de leurs mains », convaincu de « trouver en eux des hommes qui
savent quantité de belles choses » (Platon, Apologie de Socrate,
22 d). Platon reconnaît également que les artisans possèdent un
savoir authentique dans le Théétète. Interrogé par Socrate sur la
définition de la science, Théétète affirme : « ce qui me semble
donc, c’est à la fois, que les choses qu’on peut apprendre de
Théodore sont des sciences : la géométrie et les disciplines que tu
énumérais il y a un instant ; et que la cordonnerie aussi, ainsi que
les métiers des autres artisans, tout aussi bien chacun d’entre eux,
ce n’est pas autre chose que de la science » (Platon, Théétète, 146
c-d). Cette définition est certes rejetée par Socrate mais ce n’est
pas parce que les technaï ne constituent pas un savoir positif. Elle
est rejetée par Socrate parce que la proposition de Théétère est une
énumération et non une véritable définition permettant de dégager
une vision unifiée de la science.
Pourtant, il semble difficile de nier que Platon réprouve le travail
manuel en ce qu’il est susceptible d’enlever aux hommes leur
noblesse de caractère et de leur infliger une véritable souillure
morale. Les métiers ont quelque chose de dégradant en ce qu’ils
soumettent l’homme à la sphère des appétits sensibles. Les
techniques sont nées des appétits sensibles, de la nécessité de les
satisfaire et elles se sont développées avec eux. C’est pourquoi il
ne saurait convenir à un homme libre de tirer profit de son
éducation en faisant commerce des enseignements qu’il a reçus.
« Tu as reçu l’enseignement de chacun de ces maîtres, non en vue
d’en faire métier et profession, mais pour te cultiver, comme il en
convient à un profane et à un homme libre » (Platon, Protagoras,
312 b). Dans l’Economique, Xénophon prête même ces paroles à
Socrate : « Les métiers que l’on appelle d’artisans sont décriés, et
il est certes bien naturel qu’on les tienne en grand mépris dans les
cités. Ils ruinent le corps des ouvriers qui les exercent et de ceux
qui les dirigent en les contraignant à une vie casanière, assis dans
l’ombre de leurs ateliers, parfois même à passer toute la journée
au coin du feu. Les corps étant ainsi amollis, les âmes aussi
deviennent plus lâches. Surtout, ces métiers dits d’artisans ne leur