Compte-Rendu A 7 - Le romantisme (I) en 2000 XP-1

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L'IMAGE DE LA FEMME ET LES COMPOSITEURS
V– La femme à l'époque romantique
Avec MOZART.étaient apparues de nouvelles tendances dans l'opéra : une sensibilité
inaccoutumée et une plus grande caractérisation des personnages. Un nouveau changement va
s'opérer à la veille de la Révolution
Trois images de la femme
Dans l'agitation des cette fin du XVIIIe siècle, qui est d'abord celle des idées apparaissent et
sont illustrés de nouveaux concepts tels que le dépassement de soi, l'héroïsme, ainsi que des
sentiments largement cultivés par le mouvement romantique : la nostalgie, la passion. L'opéra se
tourne de nouveau vers les héros de l'Antiquité, mais en leur prêtant le plus souvent des sentiments
humains. C'est le cas notamment de l'Iphigénie de GLUCK ou de la Médée de CHERUBINI.
1. L'héroïsme
Comme toutes les périodes troublées, celle de la Révolution française est jalonnée d'actes
héroïques tombés dans l'oubli ou au contraire exploités en littérature.C'est le cas de cette femme qui
parvint, pendant la Terreur, à s'introduire sous des habits masculins dans la prison de Tours pour
délivrer son mari qui y était arbitrairement détenu. Il en résultera deux pièces, de théâtre, l'une
française, l'autre allemande, complètement inconnues de nos jours, mais surtout la trame d'un livret
d'opéra que Ludwig van BEETHOVEN, séduit par la dénonciation de l'arbitraire, l'appel à la liberté et
l'exaltation de l'amour conjugal s'empressera de mettre en musique
Si les deux premières versions de cet opéra – le seul composé par l'auteur - intitulé Léonore ne
remportent aucun succès, la troisième mouture, remaniée et rebaptisée Fidélio, connaîtra à l'inverse
un succès durable. Une fois encore, pour pouvoir imposer la langue allemande, le compositeur va
devoir passer par la forme du Singspiel.
MORCEAUX CHOISIS
BEETHOVEN – Fidelio
Léonore est parvenue, sous un déguisement masculin et sous le nom de Fidelio à se faire employer
dans la forteresse où est détenu son époux Florestan, un prisonnier politique. Elle surprend une
conversation relative au projet d'exécution prochaine de Florestan. C'est à ce moment que se situe le
«grand air » de l'héroïne.
Le grand air de Léonore
Le « grand air », page de plus en plus incontournable dans l'opéra, comprend trois parties : un
récitatif accompagné pour exposer la situation, une première partie lente, le cantabile, pour l'expression
de l'intensité des sentiments, une seconde partie animée (que les Italiens appelleront la cabaletta, la
cabalette), traduisant par son côté héroïque ou ses vocalises, une réelle détermination du personnage.
Ici Léonore, encore sous le choc de la conversation entendue, nous fait part de sa révolte puis de sa
confiance en l'avenir (récitatif) ; elle s'interroge toutefois – son plan réussira-t-il ? - alternant espoir et
doute (cantabile) ; elle ne songe plus finalement qu'à son engagement dicté par l'amour (épisode de
bravoure)
Le duo Léonore Florestan
La stratégie a parfaitement fonctionné. Les deux héros expriment leur enthousiasme dans un duo
d'amour dont l'écriture souligne dans doute pour la première fois un sentiment auquel les œuvres
antérieures ne nous avaient pas accoutumés : la passion
2.Le spleen
Les Français n'ont pas de mot exact pour désigner ce vague à l'âme qui s'apparente à ce que les
Allemands nomment Sehnsucht et les Anglais le spleen. Ce sentiment va habiter nombre d'héroïnes
du romantisme allemand. Un bon exemple nous est fourni par la Agathe du Freischütz de Carl Maria
von WEBER.
Des sentiments intenses parmi lesquels cette nostalgie indéfinissable et inexpliquée, la nature,
des chasseurs, une pointe de religiosité, un peu de fantastique : les principaux éléments du
romantisme se trouvent réunis dans ce très bel opéra de WEBER, le dernier à passer par le truchement
du Singspiel pour imposer la langue allemande (Euryanthe, l'opéra suivant, sera définitivement
débarrassé des scènes parlées).
MORCEAU CHOISI
WEBER – Le Freischütz – Cavatine d'Agathe
Inquiète de l'absence de Max, son fiancé, Agathe confie aux étoiles ses états d'âme
Dans cette cavatine, air bref sans développement et opposé au « grand air », l'héroïne exprime
d'une voix éthérée ses craintes et sa mélancolie, soutenue par un accompagnement orchestral discret,
tandis qu'un alto solo, violon grave au timbre endeuillé forme des entrelacs avec la partie vocale pour en
accentuer le caractère mélancolique ;
3. La passion dévorante
Engagé dans le soulèvement rapidement réprimé de Dresde, Richard WAGNER a dû s'exiler en
Suisse. Hébergé un moment avec son épouse par Otto WESENDONCK, un riche négociant,
WAGNER s'est épris de Mathilde, l'épouse de son hôte. Pour traduire sa passion croissante, pouvait-il
trouver mieux que le sujet de Tristan et Iseut, les récit des amours impossibles ? Le résultat en sera
l'opéra de la passion : Tristan und Isolde
MORCEAU CHOISI
WAGNER – Tristan und Isolde – Acte I -Scène 5 (fin)
Sur le bateau qui l'emmène en Bretagne insulaire, Isolde, princesse irlandaise, qui va être mariée
de force à Marke, le roi de la Cornouailles britannique, fait préparer par sa suivante un filtre de mort
qu'elle entend partager avec Tristan, en quelque sorte son bourreau. Mais Brangäne, sa suivante, hésite,
mélange les fioles et, volontairement ou non, verse dans la coupe un philtre d'amour.
Une émotion intense se dégage de l'orchestre pendant l'échange de la coupe, puis les deux héros
se trouvent plongés dans l'extase avant de céder à des élans passionnés. La scène est entrecoupée
d'interventions du chœur : les matelots se préparant à l’accostage et par l’affolement de l'entourage
direct surpris de découvrir les deux héros enlacés au moment où le roi Marke s'avance innocemment
pour accueillir Isolde.
A remarquer les procédés d'écriture de Wagner : le type de déclamation, l'emploi particulier des
thèmes (le leit-motiv) et ce don de l'auteur à conclure brillamment chacun des actes de ses drames
lyriques.
Beethoven
Weber
Wagner
Les romantiques et la femme aimée
MOZART, le premier sans doute, avait associé son épouse Constance WEBER à sa renommée,
encore qu'elle n'ait pas tenu d'autre rôle que ceux de conjointe et de mère. Par la suite les noms
d'Eléonore de Breuning, de Giuletta Guicciardi et surtout de Thérèse de Brunswick « l'éternelle bienaimée » seront cités à propos de BEETHOVEN en raison des déceptions sentimentales qu'ils
rappellent, déceptions qui ne feront qu'ajouter aux souffrances du compositeur.
Par la suite, on ne pourra dissocier le personnage de Clara WIECK de celui de Robert
SCHUMANN qui, enfin admis à épouser celle qu'il aime, cherchera dans la composition de 158
Lieder en une seule année l'élargissement de sa fantaisie créatrice, dont le piano n'avait été auparavant
que le principal bénéficiaire. Éperdument amoureux de l'actrice écossaise Harriett SMITHSON,
Hector BERLIOZ commet mille folies avant d'exprimer ses amours orageuses dans la Symphonie
fantastique. La liaison de George SAND et Frédéric CHOPIN est surtout connue grâce au calamiteux
séjour qu'ils effectueront ensemble aux îles Baléares par un hiver particulièrement pluvieux. LISZT
fuira les salons parisiens où sa liaison avec Marie d'AGOULT, femme mariée et mère de famille fait
sandale, pour un mémorable voyage en Suisse, puis en Italie. Quant à Richard WAGNER déjà cité,
après avoir déclaré sa flamme - mais sans doute en pure perte - à Mathilde WESENDONCK, c'est de
Cosima LISZT, fille du compositeur qu'il s'éprendra bien que celle-ci fût déjà mariée à son ami chef
d'orchestre et défenseur de ses œuvres : Hans von BÜLOW.
Aucun de ces compositeurs, pourtant profondément épris, n'a laissé à proprement parler de
portrait de femme. La femme joue un rôle capital, mais c'est avant tout une inspiratrice.
SCHUMANN puise dans son amour un moyen d'étendre sa force créatrice. Chez BERLIOZ la
présence d'Harriett SMITHSON est surtout liée à l'argument de la Symphonie fantastique, plus peutêtre qu'à la musique elle-même. De l'escapade de LISZT et de Marie d'AGOULT, on retiendra surtout
les Années de pèlerinage, monument de 25 pièces assez développées pour le piano et répartie en
trois recueils. A aucun moment le compositeur n'invoque directement la femme aimée ; il préfère
décrire les paysages devant lesquels il a vibré avec elle: la chapelle de Guillaume Tell sur le lac des
Quatre-cantons, le lac de Wallenstadt, les cyprès ou les jeux d'eau de la Villa d'Este, etc. Quant à
CHOPIN, il s'attache au détail : la chute lancinante d'une goutte d'eau depuis une gouttière percée (un
des Préludes), le chant d'un batelier ou l'oscillation du bateau sur la houle (unes des Ballades).
L'héroïne de fiction incarnée
L'attention, les aspirations se portent au XIXe siècle sur un personnage de fiction : Marguerite
du Faust de Wolfgang von GOETHE.
La légende de Faust s'est forgée autour de l'histoire d'un savant allemand du XVIe siècle,
probablement alchimiste, d'où l'idée qu'il aurait pu avoir commerce avec le Malin. Trois écrivains
l'Anglais Christopher MARLOWE et les Allemands Gotthold LESSING et Nikolaus LENAU
donnent de la légende des versions écrites. Wolfgang von GOETHE s'empare à son tour du sujet
dont il tire en 1775, une première œuvre dramatique connue sous le nom de Urfaust, Faust primitif.
Trente-trois ans plus tard paraît une seconde version remaniée et développée que l'on nommera le
Premier Faust. C'est elle qui contient « la tragédie de Marguerite ». L’œuvre sera plusieurs fois
remaniée et, après 60 années de labeur, se trouvera précédée d'un Prologue, une sorte de marchandage
entre le Seigneur et l'Esprit du mal Méphistophélès ou Méphisto et complétée par un Second Faust
plus métaphysique et difficile d'accès, dans lequel réapparaissent des personnages de l'Antiquité :
Hélène de Troie, Pâris, Philémon et Baucis, mais aussi des divinités symboliques : Pauvreté, Dette,
Détresse et Soucis.
A la fin de ce second Faust, GOETHE évoque à propos de Marguerite « l’Éternel féminin »,
attrait qui guide le désir de l'homme vers une transcendance. Le féminin représente alors le désir
sublimé. Nombre de compositeurs vont donc projeter leurs aspirations, leurs rêves, leurs désirs
inavoués sur ce personnage qui, grâce à eux va prendre vie et représenter la femme idéale. Peut-on
dire qu'ils rejoignent la « dame de leur pensée » des premiers troubadours ?
Les Faust, en particulier le Premier Faust de GOETHE vont nourrir l’inspiration de maints
compositeurs. Il ne saurait être question de dresser ici le catalogue exhaustif des œuvres
correspondant à ce sujet. Disons que s'en dégagent des Lieder et des mélodies (MENDELSSOHN,
WAGNER, VERDI et surtout SCHUBERT, des œuvres pour le piano (les Mephisto-Walzer de
LISZT) ou orchestre (LISZT, WAGNER, MAHLER) ainsi que maintes œuvres lyriques de SPOHR,
BERLIOZ, SCHUMANN, GOUNOD, BOITO, BUSONI... Un choix s'impose à nous.
1°) Le portrait de Marguerite
Nommé Kappelmeister à Weimar, Franz LISZT qui n'a encore écrit que des œuvres pour piano
aborde l'orchestre. C'est l'époque des grandes œuvres symphoniques : Concertos, Poèmes
symphoniques, 2 symphonies : Dante-Symphonie et Faust-Symphonie. La dernière citée se présente
moins comme une symphonie ordinaire que comme une œuvre « symphonique » au sens
étymologique, en trois mouvements correspondant chacun aux trois protagonistes : Faust, Marguerite
et Méphistophélès
MORCEAU CHOISI
LISZT – Faust-Symphonie 2e mouvement : Marguerite
Après les déferlements du 1er mouvement où 4 thèmes différents représentent le personnage de
Faust dans toute sa complexité, le second mouvement ramène la sérénité Un seul thème suffit à
suggérer la simplicité, la pureté de Marguerite, thème suave exposé après une longue préparation par le
hautbois qu'accompagne un discret contre-chant confié à un alto solo. Des sonorités de musique de
chambre renforcent le caractère aérien et éthéré de ce mouvement
2°) L'épisode du roi de Thulé
GOETHE ne répugne pas à introduire dans sa pièce des poèmes publiés antérieurement. C'est le
cas de la « Ballade du roi de Thulé ». Franz SCHUBERT est sans doute l'un des premiers a l'avoir
mise en musique
MORCEAU CHOISI
SCHUBERT – Der König von Thule, le Roi de Thulé
Un roi d'un pays étranger ne peut boire dans la coupe que lui avait offerte son épouse bien-aimée,
décédée, sans que ses yeux ne s'emplissent de larmes. Lors d'un ultime banquet auquel il a convié le
ban et l'arrière-ban de la noblesse du royaume, il y boit une dernière fois, puis se penchant au-dessus
d'un balcon dominant la mer, il jette sa coupe dans les flots. Il s'affaisse et comme le dit l'auteur :
« Trank nie einen Tropfen mehr, » Il ne boira plus jamais.
Ce lied comprend trois strophes d'une écriture simple usant volontiers de formules archaïsantes.
Accompagnement en accords sombres.
Schubert
Liszt
Pourquoi, dans la pièce GOETHE place-t-il cette ballade dans la bouche de Marguerite ?
Vraisemblablement en raison de son côté prémonitoire. L'héroïne dit ou chante ce poème d'un air
absent. Son esprit est en effet entièrement occupé par le souvenir de se rencontre avec Faust. Mais le
texte nous informe par anticipation des morts qui vont survenir.
Pour résumer la tragédie de Marguerite comporte les épisodes suivants
Enchaînement des faits
1. Rencontre de Marguerite une délicieuse et pure jeune fille sur laquelle Méphistophélès n'a
aucune prise. Mais on peut essayer la ruse et la tentation (une cassette de bijoux)
2. Faust contemple la chambre de Marguerite
3. Marguerite troublée chante ou murmure en se préparant pour la nuit la « Ballade du Roi de
Thulé » (introduction du poème Der König von Thule, le Roi de Thulé). Elle découvre dans
son armoire la cassette de bijoux que Méphisto y a placée.
4. Après plusieurs approches successives, Faust finit par rejoindre Marguerite Déclaration
d'amour réciproque
5. Marguerite abandonnée par Faust attend dans l'angoisse le retour de son bien-aimé en filant
(introduction du poème Gretchen am Spinnrade, Marguerite au rouet
Berlioz (cliché Pierre Petit)
Gounod
Hector BERLIOZ s’enthousiasme pour le Faust de GOETHE, qu'il découvre sans la version
qu'en a donnée en France Gérard de NERVAL. Il compose alors les 8 Scènes de Faust qui,
remaniées et développées, deviendront plus tard la Damnation de Faust.
Quatorze ans plus tard, Charles GOUNOD produira à son tour un Faust à la gestation difficile,
mais qui deviendra l'un des plus grands succès de l'Opéra de Paris (plus de 2 300 représentations). Le
livret dû en majeure partie à Jules BARBIER n'a malheureusement conservé de l’œuvre de Goethe
qu’une trame ténue autour de laquelle s'articule un texte truffé de clichés, de formules ampoulées et
d'incohérence.
BERLIOZ et GOUNOD sont les seuls compositeurs à avoir donné quelque importance à la
Ballade du Roi de Thulé
MORCEAUX CHOISIS
BERLIOZ - La Damnation de Faust Le Roi de Thulé (Chanson gothique)
Marguerite est encore sous l'emprise d'un rêve qui lui a révélé l'existence de Faust. Elle prolonge
son rêve étrange en chantant cette ballade prétendue médiévale. Une basse bourdonnante avec notes
altérées évoque en effet les modes anciens, tandis qu'un alto solo dialoguant avec la voix accentue le
caractère endeuillé de cette page.
GOUNOD – Faust – Le Roi de Thulé et air des bijoux
Le librettiste a regroupé plusieurs scènes normalement étalées dans le temps : le chant de la
ballade, la découverte de bijoux et la scène d'amour. Mais Jules BARBIER a sacrifié aux exigences de
l'époque : les interventions de Marguerite se trouvent condensées en un incontournable « grand air » :
récitatif, cantabile (le Roi de Thulé), air de virtuosité (air des bijoux) A noter toutefois une idée
originale : le récitatif est imbriqué dans le cantabile, soulignant le détachement avec lequel Marguerite,
l'esprit ailleurs, chante la ballade.
N-B : Les épisodes 4 et 5 du paragraphe « enchaînement des faits » feront l'objet de la prochaine étude
Références :
- clichés Wikipedia
- documentation : sites sur le web et sources diverses personnelles sur les compositeurs cités
- Fidelio de Beethoven par Ferenc Fricsay - DEUTSCHE GRAMOPHON
- Le Freischütz de Weber par Carlos Kleiber – DEUTSCHE GRAMOPHON
- Tristan und Isolde de Wagner par Karl Böhm – in « Bayreuth Festival » DECCA
- Faust-Symphonie de Liszt par Georg Solti– DECCA
- Der König von Thule de Schubert par Dietrich Fischer-Dieskau – in « Intégrale des Lieder » –
DEUTSCHE GRAMOPHON
- La Damnation de Faust de Berlioz par Sir Colin Davis – PHILIPS
- Faust de Gounod par André Cluytens – in «Les génies de l'opéra » Edition Atlas EMI
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