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Il fallait être aussi attentif aux concepts et expressions qui relèvent du langage ou du discours (« affirmation » revient
trois fois, « en un certain sens », « par métaphore »). Ils permettent à Bergson de distinguer les processus réels et
la manière dont nous en parlons , même lorsque nous énonçons « une vérité aussi voisine que possible de
l’expérience ».
En ce sens, l’analyse de l’exemple est éclairante. La dilatation d’un corps est un processus complexe qui passe par des
phases continues dont même la photographie ne peut rendre compte qu’en le figeant en phases successives à des
moments déterminés, et c’est « en un certain sens » très limité que le dispositif technique lui-même de la photographie
peut être compris comme une simple « copie ».
Ce qui est vrai de la photographie est encore plus vrai de nos énoncés verbaux, même dans les jugements qui portent
sur des objets singuliers : l’affirmation « cette barre de fer se dilate » ne peut être comprise comme une « copie »
du processus réel que de manière métaphorique, c’est à dire imagée. Que dire alors de l’énoncé d’une loi générale, qui
porte sur tous les corps, sans en concerner réellement aucun ?
Ce n’est pas qu’elle contredise l’expérience, bien au contraire. C’est que parler c’est parler par concepts, c’est-à-dire par
généralités.
Pour comprendre le réel et agir sur lui, l’intelligence humaine opère des abstractions. Elle déploie un réseau de
concepts qui permet d’appréhender le réel au sens théorique et de le manipuler au sens pratique, car les concepts qui
se déposent dans les mots du langage sont en rapport avec nos besoins.
Ainsi la connaissance rationnelle du réel est le produit d’une construction mentale et linguistique qui opère une
abstraction et une spatialisation des processus concrets et temporels du réel.
Quelques pistes de réflexion
Quel est l’enjeu d’une telle réflexion critique de la définition classique de la vérité ? En écartant l’interprétation de la
notion de concordance comme synonyme de copie, l’auteur remet en question toute une tradition philosophique issue
du platonisme qui conçoit la vérité comme un reflet mental de la réalité, envisage l’intelligible comme la vérité du
sensible, et prétend à une connaissance absolue.
Bergson ouvre la voie à une conception plus pragmatique de la connaissance rationnelle. Dans une certaine continuité
avec la pensée de Kant, il montre l’aspect relatif de la vérité objective, le réel se réglant pour ainsi dire sur nos facultés
de connaître et sur les concepts que nous forgeons pour le comprendre. On peut y voir aussi une réhabilitation de la
réalité sensible et un appel à une appréhension plus intuitive de celle-ci, qui en restituerait la temporalité concrète.
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corrigé bac 2013
Examen : Bac S
Epreuve : Philosophie
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