corrigé bac 2014 Examen : Bac S Epreuve : Philosophie France-examen.com RAPPEL DU SUJET SUJET 3 : Explication de texte Expliquer le texte suivant : On voit clairement pourquoi l'arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres sciences : c'est que seules elles traitent d'un objet assez pur et simple pour n'admettre absolument rien que l'expérience ait rendu incertain, et qu'elles consistent tout entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement. Elles sont donc les plus faciles et les plus claires de toutes, et leur objet est tel que nous le désirons, puisque, sauf par inattention, il semble impossible à l'homme d'y commettre des erreurs. Et cependant il ne faut pas s'étonner si spontanément beaucoup d'esprits s'appliquent plutôt à d'autres études ou à la philosophie : cela vient, en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment la liberté d'affirmer des choses par divination dans une question obscure que dans une question évidente, et qu'il est bien plus facile de faire des conjectures sur une question quelconque que de parvenir à la vérité même sur une question, si facile qu'elle soit. De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu'il ne faut apprendre que l'arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s'occuper d'aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l'arithmétique et de la géométrie. DESCARTES, Règles pour la direction de l'esprit, 1628. La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question. France-Examen 2014 Tous droits réservés Reproduction sur support électronique interdite page 1/5 corrigé bac 2014 Examen : Bac S Epreuve : Philosophie France-examen.com LE CORRIGÉ I/ Présentation du texte Ce texte de Descartes est extrait des Règles pour la direction de l'esprit, un ouvrage de 1628. Descartes y traite de mathématiques et de géométrie . Le sujet n'étonnera guère les candidats de la filière scientifique qui chaque année doivent s'attendre à composer directement ou indirectement sur la connaissance, la vérité ou la science. S'il n'y a pas de surprise sur le sujet, il y a toutefois une difficulté du texte : les candidats scientifiques connaissent les mathématiques et la géométrie essentiellement à travers les opérations qu'ils ont l'habitude de faire, ils sont moins habitués à réfléchir sur le type de connaissance et de certitude qu'elles procurent. Au-delà de la certitude de ces deux sciences, ce qui est en jeu, dans le dernier paragraphe du texte, c'est la valeur des mathématiques pour toutes les autres connaissances, ce qui constitue une ouverture supplémentaire à ne pas négliger. II/ L'idée principale du texte Le texte porte précisément sur la certitude des mathématiques et de la géométrie comparée à celle procurée par les autres sciences ou les autres connaissances, comme la philosophie. Cette supériorité ne condamne pas l'esprit à s'enfermer dans les mathématiques au détriment des autres connaissances, elle doit bien plutôt servir de modèle à l'esprit dans sa recherche de toute vérité. Ainsi les autres connaissances qui, par définition, ont un moindre degré de certitude que les mathématiques peuvent augmenter leur certitude par le biais de cette méthode. III/ Les notions et concepts-clés du texte Il fallait donner sens aux notions clés. Par exemple en définissant la notion de certitude comme une connaissance objective fondée sur des preuves. Démontrer , un mot qu'on rencontre souvent en mathématiques signifie justement montrer avec des preuves. Un autre mot que les candidats ont rencontré en cours et dont ils pouvaient se servir ici est celui d' apodictique . Il désigne une vérité nécessaire et universelle, ce qui est le cas des vérités de type mathématique. Il fallait ensuite définir la nature de ces deux sciences que sont les mathématiques et la géométrie, sciences du nombre et de la figure. France-Examen 2014 Tous droits réservés Reproduction sur support électronique interdite page 2/5 corrigé bac 2014 Examen : Bac S Epreuve : Philosophie France-examen.com Il fallait souligner leur caractère hypothético-déductif. Si l'on prend la géométrie d'Euclide, telle qu'elle est exposée dans les Eléments , on voit qu'Euclide commence par poser des définitions, comme celle du point, de la ligne, du cercle. Il pose ensuite des axiomes, c'est-à-dire des vérités d'évidence (comme "Le tout est plus grand que la partie", ou bien "Deux grandeurs égales à une troisième sont égales entre elles"), enfin il pose des postulats, qui sont des demandes dont la démonstration sera donnée plus tard dans son livre. Cet ensemble constitue les hypothèses (en grec, hypo-thémi signifie je pose dessous) qu'on appelle aussi des prémisses ou les points de départ du raisonnement. A partir de ces hypothèses, les mathématiques et géométrie procèdent par déduction : la déduction étant une opération qui consiste à tirer une proposition à partir d'une autre proposition selon les règles du système dans lequel on opère. Un exemple simple : dans le système des nombres, l'opération de l'addition est matérialisée par un symboles, qui est, comme le dit Gaston Granger, "un mode d'emploi dans un système formel". Devant le symbole +, je sais qu'elle opération je dois faire, je connais les propriétés de cette opération, et l'erreur ne peut venir que de l'inattention. Il fallait peut-être, signe d'intelligence du texte, remarquer l'emploi de la métaphore "le droit chemin de la vérité". Chemin en grec se dit odos, et c'est la racine qu'on retrouve dans méthode : autrement dit, Descartes souligne la valeur des mathématiques comme méthode pour trouver la vérité. On pouvait à ce propos se souvenir qu'il sera l'auteur, une dizaine d'années plus tard, du Discours de la méthode, pour bien conduire sa raison et rechercher la vérité dans les sciences. Il était aussi utile de donner sens au terme de divination qui est le mode de connaissance que Descartes oppose à la déduction. La divination est l'art de deviner, de découvrir ce qui est ignoré ou caché en sortant des voies ordinaires de la connaissance par le recours à des procédés occultes, à des pratiques magiques. Cette pratique s'oppose à la méthode des mathématiques : les règles de ses découvertes sont inconnues et la vérité de la divination dépend seulement de l'autorité de celui qui la prononce. La connaissance par divination s'oppose donc à la connaissance rationnelle car ses règles demeurent inconnues et ne sont pas partageables. IV/ La structure du texte * Dans les sept premières lignes, Descartes dresse un constat, celui de la certitude liée aux mathématiques et à la géométrie et en donne les causes. ● Cette certitude tient à la pureté et à la simplicité de leur objet. En effet, nombre et figure sont des objets engendrés par l'esprit humain. Ainsi les définitions en géométrie sont-elles dites "génétiques" car il suffit de les appliquer pour engendrer l'objet qui leur correspond. Par exemple quand je définis le cercle comme la figure dont tous les points sont à égale distance d'un seul, il suffit que je trace un point dans un plan, à partir de là je peux tracer tous les points équidistants et engendrer ainsi un cercle. France-Examen 2014 Tous droits réservés Reproduction sur support électronique interdite page 3/5 corrigé bac 2014 Examen : Bac S Epreuve : Philosophie France-examen.com ● Seconde caractéristique qui fonde les certitudes des mathématiques et de la géométrie, toutes deux "consistent tout entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement" (cf. définitions des notions-clés). Ailleurs Descartes parle aussi de "chaînes de raisons". La raison définissant le "principe d'une conséquence valable", et l'image de la chaîne indiquant que ces raisons tiennent solidement les unes aux autres et ne peuvent donc pas être brisées. Cela s'oppose à l'incertitude de l'expérience qui est toujours incertaine et fluctuante. ● A propos de l'incertitude de l'expérience opposée à la certitude des raisonnements, on pouvait faire appel à la critique platonicienne des connaissances sensibles, toujours fluentes, labiles, et à chaque instant différentes (image des ombres au fond de la Caverne, dans la célèbre Allégorie du livre VII de la République). * Les lignes 7 à 13 soulèvent un paradoxe : pourquoi donc, après ce que Descartes vient de dire, l'esprit humain choisit-il d'autres objets et d'autres méthodes que celles qui peuvent lui apporter une certitude entière et qu'il connaît parfaitement ? La réponse est la hardiesse, la liberté, la facilité (tous ces mots sont dans le texte). On voit bien que l'esprit humain préfère la liberté à la rigueur, la hardiesse à la sécurité de raisonnements éprouvés et certains, et finalement la facilité de dire ce qui relève de sa fantaisie plutôt que la difficulté de raisonner selon des règles partagées par tous. Il y a donc là une critique sous-jacente de certains discours qui prétendent à la vérité sans se donner les moyens de l'obtenir parce qu'ils raisonnent mal et sans règles. * Enfin, les cinq dernières lignes concluent en mettant en avant les mathématiques et la géométrie non pas comme les seules sciences dignes d'être étudiées pour leur degré incomparable de certitude, mais comme modèles de tous les raisonnements qui prétendent à la vérité. V/ Quelques pistes de développement de l'intérêt philosophique. * Descartes s'est appliqué à lui-même le modèle de raisonnement et de pensée qu'il préconise. Dans le Discours de la méthode, il énonce des règles de sa méthode philosophique en s'inspirant des mathématiques. Il y en a quatre : la règle de l'évidence (« Ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle ») ; la règle de la division (« Diviser chacun des problèmes en autant de partie qu'il est nécessaire pour les mieux résoudre ») ; la règle de l'ordre (« Conduire par ordre ses pensées en partant des objets les plus simples, pour monter peu à peu jusqu'à la connaissance des plus composés ») ; enfin la règle des dénombrements (« Faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales que je fusse certain de ne rien omettre »). France-Examen 2014 Tous droits réservés Reproduction sur support électronique interdite page 4/5 corrigé bac 2014 Examen : Bac S Epreuve : Philosophie France-examen.com Ces règles ont toutes pour but de permettre la recherche méthodique de la vérité et l'établissement d'une vérité absolument indubitable. Ce sera le cas avec le Cogito ergo sum , « Je pense, donc je suis », qui constitue la première vérité de la philosophie cartésienne, et la base sur laquelle Descartes fondera toute la connaissance humaine grâce aux critère de clarté et de distinction dont on peut dire qu'ils sont eux-mêmes dérivés du type de certitude produit par les mathématiques. * On pouvait insister sur le fait que les mathématiques ont été au cœur de la révolution scientifique du XVIIe siècle, avec notamment l'œuvre de Galilée qui a formulé les premiers éléments de la physique moderne en appliquant les mathématiques au réel par la quantification des phénomènes et le développement d'un type d'explication fonctionnelle sous la forme d'un rapport constant entre des phénomènes quantifiés. Il en a donné la clé dans une formule célèbre en disant que le grand livre de l'univers était écrit en langage mathématique : « Cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l'univers, (...) on ne peut le comprendre si l'on ne s'applique d'abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique. » (L'Essayeur, 1623). A noter que cet idéal de mathématisation, toutes les sciences ont essayé de l'intégrer, y compris dans la période moderne les sciences humaines, comme la sociologie. Elles y sont parvenues à des degrés divers. Seule la physique a atteint dans ce domaine un degré de certitude comparable à celui des mathématiques. * L'idéal de connaissance mathématique a été partagé au XVIIe siècle par d'autres philosophes. Leibniz avait ainsi pensé élargir encore le domaine d'application des mathématiques en mettant au point une méthode susceptible de résoudre tous les problèmes qui pouvaient se poser à l'homme. Cette Caractéristique universelle se serait appuyée sur un Alphabet général de la pensée humaine, Alphabet qui aurait recensé toutes les idées simples à la base des idées complexes. Ce recensement fait, les signes de cet Alphabet universel devaient permettre de composer les idées à la façon dont les lettres composent les phrases. A partir de là, la déduction de toutes les vérités serait devenue une simple affaire de calcul. « Il ne sera plus besoin entre deux philosophes de discussions plus longues qu'entre deux mathématiciens, puisqu'il suffira qu'ils saisissent leur plume, qu'ils s'asseyent à leur table de calcul (en faisant appel, s'ils le souhaitent, à un ami) et qu'ils se disent l'un à l'autre : “Calculons!” ». * Finalement on pouvait souligner que si toute recherche de la vérité ne peut se passer de modèle, et que ce modèle est parfaitement symbolisé par les procédures mathématiques et la certitude qu'elles procurent, tout le domaine de l'expérience ne saurait y être réduit, et il faut compléter ce modèle par d'autres procédures, comme celle de l'accord intersubjectif mis en œuvre par exemple par Socrate en philosophie. On encore, le rapport entre hypothèse et vérification dans les sciences expérimentales qui procèdent pour partie de la raison mais ont besoin de confronter leurs raisons à la réalité qu'elles décrivent. France-Examen 2014 Tous droits réservés Reproduction sur support électronique interdite page 5/5