DOSSIER
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
Retour sur la 4e journée CAMI/ICACT
L’activité physique en oncologie est deve-
nue incontournable. Il s’agit d’un soin de
support qui modifie fatigue et qualité de
vie, mais c’est aussi un traitement qui modifie la sur-
vie et le risque de comorbidités.
Elle s’intègre dans les modifications comporte-
mentalistes post-thérapeutiques incluant, outre
l’activité physique, les problèmes d’alimentation.
Lactivité physique est susceptible de modifier un
certain nombre de comorbidités particulièrement
délétères, y compris des complications comme les
lymphœdèmes qui ne sont plus une contre-indica-
tion à l’activité physique et sportive.
Sa mise en place passe par une définition des ob-
jectifs individuels et collectifs, une évaluation des
réalisations présentes et des organisations idéales
à mettre en place dans le futur. Mais elle nécessite
aussi une évaluation des pratiques et croyances ac-
tuelles, tant vue du côté des patients que vue du côté
des professionnels de la santé.
Lobjectif secondaire sera d’aboutir à une prise en
charge socio-économique de cet apport thérapeu-
tique majeur avec ses déclinaisons en milieu hospi-
talier et en médecine de ville.
Comme chaque année, OnKo+ vous présente un
panaroma de ces questions théoriques, pratiques et
économiques. n
Dr Thierry Bouillet
Oncologue au CHU Avicenne (Bobigny),
Président national de la fédération
CAMI Sport et Cancer
1 Les aliments anticancer � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 64
Sophie Laurent (Micro-nutritionniste, Clinique des Martinets, Rueil-Malmaison)
2 Plan cancer 3 et activité physique :
où en sommes-nous, quelles perspectives ? � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 65
Julie Gaillot (Département Prévention de l’INCa)
3 Trilogie muscles, graisses et cytokines dans les cancers du sein � � � � � � � � � � � � p� 66
Dr Thierry Bouillet (CHU Avicenne ; CAMI)
4 Sport et lymphœdème après cancer du sein : que dire, que faire ? � � � � � � � � � � p� 69
Dr Stéphane Vignes (Hôpital Cognacq-Jay, Paris)
5 Innovation organisationnelle dans la prise en charge
des patients en oncologie � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 70
Pr Étienne Minvielle (EHESP ; Gustave Roussy, Villejuif)
6 Mieux comprendre les enjeux pour mieux intégrer l’activité physique et
sportive dans l’offre de soin : enquête nationale Sport et Cancer 2015 � � � � � p� 72
Jean-Marc Descotes (CAMI ; Université Paris 13)
7 La prise en charge physique des patients en onco-hématologie
en Belgique : deux axes majeurs de prise en charge � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � p� 75
Ingrid de Biourge (Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles)
8 Une innovation en milieu hospitalier : le pôle Sport et Cancer � � � � � � � � � � � � � p� 76
Florent Hyafil (CAMI) et Pr Laurent Zelek (CHU Avicenne)
9 Comment les progrès des thérapies anticancéreuses nous obligent à la réforme � � p 77
Nicolas Bouzou (Asterès, Fondation Roche)
Soins de support
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
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64 onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
RECOMMANDATIONS
Actuellement en France, la pré-
vention nutritionnelle des cancers
s’appuie sur les recommandations
élaborées à partir d’une évaluation
scientifique collective internatio-
nale (WCRF/AICR, 2007).
Selon cette évaluation, il est es-
timé « que la mise en œuvre des
recommandations nutritionnelles
permettrait d’éviter environ un
tiers des 12 cancers les plus connus
dans les pays développés».
Ainsi, les facteurs nutritionnels
qui augmentent le risque de can-
cers sont : boissons alcoolisées,
surpoids et obésité, viande rouge
et charcuterie, sel et aliments sa-
lés. Les facteurs qui, au contraire,
réduisent le risque sont: l’activité
physique et les fruits et légumes.
Ce rapport stipule que l’eet pro-
tecteur des fruits et légumes serait
associés à leur teneur en divers
micronutriments capables d’agir
tant sur des mécanismes de la
cancérogenèse que sur des méca-
nismes protecteurs, comme la sti-
mulation du système immunitaire
ou l’activité antioxydante.
Il n’existe, à ce jour, pas de régime
anticancer. Toutefois, certains
aliments, pour lesquels il existe
beaucoup de documentations,
sont protecteurs et référencés par
le Pr David Khayat dans son nou-
veau livre Prévenir le cancer, ça
dépend aussi de vous.
LE BROCOLI
Le brocoli a une densité nutrition-
nelle élevée, il est riche en vita-
mines B9, C et K, en caroténoïdes
et en manganèse. Le brocoli
contient des glucosinolates, dont
80% de glucopharanine hydroly-
sée par la myrosinase pour former
le sulforaphane. Le sulforaphane
est un anti-inflammatoire agis-
sant sur l’enzyme COX-2. Il s’agit
également d’un modulateur du
système enzymatique des phases 1
et2 de la détoxification hépatique.
Il influence l’apoptose et réduit
l’angiogenèse.
LE CURCUMA
Le curcuma contient de la curcu-
mine, un principe actif aux pro-
priétés anti-inflammatoires.En ef-
fet, la curcumine inhibe le NF-κB,
la phospholipase, la lipoxygénase
et COX-2. Sur la cancérogenèse,
la curcumine freinerait les stades
d’initiation, de promotion et de
progression des cancers ainsi que
l’angiogenèse (1). De nombreuses
études ont été réalisées ou sont
en cours en association avec la
chimiothérapie (2, 3).
LA QUERCÉTINE
La quercétine est un flavonoïde
très présent dans les câpres, le
sureau, les oignons rouges et les
airelles. Elle inhibe la libération de
TNFα et d’interleukine 6 pro-in-
flammatoires. La quercétine pos-
sède une activité anti-aromatase
et inhibitrice de la tyrosine kinase
et de l’EGFR des cellules can-
céreuses. En clinique, plusieurs
études ont été réalisées, notam-
ment:
• une étude sur l’association avec
le curcuma dans la polypose adé-
nomateuse (4);
• une étude rétrospective sur le
cancer de l’ovaire (5);
• une autre sur l’incidence du can-
cer du pancréas (6).
L’AIL
Lail contient un composé orga-
no-sulfuré, l’allicine, qui sera
transformé en diallyl sulfide et
diallyl disulfide. Ces composés
permettent de stimuler le sys-
tème immunitaire en augmen-
tant significativement le nombre
de cellules NK, ils induisent
l’apoptose et l’anti-angiogenèse.
De nombreuses études épidé-
miologiques ont démontré les
eets positifs de l’ail sur la cancé-
rogenèse (7, 8).
L’EXTRAIT DE GRENADE
Lextrait de grenade contient des
tanins hydrolysables, dont les
punicalagines et l’acide ellagique.
Ce sont de puissants antioxy-
dants. Ils permettent de bloquer la
croissance tumorale et l’angioge-
nèse (blocage de VEGF et PGEF),
et suppriment la signalisation
inflammatoire cellulaire dans les
cellules cancéreuses du côlon (8).
En clinique, dans le cancer de la
prostate, la prise de jus de grenade
a permis de quadrupler le temps
de doublement des PSA (10).
LE THÉ VERT
Le thé vert riche en catéchines,
dont l’épigallocathéchine gal-
late (EGCG), bloque les récep-
teurs et le signal de prolifération
et d’angiogenèse (11). Il favorise
également l’apoptose et inhibe
la mutagenèse induite par les
hydrocarbures polycycliques. La
consommation régulière de thé
vert diminue le risque de cancer
du sein (12) et réduit le taux d’in-
sulin growth factor (IGF-1) dans le
cancer de la prostate (13).
1 - LES ALIMENTS ANTICANCER
Sophie Laurent (Micro-nutritionniste, Clinique des Martinets, Rueil-Malmaison )
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
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onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52 65
En France, plus de 3 millions
de personnes ont ou ont eu
un cancer au cours de leur
vie.
Généraliser une démarche de
prévention après un diagnostic
de cancer (arrêt du tabac, réduc-
tion de la consommation d’alcool,
pratique d’une activité physique,
réduction des temps de sédenta-
rité et d’une surcharge pondérale,
repères alimentaires) est un nou-
vel enjeu à relever, enjeu inscrit
dans le Plan cancer 3 (2014-2019).
Il ne s’agit plus seulement d’éradi-
quer la maladie cancéreuse mais
de considérer le patient dans sa
globalité pour réduire ses risques
de morbidité et de mortalité sur le
long terme.
ACTIVITÉ PHYSIQUE : DES
BÉNÉFICES MULTIPLES
Dans ce sens, de nombreuses pu-
blications scientifiques mettent
en évidence que l’activité physique
pendant et après le traitement
en cancérologie améliore la qua-
lité de vie (bénéfice sur l’anxiété, la
dépression, le sommeil, l’image du
corps et le bien-être) et diminue la
sensation de fatigue des patients
atteints d’un cancer, sans eet se-
condaire.
Les bénéfices en termes de survie
ont également été observés chez
des patients atteints de cancer du
sein et de cancer colorectal notam-
ment.
Pourtant, un grand nombre de
patients augmente leur temps de
sédentarité et réduisent le niveau
de leur activité physique quoti-
dienne (déplacements, activités
domestiques, sport) dès l’annonce
d’un diagnostic de cancer.
UNE EXPERTISE
DE L’INCA EN COURS
Une expertise scientifique est en
CONCLUSION
Ces micronutriments font l’objet
de nombreuses études in vitro et
in vivo afin de démontrer un réel
intérêt à être apportés chaque jour
cours à l’INCa pour analyser l’en-
semble des données existantes
en termes de bénéfices pour le
patient, mais aussi l’ensemble
des barrières et des leviers qui
peuvent favoriser la pratique des
patients (publication prévue fin
2015). Cette expertise constitue
une étape indispensable pour pro-
mouvoir l’activité physique auprès
des professionnels de santé et des
patients, afin de disposer d’un ar-
gumentaire scientifiquement va-
lidé pour notamment renverser la
représentation du malade «allon-
gé», constituant, dans bien des cas,
un frein à la mise en mouvement
de la personne ayant un diagnostic
de cancer. n
dans l’assiette des patients atteints
de cancer ou en prévention, avec la
possibilité d’entrevoir, afin d’avoir
les doses recommandées, une sup-
plémentation nutritionnelle. n
Mots-clés :
Aliments anticancer, Nutrition,
Cancer, Prévention
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BIBLIOGRAPHIE
Mots-clés :
Activité physique, Prévention, INCa,
Qualité de vie
2 - PLAN CANCER 3 ET ACTIVITÉ PHYSIQUE :
OÙ EN SOMMES-NOUS, QUELLES PERSPECTIVES ?
Julie Gaillot (Chef de projet au département Prévention de l’Institut national du Cancer [INCa])
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
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66 onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52
QUELLE EST LA
SITUATION CLINIQUE
DU RAPPORT ENTRE
POIDS ET PRONOSTIC
DU CANCER DU SEIN ?
Ces relations existent tout au long
de l’histoire naturelle de la mala-
die tumorale mammaire.
Il existe ainsi une corrélation entre
la mortalité globale ou spécifique
et la présence d’une surcharge
pondérale lors du diagnostic de
cancer du sein localisé. Un IMC
élevé, supérieur à 25, voire à 30, est
associé à une surmortalité globale
et spécifique, tant en statut pré-
que post-ménopausique, et ce, par
rapport à la population ayant un
IMC dit normal, soit entre 18,5 et
25 kg/m2 (1).
Outre cet impact sous forme
d’une surmortalité, un IMC éle-
vé est associé, d’une part, à un
risque de toxicité de grade 3/4 et,
d’autre part, à une diminution
du taux de réponse histologique
lors des chimiothérapies néo-
adjuvantes (2).
Outre cet impact du poids initial,
il existe une prise de poids régu-
lière en cours et après la chimio-
thérapie pour cancer du sein.
Cette prise de poids, de l’ordre
de 2 à 3 kg, s’installe au cours
des 2 premières années après le
diagnostic, elle est suivie d’une
stabilisation en plateau du poids.
Moins de 10 % des patientes re-
viennent au poids quelles avaient
avant la réalisation de la chimio-
thérapie (3, 4).
Cette prise de poids, quasi systé-
matique, a un impact sur la mor-
talité globale et spécifique liée au
cancer du sein. Cette corrélation
mortalité et variation de poids
existe, que cette prise de poids sur-
vienne dans l’année ou après 1 an
par rapport au diagnostic du can-
cer du sein (1).
Cette surcharge pondérale abou-
tit au maximum au syndrome
métabolique, syndrome dont le
diagnostic passe par la mise en
évidence d’une association d’au
moins trois facteurs parmi quatre
anomalies que sont l’obésité abdo-
minale, une hypertension arté-
rielle, une dyslipidémie et une
hyperglycémie.
Lexistence d’un syndrome méta-
bolique chez une femme suivie
pour cancer du sein est associée
à une surmortalité par cancer
du sein et une augmentation du
risque de survenue d’un deuxième
cancer du sein (5).
Il existe donc une association
entre, d’une part, le poids et sa
variation dans le temps et, d’autre
part, une surmortalité globale et
spécifique par cancer du sein.
GRAISSE ET MUSCLE, UN
COUPLE ANTAGONISTE
Cette corrélation poids-survie
correspond à une dualité existant
au cours de la maladie cancéreuse
entre une prise de graisse et une
fonte musculaire dite sarcopé-
nique.
Lexistence d’une masse graisseuse
abdominale est en eet un facteur
lié à une surmortalité globale et
spécifique.
Lévaluation de la masse grais-
seuse lors du diagnostic de cancer
est associée ainsi à un accroisse-
ment de la mortalité spécifique
par cancer du sein. Ainsi, dans une
population analysée selon une
répartition en quatre quartiles de
la masse graisseuse abdominale
appréciée sur le tour de taille ou
le rapport hanche/taille, le fait
d’être dans le quartile haut, que
ce soit sur le tour de taille ou le
ratio taille/hanche, est associé à
une surmortalité spécifique avec
un risque relatif de 2 à 4. Il existe
donc une relation entre adiposité
centrale et survie dans les cancers
du sein (6).
Le deuxième paramètre de ce
couple est la masse musculaire.
Le muscle est le plus gros organe
de l’organisme représentant 40 à
50% du poids total d’un adulte en
bonne santé non obèse.
Lanalyse de cette masse muscu-
laire se fait selon son volume. Ce
volume peut être facilement quan-
tifiable par une technique de hand-
grip ou par la mesure de la masse
musculaire déterminée en regard
de la 3e vertèbre lombaire sur les
coupes scanners. D’autres tech-
niques plus complexes existent,
comme le DXA scan ou les me-
sures d’enzymes du catabolisme
musculaire (7).
La variation de la masse muscu-
laire aboutit en cancérologie à la
notion de cachexie tumorale qui
correspond à une fonte muscu-
laire massive, une malnutrition
et une inflammation, mais, dans
un premier temps, avant ce stade
évolué, existe une sarcopénie, qui
correspond à une fonte encore
modérée mais symptomatique des
masses musculaires.
Cette sarcopénie est précoce dans
les cancers du sein. Ainsi, une
femme sous chimiothérapie adju-
vante perd 1,3 kg en moyenne de
masse musculaire et cette sarco-
pénie se majore à distance du trai-
tement (4).
Cette sarcopénie précoce et pro-
gressive est prédictive des risques
de complications iatrogènes. Des
complications postopératoires
3 - TRILOGIE MUSCLES, GRAISSES ET CYTOKINES
DANS LES CANCERS DU SEIN
Dr Thierry Bouillet (Service d’oncologie, CHU Avicenne ; Fédération nationale sport et cancer CAMI)
ACTIVITÉ PHYSIQUE ET CANCER
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onKo + • Avril 2015 • vol. 7• numéro 52 67
peuvent survenir, en particulier
après résection colique ou CHIP,
avec une association entre taux de
complications et existence d’une
sarcopénie (8).
Il existe également une valeur
prédictive de la sarcopénie sur
les risques de complications des
chimiothérapies avec une aug-
mentation du risque de toxicité
de grade 3/4 en cas de sarcopénie
(2, 9, 10).
Outre cet aspect prédictif de com-
plications, la sarcopénie est égale-
ment prédictive de survie, tant en
contexte adjuvant (11) quen situa-
tion métastatique (10).
Il existe donc une trilogie dans le
cadre des cancers du sein: prise de
poids, sarcopénie, prise de graisse,
avec une prise de poids de 2 à 4 kg,
une perte de muscle d’1,3 kg, une
prise de graisse viscérale de 3 à
5kg, trilogie survenant en particu-
lier chez des femmes à poids nor-
mal lors du diagnostic de cancer
du sein (4).
CYTOKINES, LES CLÉS
DE CE COUPLE MUSCLE-
GRAISSE
Cette prise de graisse et cette
sarcopénie sont liées à des sécré-
tions de cytokines par plusieurs
sources : les cellules cancéreuses
et inflammatoires péritumorales,
d’une part, et d’autre part, les tis-
sus graisseux, en particulier la
graisse abdominale (12).
Les cytokines sécrétées par les
cellules tumorales et les cellules
inflammatoires sont multiples. Il
s’agit principalement de l’interleu-
kine 1, l’interleukine 6 et le TNFα,
qui, par voie sanguine, diusent au
niveau du système nerveux cen-
tral, provoquant troubles du com-
portement, fatigue, troubles du
sommeil (13) mais aussi au niveau
musculaire, activant le système
NF-κB ce qui aboutit à une sarco-
pénie précoce par induction d’en-
zymes de dégradation des myofi-
brilles
(Fig. 1)
.
Cette sécrétion de cytokines d’ori-
gine tumorale et inflammatoire se
produit de façon précoce, expli-
quant donc la fatigue, les troubles
du comportement ainsi que la fai-
blesse musculaire dont l’existence
est rapportée par les patientes
avant le diagnostic de cancer (14).
D’autres cytokines sont issues des
tissus graisseux, il s’agit de la lep-
tine, dont le gène est situé sur le
chromosome 7, qui favorise la for-
mation de graisse, facilitant l’insu-
linorésistance et ayant un eet
anti-apoptotique sur les cellules
de cancer du sein (15).
Inversement, l’adiponectine,
dont le gène est située sur le chro-
mosome 3 et le taux sérique est
inversement proportionnel au
poids, favorise le captage du glu-
cose et l’oxydation des acides gras
par les muscles, a un eet anti-
inflammatoire, diminue le taux
d’œstrogènes sériques, réduit le
poids et a un eet pro-apopto-
tique sur les cellules des cancers
mammaires (16).
Tendon
Muscle
squelettique Nerfs et
vaisseaux
sanguins
Lyse
Lymphocyte B Ig
Cytokines
Interleukines
Cellules dendritiques
Macrophage
NK
T CD4
T CD28
Troubles du comportement
Fatigue
Anomalies musculaires
Anomalies hormonales
Cytokines
Troubles du
comportement
Fatigue
Cytokines
Sarcopénie/induction enzymes
Myocyte
Noyau
Tissu conjonctif
Tissu
conjonctif
Faisceau de
fibres musculaires
Désadaptation
Prise de graisse
par :
- Baisse AP
- Cortisol
- TNFα
- Troubles
alimentaires
Le muscle squelettique
Figure 1 – Trilogie tumeur-muscles-graisses et cytokines�
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