que le capitalisme était noir et que le socialisme était blanc ».
Aujourd'hui, Khrouchtchev lui-même ne défend plus un tel
schématisme. Est-ce à dire que les hommes qui étaient rassemblés
ce soir-là ne croient plus au socialisme, aux bienfaits qu'il peut
apporter à l'humanité et ne rejettent pas le capitalisme qu'il soit
« ancien » ou « non » ? Certes non !
Mais, tous pensent que tout n'est pas mauvais dans le capi-
talisme (le nôtre, celui que nous voyons autour de nous en l'an-
née 1962 ou 1963), que tout n'est pas bon dans le socialisme
qui nous entoure (eh ! oui, celui de Khrouchtchev, de Tito, de
Gomulka, de Mao). Il y a même plus, ils sont tous persuadés
que tout ne sera pas parfait dans le socialisme le meilleur que
nous pourrions imaginer.
Cette transformation de la pensée, nous le devons à de nom-
breux phénomènes mais en tout premier lieu à la prise de cons-
cience de la complexité du monde moderne et de sa civilisation
technicienne. Un monde simple permet des solutions simples et
presque parfaites, un monde complexe n'admet pas d'être traité
en quelques sentences, si bien frappées soient-elles.
Ainsi au moment où indiscutablement, comme Marx l'avait
bien vu, les forces de production deviennent de plus en plus so-
ciales, où la notion de propriété privée des moyens de production
se dilue et devient, lorsqu'elle est conservée, un anachronisme, les
socialistes, paradoxalement, doivent s'interroger sur la forme
et le contenu que doit prendre la société socialiste de demain, non
seulement pour être capables de la bâtir le jour où le pouvoir
serait aux mains de la classe ouvrière mais, encore plus, pour re-
donner à la masse un idéal, des buts et des méthodes d'action
qu'elle reconnaisse comme siennes.
En effet, les formes qu'a revêtues le socialisme dans les pays
— peu développés — où il s'est implanté, ne soulèvent plus l'en-
thousiasme sans réticence d'il y a une trentaine d'années. Mais, de
plus, le capitalisme a, depuis vingt ans, montré une jeunesse
nouvelle et permis un développement inouï des forces de produc-
tion et important de la consommation des masses. Qui l'aurait
prévu dans les années 30, où progrès économiques et capitalisme
semblaient s'opposer.
On peut douter que cette prospérité économique, le capita-
lisme puisse la connaître très longtemps. On ne peut douter
qu'elle existe et qu'elle durera longtemps encore. Surtout, les
modifications économiques, sociales et politiques qu'une telle évo-
lution a entraînées, ne peuvent être niées.
A l'interrogation de tous, les socialistes ne peuvent répondre
par des formules toutes faites et dans un monde qui s'est épris
de concret et d'efficacité ; même si l'une et l'autre ne sont
qu'une fausse façade, ils doivent apporter des réponses hors de
la logomachie habituelle et des bonnes intentions.
Cette étude pénétrante de la société moderne, de ses besoins,
de ses possibilités, de ses désirs même inexprimés, tous les hom-
mes réunis ce soir-là par le Centre d'Etudes Socialistes, l'ont en-