AVIS sur la prescription par des dentistes du traitement de dysfonctionnements temporomandibulaires par des kinésithérapeutes agréés* I. Origine et avis précédents Le cabinet de la Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, Mme Laurette Onkelinx, souhaite connaître le point de vue des Académies royales de Médecine de Belgique francophone et néerlandophone sur la prescription par des dentistes du traitement de dysfonctionnements temporomandibulaires par des kinésithérapeutes agréés, suite aux avis du Conseil national de la kinésithérapie et du Conseil de l’art dentaire, adressés à la Ministre. Le 1 juin 2010, le Conseil national de la kinésithérapie publiait l’avis 2010/10, intitulé « Propositions d’adaptation de l’AR n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l’exercice des professions des soins de santé ». A propos de la prescription par des dentistes du traitement de dysfonctionnements temporomandibulaires par des kinésithérapeutes agréés, le Conseil propose les amendements suivants (seulement les parties de la motivation traitant de cet aspect spécifique ont été reprises) : - Art. 21bis, § 6, premier alinéa: Remplacer: « Les personnes agréées en vertu du § 1er ne peuvent exercer la kinésithérapie qu’à l’égard des patients qui sont envoyés sur la base d’une prescription faite par une personne habilitée à exercer l’art médical en vertu de l’article 2, § 1er, premier alinéa. » par: « Les personnes agréées en vertu du § 1er ne peuvent exercer la kinésithérapie qu’à l’égard des patients qui sont envoyés sur la base d’une prescription faite par une personne habilitée à exercer l’art médical en vertu de l’article 2, § 1er, premier alinéa ou, pour ce qui concerne la kinésithérapie en cas de dysfonction temporomandibulaire, qui sont envoyés par une personne habilitée à exercer l’art dentaire en vertu de l’article 3. » * L’avis a été rédigé par une commission commune, composée de Frank Buntinx, Dominique Declerck, Rik Gosselink, Frank Luyten et Guido Vanherle, et les experts externes Antoon De Laat, Joseph Schoenaers et Linda Van Den Berghe pour la « Koninklijke Academie voor Geneeskunde van België » et les experts externes Régine Glineur, Marc Lamy, Patrice Lejuste, Constantinus Politis, Hervé Reychler en Jan Van de Perre pour l’Académie royale de Médecine de Belgique. 1 Motivation: Un nombre de praticiens de l’art dentaire pose un diagnostic de dysfonction temporomandibulaire chez leurs patients et souhaite que certains d’entre eux soient traités par kinésithérapie. Dans la législation actuelle un patient devrait passer par une consultation médicale pour obtenir une prescription afin de pouvoir être pris en charge (traité) par un kinésithérapeute. Le praticien de l’art dentaire est probablement mieux placé pour constater si le patient nécessite de la kinésithérapie en cas de dysfonction temporomandibulaire. Une consultation superflue sera ainsi évitée si le praticien de l’art dentaire peut faire une prescription en cas de ces indications spécifiques. - Art. 21bis, § 6, deuxième alinéa: Remplacer: « Cette prescription doit revêtir la forme d’un écrit. Elle indique en tout cas le diagnostic ou les éléments de diagnostic établis par le médecin, la ou les prestations demandées par celui-ci ainsi que le nombre maximum de séances de traitement à effectuer par le kinésithérapeute. » par: « Cette prescription peut mais ne doit pas revêtir la forme d’un écrit. Elle indique le diagnostic ou les éléments de diagnostic établis par le médecin, ou le cas échéant par le praticien de l’art dentaire, le nombre maximum de séances de traitement à effectuer par le kinésithérapeute et les contre-indications éventuelles pour certains traitements. Elle peut aussi indiquer la ou les prestations demandées par le médecin, ou le cas échéant par le praticien de l’art dentaire. » Motivation: […] Concernant l’addition du praticien de l’art dentaire comme prescripteur : si l’art. 21bis, § 6, premier alinéa est adapté comme décrit plus haut, cela doit l’être ici aussi. […] - Art. 21bis, § 6, 3ième alinéa: Remplacer: « Avec l’accord du médecin qui effectue l’envoi, le kinésithérapeute peut accomplir d’autres prestations que celles prescrites ou s’abstenir de réaliser les prestations prescrites. » par: « Avec l’accord du médecin prescripteur, ou le cas échéant du praticien de l’art dentaire, le kinésithérapeute peut accomplir 2 d’autres prestations que celles prescrites ou s’abstenir de réaliser les prestations prescrites. » Motivation: […] Concernant l’addition du praticien de l’art dentaire comme prescripteur : si l’art. 21bis, § 6, premier alinéa est adapté comme décrit plus haut, cela doit également être le cas ici. Le Conseil de l’art dentaire souscrit dans son avis CAD/2011/AVIS-2 du 27 septembre 2011, intitulé « Traitement de dysfonctionnements temporomandibulaires et prescription par le dentiste », à l’avis du Conseil national de la kinésithérapie, décrit ci-dessus. L’avis est comme suit: « Le Conseil de l’art dentaire a pris connaissance lors de la séance du 30 septembre 2011 de l’avis n° 2010/10 émanant du Conseil national de la kinésithérapie au Ministre de la Santé publique rendu le 1 juin 2010. Cet avis concerne le traitement des dysfonctionnements temporomandibulaires par des kinésithérapeutes agréés. Il a été conseillé que cette forme de kinésithérapie soit autorisée à être prestée par un kinésithérapeute sur prescription d’un dentiste. La loi prévoit encore à l’heure actuelle qu’une prescription médicale est nécessaire. Le Conseil a discuté de cet avis et a décidé de se ranger à cet avis et de partager ce point de vue. » II. Avis des Académies Parmi les dysfonctionnements temporomandibulaires on compte le groupe des troubles qui affectent l’articulation temporomandibulaire, les muscles masticateurs, ou les deux (1-3). Les dysfonctionnements temporomandibulaires sont caractérisés par la douleur musculo-squelettique et le mouvement mandibulaire perturbé ou gêné (4). L’article 1er, § 2, de l’arrêté ministériel du 29 mars 2002 fixant les critères d'agrément des praticiens de l’art dentaire, porteurs du titre professionnel particulier de dentiste généraliste (Moniteur belge, 31 mai 2002) décrit le domaine de compétence du dentiste généraliste comme suit : « La compétence du dentiste généraliste s'étend à toute la cavité buccale, aux tissus de soutien, aux muscles masticateurs, à l'articulation temporomandibulaire et aux tissus mous connexes. Le dentiste généraliste doit pouvoir diagnostiquer toutes les affections bucco-dentaires et être en mesure d'exécuter de manière autonome, c'est-à-dire de manière indépendante et sous sa propre responsabilité des traitements susceptibles d'être appliqués dans tous les domaines de l’art dentaire. 3 Sa connaissance de l’ensemble de l’art dentaire lui confère la meilleure compétence pour proposer les plans de traitement les mieux adaptés à chaque patient et pour coordonner les interventions des confrères spécialisés auxquels il déciderait de confier certaines parties de ce traitement. » Depuis ce temps-là (et même avant), l’étudiant en dentisterie est formé à reconnaître, diagnostiquer et traiter les problèmes musculo-squelettiques du système de la mâchoire, les dysfonctionnements temporomandibulaires et les douleurs associées.1 Il est évident que, si ces soins font partie du domaine de la compétence et de la responsabilité du dentiste, il doit également avoir un accès facile aux techniques de traitement couramment utilisées pour ces douleurs et ces dysfonctionnements, comme la kinésithérapie. La kinésithérapie pour les dysfonctionnements temporomandibulaires comprend, outre la consultation, des instructions, de l’apprentissage et de l’accompagnement du traitement à domicile, ainsi que de la physiotechnique pour les douleurs musculaires et articulaires (à l’aide de chaleur, ultrasons, …), du massage, du stretching, de la mobilisation de la mandibule en cas de mobilité réduite, et de la thérapie par exercices. Actuellement, ceci n’est pas possible sans consultation supplémentaire chez le généraliste. Bien que le dentiste donne au patient les instructions spécifiques adressées au kinésithérapeute, le patient doit passer par son généraliste pour obtenir la prescription légale. La kinésithérapie est une méthode de traitement régulièrement appliquée pour les dysfonctionnements et les douleurs temporomandibulaires (5-9). Comme pour les autres problèmes musculo-squelettiques (par exemple, la douleur du bas du dos) et les autres méthodes de traitement pour les dysfonctionnements et les douleurs temporomandibulaires (par exemple, la gouttière parodontale), il existe une nécessité d’essais cliniques randomisés méthodologiquement plus qualitatifs, qui examinent spécifiquement l’efficacité de certaines modalités de traitement au sein de la kinésithérapie (par exemple, certains exercices vs le massage ou de la physiotechnique). Conclusion Les Académies royales de médecine de Belgique estiment : 1 KU Leuven: 13 h Functie en dysfunctie van het kaakstelsel, 13 h Orofaciale pijn (multidisciplinaire), avec quelques journées de pratique. UGent: 12 h Occlusie en kinesiologie avec 12 h travaux pratiques, 16 h Orofaciale pijn, y compris les dysfonctionnements temporomandibulaires, 20 h option traitement des dysfonctionnements temporomandibulaires et des douleurs oro-faciales. ULg: 5 h théorie, 10 h ARP Principes de médecine physique appliqués à la science dentaire. UCL : 40 h Pathologie et thérapeutique oro-faciale avec 12 h travaux pratiques. ULB : 10 h Physiologie oro-faciale, y compris la physiologie de l'appareil masticateur, 8 h théorie et 20 h travaux pratiques Gnathologie et pathologie de l’occlusion. 4 (1) que les dentistes sont capables de prescrire un traitement des dysfonctionnements temporomandibulaires par des kinésithérapeutes agréés, (2) que les dentistes savent, le cas échéant, quand il est indiqué de renvoyer à un médecin. Par conséquent, les Académies sont d’accord avec les propositions examinées d’adaptation de l’AR n° 78 du 10 novembre 1967, à l’exception de la reformulation suivante de l’article 21bis, § 6, deuxième alinéa, première phrase, proposée par le Conseil national de la kinésithérapie: « Cette prescription peut mais ne doit pas revêtir la forme d’un écrit. ». Les Académies tiennent à une forme écrite de la prescription. Si le texte est modifié, les Académies considèrent la formulation suivante appropriée : « Cette prescription doit revêtir la forme d’un document écrit ou électronique, signé par une personne autorisée. ». Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. McNeill C, editor. Temporomandibular disorders: Guidelines for classification, assessment, and management. Chicago: Quintessence Books; 1993. Okeson JP, de Kanter RJ. Temporomandibular disorders in the medical practice. The Journal of Family Practice. 1996;43(4):347-356. Laskin DM. Temporomandibular disorders: A term past its time? The Journal of the American Dental Association. 2008;139(2):124-128. Krauss SL, editor. Cervical spine influences on the management of TMD. In: Temporomandibular disorders. 2nd ed. New York: Churchill Livingstone, 1994; pp. 325-412. List T, Axelsson S. Management of TMD: evidence from systematic reviews and meta-analyses. Journal of Oral Rehabilitation. 2010;37(6):430-445. Medlicott MS, Harris SR. 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