A Tlemcen-Zenata avec le PMAH de la 12e DI SOUVENIRS D'EMILE REICH 1- Frontière marocaine, un groupe de rebelles est localisé En octobre 1961, lors d’un vol en Nord 3400, en mission de surveillance de la frontière marocaine, un groupe de sept rebelles est repéré. Premier passage à basse altitude dans un sens pour vérification, les rebelles en profitent pour ouvrir le feu sur l'avion, puis 180° afin d'affiner le repérage. Après une prise d'altitude à environ 500 pieds, le pilote décrit des boucles autour du groupe, l’observateur en profite alors pour envoyer les coordonnées au poste de surveillance le plus proche situé sur le piton El Fillaoussene à 1140 mètres d'altitude, afin de déclencher la riposte. Moins de 5 secondes plus tard, le premier obus de 155 est envoyé sur la position signalée, alors que l’avion n’a pas été prévenu du déclenchement du tir et tournoie toujours au dessus du groupe. L’explosion est entendue clairement dans le poste de pilotage, malgré le bruit du moteur et les casques sur les oreilles ! Le pilote (soutenu moralement par l’observateur) prends la décision de plonger vers le sol pour gagner de la vitesse pour s’éloigner de la cible et continuer sa mission à l’abri des tirs amis ! Le poste de surveillance était tenu par la marine, et leurs canonniers bien entraînés … 2- Zenâta, looping avec un Djinn, puis avec un Nord 3400 Que faire au retour de mission ou pendant un vol d’essais ? La tentation est forte d’essayer des évolutions sortant un peu de l’ordinaire (quoique l’ordinaire des missions ait été souvent plus éprouvant pour les machines et pour l’équipage que ce qui va suivre !). En effet, en tant que "sac de sable", le pilote d'un Djinn m'a un jour invité à bien vérifier l'attache de ma ceinture avant de mettre son appareil en piqué et de gagner un peu de badin. Puis il a tiré délicatement sur le manche en augmentant les gaz, tandis que l'appareil commençait une ascension à la verticale, puis passait doucement sur le dos avant de se retrouver en piqué, vitesse et angles soigneusement contrôlés, jusqu'au moment où nous nous sommes retrouvés en palier. La boucle était bouclée ! Il ne restait plus qu'à essayer la même chose avec le N3400, ce que cet appareil a réalisé parfaitement à de nombreuses reprises, y compris "officiellement" sur la base avant la remise des appareils démobilisés après le cessez-le-feu. Habitué à la puissance (ou au manque de…) du N3400, j'ai essayé ensuite en place co-pilote sur T-6 et sur T-28 de nos amis de l'armée de l'air, et le pilote ainsi que les observateurs au sol ont décrit mes boucles comme des olives : vertes ou noires ?… 3- El Aricha, un Piper L-18C atterrit sur le terrain de foot Une mission de transport de courrier depuis Zenâta jusqu’à El Aricha est confiée à une jeune pilote frais émoulu de l’ES.ALAT de Dax. Environ une heure plus tard, un message radio est reçu par le commandement du PMAH annonçant que l’avion s’est posé un peu brutalement et que la roulette de queue est cassée. Je suis aussitôt dépêché sur place avec un mécanicien et le matériel nécessaire pour procéder aux réparations : peu de dégâts, mais à l’arrivée, tout le monde constate que le pilote s’est posé sur le terrain de foot qu’il a confondu avec la piste (pourtant en plaques PSP !). 4- Marnia, départ en mission sous plafond MTO limite Une mission m'est, entre autres, restée en mémoire : celle d'un départ à l'aube sous conditions MTO très difficiles. Nous étions en hiver avec un brouillard dense proche du sol. Cette mission consistait à aller de Zenâta à Marnia (soit environ une quinzaine de minutes de vol) sous un ciel décrit, par le personnel du terrain d'arrivée, comme limpide. Heureusement, la route m'était parfaitement connue. Peu après le départ, la couche est descendue à moins de 20 mètres du sol. Sur le point de rebrousser chemin, j'ai contacté par radio le terrain à l'arrivée qui m'a confirmé que celui-ci était parfaitement dégagé. Il a donc fallu sortir les volets pour réduire la vitesse au minimum au ras de la route, au cap et en surveillant les poteaux télégraphiques. Effectivement, après environ dix minutes dans ces conditions délicates, le soleil m'est enfin apparu dans un ciel parfaitement dégagé ! 5- Sidi Bel Abbes, décollage par fort vent Une impression très grisante : un décollage de Sidi Bel Abbes avec un vent d'ouest local de près de 80 km/h, "plein dans le nez" pour revenir à Zenâta. La mission étant importante, l'autorisation de départ m'est accordée. Roulage au sol délicat, le manche, le palonnier et même les freins sont très sollicités, y compris la manette de gaz pour augmenter l'efficacité des gouvernes. Alignement dans l'axe, puis décollage aux freins : la couche limite étant réduite au minimum, le roulage est très court et la montée très rapide. Heureusement, après une dizaine de minutes, le vent réduit et le vol redevient plus classique ! Arrivée normale à destination. Ce décollage m'a rappelé mon premier lâcher civil à Nancy. Pour planter le décor : Jodel 90 et moniteur de près de 100 kg. (les "pionniers" comprendront !), qui descend de l'avion en bord de piste sans m'avoir prévenu à l'avance de ce qui m'attendait. Celui-ci me conseille de donner trois tours de compensateur, je donne donc trois tours de compensateur, je mets les gaz et brutalement j'ai l'impression de prendre un énorme coup de pied au derrière : le temps d'augmenter le réglage du compensateur, je suis à trois cents pieds et mon cœur doit tourner aussi vite que celui de MON avion ! Le tableau des missions à Zenata avec, sur le mur, les portraits des pilotes et observateurs disparus.