Les troubles mentaux en milieu de travail et dans les médias de

publicité
Henri Dorvil
Laurie Kirouac
Gilles Dupuis
s t i g m a t i s a t i o n
LES TROUBLES MENTAUX
EN MILIEU DE TRAVAIL ET DANS
LES MÉDIAS DE MASSE
LES TROUBLES MENTAUX
EN MILIEU DE TRAVAIL ET DANS
LES MÉDIAS DE MASSE
Membre de
Presses de l’Université du Québec
Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2
Téléphone : 418 657-4399
Télécopieur : 418 657-2096
Courriel : [email protected]
Internet : www.puq.ca
Diffusion / Distribution :
Canada
Prologue inc., 1650, boulevard Lionel-Bertrand, Boisbriand (Québec) J7H 1N7
Tél. : 450 434-0306 / 1 800 363-2864
France
AFPU-D – Association française des Presses d’université
Sodis, 128, avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 77 403 Lagny, France – Tél. : 01 60 07 82 99
Belgique Patrimoine SPRL, avenue Milcamps 119, 1030 Bruxelles, Belgique – Tél. : 02 7366847
SuisseServidis SA, Chemin des Chalets 7, 1279 Chavannes-de-Bogis, Suisse – Tél. : 022 960.95.32
La Loi sur le droit d’auteur interdit la reproduction des œuvres sans autorisation des titulaires de droits.
Or, la photocopie non autorisée – le « photocopillage » – s’est généralisée, provoquant une baisse des
ventes de livres et compromettant la rédaction et la production de nouveaux ouvrages par des professionnels. L’objet du logo apparaissant ci-contre est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour
l’avenir de l’écrit le développement massif du « photocopillage ».
Henri Dorvil
Laurie Kirouac
Gilles Dupuis
s t i g m a t i s a t i o n
LES TROUBLES MENTAUX
EN MILIEU DE TRAVAIL ET DANS
LES MÉDIAS DE MASSE
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales
du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Dorvil, Henri, 1941Stigmatisation : les troubles mentaux en milieu de travail
et dans les médias de masse
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-7605-4365-2
1. Psychiatrie du travail. 2. Travailleurs – Santé mentale. 3. Stigmatisation
(Psychologie sociale). I. Kirouac, Laurie. II. Dupuis, Gilles, 1951- . III. Titre.
IV. Collection : Collection Problèmes sociaux & interventions sociales ; 77.
RC967.5.D67 2015 158.7 C2015-941255-2
Conception graphique
Michèle Blondeau
Images de couverture
iStock
Mise en pages
Interscript
Dépôt légal : 4e trimestre 2015
›› Bibliothèque et Archives nationales du Québec
›› Bibliothèque et Archives Canada
© 2015 ­– Presses de l’Université du Québec
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Imprimé au Canada
The thing that moves us to pride or shame
is not the mere mechanical reflection of ourselves,
but an imputed sentiment, the imagined effect
of this reflection upon another’s mind.
— Charles Horton Cooley, 1997 [1994], p. 303.
REMERCIEMENTS
Henri Dorvil
La production d’un livre constitue une œuvre collective où plusieurs acteurs
s’épaulent en vue de sa réalisation finale. C’est maintenant le temps de la
reconnaissance. Les premières salves de remerciements vont, comme il se
doit, au Conseil de recherches en sciences humaines du canada (CRSH),
l’organisme qui a subventionné ce projet de quatre ans que nous conver­
tissons aujourd’hui en livre. Nous sommes aussi redevables au Réseau de
recherche en santé des populations du Québec (RRSPQ), à la Faculté des
sciences humaines, à l’École de travail social (Marc Bigras, Ph. D., adminis­
trateur délégué) ainsi qu’au Département de psychologie (Marc-Simon Drouin,
Ph. D., directeur) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) pour leur
appui financier ou moral. Ensuite, un merci tout spécial à Paul Morin, Ph. D.,
professeur titulaire et directeur de l’École de travail social de l’Université
de Sherbrooke, dont la qualité du CV a grandement contribué à l’obtention
de la première place (sur 139) pour notre projet dans le concours pour la
subvention du CRSH (410-2009-1712). C’est lui qui a organisé le terrain de
recherche à Sherbrooke mais qui, à cause de nouvelles res­ponsabilités non
prévues, n’a pu continuer à piloter le volet « estrien » du projet. Dans la
foulée, nous adressons aussi de ­sincères remerciements à Suzanne Mongeau,
Ph. D., et à Maria Nengeh Mensah, Ph. D., toutes deux professeures titu­
laires à l’École de travail social de l’UQAM, pour leurs généreux conseils,
respectivement sur la spécificité du vécu du stress chez les résidents en
médecine et sur les paramètres de ­l’analyse médiatique.
D’emblée, l’actualisation de ce projet de recherche aurait été impos­
sible, n’eut été de la collaboration enthousiaste des acteurs de terrain qui,
dès le départ, ont cru à sa pertinence sociale et l’ont grandement appuyé
en informant leur personnel : le réseau des entreprises en santé (GP2S),
secteur entreprise privée et secteur public ; Claude Charbonneau, directeur,
Marie-Ève Carle, Ph. D., travailleuse sociale à l’organisme communautaire
X
Les troubles mentaux en milieu de travail et dans les médias de masse
Accès-Cible santé mentale travail ; la direction des ressources humaines/santé
et sécurité au travail du Centre hospitalier universitaire de Montréal (par
l’entremise de Claude Lapointe) ; la gestion du personnel et de la santé des
personnes et des groupes du Centre hospitalier universitaires de Sherbrooke
grâce à France Frégeau ; la docteure Sonia Lupien, Ph. D., spécialiste du stress
au travail et directrice du Centre de recherche de l’Institut universitaire en
santé mentale de Montréal/Centre intégré universitaire de santé et de ser­
vices sociaux de l’Est-de-l’île-de-Montréal, qui nous a ouvert les portes du
service de la santé et de la sécurité au travail de cette institution. N’oublions
pas l’aide inestimable de plusieurs employés de soutien de l’Université du
Québec à Montréal. Un grand merci est réservé à Nathalie Aubry, assistante
administrative à l’École de travail social de l’UQAM, pour son soutien tech­
nique dans les derniers moments de l’ouvrage. Si nous avons réuni autant
de personnes autour de ce projet de recherche, c’est à cause de l’importance
centrale de l’emploi dans nos vies et de la fréquence des interruptions pour
cause de troubles mentaux. C’est dans l’univers quotidien du travail où
l’individu est testé en permanence que se trouveraient les racines sociales
de la dépression, selon Marcelo Otero, Ph. D., du Département de sociologie
de l’UQAM (site Web de l’ACFAS, consulté le 25 juin 2014).
En dernier lieu, toute une gerbe de remerciements chaleureux est
réservée aux professionnelles de recherche, qui ont fourni le maximum de
leur science et de leur expérience aux divers stades du projet de recherche :
test et validation de la grille d’entrevue ; formation pour passer les échelles
(détresse psychologique de Santé Québec, qualité de vie) ; participation aux
entrevues à Montréal et à Sherbrooke, au dépouillement et à l’analyse des
médias, aux analyses des entrevues, à la revue de littérature scientifique, à
la rédaction du rapport, etc. Les voici, par ordre croissant de participation
et de responsabilité : Micheline Bouchard, M.A. en gérontologie sociale de
l’Université de Sherbrooke ; Sarah Boucher Guèvremont, M.A. en anthro­
pologie de l’Université de Montréal, M.A. en travail social de l’Université
du Québec à Montréal, rédactrice en chef de Intervention, la revue profes­
sionnelle et scientifique de l’Ordre des travailleurs sociaux et des théra­
peutes conjugaux et familiaux du Québec ; Laurie Kirouac, Ph. D. conjoint
en sociologie à l’UQAM et à l’Université Charles de Gaulle – Lille 3.
Un grand merci truffé de reconnaissance aux Presses de l’Université
du Québec, ce grand diffuseur du savoir, de publier ce nouvel ouvrage.
AVANT-PROPOS
[Pendant qu’on célébrait l’héroïsme des poilus], […] ces psychonévrosés, avec leurs yeux
hallucinés, leurs délires, leurs cauchemars et leurs cris terrifiants, ces blessés sans
blessures, personne ne voulait les voir. De ces héros-là, on en avait honte. S’il était difficile
de soutenir le regard des « gueules cassées », au moins le pays s’inclinait devant eux, mais
les fous, les hystériques, les déments, il fallait les cacher, les dissimuler parce qu’ils
renvoyaient une image terrible de la guerre en complète contradiction avec les lauriers de
l’héroïsme dont la société d’après-guerre couvrait les poilus et les anciens combattants.
— Le Naour, 2011, p. 10.
Durant la Grande Guerre, les soldats qui revenaient du front, ébranlés par
l’horreur de ce qu’ils avaient vu, ont été nombreux à payer très cher les
représentations lourdement négatives qu’inspirait alors la maladie men­
tale. Plusieurs parmi eux sont morts dans l’oubli, enterrés dans les cime­
tières voisins des hôpitaux psychiatriques où ils avaient fini leurs jours,
et ce, sans aucune des décorations qui servaient habituellement à récom­
penser la b
­ ravoure des combattants et des vétérans. Cela, parce que les
« fous », les « hystériques » et autres « blessés psychiques » qu’avait produits
la guerre, la société avait beaucoup plus de mal à les voir pour ce qu’ils
étaient que les démembrés ou les défigurés, c’est-à-dire de véritables
­blessés de guerre.
Les soldats étaient pourtant nombreux à cette époque à souffrir de
troubles mentaux et à devoir quitter le champ de bataille à la suite de bles­
sures psychologiques1. Les médecins au front se faisaient fréquemment
les témoins de leur détresse psychologique. Le soir des batailles, écrit le
Dr Paul Voivenel, attaché à la 67e division de réserve, « nombre de soldats
sont désorientés, apathiques, marchent devant eux comme des automates
et se couchent n’importe où. Ils font l’effet de somnambules » (cité dans
  1.
On estime qu’environ 10 % du total des blessés de guerre français et canadiens souffraient de
troubles mentaux (Roudebush, 2001 ; Delaporte, 1999).
XII
Les troubles mentaux en milieu de travail et dans les médias de masse
Charron, 1915, repris dans Le Naour, 2011, p. 425). Les symptômes des
­soldats étaient pluriels : surdité, mutisme, cécité, paralysie de la main, du
bras ou des jambes, apathie, asthénie, amnésie, délires, tremblements, tics,
corps courbé et incapable de se redresser, hallucinations, etc. Les soldats
avaient beau être nombreux à partager les mêmes symptômes, les médecins
peinaient néanmoins à s’entendre sur la manière de qualifier « le mal » qui
les affligeait. Pendant que les Anglais préféraient parler de shell-shock, les
Français, eux, multiplièrent les catégories nosologiques pour qualifier ce
nouveau « mal » : commotion cérébrale, congestion médullaire, obusité ou
choc commotionnel, confusion mentale, psychoses hystériques, névrotiques
ou psychonévroses2 (Le Naour, 2011, p. 160).
Contrairement à la multiplicité des appellations cliniques qui ser­
vaient à qualifier les maux psychiques des soldats de la Grande Guerre, les
explications savantes qui en retraçaient l’origine étaient, elles, passable­
ment moins riches. Dans l’ensemble, on expliquait l’apparition de ces maux
de deux manières : on croyait avoir affaire soit à des hommes simulateurs
cherchant un moyen de fuir le champ de bataille, soit à des hommes psychi­
quement fragiles ou prédisposés aux troubles mentaux, et donc pour qui la
guerre n’avait été qu’un « déclencheur ». C’est qu’à cette époque, la possibi­
lité d’une interaction directe et néfaste, voire pathologique entre certains
facteurs environnementaux et troubles mentaux n’était pas encore admise :
la guerre n’était pas vue comme pouvant à elle seule causer des troubles
psychiques. En effet, au vu des savoirs et mentalités de l’époque, la psy­
chose de guerre n’existait pas, et c’est pourquoi les spécialistes étaient
­passablement réticents à reconnaître un lien entre le théâtre violent de la
guerre et la forte prévalence de troubles mentaux chez les soldats. Parmi
les médecins français, on convenait bien davantage que ces troubles étaient
l’expression d’une psychose latente. Les soldats souffrant d’une blessure
psychique étaient vus comme prédisposés ou de « constitution fragile »
(Le Naour, 2011). Et, donc, la guerre n’avait été pour eux que le « déclen­
cheur » de troubles mentaux déjà en germe3. Par exemple, F. Boucherot,
dans sa thèse de médecine, s’interroge :
La guerre détermine-t-elle des troubles spéciaux, une ou des psychoses caractéristiques ? Nous ne le pensons pas […] Nous ne sommes pas autorisés à parler
de « psychoses de guerre », d’affection propre seulement au soldat et à l’événement, constituant une unité nosologique. Ce que la guerre a pu faire, c’est
d’extérioriser certaines affections (1915, p. 61-62).
  2.
  3.
Même si plusieurs des symptômes des soldats rappelaient le tableau clinique de l’« hystérie », une
bonne part des médecins évitaient de recourir à ce diagnostic, car ils se refusaient à croire que de
valeureux soldats puissent souffrir d’un trouble comme l’hystérie qui mettait en cause les femmes
et leur soi-disant nature efféminée (Le Naour, 2011).
« Influence de la guerre actuelle sur le mouvement de la population de l’asile de Limoux », Annales
médico-psychologiques, octobre-décembre 1916, p. 441, cité dans Le Naour, 2011, p. 44.
Avant-propos
Ou, encore, le Dr Dupouy note : « La majorité de nos malades sont des
héréditaires ou des malades déjà traités pour leur affection nerveuse ou
mentale […] Ce sont des sujets dont le système nerveux est particuliè­
rement fragile, qui ne résistent pas aux fatigues de toutes sortes imposées
par la guerre » (1915, p. 444).
Les spécialistes de l’époque reportaient ainsi l’essentiel du « blâme »
ou de la responsabilité du trouble mental sur les piètres prédispositions
héréditaires du soldat4. Ce n’est que quelques années plus tard que, pro­
gressivement, les médecins reconnaîtront que la guerre pouvait « colorier »
certaines « psychoses latentes », avant de finir par admettre, devant la
­multiplication des cas de troubles mentaux chez les soldats, « que la guerre
est bien à l’origine de [cette] épidémie » (Le Naour, 2011, p. 30)5. En 1917, à
titre d’exemple, R. Mallet (1917) reconnaît que les états anxieux peuvent
apparaître sans aucun antécédent, sans prédisposition aucune, et qu’ils
peuvent résulter dans ces cas d’une fatigue extrême.
Même si l’on peut dire que vers la fin de la Grande Guerre, ce change­
ment de perception concerne une large part des spécialistes, quelques-uns
parmi eux continuent néanmoins de défendre des positions radicales,
allant même jusqu’à contester l’existence de véritables troubles mentaux
chez les soldats. Le médecin aide-major A. Gilles (1916) est de ceux-là.
Ce dernier établissait un lien direct entre la maladie de certains soldats et
leur caractère désobéissant. D’après le médecin aide-major A. Gilles, le
« bon » soldat obéissant n’était jamais atteint de troubles mentaux, tandis
que le soldat malade psychiquement ne pouvait être qu’un « mauvais »
­soldat désobéissant, potentiellement lâche, voire un simulateur. Ce soup­
çon de simulation était d’ailleurs passablement répandu à cette époque,
notamment parce qu’il avait l’avantage d’offrir une explication à la préva­
lence retentissante des troubles mentaux parmi les soldats : plusieurs en
« souffraient », car nombreux « simulaient », pensait-on. Et, une fois de plus,
cette explication des maux psychiques des soldats par la « simulation »
reportait sur le soldat le « blâme » de sa condition diminuée.
D’après Le Naour, les travaux de J. Babinski sur l’hystérie ne seraient
pas sans rapport avec la réception favorable que connut l’explication basée
sur la simulation à cette époque. C’est que pour Babinski, le trouble hysté­
rique est une affaire d’autosuggestion, tandis que sa guérison est une affaire
de persuasion : « L’hystérie est un état psychique rendant le sujet qui s’y
  4.
  5.
Le Dr Milian (1915) sera parmi les premiers à défendre la thèse inverse, et donc à imputer aux atro­
cités de la guerre les maux dont souffre un si important contingent de soldats. Son article, intitulé
« L’hypnose des batailles », sera condamné par une bonne part des neurologues et psychiatres de
l’époque, et dans le meilleur des cas, il sera ignoré par les spécialistes.
Dans leur ouvrage, G. Roussy et J. Lhermitte confirmeront le caractère acceptable de l’explication
de ces troubles par l’imputabilité de la guerre en affirmant que « la guerre actuelle a fait éclore une
série de manifestations psychonévrotiques, avec lesquelles les médecins étaient peu familiarisés »
(1917, p. 1).
XIII
XIV
Les troubles mentaux en milieu de travail et dans les médias de masse
trouve capable de s’autosuggestionner » (1901, p. 1045). Babinski emploiera
­d’ailleurs le vocable pithiatisme (du grec « persuader » et « guérir ») pour
désigner cette catégorie de troubles. En complète rupture avec les ensei­
gnements reçus de son maître, J.-M. Charcot (1825-1893), Babinski sou­
tiendra même que « les malades sont responsables de ce qui leur arrive, se
montent à la tête et entretiennent leur affection, consciemment ou incons­
ciemment, parce qu’ils y ont intérêt » (1901, p. 56-57). Cette explication de
l’hystérie par la prétendue simulation dont feraient preuve ceux qui, par
intérêt, « choisiraient » plus ou moins consciemment d’en souffrir aurait
ainsi probablement influencé les conceptions des médecins qui traitaient
les soldats de la Grande Guerre. D’ailleurs, vis-à-vis des soldats dont on
soupçonnait qu’ils simulaient un trouble mental, le traitement par choc
électrique s’est assez rapidement imposé comme une thérapeutique de
choix, notamment parce que, comme le résume Le Naour, en « faisant mal
au patient, [le médecin] l’amène à quitter son état hystérique, sorte de nid
douillet où le soldat s’est réfugié pour quitter la réalité trop déprimante
des tranchées » (2011, p. 17). D’autres encore, à l’image du professeur
­Cestan du Centre neurologique de Toulouse, se refusaient tout simple­
ment à soigner ces soldats qu’ils percevaient comme autant d’individus
dont « l’aliénation mentale consiste à vouloir fuir le front, et secondai­
rement à toucher une pension » (Le Naour, 2011, p. 59). Autre manière de
dire que ces soldats étaient non seulement des simulateurs, mais des
­simulateurs « intéressés ».
Si, à l’époque, la thèse de la simulation convainc une part importante
des médecins et que les soldats « simulateurs » sont soupçonnés d’être nom­
breux, l’histoire montrera finalement que les cas avérés de simulation ne
concernaient qu’une infime minorité d’entre eux. À titre d’exemple, sur les
4679 malades entrés au centre de psychiatrie de la xviiie région (Bordeaux)
entre 1914 et 1918, seulement 7 cas de simulateurs ont été dépistés par les
médecins et condamnés en conseil de guerre (Levrault, 1921). Une propor­
tion dérisoire, donc, qui n’a cependant pas empêché une majorité de soldats
d’être soupçonnés de simulation et taxés de lâcheté. Au lieu de les voir
comme des « malades », les spécialistes et la société en général avaient ainsi
tendance à les considérer comme des « sursimulateurs », « ­métasimulateurs »,
« simulateurs inconscients », « simulateurs de fixation », « exagérateurs » ou
encore des « persévérateurs » (Le Naour, 2011, p. 63).
Mais en 1916, au terme de deux années de guerre impitoyable, le
nombre croissant de soldats à atterrir dans les asiles et centres neurolo­
giques finit par durement mettre à mal les conceptions de Babinski et de ses
héritiers. Peu à peu, leurs détracteurs reviennent à l’avant-scène et par­
viennent à faire admettre à une majorité de spécialistes que les maux psy­
chiques des soldats sont indépendants de leur volonté, et donc qu’ils ne
sont le fruit ni d’une exagération ni d’une simulation (Lépine, 1917, p. 135).
En effet, à partir de 1917, le milieu médical approfondit sa compréhension
Avant-propos
des souffrances et malaises psychologiques des soldats, et « considère
de moins en moins la fragilité d’un instant comme l’expression de l’héré­
dité, d’une constitution débile ou encore d’un esprit pervers cherchant à
s’embus­quer loin du danger » (Le Naour, 2011, p. 74). En bref, la « folie » n’est
plus vue comme réservée aux hommes fragiles à l’hérédité morbide et aux
coquins simulateurs. Désormais, on reconnaît que la guerre, à elle seule,
peut rendre fou.
Ce détour par l’histoire, essentiellement inspiré de l’ouvrage Les
s­ oldats de la honte de Jean-Yves Le Naour6, a le grand mérite de porter un
éclairage sur des événements et des individus d’autrefois largement tombés
depuis dans l’oubli. Mais ce détour par l’histoire est également l’occasion
de réaliser à quel point le traitement social qui était réservé aux soldats de
la Grande Guerre appartient moins au passé qu’on ne pourrait le croire. Le
redoutable mépris et le discrédit dont ces soldats étaient l’objet rappellent
en effet sous maints aspects la réalité des travailleurs auprès de qui nous
avons enquêté et qui, en raison de troubles de santé mentale7, ont dû se
retirer temporairement de leur milieu de travail le temps de se rétablir,
avant d’ensuite y retourner. Les entretiens que nous avons réalisés portent
à croire que, comme les soldats d’hier, les travailleurs d’aujourd’hui aux
prises avec des difficultés de santé psychologique sont souvent soupçonnés
de ne pas souffrir d’une « vraie » maladie, de « jouer » les malades par intérêt
(pour s’offrir un congé payé), ou encore d’être de constitution « fragile ou
défaillante » et donc de ne pas détenir « ce qu’il faut » pour répondre aux
exigences du travail8 . Comme si, en somme, en dépit du siècle qui les
sépare, quelque chose unissait toujours les représentations des « blessés
nerveux » de la Grande Guerre et celles des « invalides psychologiques tem­
poraires » du travail contemporain, pendant que le traitement que la société
leur réserve avait, lui, passablement peu changé. Ce qu’ils ont en commun :
le même phénomène de stigmatisation.
  6.
  7.
  8.
Le livre de Stéphane Tison et Hervé Guillemain (2013) couvre cette même problématique.
Tels que le burn-out (ou trouble d’adaptation), la dépression, l’anxio-dépression ou le trouble
anxieux.
Comme ce fut le cas des soldats, cela revient donc à faire reposer l’essentiel de la responsabilité
du problème de santé mentale sur le travailleur lui-même, dont la morale, le caractère ou encore
l’hérédité se révélerait « problématique » ou, à tout le moins, « pas à la hauteur ». Plus encore, cela
revient à insinuer, à l’image de ce que l’on pensait de la guerre autrefois, que le travail ne peut pas
à lui seul nuire et compromettre la santé mentale d’un individu.
XV
TABLE DES MATIÈRES
RemerciementsIX
Henri Dorvil
Avant-proposXI
Introduction1
Première partie : les troubles mentaux courants
en milieu de travail4
Deuxième partie : les représentations sociales
des troubles mentaux dans les médias de masse5
CHAPITRE 1
Les troubles mentaux en milieu de travail7
1.1. Une problématique en plein essor7
1.2. Les « causes » : entre le personnel et l’organisationnel9
1.3. Les réponses sociales : entre responsabilité individuelle
et organisationnelle11
1.4. La réussite du retour au travail : une responsabilité
aussi organisationnelle13
1.4.1.Le retour progressif et le réaménagement
de l’environnement de travail14
1.4.2.Le soutien des collègues et du supérieur immédiat17
1.4.3.La couverture salariale et la cohésion
des procédures administratives19
XVIII Les troubles mentaux en milieu de travail et dans les médias de masse
CHAPITRE 2
La stigmatisation et les troubles mentaux en milieu de travail21
2.1. Les troubles mentaux : un stigmate qui date21
2.2. La stigmatisation en milieu de travail24
2.2.1.Les travailleurs avec un trouble mental grave24
2.2.2.Les travailleurs avec un trouble mental courant27
2.2.3.La centralité du regard d’autrui29
2.3. Le regard des autres sur les travailleurs avec un trouble
mental courant : comment l’étudier ?31
2.3.1.Le concept de carrière morale31
2.3.2.La carrière morale des travailleurs
avec un trouble mental courant36
PARTIE 1
LES TROUBLES MENTAUX COURANTS
EN MILIEU DE TRAVAIL
CHAPITRE 3
Entre les signes d’altération de soi et le diagnostic de trouble mental43
3.1. « Ça ne marchait plus », ou la prise de conscience
d’un soi altéré44
3.1.1.Par le regard de soi sur soi45
3.1.2.Par le regard d’autrui sur soi46
3.1.3.Quand les regards ne s’accordent pas48
3.2. L’étiquetage diagnostique du soi altéré52
3.2.1.La résistance à consulter un médecin,
la résistance aux normes médicales52
3.2.2.La tombée du diagnostic55
3.2.3.Le conflit d’étiquettes diagnostiques58
CHAPITRE 4
La prise en charge médicale et socioprofessionnelle :
sortir le malade du travail et la maladie du travailleur63
4.1. Le médecin64
4.1.1.La décision du retrait du milieu de travail64
4.1.2.La surveillance périodique et la décision
du retour au travail66
Table des matières
4.2. L’employeur et l’assureur70
4.2.1.Le soutien moral et financier70
4.2.2.Le manque de soutien moral et financier72
4.2.3.La préparation du retour : les accommodements81
4.3. Le psychologue88
4.3.1.Un appui thérapeutique central88
4.3.2.Un pouvoir discursif structurant91
CHAPITRE 5
Le retour au travail : renouer avec ses capacités et son image97
5.1. La stigmatisation : entre discrédit capacitaire
et disqualification professionnelle durable98
5.1.1. Le discrédit capacitaire : « nouvelle » vulnérabilité
psychologique et disqualification professionnelle98
5.1.2.La réhabilitation de son image et de sa qualification103
5.1.3.La disqualification professionnelle durable :
de psychologiquement vulnérable
à travailleur défaillant107
5.2. La prévention de la stigmatisation par le contrôle
de la visibilité du diagnostic110
5.2.1.Un travail de transparence, ou mettre cartes sur table111
5.2.2.Un travail de discrétion114
5.3. L’autostigmatisation ou retourner le discrédit capacitaire
contre soi : la honte vis-à-vis des collègues « mieux » que soi116
CHAPITRE 6
La stigmatisation, la qualité de vie et la santé psychologique
des travailleurs de retour au travail119
6.1. Méthodologie120
6.1.1.Participants120
6.1.2.Variables mesurées et instruments de mesure121
6.2.Résultats123
6.2.1.Stratégie d’analyse123
6.2.2.Échantillonnage et résultats124
6.3. Résumé des résultats et conclusion131
XIX
XX
Les troubles mentaux en milieu de travail et dans les médias de masse
PARTIE 2
LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DES TROUBLES
MENTAUX DANS LES MÉDIAS DE MASSE
CHAPITRE 7
Les représentations sociales comme déterminants
de la stigmatisation : traitement médiatique de la « folie »
au Québec de janvier 2009 à janvier 2015137
7.1. Les représentations sociales et la stigmatisation
de la « folie » : encore et toujours140
7.1.1. Les pourtours théoriques des représentations sociales140
7.1.2.La stigmatisation des problèmes de santé mentale :
entre préjudice et discrimination142
7.1.3.Les représentations sociales et la stigmatisation
de la « folie » : le rôle des médias144
7.2. Le trouble mental, la criminalité et la dangerosité : des sujets
qui font la une148
7.2.1.La criminalité et le trouble mental : une distanciation
sociale produite par les médias152
7.2.2.Les médias de masse, véhicules de représentations
sociales153
7.3. Les prémisses méthodologiques154
7.3.1.La sélection des cas pour l’étude de l’environnement
médiatique154
7.3.2.La méthode d’analyse155
7.4. La présentation des résultats156
7.4.1.La présentation des cas médiatiques156
7.4.2.La dangerosité, la déshumanisation
et le comportement irrationnel157
7.4.3.Le profilage journalistique de l’accusé :
déviance et anormalité161
7.5. L’accusé devant recevoir des soins en psychiatrie et en santé
mentale, mais criminellement responsable et imputable
au sens du droit pénal : le dilemme166
Conclusion172
Conclusion générale175
Table des matières
Postface181
Marc Loriol
L’ère des « troubles courants de santé mentale »182
Un monde du travail plus exigeant, moins tolérant ?184
Des problèmes perçus et construits comme problématiques :
les représentations négatives de la maladie mentale187
ANNEXE
Note méthodologique191
Bibliographie193
Notices biographiques215
XXI
INTRODUCTION
Cela fait maintenant plusieurs années que les spécialistes s’entendent pour
faire de la stigmatisation l’un des principaux obstacles auxquels se heurtent
les personnes aux prises avec un trouble mental grave1. Au Canada, à
­l’instar de ce qui a été constaté ailleurs (Bassett, Lloyd et Bassett, 2001 ;
Hill et al., 1998 ; Rutman, 1994), cette stigmatisation est entendue comme
intimement liée aux attitudes négatives, stéréotypes et préjugés à l’égard
de la maladie mentale. En réalité, la stigmatisation associée à la maladie
mentale est si présente et ses effets si dévastateurs, du point de vue des
personnes qui en font les frais, que plusieurs la décrivent comme plus
­difficile à vivre que les symptômes eux-mêmes de la maladie (Schulze et
Angermeyer, 2003).
Préoccupés par cette problématique, différents acteurs institutionnels ont fait de la lutte contre la stigmatisation l’une de leurs priorités au
cours des dernières années. En mai 2006, le Comité sénatorial permanent
des affaires sociales, des sciences et de la technologie présentait son rapport sur la santé mentale, intitulé De l’ombre à la lumière. Ce rapport recommandait, entre autres, la création de la Commission de la santé mentale du
Canada (CSMC), qui vit le jour l’année suivante, avec pour mandat principal
la sensibilisation des Canadiens et Canadiennes aux troubles de santé mentale. Prenant acte que la stigmatisation et la discrimination au travail, à
l’école et à la maison étaient perçues par une majorité de personnes comme
des difficultés plus nuisibles que la maladie mentale elle-même, la CSMC
entreprend dès l’année de sa création « le plus grand effort systématique
  1.
Les troubles mentaux graves sont associés à un niveau d’incapacité « qui interfère de façon
significative dans les relations interpersonnelles, les compétences sociales de base et la capacité
fonctionnelle dans la production d’un travail. Une incapacité (suivie, prolongée ou durable) dans
au moins l’un de ces trois domaines majeurs de la vie constitue un indice pour reconnaître [des]
troubles mentaux graves » (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2005, p. 40). Les
diagnostics y étant associés sont la schizophrénie et les autres troubles psychotiques (troubles
schizophréniformes, schizoaffectifs ou délirants), le trouble dépressif majeur avec éléments
psychotiques ainsi que le trouble bipolaire ou maniacodépressif. Au Québec, on estime qu’entre
2 à 3 % de la population recevra au cours de sa vie un diagnostic de trouble mental grave, ce qui
représente de 150 000 à 200 000 personnes environ (Institut de la statistique du Québec, 2008).
2
Les troubles mentaux en milieu de travail et dans les médias de masse
jamais fourni pour atténuer les effets de la stigmatisation sociale de la
maladie mentale2 ». Il s’agit d’un plan stratégique, intitulé Changer les
­mentalités (CSMC, 2013a), qui fait la promotion de différentes mesures
innovantes pour prévenir et contrer la stigmatisation des personnes aux
prises avec un trouble mental3. Les travaux menés par la CSMC ont débouché sur la proposition d’un plan stratégique global pour définir les orientations du Canada en matière de santé mentale, intitulé cette fois Changer
les orientations, changer des vies (CSMC, 2012). Sa priorité numéro un est
« d’accroître la sensibilisation quant aux moyens de promouvoir la santé
mentale, [de] prévenir le plus possible la maladie mentale et le suicide et de
lutter contre la stigmatisation » (CSMC, 2012, p. 18), et il se fixe différents
objectifs pour y arriver. Comme dans Changer les mentalités, la voie privilégiée pour combattre la stigmatisation passe par une « sensibilisation axée
sur le contact », c’est-à-dire qui prône la prise de parole des personnes aux
prises avec un trouble de santé mentale de manière à partager et à faire
connaître aux profanes leur expérience de la maladie et du rétablissement.
Le plan mentionne en outre que les milieux de travail doivent eux aussi se
mobiliser et soutenir les mesures promues, notamment en appuyant le
rétablissement des travailleurs aux prises avec des troubles mentaux ainsi
qu’en leur permettant de participer pleinement au monde du travail. De
même, le plan vise à ce que les mesures proposées en matière de lutte
contre la stigmatisation encouragent les travailleurs à parler ouvertement
de leur trouble mental dans leur milieu d’emploi, et les employeurs à
implanter des approches appropriées pour maintenir ces travailleurs en
emploi. Si ce plan d’orientation stratégique national réalisé par la CSMC est
sans contredit avant-­gardiste, son mandat ne comprend malheureusement
pas sa mise en œuvre4.
Toujours d’actualité, bref, la stigmatisation dont font l’objet les personnes avec un trouble de santé mentale indique qu’encore bien des représentations sociales négatives restent associées à l’univers de la maladie
mentale. Et cela serait probablement encore plus vrai dans les milieux du
travail et de l’emploi qu’ailleurs. En effet, certaines recherches montrent,
  2.
  3.
  4.
« Micheal Pietrus », CSMC, <http://www.mentalhealthcommission.ca/Francais/node/1643?
terminitial=20>, consulté le 29 mai 2015.
Ces mesures s’appuient sur des pratiques et des programmes sélectionnés parmi ceux qui se sont
avérés les plus efficaces au travers des années, et cela, dans différents pays.
À cela s’ajoute enfin une autre initiative de la CSMC dédiée à la lutte contre la stigmatisation : en
collaboration avec la World Psychiatric Association (Scientific Section on Stigma and Mental
Illness), la CSMC a organisé en 2012 un vaste colloque international qui a réuni près de
500 chercheurs, professionnels, politiques et utilisateurs de services sur les questions de la
stigmatisation et de la discrimination. La 5th International Stigma Conference, intitulée Together
against Stigma : Changing How We See Mental Illness, avait pour objectif de discuter et de pro­
mouvoir les interventions les plus efficaces en matière de réduction des situations de stigmatisation
et de discrimination. Est ensuite née de ce colloque une nouvelle organisation, Global Alliance to
Combat Stigma, qui rassemble plus de vingt organisations de différents pays, et qui a pour mission
de lutter contre la discrimination par le transfert de connaissances.
Introduction
par exemple, que persiste chez les employeurs la croyance selon laquelle les
travailleurs aux prises avec un diagnostic de trouble mental grave (schizophrénie, trouble bipolaire, etc.) auraient une aptitude limitée à effectuer un
travail qui nécessite des compétences cognitives et à résister au stress professionnel (Krupa et al., 2009). En revanche, peu d’études, notamment au
Québec, ont été réalisées sur la stigmatisation des personnes aux prises
avec un trouble mental courant (dépression, anxio-dépression, burn-out,
trouble anxieux, etc.) (Stuart, 2011). Les troubles mentaux courants sont
pourtant ceux qui connaissent la plus forte croissance au sein des milieux
de travail ces dernières années (Sanderson et Andrews, 2006). En outre,
ces troubles contribuent davantage que les troubles mentaux graves à
l’augmentation des absences pour maladie en milieu de travail (Henderson,
Glozier et Elliot, 2005 ; Vézina et Bourbonnais, 2001). Enfin, alors que l’on
sait que les préjugés et la stigmatisation constituent un stress environnemental qui handicape lourdement l’estime de soi et la santé des personnes
aux prises avec des troubles mentaux graves, et qu’ils font partie des principales difficultés auxquelles ces personnes déplorent de devoir faire face
(Stuart, 2004 ; Alexander et Link, 2003 ; Green et al., 2003), très peu a été
dit dans la littérature sur la stigmatisation dont font l’expérience les personnes aux prises avec un trouble mental courant, notamment dans le
contexte du travail et de l’emploi (Stuart, 2011).
Cet ouvrage5 porte un éclairage sur un phénomène qui préoccupe
donc un nombre croissant d’acteurs, mais qui reste encore passablement
méconnu et peu étudié : la stigmatisation vécue par les travailleurs temporairement invalides en raison d’un diagnostic de trouble mental courant.
Après avoir fait un tour d’horizon de la littérature traitant de la problématique des troubles mentaux en milieu de travail (chapitres 1 et 2), l’ouvrage
propose d’analyser certains des mécanismes sociaux à l’origine du phénomène de cette stigmatisation, à partir de résultats provenant de deux
enquêtes empiriques menées en parallèle sur la problématique de la stigmatisation. L’analyse se décline en deux parties, qui sont à la fois distinctes
et complémentaires : la première s’intéresse à la « carrière morale » et aux
expériences de stigmatisation des travailleurs temporairement invalides
à la suite d’un trouble de santé mentale (chapitres 3 à 6), tandis que la
d
­ euxième partie traite des représentations sociales de la maladie mentale
qui sont véhiculées dans les médias (chapitre 7).
  5.
Cet ouvrage présente les résultats complets du programme de recherche « La stigmatisation des
personnes atteintes de troubles mentaux dans les domaines du logement, de l’emploi et des médias
de masse », dirigé par H. Dorvil, P. Morin et G. Dupuis, CRSH 2009-2012, no 410-2009-1712.
3
S T I G M A T I S A T I O N
LES TROUBLES MENTAUX EN MILIEU DE TRAVAIL
ET DANS LES MÉDIAS DE MASSE
La stigmatisation liée aux attitudes négatives, stéréotypes et préjugés à
l’égard de la maladie mentale est l’un des principaux obstacles auxquels se
heurtent les personnes aux prises avec un trouble mental. Cette stigmatisation est si présente et ses effets, si dévastateurs, que plusieurs la décrivent
comme plus difficile à vivre que les symptômes eux-mêmes de la maladie.
Cet ouvrage porte un éclairage sur la stigmatisation vécue par les
travailleurs temporairement invalides en raison d’un diagnostic de trouble
mental courant. Au XXIe siècle, le milieu de travail semble de plus en plus
nuisible à la santé psychique d’un nombre croissant de travailleurs incapables
de rencontrer l’exigence du « toujours plus ». Stress, anxiété, épuisement
professionnel, harcèlement, perte de sens les affectent quotidiennement et
peuvent même conduire au suicide. Après un tour d’horizon de la littérature
sur les troubles mentaux en milieu de travail, les auteurs analysent en profondeur les mécanismes sociaux derrière le phénomène de stigmatisation.
Plusieurs mesures statistiques ainsi que des extraits d’entretiens faits auprès
de travailleurs ayant été en arrêt de travail en raison d’un trouble mental sont
présentés afin d’illustrer leur analyse. Pour témoigner du contexte dans lequel
prennent place les expériences de stigmatisation en lien avec les troubles
mentaux, les auteurs traitent enfin des représentations sociales de la maladie
mentale véhiculées dans les médias.
H E N R I D O RV I L
Henri Dorvil, Ph. D., est professeur titulaire à l’École de travail social de l’Université
du Québec à Montréal (UQAM). Il a été nommé membre émérite de l’Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec en 2014.
L AU R I E K I R O UAC
Laurie Kirouac est titulaire d’un doctorat conjoint en sociologie de l’UQAM et de
l’Université Charles-de-Gaulle – Lille 3. Elle est actuellement boursière postdoctorale (Instituts de recherche en santé du Canada) à l’Université d’Ottawa.
GILLES DUPUIS
Gilles Dupuis, Ph. D., est professeur titulaire au Département de psychologie de
l’UQAM. Il est actuellement président-directeur général du Centre de liaisons sur
l’intervention et la prévention psychosociales (CLIPP).
ISBN 978-2-7605-4365-2
PUQ.CA
,!7IC7G0-fedgfc!
Téléchargement