subtilités de ce rôle, talonnés par certains Italiens, enregistrés sur scène au Metropolitan
Opera dont la première captation en direct, avec Ezio Pinza, remonte à 1940. On le retrouve
en 1940, 1943, 1944 ; Cesare Siepi lui succède en 1950, 1951, 1955, 1959. Certaines de ces
versions sont reprises dans la collection Naxos. Dans les mêmes lieux, en 1944, Thomas
Beecham dirige le Faust de Raoul Jobin qui rappelle quels excellents Roméo et Werther il fut.
Cette même scène voit passer dans le rôle éponyme, Giuseppe Di Stefano, en 1949, et Jussi
Björling, en 1950 et 1959 : le premier, avec une générosité toute latine ; le second, avec un
style impeccable, un timbre exceptionnel, qui fait croire à la tendresse déchirée, mais sincère,
du héros pour Marguerite. On regrette qu’il n’ait jamais participé à une intégrale en studio.
En 1948, Beecham, dans un Londres qui sort difficilement de la guerre, l’une des dernières
intégrales avec une distribution entièrement français (RCA, Naxos) : le vétéran Gérard Noré,
la Marguerite préférée des Français, Géori Boué, éblouissante à la scène, mais au style
maniéré au disque, son époux d’alors, Roger Bourdin, hors propos dans Valentin, et le
Méphisto prometteur de Roger Rico. Cela vaut surtout par le souffle que sait insuffler le chef
à son équipe.
De tous les témoignages laissés par Victoria de Los Angeles -notamment, en live, dirigée par
Pierre Monteux-, c’est sa prestation officielle en 1953, sous la direction d’un André Cluytens
inspiré, avec l’Opéra de Paris, Nicolaï Gedda, Boris Christoff, qui reste son témoignage le
plus touchant : elle traduit sa naïveté sans mièvrerie et son évolution avec une grande vérité
psychologique. Gedda n’a pas encore l’envergure vocale du rôle s’il en a l’intelligence. Reste
la prestation de Christoff : le grand Boris ou l’impression Philippe II, qu’il a incarnés, n’ont
rien à voir avec Méphisto, créé par une basse chantante au Théâtre-Lyrique et un baryton,
Faure, à l’Opéra de Paris. Non seulement, il reste étranger au style de Gounod, mais son
français reste incompréhensible, son interprétation tourne au grotesque. De plus, il lance,
hélas, la mode des basses slaves dans ce rôle. Leurs voix plus « grandes », plus sombres ne
peuvent pas toujours traduire la subtilité du personnage. Certains interprètes n’ont pas
toujours le sens de la mesure qui leur permettrait d’éviter les outrances. Cluytens retrouvera,
en 1958, pour la stéréo, la même équipe, sans amélioration notable.
1963 voit la parution, à la Guilde du disque, une version avec Léopold Simoneau et son
épouse Pierrette Alarie. Le talent de mozartien du premier, celui de soprano lyrique de la
seconde ne sont pas en cause, mais ils sont sur distribués.
La véritable première intégrale paraît en 1966, chez Decca, avec la restitution intégrale de la
scène de la chambre et de quelques fragments retrouvés, sous la direction de Richard Bonynge
qui inverse l’ordre des scènes entre l’église et le retour des soldats. La distribution est
éblouissante : Franco Corelli, Joan Sutherland. Les voix sont d’or, le style de pacotille, la
diction bradée. Seul le Valentin de Robert Massard sait ce qu’il chante et le fait
magnifiquement. Dans l’entre-deux, Nicolaï Ghiaurov avec une belle voix n’a pas vraiment le
style de Méphisto. Seule la direction intelligente du chef emporte l’adhésion.
La version d’Alain Lombard, avec l’Opéra du Rhin, Giacomo Aragall et Monserrat Caballé,
chez Erato, fut très bien accueillie en 1976. La direction, qui se veut solennelle et
impressionnante, respire un ennui qui gagne tous les interprètes. Le Méphisto de Paul Plishka
est à fuir, le Valentin d’Huttenlocher est inexistant. Seule la Dame Marthe de Jocelyne Taillon
retient l’attention, c’est peu.
En 1979, le grand chef français, Georges Prêtre, dirige deux monstres sacrés, Plácido
Domingo, Mirella Freni et de nouveau un Nicolaï Ghiaurov sans surprise, chez EMI. Si le
premier chante un français d’une qualité qu’il n’a pas toujours eu dans cette langue, ce n’est
pas toujours le cas de la seconde. Leur prestation vocale est de haut niveau. C’est Freni qui, à
l’instar de ce qu’on peut constater dans d’autres prestations prises sur le vif, montre le mieux
la transformation de la timide jeune fille en femme passionnée. Cela tient, il est vrai, à une
interprétation italianisante de la partition mais qui reste acceptable. Un Thomas Allen,