« La Sagesse fait son propre éloge [...] Tout cela n'est autre que le livre de l'alliance du Dieu Très-Haut, la
Loi promulguée par Moïse, laissée en héritage aux assemblées de Jacob. » (Siracide 24,1.23)
Le judaïsme identifie la Sagesse grecque à la Loi. « Vivre en accord avec la Loi, c'est donc réaliser, mais en
court-circuitant la nature, l'idéal de la vie ordonnée »[7].
Le judaïsme se représente la création comme ayant elle-même pour modèle une Sagesse identifiée à la Loi.
La Sagesse grecque se veut intemporelle. Mais la prophétie biblique s'inscrit dans l'histoire.
Les sages juifs pourront annoncer la fin du Cosmos (courants apocalyptique, livre de Daniel...) : c'est la
Torah qui est éternelle, mais la figure de ce monde passera. La sagesse verse dans l'apocalyptique[8].
Le judaïsme intègre la recherche de l'harmonie cosmique :
Au contact des Grecs, les Juifs font la synthèse entre la Création et l'Histoire, entre la recherche du bonheur
présent et l'écoute du projet d'avenir de Dieu. La Torah est la Sagesse présente auprès de Dieu lors de la
création, prenant ses délices parmi les hommes, et les invitant à l'écouter :
« J'étais à ses côtés comme le maître d'œuvre, je faisais ses délices, jour après jour, m'ébattant tout le temps
en sa présence, m'ébattant sur la surface de sa terre et trouvant mes délices parmi les enfants des hommes. Et
maintenant, mes fils, écoutez-moi: heureux ceux qui gardent mes voies ! » (Proverbes 8, 30-32)
Le judaïsme oppose la sagesse du monde impie et celle des croyants :
« Car ils disent entre eux, dans leur faux calculs : [...] courte et triste et notre vie, usons des créatures avec
l'ardeur de la jeunesse... opprimons le juste qui est pauvre... car ce qui est faible s'avère inutile. [...] Tendons
des pièges au juste... car son genre de vie ne ressemble pas aux nôtres et ses sentiers sont tout différents et ...
il se vante d'avoir Dieu pour Père...» (Sagesse 2,1 -20)
La Sagesse impie a peur de la faiblesse tandis que la Bible sait que Dieu regarde le pauvre.
Les philosophies grecques, au contact des Juifs, trouvent une ouverture moins abstraite :
Le philosophe grec Parménide accéda à l'intuition de l'être et fut ébloui par cette perception globale et
spirituelle. Mais la perception de l'Etre éclipsait pour lui le monde ambiant.
Platon concevait un monde des Idées, prototype et modèle immobile des réalités sensibles de notre monde
multiple et changeant.
Aristote médita sur l'Etre suprême, son unité source du multiple et du mouvement. Mais cet Etre serait-il
solitaire et égoïste ? Sans doute l'une des raisons qui empêchèrent Aristote de définir Dieu comme une
personne est ce narcissisme de l'Un.
Nous le voyons, toutes ces idées grecques sur Dieu restaient abstraites.
Les Juifs au contraire avaient adopté le mot Élohim pour désigner Dieu, c'est un pluriel qu'une logique
abstraite aurait dû récuser. Et pour les Juifs, « [La Sagesse] est un miroir sans tache de l'activité de Dieu,
l'image de sa bonté » (Sg 7,26).