C’est Jésus qui nous fait franchir la quatrième étape de notre itinéraire. Les
disciples manifestent bien par leur discussion « Qui est le plus grand ? »
combien leur cœur est malade et compliqué, ou pour le dire plus simplement :
tordu. La question en elle-même n’est guère évangélique, « Qui d’entre nous
est le plus grand ? » mais, de plus, prononcée dans le contexte précis où Jésus
leur annonce la Passion, elle est de plus indécente, et cette indécence,
probablement peu ou pas consciente pour les disciples, désigne la profondeur
et la nature du mal. L’orgueil, le vieil orgueil, le péché des origines « Vous serez
comme des dieux » Gn 3, 5. Alors, aujourd’hui, Jésus, dans la grande tradition
des prophètes d’Israël pose un geste prophétique, un geste qui renforce la
puissance de la parole qui l’accompagne : « Prenant alors un enfant, nous dit
l’Evangile, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque
accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et
celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a
envoyé. » La parole de Jésus n’aurait probablement pas eu le même impact
sans ce geste, qui n’est pas un geste de tendresse comme on en pose tant à
l’époque de l’enfant roi, mais qui doit être compris dans le contexte d’une
époque où, avant sa bar-mitsva, un enfant n’était presque rien, un être sans
personnalité juridique. La voie proposée par Jésus se révèle être la voie de
l’humilité. La question est moins celle ici d’une éventuelle valorisation de
l’enfance, que de la conversion en profondeur du cœur, l’humilité comme
condition de l’accueil de Jésus, et en lui de l’accueil de Dieu. Saint Benoit a
probablement été un de ceux qui a le mieux retenu la leçon de Jésus dans cet
Evangile. La Règle de saint Benoit peut-être considérée comme une lecture de
l’Evangile avec les « lunettes » de l’humilité, comme François l’avait lu avec
celles de la pauvreté ou encore Dominique celle de la vérité. Nous voilà au
quatrième temps de notre itinéraire....le plus haut, et en même temps le plus
humble.
Face à la détresse, face à la dérision, face à l’incompréhension, -l’expérience
douloureuse des sages d’Israël dans la première lecture-, l’Ecriture nous
propose un chemin, très humain et en même temps profondément spirituel,
c’est le chemin que Jésus lui-même a emprunté, alors même qu’il était le seul à
ne pas avoir à l’emprunter, du moins pour sa propre guérison. Crier vers Dieu,
Ouvrir son cœur à la puissance de Dieu car le cœur est le lieu du combat
véritable, le lieu que tous nous devons laisser guérir et demander la grâce de
l’humilité. Chemin paradoxal, un chemin que Paul qualifiera de scandale pour
les juifs et de folie pour les païens, 2 Co I 23, mais un chemin où se révèle le
paradoxe éblouissant de la Sagesse de Dieu : « Quand je suis faible, c’est alors
que je suis fort. » 2 Co XII, 10 Amen !