Formes sociales et postures d`identification dans l`espace numérique :

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Formes sociales et postures d’identification dans l’espace numérique :
Quelques observations relatives à la langue bretonne pour une approche
dialogique et performative de l’identité.
Jean-François BLANCHARD
Doctorant en sociologie
Centre de Recherches Bretonne et Celtique (CRBC) – EA 4451
Laboratoire Ermine (Equipe de recherche sur les minorités ethniques)
Université Rennes II.
Place du Recteur Henri Le Moal
35043 RENNES Cedex. France.
Que nous apprennent, en matière d’identité, les pratiques sociales autour des réseaux
numériques, tels qu’Internet, en particulier lorsque le chercheur s’intéresse à l’expression dans
une langue minoritaire, la langue bretonne ? En quoi un regard attentif vers ces médias de
communication est-il susceptible d’éclairer certains aspects de la question de l’identité ?
L’espace constitué par les réseaux numériques est-il virtuel et factice ou bien est-ce un lieu de
production symbolique d’un imaginaire social? Doit-il être décrit comme un théâtre de
singularisation ou de normalisation, une scène de fiction ou de narration identitaire?
Devant cette catégorie d’analyse controversée - voire confuse et vaine pour certains que constituent l’identité et les processus d’identification nous formons l’hypothèse que ce
fait social serait à appréhender dans sa dimension dialogique 1 et performative, dans
l’ensemble des tensions qu’il suscite2. Nous tenterons d’étayer ce point de vue en prenant
pour terrain d’investigation le cas de l’identité bretonne, en relation avec la langue bretonne
dans les réseaux numériques. La recherche présentée tente de prendre la mesure des enjeux
pour la langue bretonne. Les techniques de l’information et de la communication constituentelles un péril ou une opportunité ? Quelle est l’influence du Web sur la reproduction des
structures sociales ? Des éléments de réponse seront apportés par l’observation et la
description des formes sociales constituées dans l’espace numérique et celle des postures
individuelles adoptées.
Les débats autour de l’identité et de l’identification font apparaître un certain nombre
de positions et d’oppositions polaires entre, d’une part, le fondamental, l’essentiel, des
similitudes observables, les particularismes, et d’autre part, le contingent, le construit, la
place de l’auto-définition réflexive, l’universalisme. Les relations entre l’individuel et le
collectif, entre l’imaginaire, le symbolique et le réel sont questionnées, de même que
l’intériorisation, l’auto-compréhension au regard de l’instrumentalisation, la mobilisation, la
localisation sociale des situations identitaires. Ces approches mettent en jeu des paradigmes
sociaux différents. L’apport du post-modernisme a mis l’accent sur la fluidité, la labilité de
l’identité, son caractère auto-construit et la mise en demeure faite à l’individu de se définir
une posture.
La question de l’identité est posée dans bien des compartiments de la discipline
sociologique (socialisation, culture, medias…) et présente une large transversalité au sein des
sciences humaines (sociologie, psychosociologie, sociologie clinique, science politique,
sémiologie, linguistique, socio-linguistique…). Qu’attendre alors du choix des réseaux
numériques et d’Internet, comme porte d’entrée dans la question de l’identification?
François Dubet, "Pour une conception dialogique de l’individu.", EspacesTemps.net, Textuel, 21.06.2005.
L’identité est différence et mêmeté, à l’instar de Paul Ricoeur nous considérons que l’unité narrative de la vie
est … « un mixte instable entre fabulation et expérience vive ». Cité par Ronan Le Coadic, L’identité bretonne,
Rennes, PUR, 1998, p. 42.
1
2
Préalablement, le paradigme d’une société de l’information qui recréerait - au nom
d’un déterminisme technique - de nouvelles conditions sociales, est à rejeter. Cette forme de
Saint-simonisme rémanent a été reformulée à chaque découverte d’un nouveau moyen de
transmission ou de communication. Pour autant, force est de constater que les réseaux
numériques, vecteurs de communication, concourent très activement à l’évolution des
sociétés, tant sur le plan individuel que global. Les réseaux numériques et, en particulier
Internet, constituent à la fois un révélateur et un accélérateur des changements sociaux, et, à
ce titre offrent un point d’observation de la médiation technique des relations sociales, de
l’évolution des hiérarchies économiques et sociales, des faits culturels, et en particulier du
devenir des cultures minoritaires confrontées à la modernité des médias de communication, de
nouvelles formes de socialisation.
L’espace, le territoire concourent aux représentations de l’imaginaire collectif et à la
définition des identités. Benedict Anderson3 en écrivant L'imaginaire national : Réflexions
sur l'origine et l'essor du nationalisme a mis l’accent sur l’imaginaire en sortant du cadre
strict des constructions nationales. Pierre Bourdieu a montré comment la région pouvait
prendre une dimension cognitive et donner corps à cette dimension identitaire. Enfin, Arjun
Appadurai4 dans Modernity at large … a décrit les ethnoscapes, forme de territoires à
dimension ethnique, dont la construction dans le post-colonialisme doit beaucoup aux
techniques de l’information et de la communication dont il est question ici.
Soutenir un point de vue constructiviste sur l’identité impose de bien caractériser cet
imaginaire dont il est question. Ainsi que le précise Christine Chivallon, « l’imaginaire même
national se dit au travers de formes symboliques et de codes rendus visibles et a fortiori
communicables sans lesquels la communauté ne pourrait être envisagée dans toute sa
concrétude » et ajoute que « plutôt que d’être imaginée, l’identité est constituée à travers le
processus qui rend les choses réelles à la fois pour nous et pour les autres »5.
Il ne s’agit pas d’une opposition entre l’imaginaire et le réel, mais, en prenant appui
sur les thèses de Cornelius Castoriadis de considérer que « l’imaginaire doit utiliser le
symbolique, non seulement pour s’exprimer, ce qui va de soit, mais aussi pour exister pour
passer du virtuel à quoi que soit de plus »6. L’hypothèse soutenue ici est que les réseaux
numériques ouvrent un espace non pas factice mais imaginaire et symbolique permettant aux
formes identitaires, individuelles et collectives d’exister.
A travers l’exemple de la Bretagne et de la langue bretonne, la proposition exposée
repose sur l’étude d’un corpus de plus de 450 adresses désignant des sites Internet, blogs et
réseaux sociaux définis par l’usage de la langue bretonne, ou une thématique majoritaire sur la
langue bretonne. L’encyclopédie Wikipedia en langue bretonne a fait l’objet d’une étude
approfondie et exhaustive7 quant aux échanges entre contributeurs sur la période suivant sa
création, 2006-2011.
Outre l’encyclopédie, certains aspects du corpus ont particulièrement été exploités :
- les actions revendicatives exposées sur les réseaux numériques et particulièrement les
actions du groupe Ai’ta ;
- les formes de la transmission du patrimoine culturel dans l’espace numérique.
Les processus d’identification sont interrogés dans une triple perspective.
Bénedict Anderson, (2006). L’imaginaire national: Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme. Editions
La Découverte.
4
Arjun Appadurai, (2001). Après le colonialisme. Payot.
5
Christine Chivallon, (2007). « Retour sur la « communauté imaginée » d’Anderson ». Raisons politiques, 27(3),
p.131 à172
6
Cornelius Castoriadis, (1999). L’institution imaginaire de la société. Seuil.
7
Le nombre de messages (forum et page de discussion) est de 217 en 2005-2006, 494 en 2007, soit près de 2000
au total.
3
1) Dans quelles conditions l’espace numérique permet-il l’émergence de la reconnaissance,
sous une forme de normalisation, de la situation identitaire ?
2) Comment apparaissent des formes sociales repérables, vectrices de socialisation, c'est-àdire d’expérience et d’affirmation identitaire dans le lien social, lien médiatisé par les
techniques de l’information ?
3) Comment le discours narratif identitaire prend-il corps au niveau individuel dans l’espace
numérique ? Les postures individuelles observées donnent à confronter les constructions
performatives et dialectiques, les relations entre ethnicité et autres formes d’identité ou de
catégorisation.
1. La reconnaissance ou le procès de normalisation.
L’exemple de la question du genre permet de décrire le procès de reconnaissance.
Dans « Mobilisations féministes et mises à l’agenda de nouveaux problèmes publics », Laurie
Boussaguet et Sophie Jacquot décrivent l’émergence des questions féministes dans un
domaine scientifique : la science politique. Quatre phases se sont succédées : d’abord la
sensibilisation et l’exploration pendant les années 1970-1980, ensuite l’acquisition d’un droit
de cité puis l’institutionnalisation de la recherche sur le sujet dans les années 1990 puis
l’aspiration au décloisonnement dans les années 2000 pour tendre, in fine, à faire du genre
« un objet comme un autre de la science politique » et affirmer « normaliser revient donc à
intégrer le genre tant dans la boîte à outils que dans la boite à idées de la science politique »8.
Le terme « normalisation » est précisément employé lorsqu’il s’agit de politique
linguistique pour traduire le status planning ou planification du statut de la langue. Il s’agit
alors de résoudre un conflit linguistique par l’intégration pleine et entière de la langue
minorée en lui conférant une plénitude capacitaire dans l’espace public, judiciaire, culturel et
éducatif… Dans le cas présent, venir s’établir dans l’espace numérique pour élaborer une
encyclopédie telle que Wikipedia constitue-t-il une forme de normalisation au sens ou
l’entendent les sociolinguistes tels que Denise Daoust et Jacques Maurais 9, ou encore Henri
Boyer10 lorsqu’ils abordent les exemples québécois ou catalan?
Une autre situation étudiée concerne les revendications dans l’espace numérique - le
médiactivisme - et l’association Ai’ta de défense de l’usage de la langue bretonne par une
utilisation active du Web pour mobiliser et communiquer sur ses actions. La normalisation
s’analyse alors comme l’objectif recherché d’une inscription de la revendication à l’agenda
des problèmes publics. En effet, comme l’affirme Joseph Gusfield 11 dans La culture des
problèmes publics..., tout problème public ne serait qu’une représentation d’un ordre
symbolique parmi d’autres possibles et les réseaux numériques permettraient d’agir partiellement mais sensiblement - sur ces représentations.
1.1. Wikipedia, ou la normalisation linguistique.
Internet se déploie dans un marché où prospèrent un petit nombre d’entreprises en
situation oligopolistique, tandis que des initiatives de production communautaires œuvrent
pour la mise à disposition de produits gratuits. C’est dans ce paysage contrasté qu’a été crée
Wikipedia et sa logique participative. Le projet de Wikipedia en langue bretonne a été initié
Laurie Boussaguet, & Sophie Jacquot, (2009). « Mobilisations féministes et mise à l’agenda de nouveaux
problèmes publics ». Revue française de science politique, 59(2), 173.
9
Denise Daoust, & Jacques Maurais, (1987). L’aménagement linguistique. Politique et aménagement
linguistiques. -- [Montréal]: Conseil de la langue française.
10
Henri Boyer, H. (1990). « Matériaux pour une approche des représentations sociolinguistiques. Eléments de
définition et parcours documentaire en diglossie ». Langue française, 85(1), 102–124.
11
John Gusfield, (2008). La culture des problèmes publics; l’alcool au volant: la production d’un ordre
symbolique -. Etudes sociologiques. Economica.
8
en 2004 sur le modèle des projets en langue anglaise et française. Après que l’environnement
d’accueil dans Wikipedia et les outils de travail aient été construits à l’image de ceux des
autres langues, les formes d’un projet social et linguistique ont alors progressivement émergé
et l’encyclopédie s’est trouvée dotée d’un contenu en développant ses particularités
culturelles12. La première étape a été de s’implanter dans le village multilinguistique de
Wikipedia et d’entrer dans le jeu, en proposant un lieu d’accueil sous la forme d’une interface
écrite en langue bretonne en s’inspirant des autres Wikipedia et de proposer les outils
d’élaboration du contenu. La page d’accueil en langue bretonne doit intéresser et mettre en
confiance l’internaute bretonnant et éviter qu’il ne soit arrêté par des difficultés technique
portant sur l’usage d’Internet ou de Wikipedia, ou linguistique concernant la langue bretonne,
ou enfin cognitive relative à un contenu d’article proprement dit. C’est aussi une démarche de
communication dans lequel le souci d’image est présent.
La démarche de normalisation du statut de la langue bretonne suivie par les
contributeurs de Wikipédia est double, à la fois déterministe et constructiviste. En effet,
l’affirmation et le développement des spécificités identitaires - individuelles et collectives s’inscrit dans une perspective déterministe de continuité socio-historique. Tandis que, d’un
autre côté, l’adaptation à l’environnement multiculturel et multilinguistique mondial relève
plutôt d’une pratique constructiviste.
La normalisation s’accompagne de l’énoncé d’un référentiel normatif qui s’élabore au
cours d’un double débat entre les contributeurs ou lecteurs de l’encyclopédie en ligne : les
débats métalinguistique et epilinguistique. Le débat métalinguistique prend naissance
« chaque fois que le destinateur et/ou le destinataire jugent nécessaire de vérifier s’ils
utilisent bien le même code, le discours est centré sur le code : il remplit une fonction
métalinguistique » écrit Roman Jakobson dans son Essai de linguistique générale13. Cette
fonction met en présence des représentations différentes de la langue bretonne et des ses
locuteurs. Dans sa thèse Représentations sociales et plurilinguisme, Cécile Petitjean définit la
représentation linguistique comme « une représentation sociale de la langue [qui] renvoie à un
ensemble de connaissances non scientifiques, socialement élaborées et partagées,
fondamentalement interactives et de nature discursive, disposant d’un degré plus ou moins
élevé de jugement et de figement, et permettant au(x) locuteurs(s) d’élaborer une
construction commune de la réalité linguistique… »14. Sur les questions quel breton ? Pour
quels locuteurs ? Au-delà du principe de la défense de la langue bretonne, différents points de
vue s’expriment, insistant sur la défense d’un breton tel qu’il est parlé, tel qu’il peut être
entendu ou au contraire sur celle d’un breton, plus ou moins normalisé, compréhensible par le
plus grand nombre, y compris les néo-bretonnants.
Une autre série d’échanges porte sur la graphie : faut-il se rapprocher le plus possible
de la phonétique ? Ou bien se conformer à une norme prédéfinie déjà existante ? Les enjeux
sont d’importance : la stabilité du wiki, sa viabilité, et, pour les contributeurs ou lecteurs, la
sécurité. L’absence de consensus suscite inévitablement des abandons, comme celui de ce
lecteur, qui déplore « il y a plein de choses à changer dans ce pauvre wiki pour qu’il ne soit
plus le refuge de gens en dehors de la réalité »15.
Le débat epilinguistique confronte des représentations linguistiques qui mettent en
œuvre des stéréotypes, des images, des jugements de valeur, des pratiques langagières autour
de la langue. Dans le cas de la langue bretonne, comme dans toute langue, il existe deux
Le développement des liens (renvois) vers les autres Wiki du monde celtique (gallois) et nations minoritaires
(Catalogne…) permet de définir un identité collective d’appartenance.
13
Jakobson, R. (1970). Essais de linguistique générale, Editions de minuit,Seuil.
14
Cecile Petitjean, C. (2009). Thèse de 3 ème cycle Représentations linguistiques et plurilinguisme. Université
d’Aix-Marseille.
15
« Ur bilbern traoù a vefe da cheñch war ar paourkaezh wiki-mañ evit na vefe ket ul lec'h nemet evit tud emaes ar realded (a-fed ar brezhoneg dreist-holl »
12
niveaux de représentations. L’un est extérieur à la langue, c’est la représentation qu’en ont les
locuteurs parlant une autre langue, l’autre est interne et concerne les locuteurs eux-mêmes.
Les variations du lecte16 s’accompagnent d’interprétations subjectives qui font de la langue un
marqueur social et idéologique17. Dans l’exemple étudié, ces divergences d’interprétation au
regard du projet montrent les difficultés de concilier les bases traditionnelles de la langue dans
un contexte déterministe et la nécessité de construire un projet encyclopédique de grande
diffusion parmi les bretonnants et couvrant les différents domaines du savoir et ouvert.
L’accès à une forme de reconnaissance - la normalisation dans l’espace numérique entraine l’élaboration d’un référentiel normatif, véritable entreprise de production
symbolique, elle-même soumise au système normatif du média de communication imposé
Internet. Le projet Wikipedia présente en lui-même un témoignage - relevé à plusieurs reprises
par la presse régionale - de la capacité de la langue bretonne et de ses locuteurs à se
confronter à la modernité.
1.2. Ai’ta ou la revendication dans l’espace public numérique.
Ai’ta est une association active pour défendre la signalisation en langue bretonne dans
la vie publique (Poste, réseau routier…) en organisant des actions non violentes : information
du public, apposition d’une double signalisation en langue bretonne, cours de breton sur les
plages… Sur le réseau numérique, le site de l’association offre un lieu de parole. L’image
vidéo en ligne permet tout à la fois l’information et une médiatisation des actions réalisées. La
démarche participe du processus décrit par William Felstiner : Naming, Claming, Blaming18,
qui permet ainsi de mettre des mots sur la revendication en montrant le stigmate de la non
reconnaissance officielle de la langue bretonne, d’arguer l’injustice, et demander réparation.
Par exemple, Ai’ta montre une vidéo de l’occupation du Bureau de Poste de Landerneau
(Finistère) qui venait d’être rénové sans qu’une signalisation en breton soit mise en place.
L’action non-violente d’occupation et de sensibilisation du public s’est terminée par
l’arrestation de jeunes militants, emmenés, menottés par la Gendarmerie. Cette action de
communication interpelle le système de valeurs du spectateur (l’opposition entre la défense de
droits culturels reconnus dans le cadre de l’Union européenne versus l’entrave à liberté du
commerce invoquée par le directeur de l’agence postale devant l’autorité judicaire et
l’exercice de la contrainte physique). L’objectif du groupe revendicatif est d’obtenir la
reconnaissance du caractère légitime de la demande, pour en conforter l’existence dans le
contexte universaliste du droit des minorités linguistiques.
Parmi les travaux portant sur le médiactivisme (Castels, Neveu), nous retiendrons la
thèse d’Eric George s’intéressant à l’usage d’Internet par ATTAC dans les années 2000.
George définit l’espace public numérique comme « un principe constitutif d’une action
politique que l’on reconnaît démocratique »19 en usant les réseaux numériques. Pour des
raisons de rapidité et de coût, ce media de communication s’avère très opérant.
Le terme « lecte » désigne de façon générale l’ensemble des variétés linguistiques : les langues, dialectes
sociolectes,
17
Pierre Bourdieu (1980). « L’identité et la représentation. » in Actes de la recherche en sciences sociales, 35(1),
63–72.
18
William Felstiner et al. (1991). « L’émergence et la transformation des litiges : réaliser, reprocher, réclamer ».
Politix, 4(16), 41–54.
19
Eric George, (2011). L’utilisation de l’Internet comme mode de participation à l’espace public dans le cadre
de l’AMI et au sein d’ATTAC : Vers un renouveau de la démocratie à l’ère de l’omnimarchandisation du
monde ? Thèse à l’École Normale Supérieure de Lyon / Université du Québec à Montréal, Montréal.
16
L’accès a cet espace public au sens de J. Habermas20 ouvre un échange discursif - entre
égaux - fondé sur la raison dans le cadre d’un processus tendant à argumenter la revendication
identitaire comme la formulation d’un litige en nommant d’abord le stigmate ou l’injustice,
puis pointant l’irrégularité et enfin demandant réparation. La recevabilité de la revendication
reste subordonnée à l’écho donné à l’évènement dans l’opinion publique. La presse, les
médias de diffusion (radio, télévision) restent des relais indispensables, mais ne sont plus des
préalables. Dans l’exemple cité, à l’issue de l’évènement, la Poste - soucieuse de son image
de marque - s’est imposé un protocole de bonne conduite sous forme de charte pour
l’agencement de la signalisation de ses bureaux.
2. Des formes sociales repérables.
La dialectique identitaire s’élabore dans les interactions sociales. L’étude des
interactions constitue l’objet même de la sociologie (Simmel). Ces interactions viennent
s’inscrire dans des formes sociales et l’interactionnisme structurel s’intéresse aux formes et
structures sociales venant organiser les rapports sociaux.La présence nécessaire d’un média
technique - les réseaux sociaux, Internet - ouvre un questionnement sur la place de la
technique et sa relation aux faits sociaux. Les formes sociales sont observées ici dans un
espace de médiation qui est le Web, ce qui induit une analyse de la forme sociale des
transactions dans lesquelles sont engagés les acteurs. Le déterminisme technique écarté
d’emblée, la place de la technique peut s’envisager à deux niveaux : comme enjeu de pouvoir
requérant un capital culturel, matériel constitutif d’une hiérarchie sociale, ou plutôt comme
élément venant s’intégrer dans les relations sociales, considérant, à l’instar de Latour 21 que les
artefacts techniques sont des acteurs sociaux.
Deux formes sociales seront présentées ici : une modélisation du groupe collaboratif
dans Wikipédia en langue bretonne, et une forme du réseau dont les acteurs présentent une
ontologie variable, structure observée dans le Web culturel breton.
2.1. Le groupe épistémique et le modèle théorique de « l’activité ».
La « Théorie de l’activité » élaborée par Y. Engeström22 dans la continuité des travaux
de Ygotski et Léontiev rend compte des formes telles que celles du projet Wikipedia mené à
bien par la participation d’un groupe épistémique. Les relations entre contributeurs ou sujets
sont médiatisées par les règles (discussion, neutralité de points de vue…) dans le cadre d’une
division du travail (méthodes de contribution …). Le but, l’objet ou le projet est la réalisation
d’une encyclopédie en langue bretonne dans un contexte multilingue mondial. Les outils sont
centrés sur le Wiki et un ensemble de solutions réunies dans une boite à outils à disposition
des contributeurs. Cette instrumentalisation rend possible la médiation entre le sujet et le
groupe dans des conditions de transparence.
Jurgen Habermas, (1978). L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la
société bourgeoise. Paris: Payot.
21
Bernard Latour et al.(2010). Actor network theory (Books.).
22
Y. Engeström, (s. d.). University of Helsinki - Center for Activity Theory and Developmental Work Research.
Consulté août 30, 2011, sur http://www.edu.helsinki.fi/activity/people/engestro/
20
Cette institutionnalisation du mode de régulation rend possible la médiation entre le
sujet et le groupe, garantie par une division du travail attribuant à certains contributeurs – élus
par la communauté – une fonction d’administrateur ayant autorité pour interdire l’accès à un
contributeur incivique au regard des règles du groupe.
Wikipedia ne se résume pas à cette description. L’encyclopédie se situe dans un
contexte plus global et porteur d’un ensemble de valeurs qui en assurent la cohérence. Les
règles constituent une déontologie appliquée par des instances hiérarchiques élues dont les
décisions peuvent être soumises à discussion. Les moyens techniques, le wiki qui autorise la
pratique contributive, le blocage du compte de l’auteur de mésusages, la traçabilité,
l’historisation, l’identification (par le numéro d’IP) rendent possible ce fonctionnement.
Aucun contributeur, quel que soit sont apport - l’un d’entre eux réalise 25% des contributions
- ne bénéficie d’un statut privilégié de ce fait.
La représentation du groupe épistémique, conforme elle-même à une certaine
représentation communautaire de la participation des internautes est battue en brèche par la
réalité. Quatre ou cinq contributeurs réalisent 50% des contributions. De l’avis même du
fondateur de Wikipedia, Jimmy Wales, ce phénomène de concentration est généralisé dans
l’ensemble des Wikipédia où 10 % de contributeurs sont réellement actifs. Cette
représentation de « communauté agissante » est volontiers reprise à son compte par les
bretonnants car il constitue un élément de valorisation de l’identité bretonne et une expression
du dynamisme de ses locuteurs engagés dans la modernité .
23
2.2. Le réseau d’acteurs à ontologie variable.
La proposition présentée ici s’appuie sur l’observation du Web culturel breton — en
langue bretonne, ou permettant d’accéder à des œuvres ou documents (écrits, oraux, visuels)
en langue bretonne. La définition de la culture est ici empruntée à Jean-Claude Passeron dans
Le raisonnement sociologique. Elle s’appréhende dans trois dimensions. Il s’agit de la «
culture style » qui est un certain mode de vie, une façon d’habiter le monde, de la « culture
corpus » qui vise des œuvres de référence, le patrimoine artistique ou scientifique, les autres
références monumentales, écologiques et enfin la « culture déclarative » qui est celle qui
parvient à se faire théorie pour signifier une marque d’identité.
24
Reportages sur FR3, dans Ouest-France, table ronde au Salon du Livre à Carhaix.
Jean-Claude Passeron, (2006). Le raisonnement sociologique : Un espace non poppérien de l’argumentation
(édition revue et augmentée.) Editions Albin Michel.
23
24
La multiplicité et la superposition des sphères (publique, privée, commerciale,
associative) constituent une caractéristique dans le domaine observé. La cartographie des liens
entre le site de Dastum et les différents acteurs du domaine culturel est un bon exemple de la
multiplicité de ceux-ci. On y trouve la présence des différents acteurs (associations,
fédérations, communes, département, région, musées, évènements, sites hors région, sites
nationaux, internationaux, presse…).
L’échelon international (UNESCO, Union européenne,) est présent et affiche des
politiques conventionnelles proposant la défense de la diversité culturelle confortée par une
politique de promotion des TIC. Le site MOSAIC est un projet européen d’un musée virtuel à
l’échelle de l’Europe. L’antenne ouest de l’INA implantée à Rennes (INA Atlantique) archive
la mémoire audio visuelle de la région, dont 3000 heures d’émissions en langue bretonne.
L’échelon régional occupe une position centrale, la région Bretagne dispose d’un site qui
constitue un point d’entrée repérable en termes de réseau. Les échelons départementaux et
communaux, sont plus importants en Basse Bretagne .Les musées municipaux,
départementaux, régionaux et nationaux participent également. Des organismes spécialisés
déjà évoqués (OFIS, Dastum …) figurent aussi au nombre des acteurs. Ceux-ci étaient à
l’origine des structures associatives. Les structures associatives sont nombreuses, certaines
fédérant des associations culturelles (Gwalarn, Emglev Bro an Oriant…). Il existe environ
60 000 associations en Bretagne , le quart d’entre-elles opère dans le domaine culturel. Les
acteurs festivaliers : Lorient, Carhaix, Douarnenez…s’inscrivent dans un contexte de liens
internationaux.
La position et le rôle de ces acteurs n’est pas homogène. Bruno Latour, Michel Callon
et John Law sont à l’origine de la Théorie de l’acteur-réseau. Le concept d’ « actant »
présente l’intérêt de modéliser une composition réticulaire incluant des éléments matériels et
sociaux, et pas seulement techniques et homogènes comme le seraient des sites Internet,
entités de base dans un réseau constitué de nœuds et de liens. Ce sont les relations entre les
acteurs qui définissent ces acteurs. Les recensements des différents sites des réseaux
numériques font en effet apparaitre des acteurs de nature différente. Ces acteurs ne sont pas
tous humains, certains sont techniques, institutionnels, et peuvent être chargés de mission de
traduction, de médiation culturelle et technique. Une modélisation qui donnerait à voir un
réseau de composantes homogènes n’offre pas une visibilité pertinente de la dynamique de la
forme en action. Grâce à une conceptualisation adaptée, le rôle des acteurs peut alors être
interrogé, et apporter une meilleure lisibilité du processus de transmission culturelle.
L’intérêt d’une bonne appréhension théorique et pratique des réseaux de transmission
culturelle est patent dès lors que la politique régionale se donne pour objectif d’atténuer la
fracture numérique (différences culturelles, générationnelles, économiques) d’accès au Web.
Une politique du numérique n’est pas - seulement - une politique de « tuyaux » de « débits »,
elle doit viser à prendre en considération la le réseau comme un fait social, certains acteurs
ayant un rôle de médiation culturelle.
25
26
3. Identité, x-éité et ipséité.
Existe-t-il une identité, ou des identités s’agissant d’un individu ? Où se placent la ou les distinctions - entre le « je » et le « nous » selon la formule de Norbert Elias ?
L’ethnicité, fondée sur les caractéristiques culturelles encapsule-t-elle les différentes formes
d’identité ? Existe-t-il un mode d’approche des identités individuelles, l’ipséité, l’être soi -
Le site de l’association Dastum est véritablement en position centrale. Sa vocation est la mise à disposition du
patrimoine oral en langue bretonne (contes, chants, musique instrumentale…).
26
Source du Conseil régional (2010).
25
en personne - qui représenterait les postures adoptées par le Sujet ? L’ipséité serait alors c’est notre proposition - la forme dialectique et performative de l’identité en devenir.
3.1. Une identité ou des identités pour un Sujet?
Alain Touraine observait dans Pourrons-nous vivre ensemble ? que le point d’appui à
la disposition du Sujet dans le monde postmoderne « est l’effort de l’individu pour
transformer des expériences vécues en construction de soi comme acteur »27. L’ontologie du
Sujet est un élément déterminant des conceptions de l’identité. L’ethnicité, quelle qu’elle
soit, bretonnité, catalanité, corséité… appartiennent à la classe des « x-éité » selon la
proposition du sociologue Pierre-Jean Simon, qui explique « comment un ensemble collectif
X est ce qu’il est, comment ses membres, en certaines situations, se définissent eux-mêmes et
sont définis par les autres, se reconnaissent et sont reconnus comme tels, par quoi un
ensemble collectif se distingue d’un ensemble Y »28.
L’ethnicité représente certainement la dimension la plus holistique de l’identité, placée
sous l’empire de représentations symboliques qui « en exprimant l’unité sociale sous une
forme matérielle, il [le symbole] la rend plus sensible à tous »29. Pour autant, l’identité
professionnelle, qui met en jeu le capital culturel, social et économique ne se fond pas dans
l’ethnicité, qui intègre cependant par certains de ses aspects les structures économiques. Les
autres catégories (genre, sexualité…) ne se résolvent pas davantage dans l’ethnicité. L’identité
prend corps dans les postures du Sujet. Michel Foucault « …pense […] que le sujet se
constitue à travers des pratiques d'assujettissement, ou, d'une façon plus autonome, à travers
des pratiques de libération, de liberté, comme, dans l'Antiquité, à partir, bien entendu, d'un
certain nombre de règles, styles, conventions, qu'on retrouve dans le milieu culturel »30. Il
apparaît que l’identité est une liberté contrainte qui définirait les conditions de la
postmodernité ainsi que l’observe Zygmunt Baumann « La pierre angulaire de la stratégie
postmoderne n’est pas la construction de l’identité, mais le fait d’éviter d’être fixé »31, fixé de
l’extérieur.
L’espace numérique, les réseaux sociaux, la capacité offerte de jouer de l’identité
virtuelle sont à la fois l’outil et l’illustration de cette condition du Sujet dont l’imaginaire
trouve à se représenter dans l’espace social. Jacques Lacan souligne que « L’imaginaire de soi
est conféré par le symbolique. Seul le symbolique permet d’ordonner d’articuler, et d’orienter
ce que l’imaginaire engendre de fondamental et d’hétéroclite ».
L’identité du Sujet est affaire d’histoire : histoire individuelle, histoire collective, et de
d’élaboration : construction individuelle, construction sociale entre valorisation et
stigmatisation. Cette dimension s’articule dans le temps social - d’une durée longue - la
perspective historique.
Voici trois exemples de postures individuelles observées dans le corpus étudié, trois
situations prises dans le corpus étudié qui viennent à l’appui de cette analyse et l’illustrent :
- Une posture de continuité biographique. Y., scolarisé en école bilingue DIWAN, a
participé au projet Wikipedia dans son lycée. Il poursuit son engagement linguistique
en tant qu’administrateur de Wikipedia et des actions de communication pour valoriser
l’encyclopédie;
Alain.Touraine, A. Pourrons-nous vivre ensemble? Egaux et différents. Paris: Fayard 1997.
Pierre.-Jean Simon, « Ethnicité, identité, bretonnité » dans. Identités et sociétés de Plougastel à Okinawa,
Rennes, Presses Universitaires de Rennes. Essais. 2007.
29
Emile. Durkheim, E. Les formes élémentaires de la vie religieuse. Paris: P.U.F. Quadrige. 1960.
30
Michel Foucault, Dits et écrits II. 1976.
31
Zigmunt Baumann, La vie en miettes : Expérience postmoderne et moralité. Hachette Littératures, 2010.
27
28
-
-
Une posture d’externalisation de l’identité professionnelle. R. est bibliothécaire. Il
apporte ses compétences au bénéfice de la langue bretonne, sur des questions de son
champ professionnel, mais en breton ;
Une posture de conversion/consolidation V. est administrateur auprès du Wikipedia
français, il participe à un projet qui élabore des articles sur le thème de la ville de
Rennes. Peu à peu il se rapproche du Wikipedia breton, crée des liens. Il apprend le
breton et peu à peu apporte sa contribution.
3.2. La distinction entre le « je » et le « nous », l’espace du récit identitaire.
L’individu doit situer son histoire personnelle dans l’histoire sociale. L’apport de la
sociologie compréhensive est précieux. Il apporte à l’échelle individuelle les éléments
d’explication permettant de valider l’hypothèse. Plusieurs exemples peuvent être donnés. J.
retraité, premier bretonnant à avoir ouvert un blog en breton (Blog Yann), dit avoir trouvé là le
moyen de renouer avec ses origines bretonnes. Marié à une Scandinave il s’est établi à Paris et
ses séjours en Bretagne sont occasionnels. Ingénieur de formation, il s’appuie sur la technique
pour renouer avec la pratique de la langue bretonne. Les contacts qu’il a pu établir avec des
bretonnants l’ont conduit à s’investir dans d’autres activités autour de la langue et la culture
bretonne. D’autres exemples dans le corpus témoignent de cette posture de continuité
biographique. Les entretiens mettent en évidence une motivation d’affirmer l’identité
bretonne, de contribuer au développement de la langue bretonne et sa représentation dans
l’espace numérique. La situation de la langue bretonne, langue minorée apparait ici dans la
recherche normalisation et la prédominance du discours métalinguistique, ou métaculturel
dans un souci d’affirmation.
L’identité se s’élabore, se rassure et se construit dans le lien social. Les réseaux
numériques constituent un média de communication à même de contribuer à cette démarche.
3.3. L’Ipseité .
32
Une littérature abondante dans les sciences de l’information met en exergue les
conditions de manipulation de l’identité dans les réseaux numériques. Dissimulation, identité
fictive, identités multiples Internet est propice aux « je » multiples. Il permet la mesure
d’exposition du soi-même et favorise l’expérimentation. Dans le cas d’une situation de langue
minorée, en déficit de médias, les réseaux numériques offrent des formes palliatives plus
facilement accessibles (journaux en ligne, web-télé..) constituant une opportunité. Les
manipulations identitaires quoique présentes sont rares (par exemple les « faux-nez » parfois
actifs dans Wikipédia et sources de situations conflictuelles). L’observation des postures
individuelles, confortée dans les entretiens révèle différentes situations. A côté de démarches
- les plus nombreuses - fortement ancrées dans le lien social et soutenues par un réseau
associatif dense se rencontrent des postures plus complexes, plus secrètes, révélant une
probable attitude d’asociabilité numérique. C’est le cas, par exemple, d’un contributeur
important de Wikipedia souvent en opposition au sein du groupe et tenant à rester anonyme.
Le développement narratif du soi peut aller dans ce cas jusqu’au développement du mystère et
de l’ambiguïté, version négative et complexe du lien social, tout en apportant une contribution
majeure à l’encyclopédie en ligne. Cependant dans le cas le plus fréquent où les activités sur
les réseaux numériques émanent d’associations le montage narratif obtient une validation
performative dans le lien social, donnant ainsi corps à l’ipseité.
Conclusion :
32
Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
Par leurs caractéristiques de visibilité et de traçabilité, les réseaux numériques portent
la trace observable des conditions de construction de l’identification. Les formes sociales
qu’ils génèrent constituent un fait social et culturel, dans lequel s’élabore l’identification.
La normalisation offre une forme de reconnaissance collective qui présente deux
caractéristiques. D’une part, le groupe doit construire une structuration de l’identité collective
autour d’un référentiel normatif, enjeu de conflits symboliques que le groupe a à charge de
résoudre. D’autre part, celui-ci, doit s’inscrire dans le système normatif dominant, et négocier
dans son jeu de règles. Recherche de visibilité, concurrence, précarité caractérisent Internet et
l’espace numérique.
Des structures et des formes sociales d’interaction sont observables : le groupe
épistémique, le réseau à actants variables. Enfin les postures individuelles donnent corps à la
réalisation performative de l’identité dans un contexte dialogique.
Toutefois, cette production sociale ne se suffit pas à elle-même, même si sa portée
symbolique est forte. Tout comme le territoire pour la nation - forme collective imaginée l’espace numérique offre un outil de conceptualisation et d’entrée en relation, permettant de
nourrir - dans le lien social - une cognition partagée.
Pour citer cet article : Jean-François Blanchard, « Formes sociales et postures d’identification
dans l’espace numérique : Quelques observations relatives à la langue bretonne pour une
approche dialogique et performative de l’identité », CD Annales du Séminaire
Interdisciplinaire des Doctorants ‘‘S’identifier face à l’autre’’, Rennes, 23 juin 2012, Rennes,
décembre 2012.
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