charles gounod - cercle lyrique de metz

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2011-2012
CERCLE
LYRIQUE
DE METZ
Faust
Faust
de Charles Gounod
N° 205
Par Danielle PISTER
Faust
Charles Gounod
1859
par
Danielle PISTER
1
2
SOMMAIRE
Charles Gounod (1818-1893)
p. 07
Le mythe de Faust
p. 10
Gounod et Faust
p. 15
Argument
p. 19
Faust, hier et aujourd'hui
p. 22
Accueil
p. 27
Entre tradition et innovation
p. 32
Gounod et l'opéra français
p. 40
Entretiens avec le chef d'orchestre et le metteur en scène
p. 41
A lire
p. 43
A écouter
p. 43
A voir
p. 49
Les artistes de la distribution
p. 50
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Longtemps, Faust fut l'opéra le plus joué de tout le répertoire lyrique, bien
au-delà des frontières hexagonales : l'ancien Metropolitan Opera, sur la
39ème rue à Broadway, mérita le surnom de Faustspielhaus, vu le nombre de
représentations du chef-d'œuvre de Gounod données en ce lieu. Il eut les
honneurs de la soirée inaugurale de cette prestigieuse maison new-yorkaise, le 22 octobre 1883, et fut le dernier opéra donné, le 9 avril 1966, avant
l'inauguration la salle actuelle du Lincoln Center. Si, depuis une cinquantaine d'années, les lyricomanes du monde entier semblent préférer au
Maître son élève, Bizet et sa Carmen, jamais Faust n'a disparu totalement
du répertoire. Ceci en dépit de choix, au disque comme à la scène, qui
révèlent parfois plus le savoir-faire des impresarios que la réelle pertinence artistique des interprètes choisis. À cela s'ajoutent les effets désastreux,
pour la compréhension de l'œuvre, des "relectures" proposées par
quelques metteurs en scène à la mode, et les réticences d'une certaine critique devant la musique de Gounod. Mais Faust « est toujours debout ! ».
Gounod partagerait-il, avec Méphistophélès, les secrets de l'élixir de
Jouvence ?
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Méphisto apparaissant à Faust dans son cabinet.
Eugene Delacroix - Gravure
6
CHARLES GOUNOD
(1818-1893)
Le compositeur avait cinq ans lorsque son père,
artiste peintre et graveur, qui avait obtenu un second
prix de Rome, mourut. Il laissait sa femme sans fortune avec leurs deux enfants à élever. Excellente
musicienne, elle dut donner des leçons de piano
Portrait de Charles Gounod
auxquelles assistait le jeune Charles. Il raconte que,
par Ingres
grâce à sa mère, son oreille se familiarisa encore
plus vite avec la musique qu’avec les mots. Il poursuit parallèlement une
excellente scolarité classique. Il garde trois souvenirs marquants des spectacles lyriques qu’il découvre avec sa mère : le Freischütz de Weber, à six
ans et demi ; l’Otello de Rossini, chanté par la Malibran, à douze ans et
demi et, surtout, à treize ans et demi, le Don Giovanni de Mozart. Ce dramma giocoso fascine l’enfant. Une sorte de terreur sacrée le saisit dès l’entrée dans le théâtre, renforcée par « les premiers accents de ce sublime et
terrible prologue », dont les solennels accords sonnent à nouveau pour
accompagner la dernière apparition du Commandeur. Le roulement de tonnerre des gammes ascendantes et descendantes, sévère et implacable
comme un arrêt de mort, provoque un frisson de peur : « Il me sembla
qu’un dieu me parlait ; je tombais dans une sorte de prostration douloureusement délicieuse, et, à demi suffoqué par l’émotion : « Ah ! maman,
m’écriai-je, ça c’est la musique ! » J’étais littéralement éperdu… ». Toute
sa vie, Gounod vouera à Mozart un véritable culte. On remarquera, en pensant à Faust, l’intervention du surnaturel dans les premier et troisième
ouvrages cités et, dans le second, la présence d’un personnage maléfique,
Iago, qui brise la vie de l’innocente héroïne, Desdémone.
Les premiers pas du musicien
Contre la volonté de sa mère qui voulait en faire un notaire, l’adolescent
obtient d’entrer au Conservatoire : « je ne vois rien de plus imposant ni
de plus touchant qu’une belle création musicale. Pour moi la musique est
une compagne si douce qu’on me retirerait un bien grand bonheur si on
m’empêchait de la sentir », plaide-t-il. Il eut au conservatoire comme professeurs Jacques-Fromental Halévy, l’auteur à succès de La Juive, Jean7
François Lesueur, Ferdinando Paër, trois
importants compositeurs d’opéra dans leur
temps et, en outre, pour les deux derniers, des
maîtres de chapelle qui ont laissé une importante œuvre religieuse. Au bout d’un an,
Gounod obtient le second prix de Rome et, à
la troisième tentative, en 1839, le premier
grand prix. Il a vingt et un ans.
Ses premiers ouvrages sont essentiellement
religieux. Il aimait particulièrement, pendant
son séjour romain, aller écouter, dans la chapelle Sixtine, la musique de Palestrina, tout
en contemplant les fresques de Michel-Ange,
car « on dirait que ce qu’on entend est l’écho
de ce qu’on regarde. » Il retrouve la foi de son
C. Gounod par Nadar
enfance. Négligeant le répertoire du théâtre à
Rome, exclusivement consacré à Bellini, Donizetti, Mercadante, il préfère
lire les partitions de l’Alceste de Lully, des Iphigénie de Gluck, du Don
Juan de Mozart, du Guillaume Tell de Rossini.
Pendant son séjour, en 1840, il rencontre Fanny Hensel, la sœur de Félix
Mendelssohn qui juge le jeune homme « passionné et romantique à
l’excès ». Elle l’invite à des réunions intimes où elle joue du Bach, les
sonates et le Fidelio de Beethoven. Gounod a l’occasion d’entendre prêcher le Père Lacordaire, ancien avocat parisien entré en 1840 au couvent
des dominicains de Rome où il œuvre à la restauration de l’Ordre. Son éloquence manque de faire abandonner au jeune compositeur la musique pour
l’Église. Sous son influence, Gounod compose un Requiem et, dans le style
de Palestrina, une Messe de Rome, jouée le 1er mai 1841, à l’église SaintLouis-des-Français à Rome, pour la fête du roi Louis-Philippe. Elle sera
redonnée, à Vienne, en 1842, alors qu’il y séjourne. Devant le succès obtenu, on lui commande une nouvelle messe. À la fin d’avril 1843, il rencontre Mendelssohn à Leipzig qui lui fait entendre sa Symphonie écossaise et
commente une pièce de son jeune confrère en la comparant à du Cherubini.
À son retour à Paris, Gounod est nommé Maître de chapelle de l’église des
Missions. De plus en plus attiré par la religion, il suit les cours de théologie à Saint-Sulpice et signe ses lettres : Abbé Gounod. Mais ne pouvant se
passer de son art, il revient à la musique, essentiellement religieuse, pour
laquelle il se croit doué et il continue à écrire messes et autres pages liturgiques. Jusqu’en 1850, Gounod n’a écrit en fait que de la musique religieuse.
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Les débuts lyriques
En 1849, il retrouve Pauline Viardot, fille du fameux ténor Manuel Garcia
et sœur cadette de la Malibran, dont il a fait connaissance à Rome, en 1840,
alors qu’elle y passait son voyage de noces. Musicienne consommée,
excellente pianiste et compositrice de talent, célèbre cantatrice elle-même,
dont la voix s’étendait du Sol grave au Si aigu, elle prend le jeune compositeur sous sa protection. Elle jouera un rôle certain dans sa vocation
lyrique en le mettant en relation avec des personnes qui le pousseront vers
le théâtre, et en l’aidant à surmonter ses scrupules religieux. Il obtient ainsi
une commande de l’Opéra pour une œuvre de lever de rideau en deux
actes, sur un livret d’Émile Augier, Sapho. Ce premier opéra connaît un
accueil mitigé à sa création en 1851, malgré la présence de la Viardot dans
le rôle titre. La partition parut prometteuse mais encore maladroite, si l’on
en croit Berlioz lui-même : « C’est une large et poétique conception. Si les
deux premiers actes étaient égaux en valeur au IIIe acte, M. Gounod eût
débuté par un chef d’œuvre. » Malgré les fameuses Stances qui closent
l’ouvrage et dont la ligne mélodique pure et noble, suscite l’émotion, cette
écriture déroute les auditoires habitués au style italien ou à l’emphase de
Meyerbeer. Il paraît trop sérieux, trop savant, trop symphoniste. Le livret,
pauvre en action, confrontant sacré et profane, paraît ennuyeux. La partition achevée pendant l’été 1850, alors qu’il vient de perdre son frère aîné,
et créée à l’Opéra de Paris, bien que dépourvue de ballet, le 16 avril 1851,
ne fait pas grand bruit et sa reprise à Londres le 8 août est catastrophique.
L’héroïne est la synthèse entre la poétesse saphique de l’Antiquité et la
Sapho, amante malheureuse qui, de désespoir, se jeta du haut d’un rocher.
Le sujet choqua la censure et on supprima les couplets d’Alcée où passaient les accents de la Marseillaise. Notons l’existence d’un personnage
comique, Pithéas dont le cynisme annonce celui de Méphistophélès.
L’ensemble relève de l’opéra-comique avec des passages d’un genre plus
élevé.
Le 20 avril 1852, Gounod épouse la fille du professeur de piano du
Conservatoire, Anna Zimmermann. Il est nommé directeur de l’Orphéon
de la Ville de Paris destinée à la distraction de la classe ouvrière. Il y reste
huit ans, composant, outre l’air national du second Empire, de nombreuses
œuvres chorales dont le savoir-faire se retrouve dans Faust. Il écrit également des musiques d’accompagnement pour les pièces créées à la
Comédie-Française. À ce titre, il fut joué par Jacques Offenbach, alors chef
d’orchestre attitré du lieu. Gounod gagne une certaine notoriété. On lui
confie le livret de La Nonne sanglante, tiré par Scribe et Delavigne d’un
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roman de Lewis, Le Moine, et successivement refusé ou abandonné, par
Berlioz, Meyerbeer, Halévy, Verdi, notamment. Créée en 1854, l’œuvre
chuta à cause d’un livret médiocre, de la défection de la soprano prévue
et en dépit de Théophile Gautier qui jugea la partition comme « une des
œuvres les plus belles, les plus grandioses » de son temps.
Pour se consoler de l’échec de son opéra, Gounod se mit à la composition
d’une première Symphonie en Ré, bientôt suivie d’une seconde en Mi
bémol. Leur exécution aux concerts Pasdeloup suscita des applaudissements enthousiastes et sa Messe de Sainte-Cécile fut saluée par la critique.
Il réussit également à vendre quelques mélodies. Il commence à mettre en
musique un Ivan le Terrible. Malheureusement, le livret comportait un
attentat contre le tsar à une époque où l’Empereur réchappa de peu, avec
son épouse, à une tentative d’assassinat. Gounod abandonna le projet en
1857 pour se consacrer tout entier à un nouvel opus pour lequel il réutilisera une marche nuptiale en forme de chœur, prévue pour l’opéra abandonné. Elle devint le Chœur des soldats, à l’acte IV de Faust. Joué en 1859, ce
nouvel opéra devait valoir à son auteur un succès qu’il ne devait jamais
retrouver avec ses opéras ultérieurs les mieux accueillis, comme Mireille
(1864) ou Roméo et Juliette(1867). Les Français y trouvèrent une musique
moins guindée que celle des grands opéras à la mode, mais plus soutenue
que celle de leurs opéras-comiques habituels, à la fois intime, familière et
poétique. Elle devait décider du style de l’opéra français à venir.
LE MYTHE DE FAUST
Il remonte au XVIe siècle. Le Doctor Johannes Faustus aurait réellement
existé entre 1480 et 1540 et serait né à Knittlingen, dans le Wurtemberg ou
à Roda près de Weimar. Le théologien luthérien Melanchthon fait allusion
à lui vers 1550. Mais c’est un autre luthérien, l’imprimeur Jean Spiess, de
Francfort -sur-le- Main, qui lui donne vie en publiant, en 1587, un livre qui
devint populaire sur ce personnage : Histoire du Docteur Faust, le fameux
magicien et maître de l’art ténébreux ; comme il se vendit au diable pour
un temps marqué, quelles furent, pendant ce temps-là, les étranges aventures dont il fut témoin ou qu’il réalisa et pratiqua lui-même, jusqu’à ce
qu’enfin il reçut sa récompense bien méritée. Recueillie surtout de ses propres écrits qu’il a laissés comme un terrible exemple et une utile leçon à
tous les hommes arrogants, insolents et athées. Selon Thomas Mann, le
mythe apparaît dans « un siècle d’exaltation, d’enthousiasme, de trouble
des esprits, où les charlatans, les amateurs de sectes, les exploiteurs de reli10
gions, les imposteurs et ceux qui ne demandent qu’à se tromper euxmêmes, connurent de beaux jours. » Ceux-ci pouvaient trouver en Simon
de Samarie, qui avait voulu acheter à Saint Pierre le don du Saint-Esprit et
fondé la secte des simoniaques, un exemple à suivre. Ce Simon se fit passer pour la Divinité, s’afficha avec une fille publique, nommée Hélène,
qu’il présentait comme la seconde des divinités.
Docteur en théologie, Faustus se serait tourné vers la médecine puis
l’astrologie, mais il n’aurait vu dans la science qu’un moyen de satisfaire
une vaine curiosité ou des passions coupables, notamment son goût pour
l’argent. Mais ayant dépensé tout son avoir, il fait un pacte avec le démon,
qui lui offre les services d’un esprit de l’enfer, Méphostophilès, nom formé
sur le grec, « celui qui n’aime pas la lumière », avec ordre de le servir pendant vingt-quatre ans pour prix de son âme. Ce terme expiré, Faust invite
ses amis à un dernier banquet dans un village de la Saxe ; à minuit, après
le départ des convives, une terrible tempête se déchaîne sur la maison, et le
lendemain on trouve les murs de la chambre tachés de sang et le corps de
Faust étendu sur un fumier dans la cour. Quoi qu’il en soit du personnage
de Faust plus ou moins historique, la tradition populaire personnifia en lui
la révolte contre la doctrine de l’Église et contre la science de l’École
scolastique, faisant de la légende un pamphlet luthérien dont la morale
pourrait se résumer par la phrase « Soumettez-vous à Dieu, résistez au
Diable et il fuira loin de vous. » (Épître de Saint Jacques, IV, 7).
Le livre de Spiess fut souvent réimprimé au XVIe siècle et inspira d’autres
remaniements et amplifications des aventures du héros. La légende de
Faust, exemple et avertissement adressé « au monde pervers » se répand
rapidement à l’étranger, particulièrement en Angleterre. Le sujet d’édification devient, en 1594, un formidable drame de Marlowe, Tragical History
of the Life and Death of Doctor Faustus, à l’adresse d’un public assoiffé de
nouveautés.
Importé en Allemagne par les comédiens anglais, il devint à son tour le
type de la pièce de marionnettes qui, à partir du milieu du XVIIe siècle,
circula dans plusieurs versions peu différentes entre elles. Souvent imprimée dans les temps modernes, elle a permis de conserver la légende sous
sa forme primitive, celle d’un Faust révolté, égaré par son orgueil dans les
voies de l’erreur et du vice, et qui expie son péché dans les flammes éternelles. Le XVIe siècle retient le côté effrayant de la légende mais aussi
l’aspect attirant de tout ce que l’on ne connaît pas, de ce qui est magique
et impressionnant, d’où la popularité de Faust qui ose pactiser avec le
démon, malgré l’effroi qu’inspire l’Enfer.
11
Le Faust de Goethe
Le XVIIIe siècle change le regard sur Faust : ses recherches et sa révolte en
font le représentant de la pensée humaine qui poursuit inlassablement son
but, et qui trouve sa noblesse dans cette obstination. Le romantisme s’empare du mythe. Le héros devient un rêveur alchimiste. Faust-Méphisto
exprime le conflit opposant le moi à la nature profonde de ses aspirations,
d’une pulsion de mort, ou un exemple d’hallucination ou de folie sensorielle.
Lessing fut le premier à comprendre le parti que l’on pouvait tirer de la
légende ainsi renouvelée : Faust était délivré, par les anges, des mains de
Satan. C’est la conclusion à laquelle arrivera aussi un poète plus jeune que
Lessing, et qui déjà s’occupait du sujet en même temps que lui, puisant
tous deux à la même source, « la remarquable pièce de marionnettes » :
Goethe (1749-1832) qui se reconnaît dans le personnage. « Comme Faust,
j’avais parcouru tout le cercle du savoir humain, et j’en avais reconnu de
bonne heure la vanité. J’avais pris la vie par tous les côtés, et j’étais toujours revenu de mes tentatives plus mécontent et plus tourmenté. » Plus
d’un demi-siècle s’écoula entre l’année 1774, où il écrivit les premières
scènes de Faust : Eine Tragödie, parues en 1808 et le mois de janvier 1831,
où il scella le manuscrit du second Faust, achevé en 1831 et publié en
1833. Ce fut l’œuvre de sa vie. Son œuvre effaça tous les Faust précédents
et imposa sa conception de la légende. Elle rénovait l’art idéaliste, remettait à leurs places logiques le Monde, qui est l’apparence, et l’Idée, qui est
l’être. Contrairement à Christophe Marlowe pour qui son héros, coupable
de rechercher la puissance divine, allait directement en enfer, Goethe sauve
Faust, « l’âme qui aspire toujours plus haut », et il réhabilite
Méphistophélès lui-même, « l’esprit qui nie sans cesse ». Les deux personnages sont, pour lui, les deux éléments indispensables à toute vie humaine
et les deux facteurs nécessaires à son accomplissement. Ce qui appartient
en propre à Goethe, et ce qui humanise le plus son poème, c’est le drame
de Marguerite, dans la première partie. Jeune fille sensible, tendre donc
susceptible de défaillances, notamment face à l’amour. Il ramène la discussion philosophique aux réalités de la vie. Le Faust de Goethe, est centré sur
un héros qui aspire à une connaissance et une sagesse toujours plus
grandes, fût-ce au péril de son salut. Le récit de Goethe commence par le
pacte entre Dieu et Méphistophélès : jusqu’à quel point Faust pourra-t-il
être tenté ? La séduction et l’abandon de Gretchen (Margot, qui devient
Marguerite chez Gounod) ont lieu dans la première partie. Dans l’imposante seconde partie, surviennent de nombreuses aventures surnaturelles et
l’ultime tentative de Faust de s’assurer la maîtrise de la nature en contrô12
lant la mer. Plus étonnant, Faust ne vend pas immédiatement son âme.
Il n’acceptera de la céder que s’il trouve ce qu’il cherche, -un objectif
inaccessible. Aussi, est-il sauvé chez Goethe.
À côté de Goethe ou après lui, quelques écrivains, romanciers ou dramaturges, se contentèrent de répéter la vieille légende. Nicolas Lenau seul,
dont le Faust parut en 1836, renouvela une dernière fois le sujet : de même
que Lessing et Goethe reflétaient les idéaux d’une époque confiante dans
la victoire de l’esprit, de même Lenau personnifia, dans son héros, les
défaillances du romantisme mourant, auxquelles s’ajoutait son propre désespoir. Philippe Fénelon, en 1952, en tira un opéra.
On a pu dire qu’il y avait une sorte d’affinité secrète entre le sujet de Faust
et le génie allemand, qui s’y serait incarné à toutes les phases de son développement.
Les autres avatars de Faust
Les artistes, peintres ou musiciens, se sont occupés de Faust presque autant
que les poètes. Une belle eau-forte de Rembrandt montre le docteur dans
son cabinet de travail, tenant un livre de magie ouvert devant lui, et se
levant pour regarder le signe de l’Esprit qui lui apparaît dans une lumière.
Après le succès universel du Faust de Goethe, il devint la source d’inspiration essentielle pour toute autre expression artistique de la légende,
d’abord dans les pays germaniques. Pierre de Cornélius, le premier, lui
emprunta le sujet de douze gravures (1810).
Faust a captivé plusieurs compositeurs majeurs qui conçurent leur propre
version. Parmi les œuvres musicales, inspirées par le poème de Goethe, il
faut citer Schubert avec Marguerite au rouet (1814), Schumann et ses
Scènes de la Vie de Faust, écrites entre 1844 et 1848. Elles ouvrent la voie
aux hardiesses harmoniques néoromantiques et sont remplies d’une tension
dramatique très grande. Wagner, tenté par le sujet dès 1831, met en
musique quelques extraits du texte de Goethe mais il n’ira pas plus loin,
après une ouverture de Faust de 1841, reprise en 1855 ; Liszt ajoutera à sa
Méphisto Valse, en fait quatre valses écrites entre 1859 et 1885, une paraphrase sur la valse du Faust de Gounod, en 1861. Spohr fut le premier, à
écrire, un opéra en 1813, représenté en 1816. Il ne s’inspire pas de Goethe
mais du poète Klinger.
La France n’échappe pas à l’engouement pour Faust. Le texte a été traduit
deux fois, en 1823, par Louis de Sainte-Aulaire et par Albert Stapfer. C’est
pour une réédition de cette dernière que Delacroix a réalisé, en 1828, une
série de dix-sept lithographies. Le peintre Ary Scheffer, Hollandais de
naissance mais travaillant en France, dès 1825, lui avait consacré onze
13
tableaux, dont huit illustraient l’histoire de Gretchen. En 1827, à dix-huit
ans Nerval donne sa traduction dont Goethe reconnaît la qualité. La facture shakespearienne de l’œuvre, par sa nature composite, lui attire les
faveurs des romantiques et influe sur la culture française du milieu du XIXe
siècle.
Les théâtres des boulevards parisiens s’étaient précipités sur le sujet.
Certaines versions accentuaient le côté démoniaque qui favorisait la production d’effets spéciaux dont raffolait le public qui avait pu découvrir, en
1824, au théâtre de l’Odéon, une adaptation du Freischütz (1821) de
Weber. Créé sous le titre Robin des bois ou les Trois balles, le personnage
de Kaspar qui a vendu son âme au mauvais esprit Samiel en constitue tout
l’intérêt. En 1827, au Théâtre des Nouveautés et, ensuite, au Théâtre de la
Porte-Saint-Martin, est présenté un Faust : aucune préoccupation métaphysique ou philosophique. Le pacte avec le Diable n’est qu’un prétexte à des
machineries diverses, pour apparitions ou disparitions surnaturelles et
autres effets monstrueux de sorcelleries diverses. Cela n’a pas été sans effet
sur le livret qu’écrit Scribe pour l’opéra de Meyerbeer dont Goethe, qui
souhaitait que son Faust devînt une œuvre lyrique, pensait qu’il serait le
plus apte à la réaliser. Meyerbeer s’en tiendra à ce Robert le Diable (1831),
premier succès du compositeur à l’Opéra. Cette sombre histoire met en
scène le fils d’un démon et d’une humaine, poursuivi par son père,
Bertram, qui a reçu l’ordre des Enfers de faire signer à son fils un pacte
avec le Diable. On y trouve une chanson à boire, une bacchanale, des
scènes fantastiques.
La première adaptation musicale du texte de Goethe, hors d’Allemagne, est
un Fausto de Louise Bertin pour le Théâtre-Italien, en 1831, qui ne tint pas
l’affiche. Berlioz publie, dès 1829, Huit Scènes de Faust qu’il reniera mais
qu’il reprendra en partie dans La Damnation de Faust, présentée en 1846
et dans laquelle Faust tient le rôle principal. Le musicien décrit un philosophe en quête de sagesse et prend le contrepied de Goethe chez qui le
héros est sauvé. Berlioz renvoie le pacte entre le héros et Méphisto à la fin
de l’œuvre : pour sauver Marguerite, Faust accepte de le signer. Si le sort
malheureux de Marguerite constitue l’essentiel de l’opéra de Gounod, la
rupture du héros avec la nature est le centre du drame de Berlioz. Il qualifie son œuvre de « légende dramatique » et ne la destine pas à la scène. Il
réduit la trame à trois personnages et ne se soucie pas de liaisons entre les
scènes. Il songe brièvement à développer cette partition sur un livret de
Scribe, en 1847, mais il y renonce.
14
GOUNOD ET FAUST
Un sujet dans l’air du temps
Charles Gounod prend connaissance du Faust de Goethe à l’âge de 20 ans,
au moment de son départ comme pensionnaire de l’Académie de France à
Rome, en décembre 1839. Il glisse dans ses bagages, la traduction française de Gérard de Nerval, offerte par sa mère, de la première partie du Faust
de Goethe. Dans ses Mémoires, Gounod rappelle combien cette lecture,
reste son passe-temps favori. Sa réaction face au poème Goethe est semblable à celle rapportée par Berlioz lorsqu’il découvrit Faust : il l’emporte
partout et le lit sans cesse. Il avoue à sa mère que l’argument lui paraît
admirable pour un musicien et qu’il rêve de Marguerite et s’identifie à elle,
il dit le trouble qui envahit inlassablement son cœur à l’évocation de la
jeune fille. À 22 ans, Gounod tombe amoureux du personnage de
Marguerite, ce qui implique un déplacement d’accent lors d’une adaptation
pour l’opéra. C’est en contemplant la voûte étoilée, à Naples et à Capri,
que, pour la première fois, s’imposent à lui les premières images de la Nuit
de Walpurgis et qu’il se promet d’en faire un opéra. En 1849, il tenta une
première fois de mettre la scène de l’église en musique. Un voyage en
Allemagne, avec ses paysages hugoliens, toute imprégnée de vieilles
légendes, renforce le projet. En 1842, dans son Requiem, on trouve le
thème de Marguerite implorant la miséricorde céleste. C’est peut-être l’audition de La Damnation de Faust de Berlioz, qui le bouleverse profondément, qui le décide à écrire à son tour, malgré le prestige du grand aîné.
Goethe et Berlioz auraient pu définitivement influencer Gounod. Mais le
jeune compositeur ne se décidera réellement à se mettre à la tâche qu’en
assistant, en 1850, à Paris, à la création d’une médiocre représentation du
Faust et Marguerite, de Michel Carré (1821-1872), au Théâtre du
Gymnase-Dramatique. L’œuvre d’une grande banalité, jouée à l’époque
par deux gloires du théâtre, Bressant et Rose chéri, circonscrit l’action à la
première partie du Faust de Goethe. La transformation en « drame fantastique » et la réunion des deux protagonistes dans le titre donnent une bonne
indication de l’orientation et du ton du livret. Il ne s’agit pas d’une tragédie mais d’un divertissement. Valentin ne mourrait pas dans son duel avec
Faust. Quant à Marguerite, elle ne tuait pas son enfant, et donc n’était pas
condamnée. Elle obtenait son salut par son simple refus de fuir avec Faust.
Malgré la faiblesse du texte et la platitude de la musique de scène, compo15
sée par un certain Couder, Gounod y trouve
l’inspiration pour sa Chanson du Roi de
Thulé. Il semble que Carré, pour son personnage de Marguerite ait eu à l’esprit, au moins
une des images de Scheffer, Marguerite sortant de l’église, qui la montre le visage
empourpré d’un air de naïveté détachée, juste
avant sa première rencontre avec Faust. Cette
scène n’existe pas chez Goethe. En effet,
l’œuvre de ce dernier ayant inspiré les artistes
français depuis de nombreuses années, leurs
toiles, bien connues, circulaient sous la forme
de lithographies. Les représentations théâtrales leur avaient emprunté l’image d’une
Gretchen à tresses blondes, habillée d’une
robe blanche, inspirée par les toiles de
Scheffer. Le peintre avait, d’ailleurs, été préMarguerite sortant de l'église
senté à Gounod par Pauline Viardot. Il était
Ary Scheffer - huile
donc en terrain connu.
En 1856, Gounod rencontra Jules Barbier qui avait déjà écrit l’argument
d’un Faust dont la profondeur et la description des personnages convenaient bien à un opéra. Il ne restait donc à Gounod qu’à obtenir les droits
permettant d’adapter l’œuvre de Carré pour son livret. Mais ce dernier préférant se consacrer à une collaboration avec Giacomo Meyerbeer, Barbier
finit par travailler seul sur le livret et connut son plus grand succès avec ce
Faust mis en musique par Gounod.
Une période propice
Dans le Paris du Second Empire dont les efforts pour développer l’économie renforcent l’influence de la bourgeoisie dans la société, l’enthousiasme du Romantisme cède le pas à des thèmes plus pragmatiques. Un Faust,
plus moral que philosophique, répondait mieux à l’attente de ce public,
grâce à la naïveté de son héroïne, le piquant de la transgression sexuelle,
tempérée par le triomphe final de la religion, l’ensemble étant soutenu par
des mélodies inspirées. Cette version de Faust, moins subversive que l’original et centrée sur la religion, arrivait à point nommé. L’attirance de
Gounod pour l’aspect religieux de l’histoire tenait à son tempérament qui
resta toujours partagé entre le théâtre et l’Église. À Rome, il avait fait le
vœu de travailler au renouveau de la musique sacrée française.
Dans son adaptation de Faust et Marguerite, le librettiste de Gounod, Jules
16
Barbier (1825-1901), qui fut un collaborateur régulier de Carré, obtint de
ce dernier le droit d’utiliser son texte dont il conserva la structure et dont
il réduisit les dimensions, en éliminant ou en regroupant les personnages et
les événements, pour qu’elles puissent convenir au rythme plus lent de
l’opéra. Il étoffa l’histoire de Marguerite, incarnation de l’innocence trahie,
et finalement rachetée, en empruntant certains éléments à l’œuvre de
Goethe. La scène de la prison et l’apothéose finale, qui ne figuraient pas
dans l’œuvre de Carré, furent rajoutées, de même que la mort de Valentin
dont il renforça le rôle, ainsi que celui de Siébel. Parmi les personnages
surnaturels, seuls Méphistophélès et quelques démons furent retenus. La
psychologie complexe de Faust se réduisit à une lutte entre le désir charnel
et l’amour pur.
Le début de la carrière de Gounod avait coïncidé avec la période de croissance et de stabilité créée par la politique du Second Empire, qui avait provoqué, dans la capitale, une soif de distractions. Ce que comprit et exploita parfaitement Jacques Offenbach. La vie musicale se partageait alors
entre cinq salles. Les grands chefs-d’œuvre de Meyerbeer, Halévy et
Rossini, populaires depuis des décennies, tenaient toujours le haut de
l’affiche à l’Opéra ou au Théâtre-Italien. Mais, d’autres conception
lyriques se faisaient jour. En 1856, l’imprésario Léon Carvalho (18251897) avait pris la direction du Théâtre-Lyrique, fondé une dizaine d’années plus tôt, et en rehaussa le niveau de qualité. Personnage passionné,
intransigeant et envahissant, il lança Bizet, créa Les Troyens de Berlioz,
ainsi que les grands succès de Gounod, Faust, Mireille, et Roméo et
Juliette.
Début 1856, Gounod avait reçu une nouvelle commande pour un opéra
historique intitulé Ivan le terrible qu’il finit par abandonner (et qui fut
repris, avec beaucoup de modifications, par Bizet). Gounod s’attèle à
Faust, en songeant à l’Opéra, puisque deux de ses œuvres y avaient été
déjà montées, fait remarquable pour un compositeur inconnu. Pauline
Viardot n’y était sans doute pas pour rien. Dès 1856, Barbier et Gounod
auraient proposé Faust à l’Académie Nationale de Musique, ce qui impliquerait l’existence de récitatifs, et non de dialogues parlés, ainsi que d’un
ballet, obligatoires pour cette scène. Mais, c’est le Théâtre-Lyrique, qui
accepte, la même année, l’idée de produire un nouveau Faust : le nom de
Gounod est connu, Michel Carré et Jules Barbier sont déjà de célèbres
librettistes. De plus, l’empressement de Léon Carvalho s’explique sans
doute, en partie, parce qu’il y voyait une occasion de donner à son théâtre
plus de prestige artistique et parce que sa femme, Marie Miolan Carvalho,
devait y tenir le premier rôle, d’où l’importance accordée à Marguerite
17
dans la partition.
En réalité, la collaboration de ces quatre personnalités ne sera pas toujours
facile et les répétitions ne commenceront que trois ans après. En février
1857, après avoir rédigé trois actes, Gounod renonce à son sujet parce que
Carvalho soutenait qu’il ne pouvait continuer à le produire en raison de la
concurrence d’un spectacle sur Faust, d’Adolphe d’Ennery, -en fait il y en
eut trois cette même année-, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Cet établissement, surnommé « l’opéra du peuple », cherchait à répondre aux
goûts du public pour les machines à grand spectacle : le Théâtre-Lyrique,
de création plus récente, ne pouvait s’offrir des mises en scène colossales
ou des fééries. Sacrifiant à la mode du temps pour les éruptions volcaniques, cette pièce transportait l’action en l’an 79, à Pompéi, et Faust, exotisme oblige, apparaissait dans une scène habillé en maharajah indien !
Aussi Gounod et Carvalho décidèrent prudemment d’adapter un autre
sujet, avec Barbier et Carré, tiré du Médecin malgré lui de Molière. Ce
projet fut près d’échouer. Cette fois, le problème venait d’un jugement
administratif qui stipulait que le texte de Gounod et ses collaborateurs
empiétait sur le privilège de la Comédie-Française parce qu’il était trop
proche de l’original de Molière. Seule l’intervention de la nièce de
Napoléon Ier, la princesse Mathilde, en faveur de Gounod sauva la situation. Même si Le Médecin fut loin de conquérir Paris après sa création le
15 janvier 1858, et si Bizet se scandalisa qu’une musique qui lui rappelait
les meilleures pages de Grétry soit si peu goûtée du public, Gounod le
considéra comme son premier succès dans le domaine de l’opéra et réussit
à le vendre à un éditeur.
En 1858, Carvalho accepte de reprendre Faust car le spectacle, au Théâtre
de la Porte Saint-Martin, n’a pas rencontré le succès. Gounod termine son
opéra à l’automne et les répétitions commencent. Il fallut encore reporter
la première car le ténor devant chanter Faust, devint aphone lors de la générale et il dut être remplacé. Il fallut également omettre la scène de l’église,
comme ce fut souvent le cas pendant un certain temps, du fait que la France
voulait éviter de se brouiller avec le Vatican, à une époque où l’unification
de l’Italie semblait proche. Jusqu’au jour de la première, les remaniements
incessants du livret et de la partition font peser les plus grandes incertitudes sur la réussite de cet opéra. En témoignent les écrits de Carvalho à ce
sujet. L’histoire de la genèse et des représentations de cet opéra est un long
et complexe cheminement, semé de nombreux et grands malentendus. On
tente, aujourd’hui, de retrouver ce qui correspond le plus exactement à
l’idée d’origine de Charles Gounod. Pour comprendre les métamorphoses
de l’œuvre, il faut rappeler comment elle se présente, généralement,
aujourd’hui.
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ARGUMENT
Introduction
Acte 1. Le cabinet de Faust.
Le vieux docteur Faust (ténor), lassé par une vie de vaines recherches et ne
pouvant plus goûter à ses plaisirs, songe au suicide (Salut ! ô mon dernier
matin). Au moment où il s’apprête à boire un poison, les chants de jeunes
villageois, célébrant la Nature et le Créateur, arrêtent le désespéré.
Repoussant ces « vains échos de la joie humaine », Faust invoque l’aide de
Satan qui apparaît aussitôt sous les traits de Méphistophélès (basse, Me
voici), disposé à exaucer ses vœux. Le vieillard repousse ses offres de
richesse, de gloire et de puissance pour demander la jeunesse (À moi les
plaisirs). Méphistophélès met une condition pour le satisfaire : Faust devra
le servir dans l’autre monde. Le docteur hésite mais accepte le marché
quand Méphistophélès lui montre Marguerite à son rouet. Transformé en
fringant jeune homme, Faust suit son infernal compagnon pour s’élancer à
la conquête de la jeune fille.
Acte II. Une kermesse aux portes de la ville.
Devant un cabaret à l’enseigne de Bacchus, un chœur joyeux d’étudiants,
de soldats et de bourgeois boivent (Vin ou bière), et cherchent à attirer
l’attention des jeunes filles, surveillées par les matrones. Entre Valentin
(baryton), tenant à la main une médaille donnée par sa sœur Marguerite
pour le protéger des dangers des combats : sur le point de partir à la
guerre, il confie la jeune fille à la Providence et à ses amis, dont fait partie
Siébel (Avant de quitter ces lieux). Méphistophélès apparaît et interrompt
cavalièrement la chanson de Wagner (baryton) pour proposer de divertir la
compagnie avec le rondo du Veau d’or. Provocateur, il prédit à Wagner et
à Valentin leurs morts prochaines, et à Siébel qu’il ne pourra plus toucher
une fleur sans qu’elle se fane. Dédaignant le vin qu’on lui a offert, il en fait
jaillir un meilleur qu’il propose de boire en portant un toast à la santé de
Marguerite. Valentin, offensé, tire son épée mais son fer « ô surprise, dans
les airs se brise ! ». Devant ce maléfice, Valentin et ses compagnons brandissent les pommeaux en forme de croix de leurs épées (De l’enfer), ce qui
fait reculer Méphistophélès. Faust arrive, impatient de voir Marguerite. La
voici sortant de l’église, alors qu’un groupe de villageois dansent sur un
rythme de valse (Ainsi que la brise légère). Faust lui offre son bras. Elle
19
l’éconduit avec une grâce touchante, et s’éloigne tandis que la fête reprend.
Acte III. Le jardin de Marguerite.
Siébel (mezzo), amoureux de Marguerite, se glisse dans le jardin pour lui
cueillir un bouquet. Mais le sort jeté par Méphistophélès agit et les fleurs
fanent sitôt touchées, jusqu’à ce que le jeune homme trempe ses doigts
dans l’eau bénite. Il dépose son offrande en espérant que Marguerite comprendra le message (Faites-lui mes aveux) et sort. Méphistophélès, arrive
avec Faust et se rit du jeune homme. Il va chercher un riche cadeau pour
éclipser l’humble présent de Siébel. Resté seul, Faust donne libre cours à
son émotion en découvrant la « demeure chaste et pure » de Marguerite
(cavatine). Il est prêt à se retirer quand revient Méphisto avec un coffret à
bijoux qu’il dépose près du bouquet, avant d’entraîner Faust.
Marguerite (soprano) entre, se demandant « quel était ce jeune homme »
rencontré plus tôt. Elle s’installe à son rouet et se met à filer en chantant
une ballade au roi de Thulé, qu’elle interrompt par des réflexions révélant
l’intérêt qu’a éveillé la « bonne mine » de l’inconnu. La vue du bouquet
ne suscite qu’un bref commentaire à l’adresse de Siébel : « Pauvre garçon », tandis que le coffret provoque sa curiosité, et bientôt son ravissement. Elle essaie les boucles d’oreilles et le collier qu’il renferme (Ah ! je
ris de me voir si belle en ce miroir !). Sa voisine, Dame Marthe, bientôt suivie de Méphistophélès et Faust, la rejoignent. Commence alors un quatuor
qui combine deux duos amoureux, l’un comique, entre la duègne et le sulfureux mentor de Faust ; le second, émouvant entre ce dernier et
Marguerite. Tandis que Méphisto éloigne Dame Marthe en lui annonçant
brutalement la mort de son époux et en suggérant qu’il est disponible pour
le remplacer, les deux jeunes gens conversent. D’abord assez réservée,
Marguerite, se laisse aller aux confidences (Prenez mon bras), révélant une
âme tendre et naïve. Faust s’attendrit mais quand il se montre pressant, la
jeune fille s’échappe. À l’inverse, Méphisto a du mal à se débarrasser de sa
voisine, « un peu mûre » mais devenue très entreprenante à son égard.
Resté seul, Méphistophélès jette un sort aux fleurs du jardin, afin que leurs
subtils parfums achèvent « de troubler le cœur de Marguerite ». Les deux
amoureux reviennent et s’avouent leur amour (Laisse-moi, laisse-moi
contempler ton visage). Mais à peine Marguerite a-t-elle dit à Faust, « Je
t’appartiens », qu’elle le supplie de partir et se réfugie dans la maison, non
sans avoir promis de le revoir le lendemain. Faust ravi s’enfuit. Méphisto
l’arrête en se moquant de sa naïveté et l’invite à écouter ce que Marguerite
« va conter aux étoiles ». Celle-ci, dans un grand élan passionné (Quel
trouble en mon cœur), exprime son désir de voir revenir Faust au plus vite.
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Tandis que ce dernier s’élance vers elle, Méphisto éclate en ricanements
sardoniques.
Acte IV
Premier tableau : La chambre de Marguerite.
Marguerite, seule et abandonnée par Faust, subit les railleries de ses
anciennes compagnes (Elles se cachaient ! Ah, cruelles !), et doit pleurer
en silence. En vain, elle guette le retour de l’infidèle (Il ne revient pas).
Siébel, son seul soutien, lui rend visite et tente de la consoler. Prêt à la venger mais comprenant qu’elle aime encore l’ingrat, il lui promet de l’aimer
toujours comme un frère (Si le bonheur à sourire t’invite). Touchée,
Marguerite sort pour aller prier à l’église pour son enfant et pour Faust.
Deuxième tableau : L’église
Marguerite essaie de prier, mais elle en est
tout d’abord empêchée par la voix de
Méphistophélès, puis par un chœur de
démons (Non ! tu ne prieras pas ! Frappez-la
d’épouvante !). Avec une féroce ironie,
Méphisto lui rappelle le bonheur que sa piété
et sa vertu d’antan lui promettaient, alors que
l’Enfer l’attend à présent. Tout aussi cruel
pour elle, un chant religieux accompagné à
l’orgue s’élève. Affolée, Marguerite arrive
cependant à implorer l’aide du ciel (Seigneur,
accueillez la prière des cœurs malheureux !).
Mais Méphisto la maudit une dernière fois.
Dans un grand cri, elle tombe évanouie sur le
sol.
Scène de l'église
Eugène Delacroix - gravure
Troisième tableau : La rue devant la maison
de Marguerite
Les soldats reviennent de la guerre et chantent la « Gloire immortelle de
nos aïeux ». Valentin s’inquiète de Marguerite auprès de Siébel qui ne peut
cacher son embarras. Valentin inquiet se précipite dans la maison. À cet
instant, Faust et Méphistophélès surgissent. Ce dernier ne comprend pas le
désir de son protégé de revoir Marguerite après l’avoir quittée. Pour aider
à la réconciliation, il se livre à une parodie de sérénade, ponctuée de ricanements, sous les fenêtres de Marguerite (Vous qui faites l’endormie).
Valentin sort et demande auquel des deux, il doit son déshonneur. Quoique
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avec quelques scrupules, Faust accepte de se battre contre lui; mais c’est
Méphisto qui détourne les coups de Valentin qui, de rage, a jeté loin de lui,
la médaille offerte par sa sœur. Il tombe bientôt mortellement blessé.
Tandis que les deux complices s’enfuient, la foule des badauds accourt,
suivie par Marguerite. Le frère moribond, en la repoussant durement,
dénonce la responsabilité de la jeune femme dans ce qui lui arrive. La maudissant juste avant d’expirer, il lui annonce que la mort l’attend sur son grabat (Écoute-moi bien Marguerite !).
Acte V
Premier tableau : Les montagnes du Harz et La nuit de Walpurgis.
On entend un chœur de feux follets lorsqu’apparaît Méphistophélès qui
entraîne un Faust épouvanté dans son empire (Voici la nuit de Walpurgis !).
Faust cherche à s’enfuir, mais Méphistophélès se hâte de faire disparaître
le sinistre décor. Il le transporte dans un lieu enchanteur, peuplé de reines
et de courtisanes de l’Antiquité, chargées de présenter à Faust un breuvage
qui lui fera oublier le passé (Jusqu’aux premiers feux du matin). Dans un
magnifique ballet défilent les plus grandes beautés de l’histoire. Mais soudain la vision de Marguerite, le cou cerclé « d’un ruban rouge étroit comme
un tranchant de hache », arrache Faust à ces voluptés. Il exige aussitôt que
Méphisto le conduise auprès d’elle.
Intermezzo
Deuxième tableau : L’intérieur d’une prison.
Marguerite, incarcérée pour avoir tué son enfant, doit être exécutée à
l’aube. Muni des clés que Méphistophélès a subtilisées au geôlier, Faust
pénètre dans son cachot. Marguerite s’éveille au son de sa voix et retrouve
les souvenirs du passé heureux (Ah ! C’est la voix du bien-aimé !). En vain
Faust la presse de le suivre. Quand Méphistophélès vient leur rappeler que
bientôt il sera trop tard, Marguerite reconnaît en lui le démon et en appelle à la protection divine (trio : Anges purs, anges radieux). Repoussant
Faust, elle tombe sans vie. Alors que Méphistophélès clame : « Jugée ! »,
un chœur céleste répond : « Sauvée ! » et accompagne la montée au ciel de
l’âme de Marguerite.
FAUST, HIER ET AUJOURD’HUI
Ce ne fut pas simple pour en arriver à cet état du texte. Gounod avait repris
son projet avec ses librettistes en 1857. Comme le Théâtre-Lyrique ne
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disposait pas de danseurs adéquats, le ballet fut supprimé et remplacé par
une importante chanson à boire interprétée par Faust. Le 4 août 1858, la
partition est achevée, un an avant que Wagner n’ait fini son Tristan.
L’ouvrage n’atteint pas la complexité de l’original : ce dernier n’est pas un
simple mythe mais il crée un univers à lui tout seul. D’où les difficultés
pour en tirer un opéra. Les nombreux remaniements rendent chimérique
l’espoir de reconstituer le Faust rêvé par Gounod. D’autant plus que la partition autographe est introuvable. Depuis une quarantaine d’années, chaque
mise en scène, ou chaque enregistrement, varie sur le choix des récupérations de passages longtemps négligés et, même, sur l’ordre des scènes,
notamment la question de la place de la scène de l’église. Les « reconstitutions » s’appuient sur plus de 20 extraits pour piano, plus de 10 éditions
complètes de la partition, mais il faudrait reconstruire la version scénique
que le compositeur a imaginée, après sa découverte du Faust de Goethe, en
1838. Il a mis en fait vingt ans à écrire son opéra. Le Théâtre lyrique, le 19
mars 1859, présente une version raccourcie, chamboulée par le très interventionniste Carvalho, metteur en scène imaginatif et directeur de théâtre
autoritaire.
De Carré à Barbier
La pièce de Michel Carré, Faust et Marguerite, tout en empruntant des
situations à Goethe, les présentait dans un ordre différent. La principale
difficulté vient du fait que la première partie du premier livre du Faust de
Goethe met en avant un débat d’idées, aux dépens de l’intrigue. D’où le
développement, opéré par Carré, des personnages de Valentin, et surtout de
Siébel. Le premier assume le rôle protecteur de la mère, personnage supprimé chez Gounod. Marguerite est ainsi exempte du crime de matricide
qu’elle commet chez Goethe. Quant au second, il se voit confier la garde
de Marguerite par son frère. Il devient ainsi un obstacle aux amours de
Faust et de Marguerite et la source de quiproquos. Carré évite la mort de
Valentin et de Marguerite qui résiste aux avances de Faust et gagne ainsi
son salut. La pièce tourne à la bouffonnerie pure et simple.
L’auteur, tout en cédant ses droits à Gounod, ne réalise pas l’adaptation de
sa pièce pour se consacrer au livret du Pardon de Ploërmel de Meyerbeer.
Il laisse cette tâche à Barbier. Ce dernier emprunte essentiellement la
Chanson du roi de Thulé et les couplets de Lise, coupés avant la première
représentation. Mais Barbier rétablit la tonalité tragique du Faust de
Goethe en reprenant les morts de Valentin et de Marguerite. Le découpage
en cinq actes va également dans ce sens « noble ». Carvalho exige du grand
spectacle, d’où le maintien de « la Nuit de Walpurgis », en trois tableaux
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lors de la création. Tous les épisodes destinés dans Goethe à être chantés,
se retrouvent dans Barbier, même s’ils ne sont pas toujours repris littéralement : le chœur pascal qui réconforte Faust tenté par le suicide chez
Goethe, est remplacé par une chanson pastorale, « Paresseuse fille » car
l’action, chez Gounod, se recentre sur Marguerite ; le chœur pascal se
retrouve au moment de l’apothéose finale, « Christ est ressuscité ! ». Le
thème de la résurrection qui symbolisait chez Goethe le pouvoir de résistance du héros à aux forces destructrices, est attaché à Marguerite. Barbier
ne se contente pas du second tableau de Carré qui se déroule dans une
taverne et dans l’église, avec Marguerite, il réunit deux scènes de Goethe
(la « Cave d’Auerbach » et « Vor dem Tor »), en situant la taverne près
d’une porte de la ville, ce qui permet un grand brassage de groupes sociaux
–soldats, bourgeois, étudiants-, et permet un chœur meyerbeerien, dans
lequel chacun est présenté séparément puis réuni dans une conclusion virtuose. Barbier recourt également à la traduction de Nerval, plutôt qu’au
texte de Carré, comme dans le chœur « Vin ou bière ». De même la cavatine de Faust se base sur son monologue dans la chambre de Marguerite,
chez Goethe, et n’existe pas chez Carré. La suite de l’acte revient à Carré.
De Barbier à Carvalho
Mais il fallut encore passer sous les fourches caudines de Carvalho. C’est
ainsi que la majestueuse scène dans les montagnes du Hartz, amputée une
première fois, le sera de nouveau car le spectacle, qui durait encore quatre
heures, fut jugé trop long. Seront supprimés également un trio Faust,
Siebel, Wagner, à l’acte I, ce qui fait perdre de vue la relation maître élève
entre les trois ; le duo Marguerite-Valentin, à l’acte II, ce qui ne laissait au
baryton que la scène de sa mort. D’où le rajout, en 1864, à Londres, de la
cavatine « Even the bravest heart may swell », sur un texte de Henry
Chorley, ami du compositeur, qui deviendra, en français, « Avant de quitter ces lieux ». La demande venait du baryton Charles Santley qui suggéra
d’utiliser, à cette fin, un thème de l’ouverture. Gounod accepta, en reconnaissance pour cet artiste connu qui avait bien voulu chanter ce rôle bref.
Mais devant les réticences du compositeur, cette cavatine fut rarement retenue du vivant de Gounod et resta longtemps ignorée à l’Opéra de Paris.
Pourtant, cet air, chanté par Valentin, va devenir, avec l’Air des bijoux de
Marguerite, et « Salut, demeure chaste et pure » de Faust, l’un des morceaux les plus connus de l’opéra. Disparaissent également des parties du
dialogue dans la scène de la Kermesse ; l’air de Méphisto, Maître
Scarabée, remplacé par Le Veau d’or qui deviendra également fameux.
Siébel réapparaissait, au milieu de la scène du jardin et Dame Marthe,
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sous prétexte de décence, le chassait. L’acte IV s’ouvrait sur la chanson
railleuse de Lise racontant à ses commères « La fin de certain roman »,
prélude cruel au : « Elles ne sont plus là ». Elle fut coupée avant même la
création, ainsi qu’un chœur de jeunes filles et des couplets de Siébel qui
figurent dans la première édition du livret. Perdue également, et c’est dommageable pour parfaire le portrait de l’héroïne, la poignante méditation de
Marguerite, véritable air de la folie, « Vole mon cœur, vole », dans sa prison. Certains des fragments cités plus haut ont été retrouvés à la
Bibliothèque nationale ou dans des éditions américaines.
Carvalho avait prévu, en accord avec
Gounod, que la scène de l’église qui devait
succéder à la scène de la chambre, se passât
après la mort de Valentin et terminât l’acte IV.
Dans une première version, la scène de
l’église se situait après les couplets de
Valentin, supprimés pour céder la place au
chœur des soldats. Peut-être ce fut le résultat
d’une intervention de son épouse, créatrice du
rôle de Marguerite, pour se mettre en valeur à
la fin de l’acte, alors qu’elle reste muette
après la mort de Valentin. Peut-être, s’ajoutait-il, le désir d’éviter de nombreux changements de décors, dans le même acte. La
succession des scènes de l’acte IV suivait, en
Léon Carvalho, directeur théâtre lyrique
fait, celle de la pièce de Carré : Marguerite
était assise à son rouet dans la rue qu’elle traversait pour se rendre à l’église : on suivait ce qui s’y passait à l’intérieur grâce à la transparence du
décor. Retour des soldats et duel se déroulaient dans la rue, sans changement de décor. Mais la suppression du chœur des amies de Marguerite et
des couplets de Lise, comme ceux de Siébel, « Versez vos chagrins », a
replacé la première scène dans la chambre de la jeune femme.
Lors de l’entrée à l’Opéra de Paris, la scène de l’église reprend sa place
avant le chœur des soldats. Gounod a beaucoup fluctué à ce sujet, tantôt
approuvant le rapprochement avec l’œuvre de Goethe, tantôt reconnaissant
que la mort de Valentin terminait mieux l’acte. La liaison entre la scène de
la chambre et celle de l’église est assurée par l’annonce de Marguerite : elle
va prier à l’église, dit-elle, pour son enfant et pour Faust. Dans la seconde
édition de la partition vocale, la scène de l’église revient avant l’arrivée
des soldats. On s’avisa également que la présence de Méphisto dans une
église était impossible, lui qui reculait devant les croix formées par le pom25
meau des épées brandies par Valentin et ses compagnons de la scène de la
kermesse. Sans doute, pensait-on, plus encore aux réactions de l’Église et
de la censure. Aussi Carvalho confia-t-il l’intervention de Méphisto à un
double du démon, revêtu d’un manteau couleur muraille, véritable incarnation de la mauvaise conscience qui tourmente l’héroïne. Le rôle fut brièvement confié au baryton Petit, puis Méphisto reprit sa place, quand la scène
ne fut pas, certaines fois, carrément supprimée. De même s’imposa, ou
non, suivant les lieux, la tradition du si naturel à la fin d’Anges purs, anges
radieux, comme du sol aigu à la fin de l’invocation de Valentin. Chaque
nouveau théâtre qui reprendra l’opéra aura de nouvelles exigences : les
dialogues parlés furent remplacés par des récitatifs, dès les représentations
à Strasbourg en 1860, puis ailleurs en province et à l’étranger, pour s’imposer naturellement, lors du passage au Grand Opéra, en 1869, avec le
rajout obligé du ballet. Enfin, la plupart des effets surnaturels furent supprimés pour ne pas dévier l’attention des trois personnages et de leur
drame.
Lorsque la première eut lieu, le 19 mars 1859, environ un quart de la
musique avait disparu dont un tiers l’avait été au cours des répétitions. Les
coupures, remaniements, changements et compléments durèrent jusqu’en
1869, souvent à la demande de l’autoritaire Carvalho. Cela s’explique aussi
parce que Faust était l’opéra le plus long jamais écrit jusque là.
Rien ne fut épargné à Gounod et son équipe puisque Hector Gruyet Guardi,
auquel était destiné le rôle de Faust, resta aphone et dut être remplacé, à la
dernière minute, par Joseph Barbot. Ce qui provoqua la colère de Bizet
contre son maître, car c’est lui qui avait recommandé le premier titulaire.
À l’étranger, Angleterre, Italie, Allemagne, États-Unis, se retrouvent les
mêmes interventions permanentes, des ajouts, des interversions. Gounod,
que ses amis dépeignent comme anxieux et prévenant, se montre trop docile et trop facilement disposé à échanger un passage contre un autre, à
accepter des suppressions et à se plier à des exigences scéniques, comme
par exemple des changements de décors entre deux tableaux si longs qu’ils
obligent à une compression et une réduction de l’œuvre. Il acceptera que
l’Allemagne en change le titre en Margarete, en 1861, au Semper Oper de
Dresde, par déférence envers Goethe, et pour esquiver les objections des
nationalistes, qui accusaient Gounod d’« éviscérer » un trésor du patrimoine germanique. Ils modifièrent également certains des éléments de la traduction pour la rapprocher de l’original. D’ailleurs ce titre ne convient-il
pas mieux au livret recentré sur l’héroïne ?
Fritz Oeser a publié, en 1972, une édition révisée qui a cherché, à partir de
l’intégration de toutes les sources éparpillées, de redonner toute sa logique
26
à l’action et son flux musical.
Cet opéra, à l’origine en cinq actes, fut longtemps joué en quatre actes, sans
être officiellement réduit. Les coupures furent particulièrement fréquentes
au cours de la première moitié du XXe siècle.
ACCUEIL
La première a lieu le 19 mars 1859, devant un public de célébrités :
Berlioz, assis à côté de Delacroix, plus loin, François-Esprit Auber et
Ernest Reyer. L’exécution provoque beaucoup de remous, mais Berlioz
parle de succès dans le Journal des débats, et l’avenir lui donnera raison.
Faust demeurera désormais à l’affiche de tous les théâtres lyriques et
triomphera aisément de près de vingt-cinq autres compositions traitant du
même mythe. Joué sous forme d’opéra-comique, avec dialogues parlés,
Faust connaît jusqu’en décembre 1859, cinquante-sept représentations.
Les créateurs
Le rôle-titre, Faust, avait été conçu pour un débutant, Hector Gruyer
Guardi, élève du père de Bizet, à la voix exceptionnelle réunissant les capacités de la voix de ténor et de baryton d’où certaines notes graves : « O
Mort, quand viendras-tu m’abriter sous ton aile ? » Le rôle exige plus de
musicalité que de force et le contre-ut de la cavatine, en poitrine ou en voix
mixte, n’a pas besoin d’être claironné. Son remplaçant, Joseph-ThéodoreDésiré Barbot, élève du fameux ténor Garcia,
père de la Malibran, avait 35 ans. Il avait
débuté dans le Comte Ory, puis chanté Robert
le Diable à l’Opéra de Paris où il resta de
1848 à 1850. Il fit une carrière internationale
et devint professeur au Conservatoire de
Paris.
Marie Caroline Miolan-Carvalho, épouse du
terrible directeur, avait 32 ans. Elle avait
débuté dans Les Noces de Jeannette à
l’Opéra-Comique. Son mari lui offrit dans
son théâtre tous les rôles qu’elle n’obtenait
pas ailleurs. Son soprano lyrique léger, au
timbre frais, faisait merveille dans les vocalises et les trilles dans les aigus. Aussi exigeaitCaroline Carvalho dans Marguerite
en 1873 (Gallica)
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Faust dans son cabinet
Eugène Delacroix
Faust et Marguerite dans le jardin
Ary Scheffer - huile
C. Gounod, Faust : Méphisto fait apparaître Marguerite
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Chambre de Marguerite
Ary Scheffer - huile
Faust - production PE Fourny - Opéra de Nice
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elle, pour ses rôles, un air brillant qui la mettrait en valeur. Ce fut l’air des
bijoux, dans Faust, la valse des premiers actes de Mireille et de Romeo et
Juliette, rôles dont elle fut la créatrice. Mais, elle avait également un vrai
talent de comédienne, un charme qui touchait le public. Elle fut une grande Marguerite et fit une carrière internationale.
Émile Balanqué, basse chantante de 32 ans, était Méphisto. Il a chanté dans
Le Roi malgré lui, Béatrice et Bénédicte, Philémon et Baucis, autant de
rôles qui n’exigent pas une basse profonde. Osmond Reynald, baryton,
chantait Valentin et Amélie Faivre-Duclos, Siébel.
Dans leur sillage, tous les grands noms du monde lyrique ont voulu chanter les trois rôles principaux : de Caruso à Domingo, de Nelly Melba à
Mirella Freni, de Chaliapine à Ghiaurov.
Faust a d’emblée assuré la fortune du directeur Carvalho : les 57 représentations de 1859 mettent Faust largement au-dessus des autres œuvres à
l’affiche (Richard Cœur-de-Lion, Si J’étais roi, Les Noces de Figaro ou
L’Enlèvement au sérail couplé avec Abou Hassan). Il fit même de
l’ombre au Pardon de Ploërmel de Meyerbeer. Seul l’Orphée de Gluck,
avec Pauline Viardot, fit courir tout Paris. Dix ans plus tard, la Salle Le
Peletier de l’Opéra, en donne 70 représentations. À partir de 1875, Garnier
ouvre avec La Juive et les quarante saisons suivantes avec Aïda,
Lohengrin, Le Freischütz. Ces opéras l’emportent dans l’année comme
œuvre la plus jouée dans l’année, mais Faust est seul à l’emporter vingt
fois, établissant un record de longévité et de popularité. Les plus grands
noms de chanteurs nationaux ont marqué les principaux rôles. Les étrangers ne sont pas restés en reste. Le Metropolitan Opera choisit Faust pour
sa soirée inaugurale le 22 octobre 1883, avec Christine Nilsson qui l’avait
créé à l’Opéra, mais cette fois elle chante en italien.
Critiques
Beaucoup de critiques de l’école moderne, dont Berlioz et le jeune Ernest
Reyer, sensibles à la poésie de ses thèmes, oublièrent leurs différends
esthétiques avec Gounod et défendirent vigoureusement Faust, faisant
cause commune avec lui pour faire exister un style d’opéra français. Dès la
première, l’œuvre reçut un accueil favorable, notamment grâce à la prestation de Mme Carvalho.
D’autres journalistes lui furent hostiles et il s’avéra, fin 1859, que l’enthousiasme parisien pour l’opéra ne pesait pas assez lourd face aux problèmes
de l’attribution des rôles et au départ temporaire de Carvalho de la direction du Théâtre-Lyrique. Peu après, Gounod mit le dialogue parlé de
l’œuvre originale en musique dans l’idée d’éventuelles représentations en
30
province et à l’étranger. Ces projets furent considérablement renforcés par
les relations professionnelles de Gounod avec l’éditeur Antoine de
Choudens qui acquit les droits de Faust pour une somme modique. Il allait
devenir, dans les dix années suivantes, un agent dynamique pour le compositeur. Faust fit rapidement fureur en Allemagne, au grand dépit de
Richard Wagner qui le dénonça, dans Deutsche kunst und deutsche Politik
(1867), comme le faible pastiche français d’un monument littéraire allemand. Wagner, tout en reconnaissant le réel talent de Gounod, lui reproche
un sentimentalisme de surface. Les opinions de Gounod sur le musicien
allemand, assez positives pendant le séjour de celui-ci à Paris, de 1859 à
1861, tiédirent considérablement après ses attaques contre son opéra.
L’ensemble des critiques reconnurent la trahison du poème original de
Goethe, mais estima que c’était sans importance car le livret s’adaptait parfaitement à la musique. Ils accordèrent à Faust le statut de « véritable
grand opéra », c’est-à-dire que sa qualité formelle le mettait au niveau le
plus élevé de l’art lyrique. Certains allèrent jusqu’à trouver sa musique trop
savante, voire dépourvue de caractère mélodieux. On accusa Gounod de
vouloir imiter Wagner, à une époque où ce rapprochement ne passait pas
pour un compliment.
Un succès universel
Quatre mois après la première à Paris, Gounod orchestre les récitatifs pour
l’opéra de Strasbourg. Au cours des dix-huit mois suivants, l’opéra remporte des succès spectaculaires sur la plupart des grandes scènes étrangères. L’œuvre est présentée en 1862 à Milan, en italien. Londres est plus
réticent et ce n’est qu’en 1863 que Faust y est donné, dans la même langue, à Her Majesty’s Theatre, et rapidement à Covent Garden, avec
Christine Nilsson, première d’une longue série de représentations qui obligeront Gounod à faire plusieurs voyages dans cette ville. Ce fut l’occasion
de modifications apportées par Gounod, dans le quatrième acte, avec
d’abord quelques petites variantes dans la rencontre entre Siébel et
Valentin, puis dans le trio Méphisto-Faust-Valentin, et enfin, avec l’introduction d’un nouvel air pour Siébel, « Si le bonheur », où le jeune homme
déclare son amour sans espoir pour Marguerite. Très vite, dans le dernier
tiers du XIXe siècle, Faust devient l’opéra le plus joué dans le monde.
Dix ans après la création au théâtre lyrique, Faust fait une entrée triomphale à l’Académie Impériale de Musique, le 3 mars 1869, avec la même
Christine Nilsson dans le rôle de Marguerite. Pour l’occasion, Gounod écrit
le grand ballet, La nuit de Walpurgis. Il avait un temps songé, à cause d’une
dépression qu’il avait peine à surmonter, à en confier l’écriture à Saint31
Saëns. Malgré les préventions du public élégant de la scène nationale, le
succès est total et engendre de nombreuses parodies, dont Le Petit Faust
d’Hervé qui est resté longtemps au répertoire. L’ouvrage de Gounod sera
rarement joué dans son intégralité : la scène de la chambre de la
Marguerite, essentielle cependant pour une meilleure compréhension de
l’évolution du personnage, fut souvent supprimée ou maintenue partiellement, sans l’air de Siébel. Quant au ballet, il est, à présent, de plus en plus
souvent délaissé : on lui reproche de rompre avec l’atmosphère tragique
voulue par Gounod. Même l’Opéra de Paris, qui confia cette page chorégraphique à Georges Balanchine, lors de la fameuse reprise de 1975 (la
2836e représentation !) décida de la supprimer, au grand dam du public.
Depuis, même au disque, il est gravé, en annexe. Se pose un autre problème : Gounod en a écrit deux versions, la première, disparue, ayant été
abandonnée avant la création au Théâtre-Lyrique.
ENTRE TRADITION ET INNOVATION
Peu d’opéras ont connu une popularité si durable, même si elle a faibli ces
dernières décennies. On lui reproche ses conventions opératiques, la banalisation de la brillante tragédie de Goethe : le livret, même s’il a le mérite
de la clarté, ne possède ni la profondeur, ni la force, ni le rythme de
l’œuvre originale. On dénonce la passion transformée en sentimentalité et
les personnalités complexes, réduites à des clichés.
En fait, il faut resituer le Faust de Gounod dans le contexte de la tradition
lyrique franco-italienne du XIXe siècle et non pas par rapport au seul drame
de Goethe. On mesure alors combien, au contraire, les personnages, sont
musicalement bien caractérisés, particulièrement Marguerite, seule des
trois protagonistes à évoluer.
Un livret habile
Michel Carré et Jules Barbier sont des hommes de théâtre expérimentés.
Tous deux, dramaturges et librettistes, sont les auteurs de Contes
d’Hoffmann (1851), remarqués par Offenbach qui voudra en faire un opéra.
Outre les livrets qu’ils continueront de donner à Gounod, ensemble ou
séparément, ils travailleront pour les grands compositeurs de leur temps,
jeunes (Bizet) ou confirmés (Meyerbeer).
Le découpage de Carré, retravaillé par Barbier, ménage un équilibre entre
forces statiques et forces dynamiques, particulièrement bien réparties : les
moments de méditation, qui peignent les personnages de l’intérieur et
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suspendent l’action, alternent avec les scènes d’une grande intensité où
l’action progresse, à l’inverse, rapidement. Cela vaut à l’intérieur d’un acte
comme pour le passage de l’un à l’autre : la méditation amère de Faust,
enfermé dans son cabinet, autant que dans sa recherche vaine du savoir, au
premier acte, s’anime peu à peu, jusqu’à l’apparition inattendue de
Méphisto qui ranime le désir de vivre de Faust. À l’intérieur même de cette
séquence, au ton sarcastique du démon succède le ton élégiaque qui
accompagne l’apparition de Marguerite, lui-même brutalement balayé par
l’ardeur impatiente de Faust. Le cadre confiné du laboratoire de Faust cède
la place, à l’acte II, au plein air de la Kermesse. La scène du jardin, à
l’acte III, fait la synthèse des deux espaces : lieu ouvert/fermé, circonscrit
entre la maison et la rue et qui, avec l’arrivée de la nuit va être coupé du
reste de l’univers : le bouleversement de la vie de Marguerite, par l’irruption de l’amour, venu de l’extérieur, loin de la libérer, va l’enfermer dans
le monde de la passion destructrice. Faust était sorti de l’obscurité de son
cabinet pour conquérir un monde chatoyant de sensualité ; Marguerite
s’enfonce dans le désert du désespoir. On ne la verra plus qu’enfermée
dans sa chambre, dans l’église, dans l’hostilité de ses compagnes, de
Méphisto ou de son frère mourant. Très logiquement, elle se retrouve dans
le lieu le plus oppressant, qui n’a d’autre issue que la mort : le cachot, où
elle attend son exécution. Or, c’est là que surgit la délivrance : selon la
didascalie du livret, les murs de la prison s’ouvrent et la lumière du salut
envahit l’espace. On remarque que, de ce point de vue, la première et la
dernière scène de l’opéra, se reflètent comme dans un miroir. Mais Faust
allait vers sa perte, Marguerite vers son salut. Faust et Méphisto partaient
à sa rencontre ; Marguerite les rejette. Le chant pascal, qui accompagnait
Faust, dans Goethe, est réservé ici à Marguerite, au moment de sa mort.
On pourrait également relever que chaque espace, clos ou ouvert, est toujours perturbé par l’intrusion d’un élément extérieur : le suicide de Faust
est empêché par les chants joyeux des paysans, la gaîté des buveurs disparaît avec les mauvaises plaisanteries de Méphisto, étranger à leur groupe ;
la prière de Marguerite est empêchée par le même personnage.
Inversement, les êtres favorables à Marguerite, Siébel, son frère, sont éloignés, d’une manière ou d’une autre, par Méphisto. C’est quand Marguerite
trouvera la force de chasser Faust et Méphisto, que le pouvoir maléfique
sera anéanti. On pourrait bien sûr considérer, à l’intérieur de la scène de la
kermesse, l’alternance de scènes d’introspection -l’invocation de Valentin
mais aussi la rencontre entre Faust et Marguerite, moment où les deux
amoureux littéralement sont seuls au monde-, et celles d’exubérance joyeuse de la foule, ou l’instant solennel du choral des épées. Le bref échange
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entre Faust et Marguerite, lors de leur première rencontre est particulièrement mis en valeur par la musique : dans le contexte turbulent de la fête et
le tourbillon de la valse entraînante, surgit un thème lent et dépouillé qui
marque le passage soudain d’une action extérieure à une émotion intérieure, toute en retenue. L’exclamation passionnée de Faust, « je t’aime »,
relance la folie rythmique de la fête.
Mais l’œuvre n’oublie pas ses origines d’opéra-comique et offre un mélange de tons, entre tragique et comique, avec les interventions comiques d’un
personnage ridicule comme Dame Marthe. Siébel, malgré lui, fait sourire.
Là aussi, un personnage fait la synthèse du tragique et du comique, c’est
Méphisto. Personnage maléfique par ses menaces et ses actes, il amuse en
tournant tout en dérision, y compris lui-même. Mais la situation la plus
emblématique, de cette atmosphère ambiguë, entre rire et sérieux, se
trouve dans la scène du jardin où s’entrecroisent deux scènes de séduction,
l’une toute de tendresse, sincère et touchante, on le suppose du moins,
menée par Faust, l’autre toute en stratégie, pleine d’arrière-pensées, menée
d’abord par Méphisto et vite récupérée par Dame Marthe, totalement ridicule dans sa volonté « d’épouser le diable ». Il faut un talent musical supérieur pour que ces moments successifs ne se détruisent pas réciproquement.
Là intervient le charme, au sens fort du terme, de la partition.
Une musique enjôleuse
Elle l’est parce qu’elle s’impose à l’esprit du spectateur comme malgré lui.
Or, s’il n’est pas musicien, il en trouvera difficilement la raison.
La succession de rythmes et de tonalités différentes empêche l’attention de
se relâcher : on trouve les mélodies les plus raffinées, comme la cavatine
de Faust ou le duo d’amour du jardin, comme les plus tapageuses (le chœur
des soldats) ; des valses entraînantes précèdent les thèmes élégiaques de la
scène du jardin, une ballade du roi de Thulé, à peine modulée donne l’illusion d’être chantonnée, quand les chansons à boire semblent braillées. L’air
virtuose et allègre des bijoux n’a rien à voir avec les accents véhéments qui
opposent Méphisto et Marguerite dans l’église, ou dans le trio final.
L’attente douloureuse de Marguerite, dans la scène de la chambre, est
d’autant plus poignante qu’elle succède immédiatement à la scène du jardin dont le finale exprime le violent désir sensuel éveillé chez la sage,
jusque là du moins, Marguerite. L’ironie grinçante de la sérénade de
Méphisto tient à son propos qui dénonce son objet même : sous prétexte de
séduire Catherine qu’il dit adorer, il la met en garde contre le danger
qu’elle court : le ton est particulièrement cruel puisqu’il s’adresse à celle
qui a déjà commis l’erreur d’ouvrir sa porte, « sans la bague au doigt ».
34
Ces variations ne sont jamais gratuites : chaque air correspond à la personnalité et à la situation de chaque personnage. Gounod ne donne jamais
l’impression d’utiliser une structure musicale pour elle-même. Au contraire, il en casse souvent les codes. Le fameux air des bijoux, sans doute exigé
par la créatrice, n’est pas un simple prétexte à roulades mais un moment où
la chaste jeune fille sent s’éveiller en elle un désir de plaire, prémices de
l’amour dont elle s’enivre déjà. Quant à la ballade qui précède, elle est sans
cesse interrompue par un retour au souvenir du jeune inconnu qui l’a abordée. Certes le procédé n’est pas inédit, mais les interruptions venaient classiquement entre chaque couplet, alors qu’ici elles interviennent en plein
milieu de chacun d’eux. Surprenant, également, dans le duo d’amour, la
suspension du développement mélodique après « Éternel ! ». La musique
reprend après un silence, et la tonalité change, comme si les amants revenaient à eux après un moment d’extase. Pour un personnage comme
Marguerite, et même Siébel, timides dans leurs premières interventions, la
ligne mélodique se fait plus tendue et véhémente, au fur et à mesure et
notamment à l’acte IV. Ce qui pose le problème de la tessiture de
l’héroïne : sa voix doit monter aisément dans l’aigu, mais elle doit être
capable aussi d’accents dramatiques. Une Victoria de Los Angeles chantait
Marguerite mais aussi Elsa, Desdémone.
Toute la partition est ponctuée par des ensembles qui contrastent, par leur
tonalité, avec l’état d’esprit des personnages (comme les chœurs joyeux
qui interrompent la méditation morbide de Faust, acte I), ou qui amplifient
leurs sentiments (le chœur des démons qui achèvent de plonger Marguerite
dans la terreur, acte III). Remarquons que l’œuvre est comme encadrée par
le chœur profane des paysans du début et celui, céleste, de la fin. Autre
effet de miroir significatif : au docteur, l’univers de la terre ; à la femme
bafouée, celui du ciel.
On ne saurait non plus oublier que l’opéra tout entier est comme ponctué
par des prières, des invocations, profanes ou religieuses, voire blasphématoires, qui montrent des personnages dépassés par les événements et tendus
vers une force supérieure dans laquelle ils placent leurs ultimes espoirs :
cela définit un climat oscillant entre sensualité et mysticisme, un déchirement entre deux postulation de l’âme : besoins bas et vulgaires contre aspirations à un idéal inaccessible, qu’il s’agisse d’amour ou de foi. Résumé,
en somme de la condition humaine, depuis l’origine des temps et en particulier des problèmes existentiels de Gounod lui-même.
La musique traduit également les liens qui unissent ou opposent les personnages. Dans le tableau de l’église, le prélude à l’orgue et le chœur liturgique, à l’origine sur le Dies Irae, s’allient aux imprécations de Méphisto35
phélès pour former un contraste musical sinistre avec la prière de
Marguerite. Au « Seigneur accueillez la prière » en Ut majeur de
Marguerite répond le « Souviens-toi du passé » en Ut mineur de Méphistophélès, qui reviennent par deux fois. La phrase inébranlable de Marguerite,
« Seigneur accueillez la prière », a une forme mélodique, pour ses deux
premières mesures, presque identique à celle de la cavatine antérieure de
Faust, glorifiant la « chasteté et de la pureté » de Marguerite. La ligne
musicale resserre le drame sur ces trois personnages, et en résume la portée. La tonalité d’Ut majeur annonce la rédemption finale et l’apothéose de
Marguerite : l’Ut majeur constitue le point culminant tonal de « Anges
purs, anges radieux » que l’on entend successivement dans une progression ascendante, par paliers successifs (sol, la et si majeur).
Des personnages sculptés par la musique
On peut dire que la musique nous fait pénétrer au cœur même des personnages. Or, c’est l’autre point fort de l’œuvre, les personnages sont placés
dans un monde exceptionnel où l’univers terrestre se mêle à celui des
esprits, infernaux ou célestes ; cependant, ils restent parfaitement proches
du spectateur par leurs émotions qui sont celles qu’éprouvent tout homme
et toute femme.
Là aussi la musique les définit exactement : Méphistophélès, ordonnateur
de tous les événements, change sans cesse de tonalité. Moqueur dès son
arrivée, faussement servile à l’égard de Faust, menaçant soit de façon
badine à l’égard de Siébel, soit de façon cruelle pour Marguerite, toujours
cynique. Il joue tous les rôles, même celui de l’amoureux transi, mais il
reste le Maître des enfers. Insinuant comme le serpent, il fascine et révulse. La musique se plie à ses humeurs : c’est presque du parlando pour ses
brefs échanges avec Faust ou avec Dame Marthe ; le rythme s’emballe
quand il décrit son rôle dans le rondo du Veau d’or, véritable proclamation
de sa puissance : « Satan conduit le bal ». La ballade « Vous qui faites l’endormie » n’est que sarcasme alors que son invocation aux esprits de la nuit
dégage un vrai charme, très loin de la violence de la scène de l’église. Tout
cela se retrouve unifié quand il joue les maîtres de maison, à Walpurgis :
puissance ténébreuse, il règne en maître et le ton solennel, sans pompe
excessive, exprime le triomphe tranquille du vainqueur. Cette richesse
expressive en fait bien le centre de toute l’action.
Le Faust de Goethe s’adonne à la magie afin de percer le mystère de la
création. Esprit infatigable et curieux, il cherche à repousser sans cesse les
limites de la connaissance, ce qui le condamne à l’échec. Méphistophélès
raille son esprit « dont l’ambition effrénée néglige les joies terrestres ». S’il
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signe un pacte avec le diable, c’est d’abord par soif de connaissances. Ce
n’est que dans un deuxième temps qu’il tombe amoureux de Marguerite.
Faust est le prototype du savant moderne qui place très haut le niveau de
sa réflexion. Celui de Carré et Barbier est un vieil homme découragé qui
désire mettre fin à une vie qu’il juge inutile. Il fait appel à Satan pour
demander de recouvrer la jeunesse. Faust est ramené à une banale condition humaine. Quand Méphisto lui fait voir Marguerite, Faust signe aussitôt. D’entrée, musicalement parlant, il est dans la supplique et la révolte,
qui deviendront exaltation à la fin du premier acte. Le ton tendu entre aigu
et grave, le définit comme un personnage instable, peu sûr de lui. Un seul
moment élégiaque interrompt cette tonalité paroxystique, celui de l’apparition de Marguerite : « Ô merveille ! », qui exprime, dans un souffle, son
extase. On peut dire que toute la partition qui lui revient, répète ces données, l’élégie étant à son apogée dans la scène du jardin, le ton brutal caractérisant tous ses échanges avec son mentor. La dernière scène avec
Marguerite va mêler tendresse et âpreté du désespoir. C’est Marguerite qui
prononce le dernier mot, « horreur », celui de Méphisto, « Jugée », étant
immédiatement corrigé, donc nié, par le chœur céleste, « Sauvée ». Faust
reste muet, signe de son échec définitif. Faust a finalement une partition
plus conventionnelle, même si la célèbre cavatine, qui deviendra un modèle pour les opéras à venir, ne correspond pas exactement au modèle canonique. Il n’y a que dans la scène du jardin que la ligne mélodique, qui lui
est propre, se libère vraiment et épouse ses moindres émotions. Son cœur
est déchiré entre le charme de Marguerite, et celui, au sens sorcellerie du
terme, qu’exerce Méphisto sur son esprit. Il ne choisit vraiment jamais.
Valentin, on l’a dit, s’exprime toujours dans le ton de la ferveur, qu’il
s’agisse de sa sœur, de Dieu, de son honneur de soldat ou face à Méphisto.
Il incarne l’homme du devoir, ce qui le fait tant haïr par une certaine critique d’aujourd’hui, alors qu’il correspond à la norme du temps (du récit
ou de la création) par rapport au dérèglement incarné par l’irruption du
Diable. Il n’y a aucune raison pour que sa ligne mélodique bouge. Gounod
et ses librettistes ont beaucoup gommé l’aspect rustre du personnage de
Goethe. Cela tient, en partie, à la suppression de la chanson de Valentin
« Chaque jour, nouvelle affaire », d’un ton assez matamore, où il cherchait
à tirer profit de la bonne réputation de sa sœur. Elle fut remplacée par le
chœur des soldats. L’introduction de ce dernier tiendrait à une réunion qui
précéda la première, chez Gounod. Il fut prié de jouer un extrait de son
infortuné Ivan le Terrible. L’effet produit fut tel que l’assistance, dont
Carvalho et Ingres, lui demanda de l’utiliser dans Faust. C’est ainsi
qu’une marche nuptiale devint militaire. Plus tard, avec l’ajout d’« Avant
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de quitter ces lieux », le côté sentimental du personnage s’accentua.
Siébel, écrit pour une dugazon, diffère de son modèle allemand, personnage épisodique dans le poème original. Goethe le décrit comme bedonnant,
quelque peu ivrogne. Rien à voir avec la candeur de l’adolescent de
« Faites-lui mes aveux ». La sincérité de ce dernier le hisse, dans la scène
de la chambre, à la hauteur de la situation : la ligne mélodique est ferme
et claire, comme son âme. À l’air primitif, « Versez vos chagrins » se
substitua « Si le bonheur ».
À Marguerite échoit un vrai chemin de croix, qu’elle suit avec vaillance et
une foi naïve, en Dieu, en son frère, en Faust. Les deux hommes l’abandonnent, elle s’égare, dans tous les sens du terme. Elle se retrouve en comprenant, à temps, qui est Faust : la marionnette de Satan. Elle retourne à
Dieu. La tragédie de Marguerite marginalise un Faust velléitaire. Elle seule
triomphe de Méphisto. Elle atteint, ainsi, le statut de véritable héroïne de
l’opéra. D’autant plus que Marguerite, par étapes successives, s’impose
aux spectateurs : simple image muette dans son apparition à Faust, au premier acte ; elle ne chante que huit mesures à l’acte II, « Non, Monsieur, je
ne suis demoiselle… ». Généralement, dans un opéra, la soprano avait,
assez rapidement, un air d’entrée ou un duo. Il est difficile aujourd’hui d’imaginer combien sembla audacieuses à ses contemporains cette première
apparition discrète de Marguerite, comme sa déclamation sur les motifs de
l’orchestre, à la fin du troisième acte. Avec la suppression de son dialogue
avec Valentin, elle ne s’exprime vraiment qu’à l’acte III, encore Siébel et
Faust passent-ils avant elle. Elle existe, à la fois, comme un personnage
tuté-laire, grâce à la médaille donnée à Valentin et comme celle qu’il faut
protéger. Quand elle apparaît enfin en personne, dans toute sa beauté,
quand Faust la prie de l’autoriser à la raccompagner chez elle, à chaque
fois, une musique particulièrement harmonieuse l’accompagne. Cela crée
une aura poétique autour de ce personnage que tous évoquent, et une attente chez le spectateur, enfin satisfaite par une longue scène solo, avant le
long duo d’amour qui suivra. Traversant toutes les gammes de la joie et de
la souffrance, Marguerite passe du statut de victime passive à celui
d’héroïne active. Parallèlement, l’étoile de Faust pâlit et il devient comme
étranger au monde qui l’entoure, notamment avec son indifférence aux
festivités que lui offre Méphistophélès. Littéralement, la musique change
la voix de Marguerite qui s’enfle et envahit l’espace sonore de l’opéra. Il
n’est guère gênant que l’œuvre fut rebaptisée Margarete en allemand. Car,
modeste jeune fille au début, Marguerite occupe le cœur même de la dramaturgie : enjeu d’une lutte entre Méphisto dont Faust est le bras armé, cet
axe du Mal s’oppose à un axe du Bien, son frère qui délègue ses pouvoirs
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protecteurs à Siébel. Mais elle se sauve seule et se transforme en une guerrière chrétienne. C’est à Marguerite que le spectateur s’identifie et non à
Faust, personnage sans la moindre initiative ferme, parce que cette femme,
en choisissant son destin, prend figure humaine.
Réception
Entre 1859 et 1869, l’opéra gagne la Province et les pays limitrophes, et
même la Russie. En 1863, Londres et New-York (à l’Académie de
Musique), l’accueillent. Cette rapide diffusion va imposer la version avec
récitatifs, avant même l’entrée à l’Opéra de Paris. Gounod aurait souhaité
que les deux versions cohabitent.
À Londres, George Bernard Shaw se plaignait car chaque critique « doit
passer, au cours de sa vie, quelques dix années sur douze à écouter Faust.
Je ne jurerais pas que la contemplation prolongée du manteau écarlate de
Méphistophélès et de ses projecteurs rouges ne m’ont pas détérioré la
vue. »
Ce fut sans aucun doute le conformisme de l’œuvre qui emporta l’adhésion
rapide du public, ses formes musicales étant celles qui étaient familières à
tout amateur d’opéra de l’époque, en particulier celles des solos de
Méphistophélès, des couplets, c’est-à-dire avec un refrain répété, et celle
de la cavatine en trois parties de Faust, « Salut, demeure chaste et pure »
avec une section centrale modulante. Les rythmes de marche qui envahissent certaines parties de la partition ne paraîtraient pas déplacés dans les
œuvres de Meyerbeer. Gounod a parfois cédé aux attentes du public : la
reprise en si majeur d’« Anges purs, anges radieux », était interrompue au
bout de quatre mesures par le tambour du bourreau. Cette fin était plus
frappante, mais Gounod rétablit la strophe entière dès 1862.
Le style de Gounod était à l’époque aussi admiré que celui de Verdi et de
Wagner. En Angleterre, on le considérait comme le successeur de
Mendelssohn. Les critiques ne manquèrent pourtant pas. Les principales
furent d’avoir trahi la dimension philosophique de l’œuvre de Goethe que
Berlioz et Boito, plus tard, ont davantage approchée. Suivant son tempérament et sa formation, Gounod s’intéresse plus à l’aspect moral de
l’histoire : la chute de Marguerite, sa rédemption finale par le repentir,
ainsi que la tentative de Faust, vouée à l’échec, de retrouver la jeunesse en
signant un pacte avec le diable. On lui reprocha de faire moins bien que
Meyerbeer.
Il n’en reste pas moins que l’auteur eut droit à un timbre à son effigie. La
publicité s’empara des personnages, dont une pour les produits Liebig.
Dernière preuve de l’immense popularité, l’invention, par Hergé, du per39
sonnage de Bianca Castafiore, cantatrice qui n’a que l’air des bijoux à son
répertoire.
GOUNOD ET L’OPÉRA FRANÇAIS
Le compositeur et critique Alfred Bruneau définit la spécificité du langage
musical de Gounod, comme « un langage tendre d’une sensibilité infinie et
d’un raffinement délicieux », alliant la « simplicité pure de Mozart » à la
« poésie troublante de Schumann ». Il souligne, la tendresse créée par un
lyrisme sans affectation, la délicatesse des nuances orchestrales et un art
vocal qui renonce aux effets. La musique de Gounod est française dans
l’âme, par la simplicité des accords parfaits, par les figures d’accompagnements délicates. Certains motifs attachés à Marguerite, ou au duo d’amour,
reviennent, plus ou moins discrètement, à l’orchestre jusqu’à la scène de la
prison, imprégnant l’ensemble de la partition d’une tonalité amoureuse
dont on se sait plus si elle s’adresse au ciel ou à la chair.
A ce lyrisme, véritable signature de Gounod, qui s’épanouit au chœur de
l’acte III, s’ajoute une parfaite maîtrise orchestrale qui lui permet de
mettre en place le chœur complexe de la scène de la Kermesse. Preuve de
l’inventivité de Gounod, Faust fourmille de mélodies qui sont devenues
des tubes, non sans raison, car elles sont parfaitement construites, en parfait accord avec la vérité dramatique. Verdi, qui appréciait Gounod, regrettait cependant son manque de force dramatique. Gounod n’est pas Berlioz
pour ce qui est de l’innovation musicale, et il ne force pas sur les effets
grandiloquents à la Meyerbeer, même si le choral des épées, à l’acte II, qui
n’existe pas chez Goethe ni chez Carré, fait irrésistiblement penser à la
bénédiction des poignards dans les Huguenots.
C’est le musicien d’église qui écrit Faust (la supplique de Marguerite dans
la scène de l’église vient du Dies irae du Requiem écrit à Vienne en 1842).
Mais, on peut dire aussi l’inverse : sa musique religieuse est souvent théâtrale, dans l’esprit de son temps. Même si nous le percevons mal, Faust
n’a rien à voir avec les « diableries » que l’on voyait sur les scènes de
l’époque, destinées à faire frémir le public à bon compte. Au contraire, il
fait comprendre que Méphistophélès ne vient pas d’ailleurs, il est parmi
nous ; en fait, il est en nous-mêmes.
L’œuvre musicale de Gounod, dans son ensemble, reflète la double postulation de son auteur qui a passé quelques deux ans au séminaire, comme
plus tard il passera sensiblement le même temps à Londres, abandonnant
femme et enfants à Paris, pour vivre auprès d’une médiocre cantatrice.
40
L’opéra occupe le mitan du XIXe siècle et il crée un pont entre un opéra
français dont les principes se constituent avec le dernier Rossini,
Meyerbeer, Halévy, et celui qui va naître avec le disciple Bizet, Massenet.
Gounod abandonne les sujets historiques pour d’autres plus intimes. Audelà des scènes lyriques, son sens mélodique va se retrouver chez Franck,
Fauré, et sa clarté d’écriture va s’imposer. Même Debussy et Ravel s’en
souviendront.
ENTRETIENS AVEC
LE CHEF D’ORCHESTRE ET
LE METTEUR EN SCÈNE
Le Maître Jacques Mercier s’exprime sur l’écriture musicale de
Gounod.
Jacques Mercier, directeur de l’orchestre National de Lorraine, garde un
souvenir amusé du premier Faust qu’il a dirigé à Séoul, à la fin des années
1970, et pour lequel André Batisse avait fait la mise en scène. Ce n’est pas
le fait que l’œuvre fut chantée en coréen, ni la qualité de l’équipe musicale locale, d’ailleurs excellente, qui lui posèrent le plus de problèmes. Le
contact fut cependant rude, à la première répétition : confiné dans une salle
peu aérée, face à une cinquantaine de choristes chantant à pleine voix, bouche largement ouverte, il reçut en pleine figure les effluves de leur récent
déjeuner dont les composantes exotiques laissaient un parfum particulièrement tenace et peu agréable pour un européen non averti.
Ce n’est pas pour cette raison, cependant, que la reprise de Faust, à Metz,
n’est que la deuxième occasion qui est donnée au Maestro de diriger l’opéra de Gounod. Sans doute est-ce un autre signe de la relative raréfaction
actuelle de l’œuvre sur scène. Mais par ailleurs, Jacques Mercier connaît
parfaitement la musique française, lyrique et symphonique du XIXe siècle
qu’il dirige et enregistre. Il a donc un regard particulièrement éclairé sur
cette partition.
Pour lui, il n’est guère étonnant que Carmen supplante Faust dans le cœur
des lyricophiles car la musique de Bizet, dont il a enregistré Djamileh, est
bien plus inventif. Gounod tombe parfois dans la facilité qui consiste à
reprendre une même structure, deux à trois fois de suite, en élevant à
chaque fois le ton, ce qui se passe dans le dernier trio de l’opéra, et surtout
il a une conception plus moderne de la structure musicale, n’hésitant pas à
la désarticuler parfois, pour mieux surprendre. Ce qui rend ses partitions
41
plus vivantes, en un mot plus attractives et intéressantes. Si le rôle Micaëla
rappelle, en partie, la manière de Gounod, l’élève a dépassé le maître et sa
Carmen est logiquement plus universelle.
Gounod reflète parfaitement les goûts de son temps, d’une France moraliste et catholique, et il y aurait bien des points communs entre le traitement
de l’orgue, dans la scène de l’église, et ce que fait Saint-Saëns dans sa
Symphonie avec orgue. Si Jacques Mercier apprécie Mors et Vita et la
Messe de Sainte-Cécile de Gounod, très bien écrites, il reste réticent devant
un certain côté Saint-sulpicien qu’il retrouve dans l’opéra. À cela s’ajoute
l’argument qui lui paraît peu compatible avec la mentalité actuelle.
Il n’empêche que lui et ses musiciens trouvent cette musique très agréable
à jouer. Gounod orchestre parfaitement et tout sonne idéalement. Il a un
grand sens de la ligne vocale. C’est pourquoi cette musique a une grâce
indéniable. Elle frappe par son naturel, sa transparence, sans doute apprise
chez Mozart. Sa fluidité et l’économie des moyens, sa mesure et son élégance, loin de toute esbroufe, imposent ce qu’on appelle la qualité française.
Gounod reste un maître pour toute l’évolution de l’opéra français à la fin
du siècle. On retrouve également sa leçon chez Franck, Claude Debussy et
même Ravel qui n’aimait pas qu’on critiquât le compositeur de Faust.
Regards d’un directeur et metteur en scène d’opéra sur Faust
Le Faust proposé par l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, en juin 2012, est
mis en scène par son directeur actuel, Paul-Émile Fourny. Conçue en 2002,
cette production a été reprise depuis cette date, douze fois, en France et à
l’étranger (Espagne, Tel-Aviv). M. Fourny qui parlait, samedi 12 mai 2012,
dans le cadre des conférences du Cercle lyrique de Metz, sur l’art de la
mise en scène, a bien voulu ensuite répondre à quelques questions pour
préciser les principes qui guidaient toujours son travail : le respect de
l’esprit du texte et de la partition, quitte à en modifier la lettre. C’est ainsi
que la scène de la kermesse où se côtoient les hommes qui partent à la
guerre et ceux qui restent, lui a donné l’idée de transposer l’œuvre à la
veille du premier conflit mondial.
Le spectacle rétablit la scène de la chambre, longtemps supprimée, ce
qui nuisait à la compréhension de la progression du drame et à celle de
l’évolution des personnages de Marguerite et de Siébel. Le grand air de
l’héroïne, comme la romance du second, traduisent cette mutation : tous
deux ont perdu leur innocence première, ont mûri, sans se renier pour
autant. Contrairement à d’autres productions récentes, à Paris notamment,
le ballet est maintenu mais en essayant de l’intégrer dans le propos drama42
turgique afin qu’il ne soit pas un simple divertissement.
Il y a donc une réévaluation du personnage de Marguerite, qui la replace
sur un plan d’égalité avec Faust : elle se bat seule contre tous, ce qui
l’amène à la folie. D’où la question du metteur en scène : il est beaucoup
question de Dieu mais il n’intervient guère. Il est vrai que Méphisto, manipulateur cynique et pervers, « conduit le bal » à sa guise afin de séparer les
deux amants. Sans lui, Faust, qui aime sincèrement Marguerite selon P.-E.
Fourny, ne la trahirait pas. D’où l’importance de la qualité du jeu scénique
qu’on attend du personnage diabolique, insinuant et persuasif, loin de
l’histrionisme d’une certaine tradition.
Chaque personnage est parfaitement dessiné, y compris Dame Marthe, seul
Valentin serait plus conventionnel, sans pour autant être l’affreux personnage que dénoncent certains spectacles de ces dernières années.
M. Fourny insiste sur la modernité du livret et de la musique de Gounod.
C’est justement au metteur en scène de persuader le spectateur de nos jours
de l’actualité du mythe de Faust.
À LIRE
Gérard Condé, Charles Gounod, Paris, Fayard, 2009.
Steven Hueber, Les Opéras de Charles Gounod, Actes Sud, 1993.
L’Avant-scène Opéra, Le Mythe de Faust/1. Faust de Gounod, n° 2,
mars-avril 1976.
L’Avant-scène Opéra, Faust de Gounod, mars-avril 1976, n° 231, 2006.
À ÉCOUTER
Il est difficile de rendre compte de toutes les sélections et intégrales parues
depuis l’invention du phonographe, même si elles furent relativement rares
jusqu’aux années 1950. A partir de 1970, la notion « d’intégrale » se diversifie en fonction de la réintégration de certaines scènes, ou airs, traditionnellement coupés, de l’insertion du ballet au sein de l’acte de Walpurgis ou
de son rejet en annexe. Plus délicat est la main mise des grandes firmes
discographiques sur les distributions. Elles imposent, certes, de grands
noms mais ces artistes sont trop souvent étrangers à l’esprit de l’œuvre ou
s’expriment dans un improbable volapuk. Aussi, au risque de paraître
pédant, on prendra le risque d’affirmer qu’aucune des intégrales actuelle43
ment disponibles n’est totalement satisfaisante. Si le quintette -ténor,
soprano, baryton, basse, mezzo-, est celui du Trouvère ou de l’Aïda de
Verdi, et compte non tenu des difficultés vocales respectives de chacun des
rôles, il sera toujours plus facile de trouver des interprètes rompus à la prosodie et à la vocalité italiennes qu’à la prononciation et au style français.
C’est le résultat regrettable d’un recul du répertoire français, non seulement sur les scènes étrangères mais surtout sur les scènes nationales. Il va
de pair avec le déclin de l’école du chant français depuis quelques décennies. Cela peut expliquer, du moins partiellement, que Faust en fasse les
frais. Le problème est moins grave pour les chefs d’orchestre, quelle que
soit leur nationalité : ils dirigent, généralement, la musique symphonique
française, ils en connaissent l’esprit qui se retrouve dans l’écriture de
Gounod.
Sélections
Elles ont la vertu d’avoir gardé le témoignage, en studio, de chanteurs qui
ont fait les beau soirs de l’Opéra Garnier ou des scènes internationales.
On trouve chez Nimbus la réunion d’extraits, enregistrés entre 1906 et
1911, par Enrico Caruso, Geraldine Farrar, Antonio Scotti, non francophones mais confondants de pertinence stylistique, de beauté vocale et
d’engagement, accompagnés par l’une des plus grandes basses françaises,
Marcel Journet qui devait participer 20 ans plus tard, quelques mois avant
de disparaître, mais alors moins convainquant, au premier enregistrement
intégral « électrique » de l’œuvre. Sa leçon de chant devrait servir à tout
apprenti Méphisto encore de nos jours.
De façon peu compréhensible, il ne nous reste, chez EMI, que des extraits
enregistrés entre 1929 et 1931, par Georges Thill dont la voix et le style
étaient ceux-là mêmes exigés pour Faust : legato, projection, timbres sont
parfaits. Il est un des rares interprètes à conclure sa cavatine sur un Ut émis
en voix mixte d’un rayonnement absolu.
L’année 1962 voit sortir trois sélections : chez Vega, les jeunes Alain
Vanzo et Robert Massard, que l’on retrouve en « live » par ailleurs et, pour
le second, dans une intégrale prestigieuse chez Decca. Style, articulation,
beauté vocale sont au rendez-vous. Chez Orphée, Gustave Botiaux, à qui
le studio n’a jamais réussi, accompagne l’excellente Marguerite d’Andrea
Guiot, si injustement absente des studios par ailleurs, le Valentin de René
Bianco et le Méphisto de Xavier Depraz. Philips présente le célèbre, et
controversé, Tony Poncet, la plus jeune Marguerite d’alors, au Palais
Garnier, l’Algéroise Irène Jaumillot et le Constantinois René Bianco, ici
dans Méphisto. Beaucoup d’amateurs d’opéra les ont aimés, la critique
44
jamais.
À partir de l’avènement du CD, les extraits d’opéra se font rares. Une
curiosité cependant : une version abrégée de l’intégrale de Michel Plasson,
pour restituer les aigus traditionnels, impitoyablement interdits aux solistes
dans l’intégrale, parue en même temps chez EMI. Cela concerne notamment le trio final.
Intégrales en langues étrangères
Preuve du rayonnement international de l’œuvre à la fin du XIXe siècle, en
1908, le premier enregistrement intégral de Faust paraît en langue allemande, avec la prestigieuse Emmy Destinn, alors âgée de 30 ans, créatrice
récente de Salomé et de La Fanciulla del West, aux côtés de Caruso. Une
Marguerite imposante par les moyens vocaux déployés, loin de la frêle
jeune fille attendue. Carl Jörn lui tient tête avec éclat (Discophilia). En
1920, la première intégrale en italien, avec les forces de la Scala, dirigées
par Carlo Sabajno, reste anecdotique (His Master Voice). A la tête d’une
distribution anglaise, neuf ans plus tard, Thomas Beecham dirige son premier Faust avec, dans le rôle titre, Heddle Nash, mozartien distingué.
En allemand, le grand ténor danois, Helge Rosvaenge, enregistre plusieurs
fois le rôle de Faust : en 1937, sous la direction de Joseph Keilberth, puis
celle de Heinrich Steiner en 1938, à la radio berlinoise, dans un son étonnant pour l’époque. Dans ces mêmes années, il incarnait le ténor italien du
Rosenkavalier, Tamino dans La Flûte enchantée, mais aussi le Florestan de
Fidelio, au Festival de Salzburg et Parsifal au Festival Bayreuth ! C’est
dire l’extrême souplesse d’une voix éclatante et généreuse. Difficile
d’apprécier le style du célèbre chanteur avec, pour la seconde version, une
direction erratique et la présence d’un Méphisto, Michael Bohnen, dont la
prestation ahurissante d’histrionisme et son indifférence aux indications de
la partition, rendent inaudibles la plupart des scènes. Il existe d’autres
témoignages de Rosvaenge, dont une en 1942. Il n’est pas sûr que les
publics, autres que germaniques, les trouvent indispensables ajourd’hui.
Deux enregistrements, en russe, datant de 1947 (Mez-Kniga) et 1948 (Lys)
ont, tous deux sous la direction de Vassily Niebolssine, le même couple
vedette, la soprano Yelizavieta Choumskaya et le ténor Ivan Kozlovsky
dont on peut ne pas aimer la voix un peu nasillarde, mais au style racé et à
la quinte aiguë impeccable ; Alexander Pirogov, puis Mark Reizen, sont
marquants dans Méphisto, le second particulièrement. Les Britanniques
n’ayant pas renoncé à publier des opéras dans leur langue nationale, on
trouve une intégrale en anglais, chez Chandos, en 1999, qui offre une belle
45
homogénéité tant chez les solistes qu’à l’orchestre.
Intégrales en français
Les Français relèvent le défi allemand de la première intégrale, en 19111912, avec une intégrale en 56 faces de 78 tours. Malgré les problèmes
techniques de l’époque, on y trouve la scène de la chambre, sans la romance de Siébel, et l’intégralité du ballet ! Signalons l’élégance stylistique de
Léon Beyle, alors grand interprète de Werther et de Des Grieux. Il possède
l’exacte tessiture du rôle de Faust. La voix de Jeanne Campredon passe
moins bien la précarité de la restitution sonore. Saluons en elle, la créatrice, en France, du rôle de la Maréchale du Chevalier à la rose, et la grande pédagogue qu’elle fut, unanimement respectée par ses élèves : au
Conservatoire d’Oran, elle guida les premiers pas du tout jeune Juan
Oncina.
La première intégrale « électrique », reprise chez Andante, remonte à 1930.
Elle est dirigée par le dernier élève de Gounod, Henri Busser, nourri à la
tradition française avec une totale maîtrise du style. C’est la seule intégrale de César Vezzani dont on peut ne pas aimer les contre-uts à l’arrachée,
mais il est difficile de nier la beauté du timbre et la diction impeccable. Il
offre un mélange étonnant entre élégance française et force vériste. Le
grand Marcel Journet, à 62 ans, tient le rôle de Méphisto qu’il a chanté sur
toutes les grandes scènes de l’Ancien et du Nouveau Monde. Vraie basse
chantante, il a marqué ce rôle qu’il disputait à Pol Plançon et Chaliapine.
La difficulté de ce rôle est d’en faire ressortir l’ironie subtile qui se mêle à
l’affirmation de sa puissance, l’humilité feinte au sarcasme assassin, la servilité aux éclats orgueilleux. La voix de Journet savait se faire tour à tour
enjôleuse et terrifiante. Sans chauvinisme aucun, les Français, comme
Pernet, ont excellé dans l’art de rendre toutes les subtilités de ce rôle, talonnés par certains Italiens, enregistrés sur scène au Metropolitan Opera dont
la première captation en direct, avec Ezio Pinza, remonte à 1940. On le
retrouve en 1940, 1943, 1944 ; Cesare Siepi lui succède en 1950, 1951,
1955, 1959. Certaines de ces versions sont reprises dans la collection
Naxos. Dans les mêmes lieux, en 1944, Thomas Beecham dirige le Faust
de Raoul Jobin qui rappelle quels excellents Roméo et Werther il fut. Cette
même scène voit passer dans le rôle éponyme, Giuseppe Di Stefano, en
1949, et Jussi Björling, en 1950 et 1959 : le premier, avec une générosité
toute latine ; le second, avec un style impeccable, un timbre exceptionnel,
qui fait croire à la tendresse déchirée, mais sincère, du héros pour
Marguerite. On regrette qu’il n’ait jamais participé à une intégrale en studio. (Ces rééditions de productions du MET sont disponibles chez Myto).
46
En 1948, Beecham grave, dans un Londres qui sort difficilement de la
guerre, l’une des dernières intégrales avec une distribution entièrement
français (RCA, Naxos) : le vétéran Georges Noré, la Marguerite préférée
des Français, Géori Boué, éblouissante à la scène, mais au style maniéré au
disque, son époux d’alors, Roger Bourdin, hors de propos dans Valentin, et
le Méphisto prometteur de Roger Rico. Cela vaut surtout par le souffle que
sait insuffler le chef à son équipe.
De tous les témoignages laissés par Victoria de Los Angeles -notamment,
en « live », dirigée par Pierre Monteux-, c’est sa prestation officielle en
1953, sous la direction d’un André Cluytens inspiré, avec l’Opéra de Paris,
Nicolaï Gedda, Boris Christoff, qui reste son témoignage le plus touchant :
elle traduit la naïveté sans mièvrerie et l’évolution tragique de Marguerite,
avec une grande vérité psychologique. Gedda n’a pas encore l’envergure
vocale du rôle s’il en a l’intelligence. Reste la prestation de Christoff : le
grand Boris ou l’impressionnant Philippe II, qu’il a incarnés, n’ont rien à
voir avec Méphisto, créé par une basse chantante au Théâtre-Lyrique et un
baryton, Faure, à l’Opéra de Paris. Non seulement, il reste étranger au style
de Gounod, mais son français reste incompréhensible, son interprétation
tourne au grotesque. De plus, il lance, hélas, la mode des basses slaves dans
ce rôle. Leurs voix plus « grandes », plus sombres, ne peuvent pas toujours
traduire la subtilité du personnage. Certains de ces interprètes n’ont pas
toujours le sens de la mesure qui leur permettrait d’éviter les outrances.
Cluytens retrouvera, en 1958, pour la stéréo, la même équipe, sans amélioration notable.
1963 voit la parution, à la Guilde internationale du disque, une version
avec Léopold Simoneau et son épouse Pierrette Alarie. Le talent de mozartien du premier, celui de soprano lyrique de la seconde ne sont pas en
cause, mais ils sont sur distribués.
La véritable première intégrale paraît en 1966, chez Decca, avec la restitution de la scène de la chambre sans coupures et de quelques fragments
retrouvés, sous la direction de Richard Bonynge qui inverse l’ordre des
scènes de l’église et du retour des soldats. La distribution est éblouissante :
Franco Corelli, Joan Sutherland. Les voix sont d’or, le style de pacotille, la
diction bradée. Seul le Valentin de Robert Massard sait ce qu’il chante et le
fait magnifiquement. Dans l’entre-deux, Nicolaï Ghiaurov, avec une belle
voix, n’a pas vraiment le style de Méphisto. Seule la direction intelligente
du chef emporte l’adhésion.
La version d’Alain Lombard, avec l’Opéra du Rhin, Giacomo Aragall et
Monserrat Caballé, chez Erato, fut très bien accueillie en 1976. La direction, qui se veut solennelle et impressionnante, respire un ennui profond
47
qui gagne tous les interprètes. Le Méphisto de Paul Plishka est à fuir, le
Valentin d’Huttenlocher inexistant. Seule la Dame Marthe de Jocelyne
Taillon retient l’attention, c’est peu.
En 1979, le grand chef français, Georges Prêtre, dirige deux monstres
sacrés, Plácido Domingo et Mirella Freni, avec de nouveau un Nicolaï
Ghiaurov sans surprise, chez EMI. Si le premier chante un français d’une
qualité qu’il n’a pas toujours eu dans cette langue, ce n’est pas toujours le
cas de la seconde. Leur prestation vocale est de haut niveau. C’est Freni
qui, à l’instar de ce qu’on peut constater dans d’autres prestations prises sur
le vif, montre le mieux la transformation de la timide jeune fille en femme
passionnée. Cela tient, il est vrai, à une interprétation italianisante de la
partition mais qui reste acceptable. Un Thomas Allen, intéressant en
Valentin complète une équipe bien menée par le chef. C’est la première
version qui relègue le ballet en annexe -mais Faust chante sa chanson
bachique à Walpurgis.
En 1986, la version Colin Davis, chez Philips, est une bonne surprise pour
la finesse de la lecture de la partition. Francisco Araiza ne tient pas
jusqu’au bout les promesses que le premier acte laissait espérer. Kiri Te
Kanawa ne convainc guère et Evgeny Nesterenko n’a rien compris à son
personnage. Andreas Schmidt est oubliable en Valentin.
EMI publie, en 1991, le témoignage de Michel Plasson, grand spécialiste
du répertoire français du XIXe siècle, avec le Capitole de Toulouse.
Richard Leech, Cheryl Studer, Thomas Hampson sont tous remarquables
par leur style et leur français impeccable. Mais aucune émotion ne passe.
Reste le Méphisto de José Van Dam. Baryton-basse, ce qui correspond aux
intentions du compositeur, au style et à la diction impeccables, il crée un
personnage énigmatique, très intellectualisé qui frustre un peu l’auditeur à
qui manque l’image du grand comédien qu’il est.
La version de Carlo Rizzi, parue chez Teldec, en 1993, n’a pas d’autre intérêt que sa valeur documentaire : ni Jerry Hadley, ni Cecilia Gasdia, ni
Alexandru Agache, n’ont la dimension vocale de leurs personnages. Le
Méphisto de Samuel Ramey impressionne par la somptuosité de la voix
mais il reste extérieur au livret et à la partition. En revanche, à ce jour, c’est
le seul essai de reconstitution de la partition originale par la reprise du travail fait par Oeser pour retrouver toutes les scènes et fragments supprimés,
avec toujours le rejet du ballet en annexe.
Il serait injuste d’oublier, un « live », dirigé par Paul Ethuin, en 1973, avec
Alfredo Kraus, Renata Scotto, fortement engagés, chez HRE.
48
À VOIR
On peut retrouver Alfredo Kraus, dirigé par Alain Guingal, à Parme, en
1986, avec Nicolaï Ghiuselev et la Marguerite d’Anna Maria Gonzales,
publié par Hardy Classics Video. Un peu tard pour le grand ténor espagnol
(et une image de très mauvaise qualité).
Une fois admis que les archives de l’INA, pour la production de Lavelli à
Paris ou celle de Nicolas Joël à Toulouse, ne sont pas accessibles au public,
il ne reste que des productions étrangères, notamment celle du Covent
Garden à Londres, en 2004, qui réunissait sous la baguette d’Antonio
Pappano, Roberto Alagna et Angela Gheorghiu, dans la mise en scène hardie de David Mc Vicar. Notre star nationale, le seul à rappeler Thill, campe
un Faust, ardent et solaire, qui eût été transcendant quelques années plus
tôt. Gheorghiu relève le défi de la virtuosité et de l’émotion. Bryan Terfel,
baryton-basse campe, avec brio, un Mephisto cauteleux et puissant à la foi.
Un Valentin de luxe, Simon Keenlyside et le Siebel de Sophie Koch complètent la distribution. A la baguette, Antonio Pappano déploie un lyrisme
de bon aloi.
On disposera de la prestation de Jonas Kaufmann et de René Pape au
Metropolitan (décembre 2011) dans un proche avenir.
Au total, tous supports confondus, il faudrait une Marguerite avec le tempérament de Mirella Freni et le style accompli de Los Angeles ; dans Faust,
la beauté du timbre de Björling, avec le sens dramatique d’un Alagna ; un
Journet dans Méphisto et un Massard dans Valentin,. Les chefs, Cluytens,
Bonynge, Prêtre pourraient heureusement les diriger.
Remarquons pour finir deux contresens dans les distributions : Siébel était
destiné à une mezzo. Chez Cluytens, on trouve deux sopranos au timbre
clair, Martha Angelici et la délicieuse Liliane Berton. Quel que soit leur
grand talent, elles ne correspondent pas au personnage. On a distribué également le rôle à des ténors (on trouve, en « live », l’inusable Luigi Alva),
ce qui ne correspond nullement à la voix d’un adolescent.
Le Faust irréprochable reste à venir. Bertrand de Billy signe une lecture
vivante de la partition, en 2009, chez Orfeo, lors d’une représentation donnée à l’Opéra de Vienne, avec dans le rôle principal l’excellent ténor polonais, Piotr Beczala, au style et à la diction impeccables. Souhaitons que
cela puisse être repris en studio avec une Marguerite et un Méphisto (pour49
quoi pas français ?), un cran au-dessus de ceux qui ne sont que satisfaisants
dans cette production. Peut-être tiendrions-nous enfin une version qui ne
nous laisserait pas sur notre faim.
L’amateur d’opéra doit écouter, pour des comparaisons utiles, La
Damnation de Faust de Berlioz, dirigée par Münch chez RCA ; le
Mefistofele (1864), d’Arrigo Boito qui déplace le centre d’intérêt de la
légende sur le personnage diabolique : excellente version chez Sony
Classical avec Ramey et Domingo, direction Patané. Il peut compléter ses
découvertes avec Lili Boulanger qui obtint le prix de Rome, en 1913, avec
sa cantate Faust et Hélène qui, comme l’indique son titre, s’intéresse à la
seconde partie du Faust de Goethe. Le Doktor Faustus de Ferrucio Busoni,
contemporain de Mahler, enfant prodige et pianiste exceptionnel, se signale par son souffle lyrique authentique. Il offre la particularité de confier le
rôle de Méphisto à un ténor et celui de Faust à une basse. Le compositeur
travailla inlassablement à son opéra, sur le thème de la quête de l’artiste,
de 1916 jusqu’à sa mort en 1924, le laissant inachevé. Faust n’a pas fini de
fasciner les musiciens.
LES ARTISTES DE LA DISTRIBUTION
JACQUES MERCIER, CHEF D’ORCHESTRE
Né à Metz en 1945, Jacques Mercier est Premier prix de direction
d’orchestre à l’unanimité du Conservatoire supérieur de Paris, et Premier
prix du Concours international des jeunes chefs d’orchestre de Besançon.
Assistant de Pierre Boulez, il a également bénéficié des conseils d’Herbert
von Karajan. Il se lance rapidement dans la carrière internationale, dirigeant les grands orchestres, celui de Paris, le National de France, le
London Symphony Orchestra, l’Orchestre de la Suisse romande. Il est
récompensé du titre de « Souveräner Dirigent » à Berlin, se produit au
Festival de Salzbourg, à Séoul, Montréal, Tokyo, Helsinki. A Madrid, il est
cité comme « l’un des meilleurs chefs français et européens de sa génération ». Directeur artistique et chef permanent de l’O.D.I.F. de 1982 à 2002,
il fut pendant sept ans, chef permanent du Turku Philharmonic en Finlande,
et acquiert une expérience des musiques nordiques dont celle de Sibélius
qu’il fera mieux connaître à son retour en France. Cependant, son talent lui
permet aussi de se déployer dans un répertoire qui lui est cher, le répertoire français des XIXe et XXe siècles, et jusqu’aux contemporains dont
Xenakis, Luis de Pablo, Manoury, Wolfgang Rihm…
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Ses enregistrements discographiques lui ont valu de prestigieuses récompenses. Il obtiendra le Premier grand prix de l’Académie Charles Cros pour
Bacchus et Ariane d’Albert Roussel et le Prix de l’Académie du disque
lyrique pour Djamileh de Georges Bizet. Son Martyre de Saint-Sébastien
de Debussy (RCA) lui a valu le Choc du Monde de la Musique. Son enregistrement de L’An Mil de Gabriel Pierné lui a permis de décrocher le
Diapason d’or de l’année 2007, de même que, l’année suivante, son
Antoine et Cléopâtre de Florent Schmitt a été récompensé d’un Diapason
d’or.
Il dirige par ailleurs, à la fosse, les opéras appartenant au répertoire français. L’Orchestre National de Lorraine à la tête duquel il est nommé depuis
dix ans, s’est produit dans divers festivals : La Chaise Dieu, Brighton, La
Côte Saint-André (Berlioz), El Jem en Tunisie… La presse allemande l’a
qualifié de « Magicien de la baguette ».
PAUL-ÉMILE FOURNY, METTEUR EN SCÈNE
Né à Liège en 1961, Paul-Emile Fourny, Premier prix du Conservatoire
Royal de Wallonie à Liège, a rejoint en 1985, l’équipe de Gérard Mortier à
la Monnaie de Bruxelles, avant de poursuivre sa carrière en France, depuis
1989, à l’Opéra d’Avignon puis aux Chorégies d’Orange avant d’être
nommé directeur général et artistique de l’Opéra de Nice jusqu’en 2009.
Directeur artistique de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole depuis avril
2011, il a développé, dès 1997, une carrière de metteur en scène parallèlement à la gestion des structures qui lui ont été confiées. Il a ainsi mis en
scène les grands ouvrages du répertoire italien, français, allemand essentiellement. On retiendra Rigoletto, Traviata, Aïda, Lucia di Lammermoor,
Turandot, L’Enlèvement au Sérail, Don Juan, Roméo et Juliette, Faust,
Werther, Les Contes d’Hoffmann, mais également des ouvrages un peu
moins connus, La Vie brève de Manuel de Falla, Ariane et Barbe-Bleue de
Paul Dukas, Oedipus Rex de Stravinsky, André Chénier de Giordano, Le
Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten… Ces productions ont été
montées non seulement en France, à Nice, Avignon, Antibes, Menton,
Toulon, Saint-Etienne, Orange, ainsi qu’à Liège, mais également dans les
grandes maisons d’opéra à l’étranger, de New-York à Hong-Kong, de
Buenos-Ayres à Tel Aviv, de Singapour à Savonlina, ainsi qu’en Espagne,
au Portugal, en Italie, en Chine, en Argentine… Paul-Émile Fourny réalisera en juillet prochain une nouvelle production de Werther pour le Teatro
Argentina de La Plata, et une nouvelle production de Carmen à l’occasion
du 50e anniversaire de la fondation de l’Opéra National de Séoul, à
l’automne 2012.
51
DÉCORS, COSTUMES, LUMIÈRES, CHORÉGRAPHIE
Les décors de Faust ont été conçus par Poppi Ranchetti, originaire de
Milan, diplômé en art pictural. Il a étudié la décoration aux ateliers de la
Scala de Milan. Egalement costumier, il enseigne les métiers de la mise en
scène à Venise et collabore avec les grandes scènes lyriques d’Italie, de
France et d’Allemagne. Il a réalisé de nombreux décors à l’Opéra de Nice,
pour plusieurs spectacles mis en scène par Paul-Emile Fourny.
Très jeune, Véronique Bellone a débuté dans les ateliers de costumes de
l’Opéra de Nice. Spécialiste des créations de haute couture sur lesquelles
elle pose un regard d’artiste, elle adapte de nombreuses maquettes de
costumes à l’intention du décorateur Poppi Ranchetti. Paul-Emile Fourny
a engagé Véronique Bellone dans plusieurs spectacles qu’il a mis en scène.
D’abord directeur technique, Jacques Chatelet, luminariste, a réglé les
lumières de maintes scènes en France et à l’étranger. Il collabore également
avec les grands chorégraphes contemporains.
Élodie Vella est une chorégraphe qui a réglé de nombreux ballets dans
diverses compagnies. Elle a signé la chorégraphie de Rigoletto dans la production 2011 des Chorégies d’Orange.
Chef de chant à l’Opéra-Théâtre de Metz, Nathalie Marmeuse assure,
depuis de nombreuses années, les répétitions lyriques des ouvrages produits sur le plateau de l’institution messine.
LA DISTRIBUTION VOCALE
KIMY Mc LAREN, SOPRANO, RÔLE DE MARGUERITE
Diplômée depuis 2003 du Conservatoire de Montréal, où elle a décroché
son prix avec les félicitations du jury, la soprano québécoise Kimy Mc
Laren a remporté le Prix spécial du Concours Mozart à Salzbourg en 2002
ainsi que le second prix au Concours Mario Lanza l’année suivante. Elle se
lance ensuite dans un répertoire très large allant du baroque au contemporain. Dans le domaine vocal, symphonique et d’oratorio, elle a interprété Le Poème de l’amour et de la mer d’Ernest Chausson, les Sieben frühe
Lieder d’Alban Berg, les Italienisches Liederbuch d’Hugo Wolf, La
Damoiselle élue de Debussy, Sur le qui-vive d’Henri Pousseur, le Stabat
Mater de Poulenc. En qualité de membre de l’Atelier de l’Opéra National
du Rhin, elle a, entre 2004 et 2005, chanté en récital et en qualité de soliste avec l’Orchestre symphonique de Mulhouse.
Sur le plan lyrique, elle a abordé des rôles de Mozart (Les Noces de Figaro,
La Flûte enchantée) ainsi que dans Ariane à Naxos de R. Strauss et
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Wozzeck d’Alban Berg. Elle a beaucoup travaillé avec l’Opéra National du
Rhin dans diverses productions (La Clemenza di Tito de Gluck, Les
Boréades de Rameau) et elle y a abordé le répertoire wagnérien : Die
Walküre et Die Götterdämmerung. Elle s’est produite également sur diverses scènes d’opéra, à Bordeaux, Montpellier, Marseille dans Le Cid avec
pour partenaire Roberto Alagna, à Toulon, Avignon, Rouen, ainsi qu’au
Québec, en concert, au Festival d’Oxford (Mozart) avec l’Orchestre de
chambre de Vienne, dans le Requiem de Mozart avec l’Orchestre symphonique de Montréal…
CARINE SÉCHAYE, MEZZO-SOPRANO, ROLE DE SIÉBEL
Diplômée de chant et d’art dramatique du Conservatoire de Genève d’où
elle est originaire, elle poursuit ses études musicales à l’Opéra Studio
International de Zürich, et sera lauréate de divers concours internationaux :
3e Prix aux Voix d’or, Prix du meilleur candidat suisse Ernst Haefliger, Prix
Zarzuela à Operalia Placido Domingo, 2e Prix de la Mélodie française à
Toulouse. Carine Séchaye débute à Zürich et à Lausanne, dans Tom Jones
de Philidor, part en tournée au Japon dans le rôle-titre du Chat botté de
Montsalvage. Elle tourne également en Allemagne et aux Pays-Bas dans
Albert Herring de Benjamin Britten, puis dans Der Rosenkavalier de
Richard Strauss. Au Grand Théâtre de Genève, elle tient le rôle du page de
Salomé, celui de Berta du Barbier de Séville, puis chante dans Elektra,
dans La Flûte enchantée pour les enfants, et dans Andrea Chénier de
Giordano. Elle a, au début de cette année, fait des débuts appréciés dans le
rôle de l’enfant de L’Enfant et les sortilèges de Ravel à Monte-Carlo et
dans celui de La Périchole à Limoges. Elle chantera Mignon d’Ambroise
Thomas à Genève et sera Mercédès de Carmen aux Arènes de Vérone.
FLORIAN LACONI, TÉNOR, RÔLE DE FAUST
Né à Metz où il se produit régulièrement, le ténor Florian Laconi fit des
études d’art dramatique et débuta dans l’art vocal en 1995. Lauréat, en
2002, du concours des Voix nouvelles, il se produit ensuite en musique
sacrée, en oratorio, en opéra et en opérette. Il chante régulièrement sur les
scènes françaises et plus particulièrement en Avignon, à Saint-Etienne,
Nice, Marseille, Toulouse. Il a, à son répertoire, des rôles dans Le Voyage
à Reims, Cenerentola et Le Barbier de Séville de Rossini, Cosi fan tutte de
Mozart, Lucia di Lammermoor de Donizetti. Il a chanté Paillasse à l’Opéra
de Paris, Turandot à Monte-Carlo et aux Chorégies d’Orange, et il fit ses
débuts à Los Angeles dans Roméo et Juliette. A son répertoire, il possède
également Dialogues des carmélites de Poulenc, Le Jongleur de Notre53
Dame de Massenet, Le Roi d’Ys de Lalo, La Rondine de Puccini. 2005 fut
marqué par sa participation aux Contes d’Hoffmann, 2006 à Lucia di
Lammermoor, 2008 dans Carmen, 2009 dans Paillasse, et 2010 dans
Mireille. Ses dernières prestations sur la scène de l’Opéra-Théâtre de Metz
portent sur La Bohème, Matéo Falcone ou Fortunato de Théodore Gouvy
et dans Falstaff.
NIKKA GULIASHVILI, BASSE, RÔLE DE MÉPHISTOPHÈLÈS
Né en 1975 à Tbilisi en Géorgie, Nikka Guliashvili entreprend ses études
musicales en 1997 au Conservatoire Sarajichvili de sa ville natale, et
obtient sa licence de chant en 2002. Par ailleurs il fait des études de droit
dont il est diplômé de l’Université en 2005. Soliste au Théâtre Académique
d’Opéra de Tbilisi jusqu’en 2007, il intègre ensuite le CNIPAL où il est
pensionnaire jusqu’en 2009.
L’année précédente, il fut invité de l’émission « Dans la cour des grands »,
retransmise depuis Marseille dans le cadre de la Journée européenne de
l’opéra. La même année 2008, il fait ses débuts dans Méphistophélès de
Faust et chante dans Les Puritains de Bellini, à Toulon en 2009. Il est
Banco du Macbeth de Verdi à Bergen, dans la saison 2010-2011, il chante
dans Rigoletto au Festival de Tbilisi, où il est également basse solo de la
IXe symphonie de Beethoven. Il participe au Freischütz donné à Toulon et
Saint-Etienne et fut Raimondo dans Lucia di Lammermoor monté à Metz.
ALEXANDRE DUHAMEL, BARYTON, RÔLE DE VALENTIN
Formé à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, de 2009 à 2011, Alexandre
Duhamel fait ses débuts à l’Opéra de Paris dans Gianni Schicci, Werther,
Francesca da Rimini, Mireille et Don Carlo. Le baryton avait été nommé
dans la catégorie Révélation Lyrique de l’année 2011 ce qui lui permit
d’accéder très vite aux rôles de Wagner dans Faust, Ceprano dans Rigoletto
et le héraut dans L’Amour des trois oranges de Prokofiev. En quelques
années, il s’est constitué une palette de rôles très variés dans Don
Giovanni, La Petite renarde rusée de Janacek, Les Troqueurs de
Dauvergne, Street Scène de Kurt Weil, dans la création française de
Mirandolina de Bohuslav Martinu, L’Heure espagnole de Ravel, ainsi que
dans Carmen, ces ouvrages ayant été produits sur diverses scènes françaises. En concert et en récital, il est l’invité de plusieurs Festivals de
l’Hexagone ainsi qu’à Bastille. Il s’est également produit en récital, accompagné par la pianiste d’origine messine Chloé Ghisalberti. Alexandre
Duhamel est lauréat de divers concours : Prix Marshall du Concours
International U.F.A.M., Premier prix de mélodie française et Second prix
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d’opéra au Concours Flame, Révélation lyrique de l’année 2009 et Prix
lyrique du Cercle Carpeaux l’an dernier.
RÉGIS MENGUS, BARYTON, RÔLE DE WAGNER
Régis Mengus a fait ses études à Metz et a suivi ses cours de chant et d’art
lyrique dans la classe de Juan-Carlos Moralès au Conservatoire National de
Région de Metz où il fait ses débuts sur la scène de l’Opéra-Théâtre de
Metz Métropole. Grâce à ses qualités vocales et à sa diction parfaite, il
accède rapidement à de nombreux rôles dans Dialogues des carmélites de
Poulenc, Les Huguenots de Meyerbeer, Un Bal masqué de Verdi. Il tenait
le rôle- titre dans la création de La Légende d’Horus de Mario Salis. Il fut
Malatesta dans Don Pasquale de Donizetti, puis donne des récitals en
France, en Allemagne et au Luxembourg, dans un répertoire de mélodies
françaises, Ravel, Poulenc… Il entreprend en 2008 une carrière internationale qui le conduira à Athènes dans Cyrano et Roxane adapté de Rostand,
de Stavros Xaracos. Il chanta dans Carmen à Lille et à Caen, Véronique à
Saint-Etienne et dans Madame Butterfly à Metz. A la seconde Biennale
Ambroise-Thomas de 2009, il incarnait le second fossoyeur dans Hamlet.
—————————* Avec les Chœurs et le Ballet de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole et
l’Orchestre National de Lorraine.
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C. Gounod âgé
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Faust
Opéra en cinq actes de Charles Gounod
d’après la légende éponyme et la pièce de Goethe.
Livret de Jules Barbier avec la collaboration de Michel Carré.
Coproduction de l’Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays de Vaucluse,
de l’Opéra-Théâtre de Saint-Étienne et de l’Opéra de Nice.
La conférence sur Faust par Danielle Pister, Maître de conférences honoraire, Vice-présidente du Cercle Lyrique de Metz et de l'Association des Amis
d'Ambroise Thomas et de l'Opéra français, se déroulera au Foyer Ambroise
Thomas de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole, le samedi 2 juin à 16 heures. Entrée libre.
Représentations de « Faust »
Les vendredi 8 juin à 20 heures, dimanche 10 juin à 15 heures et mardi 12 juin
à 20h.
Direction musicale Jacques Mercier
Costumes Véronique Bellone
Mise en scène Paul-Émile Fourny
Lumières Jacques Chatelet
Chorégraphie Élodie Vella
Chef de chant Nathalie Marmeuse
Décors Poppi Ranchetti
Distribution vocale :
Marguerite Kimy McLaren
Méphistophélès Nikka Guliashvili
Siébel Carine Séchaye
Valentin Alexandre Duhamel
Marthe Marie-José Dolorian
Wagner Régis Mengus
Faust Florian Laconi
Chœurs et ballet de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole
et Orchestre National de Lorraine.
Couverture : Estampe B.N. : Cabinet de Faust
Conception de la plaquette : Danielle Pister. Directeurs de publication : Georges
Masson, président et Jean-Pierre Vidit, premier vice-président.
Adresse postale du Cercle Lyrique de Metz : B.P. 90261 - 57006 Metz Cedex 1
Adresse du site : www.associationlyriquemetz.com
Email : [email protected]
Composition graphique et impression : Co.J.Fa. Metz - tél. 03 87 69 04 90.
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