte
Cytokines
Sarcopénie/induction enzymes
Cytokines
Troubles du
comportement
Fatigue
Prise de graisse
par :
NK
Lyse
Lymphocyte B
Cytokines
Macrophage
Ig
T CD4
T CD28
- Baisse AP
- Cortisol
- TNFα
- Troubles
alimentaires
Interleukines
Cellules dendritiques
Figure 1 – Trilogie tumeur-muscles-graisses et cytokines.
peuvent survenir, en particulier
après résection colique ou CHIP,
avec une association entre taux de
complications et existence d’une
sarcopénie (8).
Il existe également une valeur
prédictive de la sarcopénie sur
les risques de complications des
chimiothérapies avec une augmentation du risque de toxicité
de grade 3/4 en cas de sarcopénie
(2, 9, 10).
Outre cet aspect prédictif de complications, la sarcopénie est également prédictive de survie, tant en
contexte adjuvant (11) qu’en situation métastatique (10).
Il existe donc une trilogie dans le
cadre des cancers du sein : prise de
poids, sarcopénie, prise de graisse,
avec une prise de poids de 2 à 4 kg,
une perte de muscle d’1,3 kg, une
prise de graisse viscérale de 3 à
5 kg, trilogie survenant en particulier chez des femmes à poids normal lors du diagnostic de cancer
du sein (4).
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
CYTOKINES, LES CLÉS
DE CE COUPLE MUSCLEGRAISSE
Cette prise de graisse et cette
sarcopénie sont liées à des sécrétions de cytokines par plusieurs
sources : les cellules cancéreuses
et inflammatoires péritumorales,
d’une part, et d’autre part, les tissus graisseux, en particulier la
graisse abdominale (12).
Les cytokines sécrétées par les
cellules tumorales et les cellules
inflammatoires sont multiples. Il
s’agit principalement de l’interleukine 1, l’interleukine 6 et le TNFα,
qui, par voie sanguine, diffusent au
niveau du système nerveux central, provoquant troubles du comportement, fatigue, troubles du
sommeil (13) mais aussi au niveau
musculaire, activant le système
NF-κB ce qui aboutit à une sarcopénie précoce par induction d’enzymes de dégradation des myofibrilles (Fig. 1).
Cette sécrétion de cytokines d’ori-
gine tumorale et inflammatoire se
produit de façon précoce, expliquant donc la fatigue, les troubles
du comportement ainsi que la faiblesse musculaire dont l’existence
est rapportée par les patientes
avant le diagnostic de cancer (14).
D’autres cytokines sont issues des
tissus graisseux, il s’agit de la leptine, dont le gène est situé sur le
chromosome 7, qui favorise la formation de graisse, facilitant l’insulinorésistance et ayant un effet
anti-apoptotique sur les cellules
de cancer du sein (15).
Inversement,
l’adiponectine,
dont le gène est située sur le chromosome 3 et le taux sérique est
inversement proportionnel au
poids, favorise le captage du glucose et l’oxydation des acides gras
par les muscles, a un effet antiinflammatoire, diminue le taux
d’œstrogènes sériques, réduit le
poids et a un effet pro-apoptotique sur les cellules des cancers
mammaires (16).
67
DOSSIER
Le muscle squelettique
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
DOSSIER
Le couple graisse-muscle est donc
biologiquement lié à la sécrétion
de cytokines des tissus graisseux
et des cellules inflammatoires qui
agissent sur les masses musculaires, le système nerveux central
et l’équilibre glucose-insuline.
Cette inflammation et cette sécrétion de cytokines par les tissus tumoro-inflammatoires et graisseux
favorisent l’insulinorésistance. En
effet, sous l’action des cytokines,
les tissus adipeux libèrent des
acides gras libres. Ces acides gras
passent par voie sanguine dans le
foie, stimulant au sein du parenchyme hépatique la synthèse des
triglycérides et la néoglucogenèse
hépatique. Dans les muscles, ces
cytokines provoquent une compétition entre une consommation des
acides gras et du glucose. Les acides
gras sont ainsi oxydés, produisant
des acétyl-coA qui inhibent la glycolyse musculaire (17).
Il existe donc à la fois une diminution de la quantité de glucose utilisée par les muscles et une augmentation de la quantité de glucose
produite par le foie, aboutissant à
une hyperglycémie qui induit une
augmentation de la sécrétion d’insuline par le pancréas, insuline qui
agit comme facteur de croissance
tumorale (18).
ACTION DE L’ACTIVITÉ
PHYSIQUE ET SPORTIVE
SUR CES CYTOKINES ?
L’activité physique s’inscrit directement dans ces relations graissemuscle, cytokines du tissu inflammatoire-cytokines des graisses.
Cette activité physique se décline
en exercice aérobie et anaérobie.
L’activité physique aérobie va accroître les capacités cardio-respiratoires tandis que les exercices en
résistance accroissent les masses
musculaires.
L’activité physique, en particulier
contre résistance, va modifier les
cytokines. Il existe ainsi pendant
68
les 72 heures immédiatement
après l’activité physique, une diminution des taux de leptines, une diminution de la sécrétion de TNFα,
une augmentation de la sécrétion
d’adiponectine et une diminution
de la sécrétion d’insuline.
Cette action biologique, sur cytokines et insuline, va durer à peu
près 72 heures après la réalisation
de l’exercice (19).
ACTIONS
PHYSIOLOGIQUES DE
L’ACTIVITÉ PHYSIQUE ET
DE SES CONSÉQUENCES
SUR LES CYTOKINES
La fatigue est le principal symptôme ressenti par les malades,
avant, au cours et au décours des
soins. Il s’agit d’un sentiment
d’épuisement persistant habituel
en relation avec le cancer, interférant avec la vie quotidienne et
ne cédant pas au repos, frappant
la quasi-totalité des patients. 25 à
30 % des patients sont atteints de
fatigue plusieurs années après les
soins.
Il existe dans cette fatigue deux
aspects distincts :
• la fatigue musculaire périphérique physique ;
• une fatigue cérébrale, central,
cognitive avec des troubles de
l’attention et de la mémoire immédiate (20). Cette fatigue doit être
distincte de la dépression pour
laquelle il existe des critères diagnostiques et des échelles particulières publiées par l’ASCO (21).
Cette fatigue a donc une origine
multi-factorielle, périphérique et
centrale, nécessitant une analyse
multidimensionnelle de ce symptôme, et correspond à une pénétration dans les muscles et le cerveau des cytokines (22).
Le niveau de ces cytokines est proportionnel au niveau de fatigue
avant le traitement, en particulier
dans les leucémies aiguës myéloblastiques (LAM), les cancers de
l’ovaire et du sein.
Ces cytokines augmentent par la
suite pendant la radiothérapie,
en particulier pour les cancers du
sein et de la prostate, et sont proportionnelles au niveau de fatigue
mesurée en cours de soins (23).
Ces cytokines expliquent aussi la
fatigue tardive et prolongée observée chez 25 à 30 % des patients.
Cette fatigue prolongée correspond
à une élévation persistante des
cytokines comme l’interleukine 6,
le TNFα et l’interleukine 1β. Cette
sécrétion anormalement prolongée, qui explique la fatigue tardive
par rapport aux soins, est liée à des
polymorphismes génétiques (24).
L’activité physique, diminuant les
cytokines et le taux d’insuline, réduit les taux d’œstrogènes par une
induction de sécrétion d’adiponectine, réduit les masses graisseuse et
accroît le volume musculaire. Ces
actions modifient les niveaux de fatigue et les taux de rechute comme
déjà décrit dans les cancers du sein,
du côlon et de la prostate (25).
Les conditions d’efficacité de l’activité physique sont une intensité
suffisante pour modifier les cytokines et l’insulinorésistance, une
fréquence d’au moins trois fois par
semaine pour modifier la sécrétion des cytokines sur l’ensemble
de la semaine, un programme sur
au moins 6 mois pour impacter
sur le temps le rapport graisse/
muscle.
Ce programme doit faire intervenir
des exercices en aérobie et en résistance sur une modalité associant
plaisir et sécurité, ce qui nécessite
des intervenants sportifs formés en
oncologie, dans ses composantes
théoriques, pratiques et psychologiques, aptes à évaluer les possibilités, progrès et complications oncologiques et iatrogènes.
n
Mots-clés :
Poids, Cytokines, Insulinorésistance,
Activité physique
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
12. Onesti JK, Guttridge D. Inflammation based regulation of cancer cachexia. BioMed Research International 2014 ; 2014 : 168407.
13. Cheung YJ, Lim SR, Ho HK. Cytokines as mediators of chemotherapyassociated cognitive changes. PLOS one 2013 ; 8 : 1-12.
14. Norden D, Bicer S, Clark Y et al. Tumor growth increases neuroinflammation, fatigue and depression-like behavior prior to alterations in muscle
function. Brain behav Immun 2015 ; 43 : 73-85.
15. Newman G, Gonzalez-Perez RB. Leptin-cytokine cross talk in breast
cancer. Moll Cell endocrinol 2014 ; 381 : 1.
16. Nalabolu MR, Palasamudram K, Jamil K. Adiponectin and Leptin
molecular actions and clinical significance in breast cancer. IJHOSCR
2014 ; 8 : 1.
17. Abdul-Ghani MA, DeFronzio R. Pathogenesis of insulin resistance in
skeletal muscle. J BioMed Biotechnology 2010 ; 2010 : 476279.
18. Salisbury TB, Tomblin JK. Insulin/Insulin-like Growth factors in cancer.
Frontiers in endocrinology 2015 ; 6 : 12.
19. Golbidi S, Laher I. Exercise induced Adipokine changes and the metabolic syndrome. J Diabet Res 2014 ; ID 726861.
20. Morris G, Berk M, Galecki P et al. The neuro-immune pathophysiology
of central and peripheral fatigue in systemic immune-inflammatory and
neuro-immune diseases. Mol Neurobiol 2015 ; on line.
21. Kruse JL, Strouse TB. Sick and Tired: Mood, Fatigue, and Inflammation in
Cancer Curr Psychiatry Rep 2015 ; 17 : 16.
22. Berger A, Mitchell SA, Jacobsen PB et al. Screening, Evaluation, and
Management of cancer-related fatigue. CA Cancer J J Clin 2015 ; on line.
23. Bower JE. Cancer-related fatigue – mechanisms, risk factors and treatment. Nat Rev Clin Oncol 2014 ; 11 : 597-609.
24. Bower J, Ganz P, Irwin M et al. Cytokine genetic variations and fatigue
among patients with breast cancer. J Clin Oncol 2013 ; 31 : 1656-62.
25. Bouillet T, Bigard X, Brami C et al. Role of physical activity and sport in
oncology. Crit Rev Oncol Hematol 2015 ; 94 : 74-86.
4 - SPORT ET LYMPHŒDÈME APRÈS CANCER DU SEIN : QUE DIRE, QUE FAIRE ?
Dr Stéphane Vignes (Unité de Lymphologie, Centre national de référence des maladies vasculaires rares
[lymphœdèmes primaires], Hôpital Cognacq-Jay, Paris)
L
es
lymphœdèmes
du
membre supérieur secondaires après cancer du sein
représentent la principale cause
des lymphœdèmes en France, avec
une fréquence estimée entre 15 et
20 % après curage axillaire classique, et entre 6 et 8 % après technique du ganglion sentinelle (1).
FACTEURS DE RISQUE
ET ACTIVITÉ PHYSIQUE
Les principaux facteurs de risque
sont le curage axillaire, la radiothérapie et l’obésité. Il est très souvent
recommandé aux patientes opérées d’un cancer du sein d’éviter les
efforts physiques et/ou les sports
considérés comme violents et/ou
répétitifs, sans que ces définitions
soient clairement précisées. Ces
conseils ont – ou plutôt auraient –
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
un objectif préventif pour réduire
le risque de lymphœdème. Cependant, dans une étude cas-témoins
datant de 2002, Johansson et al.
avaient montré que les femmes
ayant un lymphœdème avaient réduit leurs activités (quotidiennes,
ménagères, sportives) après le cancer du sein comparées aux femmes
n’ayant pas de lymphœdème (2).
Ce premier message paraissait déjà
contradictoire avec les conseils
habituels de réduction d’activité
encore donnés aux femmes après
cancer du sein.
DONNÉES RÉCENTES
Concernant les activités sportives,
les données les plus récentes ont
permis de modifier les conseils
encore donnés aux femmes après
cancer du sein. Les études les plus
démonstratives ont été publiées en
2009 et 2010. Selon le même protocole, les auteurs avaient étudié
la pratique de l’haltérophilie chez
des femmes opérées d’un cancer du
sein n’ayant pas de lymphœdème
d’une part, et chez des femmes
ayant un lymphœdème du membre
supérieur d’autre part.
Dans la première étude, l’haltérophilie diminuait la fréquence
du lymphœdème – défini par une
augmentation de volume de 5 %
par rapport au membre controlatéral – à 1 an en comparaison avec le
groupe contrôle (11 vs 27 %). Dans
la seconde étude, l’haltérophilie
n’entraînait pas d’aggravation chez
les femmes ayant un lymphœdème
avec, là encore, un suivi de 1 an (3, 4).
Quelles étaient les spécificités et
particularités de cette pratique intensive ? Il y avait un encadrement
69
DOSSIER
BIBLIOGRAPHIE
1. Chan DS, Vieira AR, Aune D et al. Body Mass Index and survival in women
with breast cancer. An Oncol 2014 ; 25 : 1901-14.
2. Fontanella C, Lederer B, Gade S et al. Impact of body index mass on neoadjuvant treatment outcome: a pooled analysis of eight prospective neoadjuvant breast cancer trials. Breast Res Cancer Treat 2015 ; 150 : 127-39.
3. Makari-Judson G, Braun B, Jerry D et al. Weight gain following breast
cancer diagnosis. World J Clin Oncol 2014 ; 5 : 272-82.
4. Nissen M, Shapiro A, Swenson KK. Changes in weight and body composition in women receiving chemotherapy for breast cancer. Clin Breast
Cancer 2011 ; 11 : 52-60.
5. Calip GS, Malone KE, Gralow JR et al. Metabolic syndrome and outcomes
following early-stage breast cancer. Breast Cancer Res Treat 2014 ; 148 :
363-77.
6. George SM, Bernstein L, Smith AW et al. Central adiposity after breast
cancer diagnosis is related to mortality in Health, Eating, Activity, and
Lifestyle study. Breast Cancer Res Treat 2014 ; 146 : 647-55.
7. Aversa Z, Bonetto A, Penna F et al. Changes in myostatin signaling in
non-weight-losing cancer patients. Ann Surg Oncol 2012 ; 19 : 1350-6.
8. Lieffers JR, Bathe OF, Fassbender K et al. Sarcopenia is associated with
postoperative infection and delayed recovery from colorectal cancer resection surgery. Br J Cancer 2012 ; 107 : 931-6.
9. Tan B, Brammer K, Randhawa N et al. Sarcopenia is associated with toxicity in patients undergoing neo-adjuvant chemotherapy for oesophagogastric cancer. Eur J Sur Oncol 2015 ; in press.
10. Prado CM, Baracos VE, McCargar L et al. Sarcopenia as a determinant
of chemotherapy toxicity and time to tumor progression in metastatic
breast cancer patients receiving capecitabine treatment. Clin Cancer Res
2009 ; 15 : 2920-6.
11. Villasenor A, Ballard-Barbash R, Baumgartner K et al. Prevalence and
prognostic effect of sarcopenia in breast cancer survivors: the HEAL Study.
J Cancer Surviv 2012 ; 6 : 398-406.
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
DOSSIER
par des professionnels formés,
dans un centre de fitness avec un
accès gratuit pendant 3 mois, puis
les femmes continuaient seules
pendant 9 mois. Les exercices
étaient progressifs en fréquence et
en intensité, et guidés par le ressenti des femmes. Le port du manchon
était conseillé pour la pratique des
exercices. D’autres sports comme
le Dragon Boat (sorte de canoë de
grande taille, avec deux rangées de
10 pagayeurs) – qui avait fait l’objet
d’études de cohorte antérieures
– ou la marche nordique avaient
montré l’absence d’aggravation ou
de déclenchement d’un lymphœdème chez des femmes traitées
pour cancer du sein (5, 6).
L’ACTIVITÉ PHYSIQUE
EST RECOMMANDÉE
Il est donc recommandé de pratiquer des activités physiques sans
restriction médicale spécifique au
lymphœdème – sans changement
si les femmes en pratiquaient antérieurement –, de ne pas les diminuer en les laissant gérer leur effort
en fonction de leur ressenti. De
plus, l’activité physique a d’autres
effets positifs : diminution des
symptômes d’anxiété ou de dépression, de l’index de masse corporelle
et de la mortalité par cancer, du
risque de rechute et amélioration
de la qualité de vie (7, 8). Pour les
femmes qui ne pratiquaient pas
d’activité physique au préalable, il
est conseillé d’en débuter une de
façon progressive et encadrée. La
plupart des auteurs recommande le
port de compression élastique lors
de ces exercices physiques, alors
que pour d’autres, il n’apparaît pas
obligatoire. Cela dépend aussi de
la perception de l’effort par la pan
tiente elle-même. Mots-clés : Lymphœdème, Cancer
du sein, Activité physique
BIBLIOGRAPHIE
1. DiSipio T, Rye S, Newman B, Hayes S. Incidence of unilateral arm lymphoedema after breast cancer: a systematic review and meta-analysis.
Lancet Oncol 2013 ; 14 : 500-15.
2. Johansson K, Ohlsson K, Ingvar C et al. Factors associated with the development of arm lymphedema following breast cancer treatment: a match
pair case-control study. Lymphology 2002 ; 35 : 59-71.
3. Schmitz KH, Ahmed RL, Troxel A et al. Weight lifting in women with
breast-cancer-related lymphedema. N Engl J Med 2009 ; 361 : 664-73.
4. Schmitz KH, Ahmed RL, Troxel AB et al. Weight lifting for women at risk
for breast cancer-related lymphedema: a randomized trial. JAMA 2010 ;
304 : 2699-705.
5. Harris SR, Niesen-Vertommen SL. Challenging the myth of exerciseinduced lymphedema following breast cancer: a series of case reports.
J Surg Oncol 2000 ; 74 : 95-9.
6. Jönsson C, Johansson K. Pole walking for patients with breast cancerrelated arm lymphedema. Physiother Theory Pract 2009 ; 25 : 165-73.
7. Fong DY, Ho JW, Hui BP et al. Physical activity for cancer survivors: metaanalysis of randomised controlled trials. BMJ 2012 ; 344 : e70.
8. Ibrahim EM, Al-Homaidh A. Physical activity and survival after breast
cancer diagnosis: meta-analysis of published studies. Med Oncol 2011 ;
28 : 753-65.
5 - INNOVATION ORGANISATIONNELLE
DANS LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS EN ONCOLOGIE
Pr Étienne Minvielle (EHESP ; Gustave Roussy, Villejuif )
L
a prise en charge des malades atteints de cancer
nécessite une innovation
organisationnelle majeure, la
coordination des soins. L’explication en est simple. Avec le
développement de l’innovation
technologique, le recours accru à
l’ambulatoire, l’évolution vers la
chronicité, les prises en charge
des patients en oncologie se
transforment à un rythme soutenu. Elles impliquent désormais
plus d’acteurs, dans des laps de
temps plus courts. Or, tous ces
70
facteurs ont en commun d’exiger
des modes de coordination précis.
IMPORTANCE DE
L’ORGANISATION
Sans coordination, le risque est
grand de constater des hospitalisations inutiles, des duplications
dans les traitements, et d’une manière générale, de l’incohérence
entre les actions menées.
UN IMPACT QUALITATIF
En termes de qualité, les effets
négatifs d’une sous-coordination
ont été largement décrits, notamment :
• 70 % des analyses sur les événements indésirables graves correspondent à des défauts de communication ;
• 40% des erreurs de prescription
médicamenteuses sont le résultat d’une mauvaise coordination
à l’arrivée ou à la sortie du patient
d’un établissement de santé ;
• 70 % des médecins généralistes
anglais rapportent aussi des délais
importants dans les envois des
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
courriers de fins d’hospitalisation,
ce qui compromet la qualité des
soins dans 90 % des cas avec un
risque en termes de sécurité (1).
Ajoutons enfin que, sur le plan de
la qualité, des critères de satisfaction du patient sont également en
jeu, car on imagine aisément que
des venues injustifiées aux urgences ou à l’hôpital par manque
de coordination sont des motifs
d’insatisfaction.
de la démographie médicale est en
toile de fond. L’ASCO, la prestigieuse association américaine de
cancérologie, estime le manque
d’oncologues à 25 % en 2025 pour
faire face à l’accroissement de l’activité (2). Dans ces conditions, il
est essentiel que le temps médical
existant soit consacré aux soins, et
ne soit pas entravé par des tâches
de rattrapage des défauts de coordination.
UN IMPACT ÉCONOMIQUE
ACCÈS AUX SOINS POUR TOUS
En termes économiques, les
enjeux du développement des
parcours coordonnés de santé
semblent également importants.
Medicare estime, par exemple, que
25 à 50 milliards de dollars sont
gaspillés annuellement en hospitalisations inutiles, traitements
injustifiés et doublons de prescription, liés à des manques de coordination dans le système américain
(données de 2004).
SATISFACTION
DES PROFESSIONNELS
Un autre thème peut s’ajouter à
ceux de la qualité et de l’économie :
la satisfaction des professionnels,
notamment des médecins. Ces
derniers subissent la situation
actuelle en consacrant un temps
de leur activité à rattraper des
situations de non-coordination.
Certaines études ont cherché à
quantifier ce temps, et donnent
des estimations de l’ordre de 15 à
25 % du temps de travail consacré
à cette activité. Ce point est important car la situation problématique
Un des objectifs poursuivis par les
parcours coordonnés est de favoriser l’accès aux soins pour tous,
notamment dans les zones rurales
désertifiées sur le plan médical.
Il serait caricatural de considérer
que les réformes actuelles, et notamment le Plan cancer 3 en France,
ne tiennent pas compte de ce besoin. Mais la difficulté à laquelle se
heurtent ces actions est de considérer une implantation concrète, et
sans mauvais jeu de mots, coordonnée de ces approches.
COMMENT DÉVELOPPER
UNE MEILLEURE
COORDINATION ?
Le changement pour une meilleure
coordination doit s’envisager dans
différentes directions. Il doit s’opérer sur les modes de paiement, les
modes d’organisation, les technologies de l’information et l’éducation
du patient. Les modes de paiement
actuels n’incitent pas à la coordination dans le cadre des filières, trop
émiettés entre l’hôpital (la T2A)
et la médecine libérale (paiement
à l’acte). Les paiements à la coordination doivent se développer.
Les modes d’organisation doivent
accélérer le développement des
infirmières de coordination et
autres métiers de coordination. Ils
doivent également favoriser tous
les raisonnements transversaux.
Les technologies de l’information
dans ses différentes variantes de
télésurveillance doivent se diffuser d’une manière industrielle, les
patients étant prêts à utiliser ces
nouvelles technologies (3). Ces
préconisations ne sont pas en ellesmêmes innovantes, c’est le fait de
les mener de front qui l’est. C’est
aussi le fait de les évaluer qualitativement et par l’impact qu’elles produisent (4).
Ajoutons un dernier élément : il est
probable que ceux qui souffrent le
plus de ce manque de coordination
soient les plus démunis et vulnérables. Ces patients peuvent être
parmi ceux qui ont le plus besoin
de soins. Il peut y avoir aussi un
sens économique à éviter de tels
modes de prise en charge dégradés aux coûts importants et aussi
garantir une justice sociale dans la
prise en charge des malades. n
Mots-clés :
Organisation, Coordination,
Technologie, Délai, Coût
BIBLIOGRAPHIE
1. Ovretveit J. Summary of “Do changes to patient–provider relationships improve quality and save money?”. Rapport pour le National Health Service 2012.
2. American Society of Clinical Oncology (ASCO). The state of cancer care in America. Annual Report. April 2014.
3. Girault A, Ferrua M, Lalloué B et al. Internet-based technologies to improve cancer care coordination: Current use and attitudes among cancer patients.
Eur J Cancer 2015 ; 51 : 551-7.
4. Minvielle E. Pour une évaluation des parcours de santé. Revue de la Santé Publique 2014 ; 88 : 51-4.
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
71
DOSSIER
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
DOSSIER
6 - MIEUX COMPRENDRE LES ENJEUX POUR MIEUX INTÉGRER
L’ACTIVITÉ PHYSIQUE ET SPORTIVE DANS L’OFFRE DE SOIN :
ENQUÊTE NATIONALE SPORT ET CANCER 2015
Jean-Marc Descotes (Co-fondateur de la Fédération Nationale CAMI Sport et Cancer ;
responsable de l’Enseignement DU Sport et Cancer, Université Paris 13 ;
co-auteur du livre Sport et Cancer : État des Lieux, Édition Chiron)
UN CONTEXTE
FAVORABLE
La bonne nouvelle, c’est le consensus autour duquel tout le monde
aujourd’hui se retrouve : l’activité
physique et sportive est bonne
pour la santé.
De manière générale, elle est même
un facteur améliorant la survie
globale de la population puisque
l’inactivité physique est considérée
comme la 4e cause de mortalité dans
le monde. En cause, une évolution
de notre mode de vie, entre réduction d’activité physique et transformation de nos comportements alimentaires.
Ce consensus, en France, a donné
naissance à une ambition politique : celle de promouvoir l’activité physique et sportive comme un
enjeu de santé publique. Ce projet,
impulsé à la fois par le ministère de
la Santé et le ministère des Sports
et porté par ce dernier, a permis la
création du pôle Ressource Sport
Santé Bien-être au sein du ministère des Sports (PR2SBE). Sa mission – la promotion de l’activité
physique et sportive comme facteur de santé – est inscrite dans
une action de politique publique
en faveur du « sport-santé » pour
tous et toutes, dans tous les lieux
de vie ainsi que pour les publics à
« besoins spécifiques » (personnes
souffrant de maladies chroniques,
les aînés quel que soit leur degré
d’autonomie…). Ce projet a également été saisi par le Comité
national olympique et sportif
français, et en particulier par sa
72
commission médicale, qui a réuni
des pôles Ressource autour de
quatre grands axes (pathologies
cardiaques, maladies métaboliques, vieillissement et cancer)
afin d’éditer un « Vidal » du sport
permettant, suivant des recommandations précises, de lier une
ou plusieurs pratiques sportives
à une typologie de personnes touchées par ces affections.
Cette place accordée à l’activité
physique et sportive s’appuie à
la fois sur un nombre croissant
d’essais cliniques venant attester
des bénéfices de cette dernière en
termes de santé, mais également
sur un moment où le déficit de la
Sécurité sociale amène à s’interroger sur la pertinence et la pérennité de notre modèle actuel de prise
en charge des soins.
Certains économistes, comme
Nicolas Bouzou, affirment même
que, si l’on veut préserver un modèle social et solidaire, « la santé
est un domaine dans lequel l’optimisation des coûts va de pair avec
l’amélioration de la qualité et l’intérêt collectif ».
UN ENJEU SOCIOÉCONOMIQUE
En cancérologie, cette réalité du
coût des soins est évidente. Les
dépenses de santé dans cette
pathologie représentent environ
14 milliards d’euros par an, soit
8 % des dépenses de santé globales
pour 2 % de la population soignée.
Elle représente également un coût
dans l’univers du travail puisque
la perte de production potentielle
est estimée à 17 milliards d’euros
par an.
Si l’on se concentre sur le champ
de la cancérologie, le rôle majeur
de l’activité physique et sportive
est aujourd’hui reconnu sur le plan
de la prévention tertiaire et de
l’amélioration de la qualité de vie
pendant les traitements. Dans une
étude que nous avions réalisée il y
a quelques années, nous estimions
à 600 millions d’euros d’économie
(1) possible l’impact sur la diminution des risques de rechute par l’activité physique et sportive sur trois
types de cancers (cancers du sein,
du côlon et de la prostate) et simplement basée sur les traitements
anticancéreux habituellement administrés dans ces cas.
Plus encore, nous arrivons aujourd’hui à faire des liens entre
les conséquences d’une altération des capacités physiques des
patients pendant les traitements
et les risques de complications,
mortalités globales et spécifiques
et rechutes. Au-delà de l’approche
économique que représente la
détérioration de l’état de santé
des patients, il s’agit également
de pouvoir mieux répondre à au
moins deux autres ambitions :
• Sur le plan thérapeutique : la
contribution à l’amélioration des
chances de guérison.
• Sur le plan sociologique : l’amélioration du service médical rendu
par l’humanisation de la prise en
charge.
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
Cependant, pour que l’activité
physique et sportive puisse jouer
pleinement son rôle, aussi bien
dans la prévention tertiaire que
dans le maintien des capacités
physiques des patients pendant
les traitements, elle doit être prodiguée selon des critères stricts
pour favoriser les modifications
métaboliques permettant d’atteindre les résultats attendus :
tonicité ou hypertrophie musculaire, baisse de la production de
cytokines, baisse de la glycémie et
de l’insuline, lutte contre le développement des masses grasses,
etc. Tout cela dans un contexte où
le patient peut se retrouver également handicapé soit par les effets
secondaires des traitements de
chimiothérapie et de radiothérapie, soit par des opérations chirurgicales invasives et mutilantes. Il
devient donc essentiel de pouvoir
prodiguer des séances permettant
de respecter des critères d’intensité, de fréquence et de durée tout en
gérant les fragilités physiques des
patients, mais également leur relation à l’activité physique en général et au corps en particulier (Fig. 1).
UNE ADHÉSION
DES PATIENTS
ENCORE FAIBLE
Cette relation a aussi une autre
conséquence. Celle de l’adhésion
à des programmes d’activités physiques et sportives. De manière
générale, nous savons que s’il
existe aujourd’hui de plus en plus
de messages au niveau institutionnel pour inciter les citoyens
à pratiquer une activité physique,
les comportements de ces derniers ne changent pas forcément.
À titre d’exemple, 87 % des Français accueillent favorablement les
messages sanitaires insérés dans
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
DOSSIER
DES RECOMMANDATIONS
À RESPECTER
Figure 1 - Le cercle vicieux sur le corps en cancérologie.
les publicités alimentaires et 71 %
les ont mémorisés (2), mais 75 %
des Français n’atteignent pas l’objectif santé des 10 000 pas quotidiens (3).
En cancérologie, les freins à la pratique restent également importants : selon de récentes études, le
taux d’adhésion des patients à ce
type de programme varie de 10 à
30 %, tandis que près de 60 % des
patients diminuent leur pratique
d’activité physique 6 mois après
le diagnostic et qu’ils ne sont plus
que 35 % à la continuer 1 an après
l’annonce de la rémission (4).
Au-delà de l’adhésion, il y a également le respect des recommandations, c’est-à-dire des seuils à
atteindre pour que l’activité physique ait un impact bénéfique et
thérapeutique.
Selon une étude anglaise (5), sur
748 patients interrogés, 52,8 % déclarent ne pas faire de sport, 29,5 %
ont une activité en dessous des critères fixés et seulement 17,6 % respectent les recommandations.
Mieux, parmi les patients en bon
état général et ne respectant pas
les recommandations, 59,9 %
pensent qu’ils devraient être plus
actifs physiquement.
DES RÉPONSES
À TROUVER
L’écart, nous le voyons, entre
l’adhésion des patients à des programmes d’activités physiques et
sportives, les modalités de mise en
place des critères à respecter et les
bénéfices pouvant être obtenus,
reste donc aujourd’hui très grand.
Même si le contexte social et sanitaire évolue, cette approche ne
représente pas un engouement
déterminant dans son intégration
dans le champ sanitaire en général
et pour la cancérologie et l’hématologie en particulier.
De notre point de vue, cela relève
de deux aspects :
• Le premier touche au rôle et à
l’attente de la mise en place de tels
programmes du point de vue des
soignants. Les notions de bienêtre, de soins complémentaires
et de prévention tertiaire se distinguent peu. En réalité, nous ne
connaissons pas les raisons profondes qui peuvent inciter les soignants à recommander une activité physique à leurs patients et ce
qu’ils en attendent en retour. Nous
ne savons pas s’ils ont derrière ces
« prescriptions » des objectifs thérapeutiques précis, ou une idée
73
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
DOSSIER
vague des bénéfices potentiels,
s’il s’agit plus d’une pratique à visée psychosociologique ou d’une
approche à potentialité physique.
D’ailleurs, pour de nombreuses
personnes, le sport institutionnalisé et l’activité physique se
confondent. Sans parler d’activité
physique adaptée, d’éducation
thérapeutique, de reconditionnement à l’effort, de rééducation motrice. Dans cet article même, nous
oscillons entre les mots « sport »
et « activité physique et sportive »,
le premier étant le raccourci du
second. Mais cela montre aussi la
disparité des approches et donc la
complexité de l’identification des
structures et interlocuteurs pouvant répondre à des besoins précis
dans un univers, le monde médical, qui d’habitude s’appuie sur
des protocoles et des procédures
cadrées et bien établies. La médecine tient, et c’est normal, à s’appuyer sur des critères validés et
institutionnalisés pour des objectifs ciblés en vue d’améliorer l’état
de santé des patients de manière
durable et en préservant la qualité
de vie de ces derniers.
• Le deuxième aspect touche aux
représentations des patients.
Comme pour les médecins, nous
ne connaissons les attentes réelles
des patients qui s’engagent dans
ce type de programme. Est-ce lié
à l’amélioration des chances de
guérison ? Est-ce une question de
survie ? Un besoin de rencontrer
du monde ? Un moyen de ne plus
souffrir des effets secondaires des
traitements ? Quelle est la part de
l’influence du médecin ? Des messages d’information ? De l’injonction naissante du sport santé ? Une
nouvelle étude, réalisée en France,
incite à mêler témoignages et
conseils d’experts (6) pour amener
les patients à se mettre ou se remettre au sport puisque les récits
d’expérience de tiers encouragent
74
à changer de comportement davantage que les messages à visée
purement informative. Mais cela
s’inscrit malgré tout dans un
contexte social souvent délicat :
la perte d’un travail, les difficultés
financières, les réaménagements
psychologiques, la gestion du
quotidien, la kinésiophobie (c’està-dire la peur d’être blessé par la
réalisation d’un mouvement), la
capacité à croire dans le projet, etc.
FAIRE UN ÉTAT DES LIEUX
Ce que nous savons, c’est qu’il
existe aujourd’hui de nombreuses
initiatives pour permettre à des
personnes touchées par un cancer
de pratiquer une activité physique
et sportive, ce qui tend à prouver
que le sujet touche et préoccupe
un certains nombre d’acteurs du
monde médical et sportif au sens
large du terme. Mais si nous voulons permettre la prise en charge
d’un grand nombre de patients, sachant, par exemple, que la prévalence partielle à 5 ans (c’est-à-dire
incluant les personnes diagnostiquées lors des 5 dernières années
et majoritairement les personnes
atteintes de cancers et en rémission complète, guéries ou en cours
de surveillance) est de près de
1,1 million de personnes (6), il faut
alors envisager un déploiement de
cette approche au niveau national et l’intégrer fortement dans
le parcours de soin des patients
au regard des recommandations
internationales.
Il faut donc connaître la raison de
l’implication des oncologues et des
hématologues dans la promotion
de l’activité physique et sportive. Il
convient de cerner les motivations
des patients, comprendre les bénéfices qu’ils en tirent, mais aussi les
freins qui sont les leurs. Il importe
également que les programmes
d’activité physique et sportive
respectent de manière totale ou
partielle les critères scientifiques
et la nature des encadrements, le
suivi, l’orientation, l’adhésion des
patients, tout cela dans une perspective de trajectoire de vie du
patient et d’autonomisation sur le
long terme.
Bref, se proposer de faire un
constat pour mieux cerner les
forces et les faiblesses de cette approche afin de pouvoir contribuer
auprès des pouvoirs publics et des
institutions sur la nécessité de la
soutenir et de favoriser les conditions de sa prise en charge pour
tous les acteurs impliqués dans
cette dynamique.
C’est pour cela que nous lançons
une enquête nationale1 à partir de
juin 2015, destinée à tous les oncologues et les hématologues et spécialistes et à tous les patients en
traitements et en rémission pour
mieux nous aider à avoir un état
des lieux exhaustif et réel de cette
approche. Nous produirons les
résultats au début de l’année 2016.
Nous espérons que vous y particin
perez. 1. Cette enquête est réalisée grâce au soutien institutionnel
d’AMGEN.
Mots-clés :
Sport santé, Activité physique et
sportive, Cancérologie, Hématologie
BIBLIOGRAPHIE
1. Flanquart A, Descotes JM, Zelek L, Bouillet
T. Prévenir et guérir par le sport. Terra Nova
2012.
2. Enquête de l’impact des messages sanitaires PNNS réalisée par l’Inpes auprès de
1 063 personnes.
3. Enquête Assureurs Prévention sur le niveau d’activité physique ou sportive et de
sédentarité de la population française.
4. Martinez E. Most breast cancer patients
may not be getting enough exercise. Cancer
2014.
5. Stevinson C, Lydon A, Amir Z. Adherence
to physical activity guidelines among cancer support group participants. Eur J Cancer
Care (Engl) 2014 ; 23 : 199-205.
6. www.sporetcancer.net
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
Ingrid de Biourge (Kinésithérapeute, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles)
AXE 1 : L’INSTITUT
NATIONAL
D’ASSURANCE MALADIEINVALIDITÉ (INAMI)
Chaque patient, lors d’une hospitalisation, peut se voir prescrire par le médecin des séances
de kinésithérapie quotidienne. Un
grand nombre de structures hospitalières possède, au sein de ses
services d’onco-hématologie, un
kinésithérapeute lié à l’unité de
soins. Cette présence permet une
offre de prise en charge quasi-systématique pour nos patients.
Cet accompagnement spécifique
de qualité permet une attention
portée au risque d’altération de
l’état général mais aussi à la gestion de la fatigue, des symptômes
anxieux et des différents symptômes liés à pathologie et ses traitements.
En hospitalisation de jour, des
programmes de sensibilisation
à l’importance de l’activité physique ont été mis en place (ex. :
Cliniques universitaires SaintLuc, Bruxelles). Ils contiennent
des fiches explicatives, des propositions d’exercices et des moyens
pratiques de transposition de ces
activités au quotidien.
Enfin, la prescription d’une oncorevalidation par les médecins est
le moyen le plus important mis en
place par notre système de soins
pour permettre à nos patients
(traités pour un cancer ou ayant
des effets secondaires importants
à la suite des traitements) d’intégrer l’activité physique à leur vie
quotidienne.
Cette prescription offre la possibilité aux patients d’être accompagnés par un kinésithérapeute
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
pendant 48 séances, en milieu hospitalier, sous la supervision d’un
médecin réadaptateur. Un examen
de contre-indication standard
et, si besoin, une épreuve d’effort
sont les seuls critères d’inclusion
à ce programme. Chaque séance
est prise en charge par l’INAMI,
laissant à la charge du patient une
participation de 6 à 8 €.
À ce jour, une étude multicentrique INAMI est en cours dans
différents hôpitaux belges. Cette
étude a pour objectif de démontrer l’utilité d’une intervention
pluridisciplinaire post-traitement
sur la qualité de vie, la fatigue, la
performance physique et la composition corporelle des femmes
atteintes d’un cancer du sein. Le
programme évalué est constitué
de ± 20 h de cours interactifs sur
l’encadrement du mode de vie et de
3 mois d’activités physiques à raison de deux séances supervisées et
d’une séance complémentaire réalisée au domicile par semaine.
AXE 2 : LA FONDATION
CONTRE LE CANCER
La fondation contre le cancer a
pour missions de faire progresser
la science, d’accompagner les patients et leurs proches, d’accroître
la prévention et le dépistage.
L’un des services offert par la fondation est l’accès gratuit pendant
1 an à une activité physique adaptée aux patients atteints ou ayant
été atteints d’un cancer dans l’année qui précède.
Ce service, appelé RaViva (Rekanto en Flandre) est donné par
des moniteurs professionnels
formés et encadrés par un groupe
d’experts du domaine médico-
psychosocial. Différentes activités de groupes sont proposées
partout en Belgique : yoga, tai
chi, aquagym, marche nordique,
gymnastique globale et fitness.
Depuis peu, une nouvelle prise en
charge est possible dans certains
centres de fitness et offre l’accès
à 60 séances individuelles guidées. L’objectif est d’atteindre un
niveau d’activité plus intense et
de donner motivation et confiance
suffisantes aux patients pour qu’ils
poursuivent ensuite leur activité
de manière autonome.
DEUX CERTIFICATS
UNIVERSITAIRES (UCL)
Ces différentes démarches demandent de plus en plus de moniteurs formés. Deux certificats universitaires en Exercise therapy et
en Exercise Medecine ont été mis
en place cette année par la Faculté
des sciences de la motricité. Cette
formation théorique et pratique a
pour ambition de former des praticiens capables d’utiliser l’activité
physique comme outil thérapeutique en prônant une approche
thérapeutique scientifiquement
prouvée (evidence based).
n
Mots-clés : Kinésithérapie, Activité
physique adaptée, INAMI, Fondation
contre le cancer
POUR PLUS
D’INFORMATIONS :
• Contact : [email protected]
75
DOSSIER
7 - LA PRISE EN CHARGE PHYSIQUE
DES PATIENTS EN ONCO-­HÉMATOLOGIE EN BELGIQUE :
DEUX AXES MAJEURS DE PRISE EN CHARGE
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
DOSSIER
8 - UNE INNOVATION EN MILIEU HOSPITALIER :
LE PÔLE SPORT ET CANCER
Florent Hyafil (CAMI) et Pr Laurent Zelek (CHU Avicenne)
E
n France, 900 000 personnes sont suivies dans le
cadre d’un parcours de soin
ou d’un protocole de surveillance
post-thérapeutique d’un cancer.
Malgré l’avancée de la médecine
face à ce fléau, ses retentissements
physiques, physiologiques, psychologiques et sociaux restent
majeurs. Sa chronicité oblige le
corps médical à faire face à une
problématique aussi bien sociale
qu’économique qui n’a de cesse de
s’aggraver.
PRÉVENTION : UNE
IMPORTANTE MARGE
DE PROGRESSION
Depuis 2003, les réflexions issues des différents Plans cancers
visent, entre autres, à valoriser
la continuité et la globalité de la
prise en charge du patient dans
son projet de vie. Toutefois, la
marge de progression est encore
très importante, notamment dans
le domaine de la prévention secondaire et tertiaire. La prévention
par l’activité physique a encore du
chemin à parcourir malgré sa mise
en avant dans le deuxième Plan
cancer en 2007 et surtout sa reconnaissance officielle en 2011 par
la Haute Autorité de Santé (HAS)
comme une thérapeutique non
médicamenteuse.
DES PROGRAMMES PAS
TOUJOURS ADAPTÉS
La littérature scientifique révèle
les effets positifs de l’activité physique (AP) dans le cadre de la prévention secondaire et tertiaire des
principaux cancers. Ces effets sont
visibles si les critères de durée, de
76
fréquence et d’intensité sont respectés.
Malheureusement,
les
programmes habituels d’AP en cancérologie ne respectent pas l’intégralité des critères, ne sont pas
encadrés
professionnellement
et n’accueillent qu’un tiers des
patients éligibles. Cela remet en
cause la sécurité des patients et
ne permet pas d’obtenir les effets
positifs escomptés. Ces lourdes carences laissent dans l’incertitude
les acteurs du milieu sanitaire et le
législateur sur la pertinence de ce
pan de la prévention. Incertitude
qui laisse donc une large place à
l’interprétation individuelle, à des
priorités de développement anarchiques et à une communication
aux messages dissonants pouvant
conduire à certains abus. De nombreuses initiatives et démarches
expérimentales existent en France
mais ne se modélisent pas, ni ne se
dupliquent sur le territoire et ont
la beauté de leur fragilité.
LE PROGRAMME
MÉDIÉTÉ®
Pour y palier, la CAMI a développé
un projet intégratif de plateforme
de santé par l’AP au sein d’un service d’Oncologie médicale : le pôle
Sport et Cancer CAMI.
Le programme intégratif d’AP est
un programme éducatif en santé
basé sur une approche pédagogique innovante, le Médiété®,
comprenant accueil, information,
évaluation, suivi et orientation
post-programme. Quatre éléments de ce programme sont prépondérants :
• La sécurité par un encadrement
professionnel : des intervenants
médico-sportifs (EMS) issus des
filières sports spécifiquement formés à l’approche Médiété®, tous
obligatoirement titulaires du DU
Sport et Cancer et accompagnés
régulièrement pour conserver une
expertise et une qualité de prise en
charge optimale et homogène.
• Un suivi continu interprofessionnel où ces intervenants sont
encadrés par des coordinateurs
dont les fonctions sont de s’assurer du respect du cahier des
charges, de la bonne conduite des
liens avec les équipes soignantes,
des retours et des partages d’informations fluides, et surtout d’améliorer la méthode et les protocoles
d’évaluation.
• Un programme complet et sur
mesure : une expertise permettant de construire des cours collectifs avec des objectifs individualisés ou des séances individuelles
en chambre afin d’en garantir
l’accessibilité quel que soit l’état
physique du patient.
• La gratuité du programme en
réponse aux difficultés sociales et
économiques que peut rencontrer
la personne dès les débuts des traitements.
Tous les profils de patients, exceptés ceux aux critères de contre-indications extrêmes ou associant
des comorbidités, sont bénéficiaires du programme.
Les personnes sont orientées par
les médecins, les infirmières ou
les kinésithérapeutes. Nos éducateurs reçoivent les patients en
entretien individuel. Ils procèdent
à un bilan médico-sportif à partir
duquel ils élaborent des objectifs
pour :
• améliorer ou maintenir leurs
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
capacités physiques, malgré le ou
les traitements anticancéreux ;
• influer sur des états de fatigue, de
douleurs chroniques ou de déconditionnement ;
• répondre aux désirs de la personne sur ses ambitions sportives
ou de qualité de vie (« objectifs
partagés »).
Nous procédons à des évaluations
sur leur habilité motrice, leur
indice biométrique, leur capacité
d’endurance et nous les réévaluons
plusieurs fois durant leur prise en
charge. Nous corrélons les résultats obtenus en fonction des traitements suivis et nous informons
le corps médical des progrès ou
au contraire des affaiblissements
que nous pouvons remarquer. Les
soignants sont tenus informés
régulièrement de notre accompagnement. Ils sont également suivis
sur l’amélioration de leur qualité
de vie et sur les risques d’exclusion
liés à la maladie. Le cas échéant,
nous alertons les soignants et les
assistantes sociales ou les réseaux
de soin, lorsque l’un de ces critères
se trouve dégradé.
Les patients se sentent mieux
pris en charge, mieux entendus
face à leur problème physique. Ils
se sentent mieux accompagnés,
supportent mieux leur présence
à l’hôpital et leur traitement. Ils
trouvent dans notre présence
un autre interlocuteur avec une
approche différente de leurs problématiques et une réponse plus
efficace que de simples recommandations.
Ces principes sont des points
d’ancrage forts suscitant l’adhésion dans la pratique de l’activité
physique et permettent également
de voir l’hôpital sous un aspect un
peu moins contraignant, un espace de vie, de joie, de lien social.
En bref : une énergie et du positivisme que ce soit pour les patients
ou les soignants.
Dès lors une nouvelle approche
pluridisciplinaire qualitative se
dessine. Le pôle Sport et Cancer
s’inscrit dans un projet de structuration plus global basé sur la
coopération de tous les acteurs
impliqués dans la lutte contre le
cancer. Cela permet ainsi d’apporter une clarification dans le pilotage de la politique de prévention
par l’activité physique où objectifs
thérapeutiques et sportifs peuvent
devenir complémentaires au parcours de soins. Cela contribue à un
accompagnement toujours plus
holistique dans la trajectoire de
vie et d’autonomisation de la personne, voire d’émancipation face à
sa maladie. n
Mots-clés :
Prévention secondaire, Prévention
tertiaire, Activité physique, Médiété®
9 - COMMENT LES PROGRÈS DES THÉRAPIES ANTICANCÉREUSES
NOUS OBLIGENT À LA RÉFORME
Nicolas Bouzou (Économiste ; directeur du cabinet de conseil Asterès ; administrateur de la Fondation Roche)
INNOVATIONS ET SANTÉ
Depuis l’après-guerre, l’État-providence structure nos vies d’Européens. Seulement, l’environnement économique a beaucoup
changé depuis 1945 alors que les
États-providence ont assez peu
évolué. L’inflation, qui permettait de rembourser les dettes en
monnaie dévaluée, a quasiment
disparu. L’âge moyen de la population a sensiblement augmenté.
Les dépenses de santé s’accélèrent
constamment, moins sous l’effet
du vieillissement de la population
que de la généralisation des malaonKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
dies « industrielles » (obésité, diabète, burn out…) et de l’augmentation du coût des traitements et
de leur diffusion. Évidemment,
la quantité de nouveaux traitements qui arrivent sur le marché
de la santé est directement liée
aux innovations dans le secteur
médical. C’est bien là le sujet central quand on réfléchit à l’avenir
des systèmes de santé dans les
pays développés : l’offre de soins
et son système de financement
sont au début d’une révolution
radicale qui va les obliger à réviser
leur modèle, sauf à risquer de dis-
paraître. Cette révolution est liée
au cycle des NBPIC : Nanotechnologies, Biotechnologies, Printing
(imprimante 3D), Informatique et
Sciences Cognitives. Comme toute
nouvelle révolution industrielle,
ce cycle diffuse dans le système
productif des technologies dites
« multi-usages » qui ont des effets
dans l’ensemble de l’économie. Or,
l’un des domaines les plus impactés par les NBPIC est celui de la
santé grâce à quatre déclinaisons
principales : la génétique, la biologie moléculaire, la modélisation et
la chirurgie non-invasive.
77
DOSSIER
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
DOSSIER
DES DÉPENSES
EN CONSTANTE
AUGMENTATION
Ces innovations arrivent dans un
contexte de grandes tensions sur
le financement de notre système
de soins, ce qui complique un
problème déjà complexe. Depuis
2003, les dépenses des administrations de la Sécurité sociale
excèdent celles de l’État. Les dépenses sociales constituent donc
le principal poste de dépenses publiques, tout en étant celui qui augmente le plus vite. Les dépenses de
santé, en particulier, progressent
rapidement dans tous les pays
développés, en niveau mais également en proportion du revenu
national. En France, elles s’élèvent
à quasiment 12 % du PIB. En 2050,
elles pourraient avoisiner 20 % du
PIB (les États-Unis n’en sont pas
loin). La France est l’un des pays
développés où la prise en charge
de la santé par une mutualisation
obligatoire et publique est la plus
forte (77 %), ce qui rend d’autant
plus nécessaire leur régulation.
LE CAS PARTICULIER
DE LA CANCÉROLOGIE
Les conséquences de l’innovation
sont particulièrement visibles
dans le domaine de la cancérologie. L’émergence des thérapies
ciblées et de l’immunothérapie
annonce un double mouvement
extraordinaire en matière d’espérance de vie mais mortifère pour
les systèmes de financement des
soins :
• une personnalisation des trai-
78
tements qui limite la réalisation
d’économies d’échelle et fait exploser les coûts unitaires des soins ;
• une chronicisation des maladies
qui allonge la durée de prise des
traitements.
À incidence de cancer constante
(ce qui constitue une hypothèse
optimiste), l’économie des thérapies ciblées entraîne une explosion des dépenses de santé, car le
taux de diffusion s’envole (tous les
malades veulent bénéficier d’une
thérapie qui allonge leur durée de
vie), mais le prix unitaire baisse
peu, et sans doute pas suffisamment pour compenser la montée
du taux de diffusion.
DES ACTIONS À MENER
Ces mutations devraient obliger
les systèmes publics (notamment,
en France, l’assurance maladie) à
s’adapter pour garantir un accès
équitable aux meilleurs soins.
Mais force est de constater que,
pour l’heure, c’est peu le cas. La
« demande sociale » va devoir
comprendre que ce qui devient
techniquement possible (soigner
un spectre de maladies toujours
plus large) n’est pas financièrement réalisable (il faut des outils
de choix collectifs pour savoir ce
que la collectivité finance prioritairement). Ainsi, la solvabilité
du système de prise en charge des
malades qui inclut la question de
l’équité de l’accès aux thérapies
ciblées suggère trois principaux
types d’actions :
• Intensifier considérablement
l’effort de prévention, ce qui n’a en
réalité jamais été fait dans notre
pays.
• Augmenter la productivité des
offreurs de soins en autorisant
les pharmaciens à faire quelques
prescriptions, en rémunérant les
médecins de façon différenciée
selon la nature des actes, en faisant
monter en charge l’ambulatoire
dans les hôpitaux…
• Distinguer clairement ce qui
relève de la solidarité, donc du monopole de l’assurance maladie (et
qui peut être financé par l’impôt),
et ce qui relève de l’assurance pure
(par exemple la petite traumatologie sportive ou les maux d’hiver
bénins) et doit être pris en charge
par les assureurs, les mutuelles, les
institutions de prévoyance.
BILAN
Les mini-réformes opérées dans
nos systèmes de retraite ou de
santé n’ont pas permis la franche
adaptation à un nouveau contexte.
Seulement, la survie d’une institution comme l’État-providence
ne dépend pas exclusivement de
sa capacité à se réformer, mais
de sa capacité à se réformer suffisamment vite par rapport à ce que
l’évolution de son environnement
exige. Surtout, il faut expliquer
que le système de santé français
peut encore être réformé pour le
meilleur : proposer un meilleur
accès aux soins dans un contexte
de progrès fulgurant.
n
Mots-clés :
Innovation, Dépenses, Réforme
onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
Téléchargement