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Avant-propos
Depuis 15 ans, la Campagne mondiale contre le SIDA attire l’attention sur un problème
spécifique concernant la prévention et le traitement du VIH/SIDA, et culmine avec la Journée
mondiale du SIDA le 1er décembre. En 2002 et 2003, la campagne intitulée « Vivre et laissez
vivre » est consacrée à la lutte contre toutes les formes de stigmatisation et de discrimination.
Dramatiques conséquences du VIH/SIDA, et obstacles principaux à la prévention et la prise en
charge, la discrimination et la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH et de leur
entourage est une sombre réalité que l’on préfère parfois ignorer. Trop souvent, les personnes
contaminées sont mises au ban de leur famille et de leur communauté, chassées de leur domicile,
rejetées par leur conjoint, parfois victimes de violences physiques pouvant aller jusqu’au meurtre.
Discriminées sur un plan personnel et institutionnel, ces personnes peuvent se voir refuser l’accès
aux soins, à une assurance, l’entrée dans certains pays, l’obtention d’un travail. La crainte de la
discrimination et de la stigmatisation détourne du dépistage, et incite les personnes infectées et
affectées par le VIH/SIDA à se taire, et à se priver de soins et d’une attention sociale et humaine
pourtant indispensables.
Afin de contribuer à mettre à bas ces barrières qui font obstacle à la prévention et la prise en
charge du VIH/SIDA, le projet conjoint UNESCO/ONUSIDA « L’approche culturelle de la
prévention et du traitement du VIH/SIDA » a organisé en novembre 2002 une table ronde
intitulée : « VIH/SIDA, stigmatisation et discrimination : une approche anthropologique ».
Cette table ronde, réunissant des anthropologues spécialistes du VIH/SIDA, a été l’opportunité
d’une excellente mise en perspective des enjeux de la discrimination et de la stigmatisation. Liée à
des conceptions socio-culturelles (de la sexualité, de la santé et de la mort entre autres), la
stigmatisation prend naissance sur le terreau du pouvoir, de la domination, et des inégalités
sociales – entre sexes, entre groupes ethniques, etc. –, que par ailleurs elle renforce. Provoquant la
peur et le déni autour de questions souvent tabous, elle donne naissance à des phénomènes de
honte, à la dégradation de l’estime de soi, au désespoir. Et sur la base de ces jugements négatifs,
les personnes vivant – ou que l’on suppose vivre – avec le VIH sont exclues de certains espaces
(hôpital, travail, village, lieu de culte), et privées de certains de leurs droits, pourtant
fondamentaux. Autant de phénomènes sur lesquels l’anthropologie peut apporter un passionnant
éclairage et esquisser bien des solutions.
Cette approche socio-anthropologique du VIH/SIDA est celle que promeut le projet
« L’approche culturelle de la prévention et du traitement du VIH/SIDA », mis en œuvre avec
succès par la Division des politiques culturelles et du dialogue interculturel depuis 1998.
Entendant la culture dans son sens le plus large – traditions, croyances, valeurs, structures
familiales, rapports hommes/femmes, relations personnelles et sociales – ce projet encourage la
pleine prise en compte des cultures des populations dans le développement des stratégies, projets
et programmes de prévention du VIH/SIDA.
Avec la publication des actes de cette table ronde, l’UNESCO entend s’associer à la Campagne
mondiale contre le SIDA, en apportant les contributions d’éminents chercheurs, comme autant
d’outils de réflexion sur le traitement et la prévention du VIH/SIDA, mais aussi comme un
nouveau signe de l’importance fondamentale que doit jouer la culture, en ce domaine comme
dans tous les autres.
Katérina Stenou
Directrice de la Division des politiques culturelles
et du dialogue interculturel