cours sur la logique formelle

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COURS SUR LA LOGIQUE FORMELLE
Tristan Canale et Geoffrey Just
24 mai 2016
Nous voudrions particulièrement remercier M. Bulois, Maitre de Conférence
en Mathématiques à l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, d’abord pour
nous avoir trouvé ce sujet des plus intéressants, mais également pour tout le
temps qu’il a bien voulu nous consacrer au cours de ce semestre, aussi bien
face à nous, que devant nos ébauches de travail, et enfin, pour son indéfectible
patience à notre égard.
1
Table des matières
1 Introduction
3
2 Première partie : les fondements de la
2.1 Définitions préalables . . . . . . . . . .
2.2 Axiômes et règles d’inférence . . . . .
2.3 Utilisation des tables de vérité . . . .
mathématique
. . . . . . . . . .
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4
4
6
6
3 Deuxième partie : le raisonnement au-delà la table de vérité
3.1 Raisonnement sur les tables de vérité . . . . . . . . . . . . . . . .
3.2 Raisonnement par déduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
9
10
4 Troisième partie : le Théorème de complétude
4.1 Fondations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Théorème et Démonstration . . . . . . . . . . .
4.2.1 Sens direct . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2.2 Préliminaires au sens indirect . . . . . .
4.2.3 Sens indirect . . . . . . . . . . . . . . .
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12
13
13
15
18
5 Bibliographie
logique
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2
1
Introduction
Il est fréquent d’entendre "c’est logique" lorsque quelqu’un tente de partager
son point de vue. Cette expression qui semble anodine, demande pourtant à ceux
qui l’entendent d’adopter le raisonnement de celui qui la dit. Typiquement, cette
expression sous-entend une évidence dans les propos qui la précède, mais en
réalité derrière cela se cache tout un raisonnement, qu’il soit par déduction, par
l’absurde, ou par élimination. Les points de logique mathématique que nous
allons ici développer peuvent être vus comme la formalisation de cette réflexion
qui nous semble "logique".
Ce fut Aristote qui, le premier, commença à théoriser la logique formelle,
à ceci près que sa logique était beaucoup plus générale, et englobait tous les
domaines scientifique. En réalité la logique d’Aristote avait plus un but philosophique. C’est plus Euclide qui écrivit les premiers fondements de la logique
formelle mathématique dans son œuvre : "Les éléments" vers 300 avant Jésus
Christ. Mais la logique formelle moderne que nous allons étudier est relativement récente, elle ne date que du XXème siècle, elle fut introduite par Alfred
Tarski dans son œuvre "Le concept de vérité dans les langages formalisés".
Ce cours a pour but d’énoncer et de démontrer le théorème de complétude.
Pour ce faire, nous allons tout d’abord présenter en détail les bases et le vocabulaire de la logique formelle, de sorte à bien illustrer toutes les notations
qui figureront dans le théorème de complétude et sa démonstration, ainsi que
l’utilisation remarquable des tables de vérité pour déterminer la véracité d’un
énoncé "simple". Ensuite nous verrons les fondements et l’utilisation du raisonnement par l’absurde en logique formelle et du raisonnement par déduction. Ces
raisonnements logiques auront pour but de remplacer la tables de vérité qui sont
rapidement mal adaptées pour des énoncés complexes. Et enfin, nous présenterons le théorème de Complétude et nous réaliserons sa démonstration dans le
sens direct et indirect tout en vous exposant les postulats qui sont nécessaires
a son bon fonctionnement.
3
2
Première partie : les fondements de la logique
mathématique
2.1
Définitions préalables
La théorie de la logique mathématique fait appel à un vocabulaire et des symboles particuliers, dont les principaux, ceux dont nous nous servirons plus tard,
vont être défini ici.
Définition 1. Une proposition atomique ou variable est une affirmation simple
soit vraie, soit fausse.
Définition 2. Une proposition est composée de propositions atomiques, reliées
entre-elles par des connecteurs logiques (⊃, ¬, ∨, ∧) On va revenir sur ce qu’est
les connecteurs logiques tout de suite.
Définition 3. Une table de vérité est un tableau donnant la vérité d’une proposition (vraie V ou fausse F). Elle peut faire office de démonstration, nous
allons y revenir plus tard dans cette partie.
Comme on l’a expliqué précédemment, des propositions atomiques liées entre
elles par des connecteurs logiques forment une proposition plus complexe.(Cela
permet d’obtenir des énoncé plus varié mais facile à étudier à l’échelle atomique).
Nous allons maintenant vous définir ces différents connecteurs :
• La négation ¬ sera employée devant une proposition pour signifier "non
P". Sa table de vérité est fausse lorsque P est vrai, et inversement.
P
Exemple. La table de vérité de P et ¬P est donc : V
F
¬P
F
V
• Le symbole ∧ signifie "ET" et s’appelle la conjonction. Alors A ∧ B n’est
vrai que lorsque A et B sont tous deux vrais.
A
B
A∧B
V
En effet, la table de vérité de A ∧ B est : V
F
F
V
F
V
F
V
F
F
F
4
• Le symbole ∨ signifie "OU" et s’appelle la disjonction inclusive. Alors A∨B
n’est faux que lorsque A et B sont tous deux faux.
A
B
A∨B
V
En effet, la table de vérité de A ∨ B est : V
F
F
V
F
V
F
V
V
V
F
• Le symbole ⊃ C’est un opérateur logique binaire qui traduit le SI...ALORS...
du langage naturel. L’énoncé si A alors B s’écrira A ⊃ B et pourra se lire
A B A⊃B
V
"A implique B". Voici sa table de vérité : V
F
F
V
F
V
F
V
F
V
V
On remarque que si B est faux et que A ⊃ B est vrai, on peut en conclure
que A est faux.
• Le symbole ⊂⊃ est un opérateur binaire qui traduit le "EQUIVALENT"
du langage courant, et se lit " A équivaut à B". Cela signifie que A et B
ont la même valeur de vérité. (seront vraies et fausses en même temps).
A B A ⊂⊃ B
V
Voici sa table de vérité : V
F
F
V
F
V
F
V
F
F
V
Définition 4. Un modèle M attribue à des propositions atomiques un état,
vrai ou faux.
Exemple. A = V , B = V , C = F est un modèle dans lequel les propositions A
et B sont vraies, et C est fausse.
Définition 5. Un axiome est une proposition que l’on admet, et sur laquelle
on base tous nos raisonnements logiques.
Définition 6. Une règle d’inférence est une règle qui permet de déduire (ou
’dériver’) des propositions, à partir d’autres propositions. On notera alors A →
B si l’on peut déduire B de A.
Définition 7. Une proposition est dite prouvable ou dérivable, et elle sera
précédée de `, lorsque que l’on peut la dériver, à l’aide de règles d’inférences, à
partir d’un ou de plusieurs axiomes.
5
Définition 8. Une tautologie, qui sera précédée par , est une proposition qui
est toujours vraie, quelque soit le modèle.
P
Exemple 9. Si P est une tautologie, sa table de vérité sera donc : V
V
Exemple 10. Le tiers exclu A ∨ ¬A est une tautologie puisque A et ¬A ne
seront jamais faux ensemble.
2.2
Axiômes et règles d’inférence
Avant de poursuivre, il nous faut définir les notations propres aux règles d’inférence :
• Le symbole → Ce symbole signifie qu’on avait ce qui précède ce symbole
(aussi bien à gauche de celui-ci que sur la ligne précédente) et qu’en appliquant une règle d’inférence, on a obtenu ce qui suit ce symbole.
• Le symbole ↔ est alors utilisé pour la même signification que → sauf
que cela fonction dans les deux sens. Autrement, la règle d’inférence sousentendu par ce symbole permet aussi bien de passer du membre de gauche
à celui de droite que de celui de droite à celui de gauche.
Dans ce cours, nous allons utiliser les axiomes et règles d’inférences suivantes
où A, B et C sont des propositions quelconques.
Axiômes. (a) A ⊃ (B ⊃ A)
(b) (A ⊃ (B ⊃ C)) ⊃ ((A ⊃ B) ⊃ (A ⊃ C))
(c) (¬B ⊃ ¬A) ⊃ ((¬B ⊃ A) ⊃ B)
Règles d’inférence. (1) Definitionally equivalent : dans une proposition quelconque, on peut procéder aux changements suivants :
(i) (A ∨ B) ↔ (¬A ⊃ B)
(ii) (A ∧ B) ↔ ¬(A ⊃ ¬B)
(iii) (A ⊂⊃ B) ↔ ((A ⊃ B) ∧ (B ⊃ A))
(2) Modus Ponens :
(A, (A ⊃ B)) → B
2.3
Utilisation des tables de vérité
On a dit plus tôt que les tables de vérité avaient valeur de démonstration (rèf ;
page 4, point 2), puisqu’on peut dire que deux énoncés sont équivalents si l’on
6
peut les remplacer l’un par l’autre, sans que la véracité du discours soit affectée.
Autrement dit, deux propositions sont équivalentes si elles ont la même table de
vérité, ce qui explique le fait que l’on puisse utiliser les tables pour démontrer
un énoncé. Cela dit, ce que nous allons faire maintenant ne signifie pas que les
énoncés ainsi démontrés sont prouvables (p6 définition 7).
Exemples. La commutativité du "OU" ∨ :
P
Q
V
V
F
F
V
F
V
F
P ∨Q Q∨P
V
V
V
F
V
V
V
F
Les tables de vérité des deux membres sont bien les mêmes, ils sont donc
bien équivalents.
L’associativité du "OU" ∨ :
P
Q
R
Q∨R
Q∨R
(P ∨ Q) ∨ R
P ∨ (Q ∨ R)
V
V
V
V
F
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F
Les tables de vérité des deux membres sont bien les mêmes, ils sont donc
bien équivalents.
!
7
La distributivité du "OU" ∨ sur le "ET" ∧ :
P
Q
R
Q∨R
V
V
V
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F
F
F
F
V
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F
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F
F
P ∧Q P ∧R
V
V
F
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F
F
F
F
V
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V
F
F
F
F
F
P ∧ (Q ∨ R) (P ∧ Q) ∨ (P ∧ R)
V
V
V
F
F
F
F
F
V
V
V
F
F
F
F
F
Les tables de vérité des deux membres sont bien les mêmes, ils sont donc
bien équivalents.
Exemple 11. Le théorème de De Morgan appliqué au "ET" :
P Q P ∧ Q ¬(P ∧ Q) ¬P ¬Q ¬P ∨ ¬Q
V
V
F
F
V
F
V
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V
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F
F
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F
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F
V
F
V
V
V
Les tables de vérité des deux membres sont bien les mêmes, ils sont donc
bien équivalents.
8
3
Deuxième partie : le raisonnement au-delà la
table de vérité
On peut remarquer que jusqu’à présent, la principale technique de démonstration de la véracité de propositions est d’avoir recours à une table de vérité.
Proposition 12. Dans une table de vérité, le nombre de lignes dépend du
nombre de propositions atomiques distinctes qui composent l’énoncé étudié. Si
on appelle n ce nombre, alors la table de vérité possède 2n lignes.
Démonstration. Celle-ci est assez intuitive dans le sens où on se rappelle que le
nombre de lignes d’une table de vérité est surtout le nombre de combinaisons
possible entre les valeurs des différentes propositions atomiques. Or chacune
d’elles n’a que deux valeurs possibles ("vrai" ou "faux"). Alors, le nombre de
combinaisons pour n propositions atomiques à deux valeurs possibles est 2n .
En conséquence, pour des énoncés composés de beaucoup de propositions
atomiques, les tables de vérité deviennent rapidement énormes, longues à faire
et surtout perdent beaucoup de leur clarté. On peut donc dire que cette méthode reste intéressante pour un ordinateur, mais à la main, elle est rapidement
contraignante, sans compter le fait que plus un énoncé sera riche en opérateurs
logiques, plus son nombre de colonnes deviendra important.
Cette méthode relativement simple par sa mécanique, se révèle des plus mal
adapté à l’étude d’énoncé complexe.
Voici donc d’autres méthodes couramment utilisées.
3.1
Raisonnement sur les tables de vérité
Cette technique de raisonnement sur les tables de vérité est assez similaire
au principe de raisonnement par l’absurde, classique en mathématiques. Elle a
pour but de démontrer qu’un énoncé (non atomique) est une tautologie.
Pour ce faire, on va supposer qu’il existe au moins une combinaison des
valeurs de vérité (V ou F) des propositions atomiques qui le composent, tel que
cet énoncé soit faux.
On montrera alors que cette hypothèse, conduit à une absurdité (ou à une
contradiction), et donc, on pourra conclure que notre énoncé est toujours vrai,
que c’est une tautologie.
Exemple 13. Soit p, q et r des propositions atomiques quelconques. Montrons
par l’absurde que l’énoncé :(p ⊃ q) ⊃ ((q ⊃ r) ⊃ (p ⊃ r)) est une tautologie.
9
Pour ce faire, on suppose qu’il existe un modèle dans lequel il est faux. Or,
par définition de l’opérateur de l’implication, cela signifie que : (1)p ⊃ q est vrai
et que (2)(q ⊃ r) ⊃ (p ⊃ r) est faux
Et maintenant, on réutilise la définition de l’implication avec (2) et on obtient
que : (3)q ⊃ r est vrai et que (4)p ⊃ r est faux
Et donc toujours en utilisant la définition du "implique", on a : (5) p est
vraie et que (6) r est fausse
Et donc à présent si on reprend "(3)q ⊃ r est vrai" et "(6) r est fausse" on a
forcément que "(7) q est fausse" car dans une implication, si le membre de droite
est faux mais que l’implication entière est vraie, cela signifie que le membre de
gauche est faux également, par définition de l’implication.
Et enfin, si on reprend "(7) q est fausse" et "(1)p ⊃ q est vrai", de la même
manière que précédemment, par définition de l’implication, on obtient : "(8) p
est fausse".
Il suffit donc de remarquer que "(5) p est vraie" et "(8) p est fausse" sont des
faits contradictoires car une proposition ne peut être à la fois vraie et fausse.
Et donc, par l’absurde, on peut affirmer que (p ⊃ q) ⊃ ((q ⊃ r) ⊃ (p ⊃ r))
est une tautologie.
3.2
Raisonnement par déduction
Le raisonnement par déduction est une méthode de logique qui part d’un
énoncé vrai (soit parce que c’est une tautologie, soit parce qu’on le suppose
comme tel) et qui permet de passer à d’autre énoncés différents qui seront nécessairement vrai en vertu du raisonnement appliqué. Pour passer d’un énoncé
à un autre, on utilise les règles d’inférence ou les axiomes précédemment décrits
dans cette partie. En effet, ces lois qui reposent principalement sur des "A ⊃ B"
ou des "A ⊂⊃ B", où A et B sont des propositions impliquent que l’on peut remplacer A par B dans notre raisonnement, en passant d’une ligne à la suivante
(et B par A dans les cas de ⊂⊃). Autrement dit, ce sont des lois de réécriture
des énoncés. Bien sûr, si l’on arrive à démontrer par déduction qu’un énoncé est
vrai, celui-ci ne l’est que dans le cas où l’énoncé de base est vrai également. On
peut ainsi dire qu’on énoncé est prouvable ou non.
Exemple 14. On va montrer que A ∨ ¬A est prouvable.
Tout d’abord montrons que A ⊃ A est prouvable :
Avec l’axiome a), on a :` (A ⊃ (A ⊃ A)) (*)
Ainsi que ` (A ⊃ ((A ⊃ A) ⊃ A))(**)
Ensuite, avec l’axiome b), on a :` ((A ⊃ ((A ⊃ A) ⊃ A)) ⊃ ((A ⊃ (A ⊃
A)) ⊃ (A ⊃ A))) (***)
A partir de(**), (***) et avec le modus ponens, on peut dire que : ` ((A ⊃
(A ⊃ A)) ⊃ (A ⊃ A))
10
A partir de ceci et de (*), le modus ponens permet de dire que : ` (A ⊃ A)
A présent, utilisons ce résultat avec ¬A ; on obtient :
` ¬A ⊃ ¬A
A partir de là et en utilisant la règle d’inférence (i), on obtient :
` A ∨ ¬A
11
4
4.1
Troisième partie : le Théorème de complétude
Fondations
Avant d’énoncer le théorème de Complétude, il est nécessaire de définir les
axiomes et règles d’inférences suivants :
Axiômes. Soit A, B, C trois propositons quelconques.
1)¬A ∨ A (le tiers exclu)
2)¬¬A ⊂⊃ A
3)¬A ⊃ ¬(A ∧ B)
4)A ⊃ (B ⊃ A)
5)(A ⊃ (B ⊃ C)) ⊃ ((A ⊃ B) ⊃ (A ⊃ C))
6)(¬B ⊃ ¬A) ⊃ ((¬B ⊃ A) ⊃ B)
7)(A ∧ B) ⊃ A (l’affaiblissement)
Règles d’inférence. Soit A, B, C trois propositions quelconques. Dans une
nouvelle proposition quelconque, on peut procéder aux changements suivants :
1) A ∧ B ↔ ¬(A ⊃ ¬B) (le definitionally equivalent)
2)A ∨ B ↔ ¬A ⊃ B (le definitionally equivalent)
3)A ⊂⊃ B ↔ (A ⊃ B) ∧ (B ⊃ A) (le definitionally equivalent)
4)A ∧ (A ⊃ B) → B (le modus ponens)
5))(A ⊃ B) ∧ (A ⊃ C) → (A ⊃ (B ∧ C))
6)(A ⊃ B) ∨ (C ⊃ B) → A ∨ B ⊃ C (la disjonction des hypothèses)
7)¬(A ∧ B) → ¬A ∨ ¬B (le théorème de Morgan)
8)A ∧ B ↔ B ∧ A (la commutativité du "ET")
9)A ∨ B ↔ B ∨ A (la commutativité du "OU")
10)A ∨ (B ∨ C) ↔ (A ∨ B) ∨ C (l’associativité du "OU")
11)A ∧ (B ∨ C) ↔ (A ∧ B) ∨ (A ∧ C) (la distributivité du "ET" par le "OU")
12)(A ⊃ B) ∧ (B ⊃ C) ⊃ (A ⊃ C) (la transitivité de l’implication)
Remarque 15. On remarque, bien sûr, que ce nouveau système d’axiomes et de
règles d’inférence est différent de celui présenté précédemment (partie 2). En fait,
en théorie, le premier système donne le minimum nécessaire à la démonstration
de toute autre tautologie, y compris les ajouts que l’on vient de faire. Mais la
démonstration de tout ce qui est ici ajouté aurait pris trop de temps et de place.
Néanmoins, ces ajouts sont indispensables à la démonstration du théorème de
complétude qui va suivre.
12
4.2
Théorème et Démonstration
Théorème 16. Théorème de Complétude :
Dans ce système d’axiomes et de règles d’inférence, toute proposition P est
prouvable si et seulement si P est une tautologie.
Autrement dit,
` P si et seulement si P
!
4.2.1
Sens direct
On va d’abord démontrer le sens direct : si ` P , alors P .
Démonstration. Pour ce faire on va faire une démonstration par récurrence sur
le nombre m de propositions qui composent un énoncé P ou Q.
On commence par l’initialisation ; celle-ci consistera à vérifier la véracité de
nos axiomes car ce sont eux la base de nos raisonnements par déduction. On
va donc montrer que ces axiomes sont des tautologies, en utilisant les tables de
vérités.
On a exactement 6 axiomes, il est inutile de tous les démontrer ici, il suffit
d’exposer la démonstration du plus complexe, sachant que les autres se démontrent de manière analogue, en plus simple.
On va s’intéresser à l’axiome (*) :(A ⊃ (B ⊃ C)) ⊃ ((A ⊃ B) ⊃ (A ⊃ C))
A
B
C
B⊃C
A ⊃ (B ⊃ C)
A⊃B
A⊃C
(A ⊃ B) ⊃ (A ⊃ C)
Axiôme(∗)
V
V
V
V
F
F
F
F
V
V
F
F
V
V
F
F
V
F
V
F
V
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V
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V
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V
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V
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V
F
V
V
V
V
V
V
V
V
V
V
V
V
V
V
On remarque que la dernière colonne est remplie de vrai, cela montre bien
que notre axiome peut bien jouer sont rôle de base à tout raisonnement par
déduction car il est toujours vrai.
Hérédité : Celle-ci va principalement consister à montrer que si l’on a un
énoncé que l’on supposera être une tautologie (en faisant une hypothèse de récurrence sur les propositions atomiques qui le composent), le résultat obtenu à
la suite de l’utilisation d’une règle d’inférence (après un changement d’étape du
raisonnement par déduction) reste une tautologie. Dans un souci de légèreté de
ce cours, on ne va démontrer cela que pour les 4 premières règles sachant que
13
théoriquement les autres règles ajoutées découlent de celles-ci.
I) Pour le definitionally equivalent, pour le OU :
A
V
V
F
F
B
V
F
V
F
A∨B
V
V
V
F
¬A
F
F
V
V
¬A ⊃ B
V
V
V
F
Donc si on a A ∨ B qui est une tautologie, c’est à dire que notre hypothèse
de récurrence nous fait supposer que les propositions atomiques qui composent
A et B font qu’elles ne peuvent être fausses ensemble, alors on a bien ¬A ⊃ B
qui est une tautologie et vice versa pour le sens indirect.
II) Pour le definitionally equivalent, pour le ET :
A
V
V
F
F
B
V
F
V
F
A∧B
V
F
F
F
¬B
F
V
F
V
A ⊃ ¬B
F
V
V
V
¬(A ⊃ ¬B)
V
F
F
F
Donc si on a A∧B qui est une tautologie c’est à dire que notre hypothèse de
récurrence nous fait supposer que les propositions atomiques qui composent A et
B font qu’elle ne peuvent être que vraies ensemble, alors on a bien ¬(A ⊃ ¬B)
qui est une tautologie et vice versa pour le sens indirect.
III) Pour le definitionally equivalent, pour le EQUIVALENT :
A
V
V
F
F
B
V
F
V
F
A ⊂⊃ B
V
F
F
V
A⊃B
V
F
V
V
B ⊃ A (A ⊃ B) ∧ (B ⊃ A)
V
V
V
F
F
F
V
V
Donc si on a A ⊂⊃ B qui est une tautologie c’est à dire que notre hypothèse de récurrence nous fait supposer que les propositions atomiques qui
composent A et B font qu’elle ne peuvent être que vraie ou fausse ensemble,
alors on a bien (A ⊃ B) ∧ (B ⊃ A) qui est une tautologie et vice versa pour
le sens indirect.
!
14
!
IV) Pour le modus ponens :
P
V
V
F
F
Q
V
F
V
F
P ⊃Q
V
F
V
V
Mais les deux dernières lignes ne sont pas prises en comptes puisque P est
faux donc pas tautologie et la deuxième ligne non plus car P implique Q est
fausse donc pas une tautologie.
Il reste donc que Q est une tautologie.
4.2.2
Préliminaires au sens indirect
Lemme 17. Toute proposition non atomique P peut s’écrire sous la forme
d’une négation d’un autre énoncé, ou bien de la conjonction de deux autres
énoncés. C’est-à-dire qu’il existe des énoncés Q, R, S tel que soit P ↔ ¬Q soit
P ↔ S ∧ R.
Démonstration. Les seuls autres possibilités de sous-composition de l’énoncé P
résident dans le OU (∨) et dans le IMPLIQUE (⊃). Il nous suffit d’utiliser le
Definitionally Equivalent et la transitivité de l’implication :
A∨B
↔ ¬A ⊃ B
↔ ¬¬(¬A ⊃ B)
↔ ¬(¬A ∧ ¬B)
D’autre part,
A⊃B
↔ ¬(A ∧ ¬B)
Définition 18. Soit P un énoncé, et M un modèle. Notons h(M) la conjonction de toutes les formules atomiques Pn telle que Pn est vrai dans M et de
toutes les négations des formules atomiques Pn telles que Pn est fausse dans
M.
15
Définition 19. On appelle complexité d’une proposition, dans la logique mathématique, le nombre d’opérateurs maximal emboités les uns dans les autres
à l’intérieur d’un énoncé.
Si une proposition P a une complexité de 0, alors c’est une proposition atomique.
Exemple 20. Par exemple dans (¬p) ∨ (q ∧ r) , le OU et le NON sont emboités
l’un dans l’autre. Mais le NON et le ET ne le sont pas. Cette proposition est de
complexité 2 parce qu’elle a au maximum deux opérateurs emboités.
Lemme 21. Si P est vraie dans le modèle M alors ` h(M) ⊃ P
Si P est fausse dans le modèle M alors ` h(M) ⊃ ¬P
Démonstration. Par récurrence sur la complexité.
Initialisation : soit p1 une proposition de complexité nulle, c’est-à-dire une
proposition atomique. On a ` p1 ⊃ p1 comme nous l’avons démontré précédemment (exemple page 12), mais on a également ` H ⊃ p1 où H est une
proposition dont l’une des propositions atomiques qui la compose est p1 (sans
négation bien sûr). Ceci repose d’abord sur l’utilisation de la règle d’inférence :
Commutativité du "ET" qui nous permet d’écrire H ↔ p1 ∧H 0 où H’ est l’énoncé
H privée de p1 puis sur l’axiome de l’affaiblissement qui nous permet de dire
qu’on a p1 . Et donc si p1 est vraie dans le modèle M, cela implique que p1
compose h(M). Finalement on a bien ` h(M) ⊃ p1 . La propriété est vraie au
premier rang. L’initialisation de la deuxième partie du lemme se fait de la même
manière.
Hérédité : Supposons que notre lemme soit vrai pour toutes les propositions
de complexité au plus égale à n. Soit P une proposition de complexité n + 1.
D’après le lemme précédent, on sait qu’il n’y a que deux cas possibles : soit il
existe une proposition Q de complexité n tel que P ↔ ¬Q, soit il existe deux
propositions R et S de complexité inférieure ou égale à n tel que P ↔ R ∧ S.
Premier cas : P ↔ ¬Q. Si P est vraie dans le modèle M alors Q est fausse
dans M. Comme Q est de complexité n, l’hypothèse de récurrence donne, `
h(M) ⊃ ¬Q et donc que ` h(M) ⊃ P . La propriété est donc démontrée pour
P dans ce cas. Si P est fausse dans le modèle M alors Q est vraie dans M.
On a donc ` h(M) ⊃ Q. Par ailleurs, on sait que ` Q ⊃ ¬¬Q (c’est donné par
l’axiome 2) ). On peut alors déduire, avec la règle d’inférence de la transitivité
de l’implication, que ` h(M) ⊃ ¬¬Q et donc que ` h(M) ⊃ ¬P . Le deuxième
lemme est donc démontré pour P dans ce cas.
Deuxième cas : P ↔ R∧S. Si P est vraie dans le modèle M alors R et S sont
toutes les deux vraies dans M. Or, par définition on aura la complexité de R et
de S qui seront nécessairement inférieur ou égale à n. On a alors, par hypothèse
de récurrence, ` h(M) ⊃ R et ` h(M) ⊃ S. On en déduit que ` h(M) ⊃ R ∧ S
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(d’après la règle d’inférence 5) ), et donc que ` h(M) ⊃ P . La propriété est donc
démontrée pour P dans ce cas. Si P est fausse dans le modèle M alors l’une au
moins de R ou de S est fausse dans M. Supposons que ce soit R. On a alors
` h(M) ⊃ ¬R. Or, de ¬R, on peut déduire ¬(R ∧ S) (d’après l’axiome 3) ). On
a donc, par application de la règle d’inférence de la transitivité de l’implication,
` h(M) ⊃ ¬(R ∧ S) soit ` h(M) ⊃ P . Le deuxième lemme est donc démontré
pour P dans ce cas.
Le lemme est donc vrai au rang 0 de complexité (pour des propositions atomiques) et est héréditaire d’un rang de complexité à l’autre. On peut donc dire,
par récurrence, qu’il est vrai pour toute proposition, quelque soit sa complexité.
Nous pouvons maintenant démontrer le sens indirect du Théorème de Complétude.
4.2.3
Sens indirect
Démontrons maintenant le sens indirect : si P , alors, ` P .
Démonstration. On va commencer par montrer qu’on peut se restreindre aux
modèles finis. En effet, si on prend un ensemble infini dénombrable de propositions atomiques, toutes distinctes, p1 , p2 , p3 ... On se place dans un modèle initial
de longueur n qui contient pi = V ou bien pi = F , mais pas les deux, pour i
appartenenant à [[1, n]]. De plus, vu qu’une proposition P ne contient forcément
qu’un nombre limité de propositions atomiques, notons donc n le nombre de
propositions atomiques que contient P. Si P est vraie dans tous les modèles
initiaux de longueur n, alors elle est vraie dans tous les modèles où sa vérité est
définie, puisque les propositions pm n’interviennent pas dans P pour m > n.
Prouvons maintenant notre théorème par récurrence sur la longueur des
modèles. On introduit la propriété In : "toute proposition P vraie dans tous les
modèles de longueur n est dérivable" pour tout n entier naturel.
Initialisation : On s’intéresse à I1 . Supposons que P est vraie dans tous
les modèles de longueur 1, c’est-à-dire les deux modèles p1 est vrai et p1 est
faux. On a alors, d’après le lemme précédent ` p1 ⊃ P et ` ¬p1 ⊃ P . Par la
règle de disjonction des hypothèses, on en déduit que ` (p1 ∨ ¬p1 ) ⊃ P mais
p1 ∨ ¬p1 est elle-même un axiome (tiers-exclu). Et donc avec le modus ponens,
on a ` (p1 ∨ ¬p1 ) et ` (p1 ∨ ¬p1 ) ⊃ P ce qui implique ` P .
Hérédité : Supposons que In soit vrai. Soit P une proposition vraie dans tous
les modèles de longueur n + 1. Soit M un modèle de longueur n. P est vraie
dans le modèle (M, pn+1 = V ) et dans le modèle (M, pn+1 = F ) où pn+1 est
une proposition atomique quelconque. D’après le lemme précédent, on a alors
` (h(M) ∧ pn+1 ) ⊃ P et ` (h(M) ∧ ¬pn+1 ) ⊃ P Donc d’après l’axiome de
disjonction des hypothèse, on a :
→ (h(M) ∧ pn+1 ) ∨ (h(M) ∧ ¬pn+1 ) ⊃ P
→ (h(M) ∧ (pn+1 ∨ ¬pn+1 )) ⊃ P (par distributivité du "OU" par le "ET")
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→ ¬(h(M) ∧ (pn+1 ∨ ¬pn+1 )) ∨ P (definitionally equivalent)
→ ¬(h(M) ∨ ¬(pn+1 ∨ ¬pn+1 )) ∨ P (théorème de De Morgan)
→ ¬(pn+1 ∨ ¬pn+1 ) ∨ ¬(h(M) ∨ P ) (commutativité, associativité du "OU")
→ (pn+1 ∨ ¬pn+1 ) ⊃ ¬(h(M) ∨ P ) (definitionally equivalent)
→ ¬(h(M) ∨ P ) (avec le modus ponens et le principe du tiers exclu)
→ h(M) ⊃ P (definitionally equivalent)
Comme M un modèle quelconque de longueur n, on peut dire que, pour
tout i dans [[1; 2n ]] on a ` h(Mi ) ⊃ P . Ensuite, d’après la règle d’inférence sur
la disjonction des hypothèses, on a h(M1 ) ∨ .... ∨ h(M2n ) ⊃ P . De plus, on
remarque que h(M1 ) ∨ .... ∨ h(M2n ) est une tautologie dans tout modèle de
longueur n (car cela regroupe toutes les possibilités de valeurs de vérité que
peuvent prendre les propositions atomiques). Ainsi h(M1 ) ∨ .... ∨ h(M2n ) est
vraie dans tout modèle de longueur n par définition d’une tautologie, et donc
d’après l’hypothèse de récurrence In , on a ` h(M1 ) ∨ .... ∨ h(M2n ). Enfin, avec
le relation précédente h(M1 ) ∨ .... ∨ h(M2n ) ⊃ P et le modus ponens, on peut
conclure qu’on a ` P . In+1 est donc vérifiée.
La propriété In est vrai au premier rang de longueur des modèles (un modèle
qui ne comprend qu’une seule proposition atomique), et est héréditaire. On peut
en conclure que si une proposition P est vraie alors P est dérivable, quelque soit
le modèle utilisé.
On a donc bien démontré le sens direct et le sens indirect du théorème de
Complétude. On peut en conclure qu’on a bien :
` P si et seulement si P
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Bibliographie
Sources littéraires :
-"Elements de logique formelle" par Gérard Chazal, édition Hermes
-"Mathematical logic and formalized theories" par Robert L.Rogers, 1974
Sources numérique :
-https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_de_compl%C3%A9tude_
%28calcul_des_propositions%29
-https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_de_compl%C3%A9tude_
de_G%C3%B6del
-https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89l%C3%A9ments_d’Euclide
-http://detexify.kirelabs.org/classify.html
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