La notion d’identité dans le monothéisme
révélé tout ce que le Père lui avait commandé de leur enseigner. Les
Évangiles sont là pour en témoigner grâce aux paroles des apôtres, qui
deviennent source de connaissance et principe de transmission d’un idéal
de pur amour, une version située aux antipodes des textes fondateurs de
l’antiquité. Comment comprendre que cette invention du pur amour
refonde l’origine de l’homme et que cette nouvelle origine ne comporte
aucun acte contre nature. Pourquoi la débauche, le crime, le parricide,
n’ont-ils aucun droit de cité, pourquoi l’abstinence, la chasteté, la pureté
règnent-elles en maître ?
L’Évangile semble avoir fondé une origine religieuse nouvelle sans
traiter les questions de l’endogamie, de l’inceste, et des désirs prohibés.
Aurait-il laissé à quelques lois implicites, ou refoulées, le soin de régler les
procédures de l’alliance ? Il n’en est rien. C’est dans le même temps, le
même discours, la même construction que se nouent les prohibitions et
les désirs originaires, dans un entrecroisement sophistiqué entre discours
explicite et révélation implicite, que nous allons maintenant détailler.
Un cœur innocent, qui prendrait le mystère christique au premier degré,
donnerait une interprétation quelque peu surprenante sur les diérentes
places occupées simultanément par le Christ. Il soulignerait que cette
situation, où le Sauveur est tout à la fois à la fois ls, Seigneur et père,
correspond à un inceste de premier degré, ls mère, puisque le ls est
l’époux de la mère, d’une part, et à un auto-engendrement, puisque le
Christ est son propre père, d’autre part. Cette même innocence verrait
dans la situation de Marie, à la fois enfant, mère et épousée du Très Haut,
une situation incestueuse de degré un, avec une inversion générationnelle.
Bref, dans sa fondation, le christianisme crée des personnages reliés entre
eux par des liens familiaux des plus étroits et institue des allers-retours
généalogiques étonnants. C’est par le pouvoir magique des nominations,
père, ls, mère, Dieu, qu’un point originaire incestueux s’élabore.
Notons que si on se trouve en présence d’une mise en scène permanente
de l’inceste originaire, son eacement systématique est aussi constant.
Les places généalogiques du Christ et de Marie données par le Très Haut
l’ont été par un tour de passe-passe : les rôles incestueux se jouent hors
commerce sexuel. Dans la monumentale pièce de théâtre chrétien, c’est
le Verbe qui crée la distribution, le verbe qui ordonne les liens de parenté
incestueux, et c’est toujours le même verbe qui épargne aux incarnations
humaines les conséquences charnelles du scénario originel. Une partie du
génie du christianisme est là.
Cette construction permet, du même pas, la création d’une « Image de
la mère absolue… impliquée dans l’interdit de l’inceste ». Comme le dit
Pierre Legendre, la construction d’une « mère absolue », « d’un objet