Arnaud Valence
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connaissance qui ne porte point en général sur les ob-
jets mais sur notre manière de les connaître, en tant
que cela est possible a priori»3. Le transcendantal qua-
lifie aussi bien l’étude des conditions de possibilité
d’une compétence que le produit de cette étude. On
pourra respectivement parler de méthode transcendantale
et de connaissance transcendantale. La méthode trans-
cendantale a vocation à s’appliquer de façon systé-
matique à toute forme de compétence: la sensibilité
(esthétique transcendantale), l’entendement (analytique
transcendantale), la méthode (méthodologie transcen-
dantale), la morale (liberté transcendantale). Cette
étude systématique des conditions de possibilité est un
véritable bouleversement dans l’art de philosopher, car
elle renvoie dos-à-dos empirisme et rationalisme. Faute
de jugement a priori bien défini, le premier ne pouvait
déboucher que sur un savoir prisonnier (de nos sens).
Faute d’un cogito véritablement construit par l’ex-
périence (plutôt que reçu par intuition), la seconde ne
pouvait déboucher que sur un savoir spéculatif.
Cependant, la révolution copernicienne de Kant
reste d’une certaine façon impure. Pour sortir des «illu-
sions transcendantales» qui divisent les traditions philo-
sophiques, Kant établit son enquête transcendantale sur
une disjonction entre la sensibilité et l’entendement.
Mais comment un concept peut-il s’appliquer à une in-
tuition (question quid juris)? «Une telle dualité nous
renvoyait, explique Deleuze4, au critère extrinsèque de
la constructibilité, et nous laissait dans un rapport
3 I. Kant, Kritik der reinen Vernunft, 2e éd. 1787, éd. Cassirer,
III; trad. fr. par A. Tremesaygues et B. Pacaud, Critique de la Raison
pure, 3e éd. Paris, P.U.F., 1963, p. 68.
4 G. Deleuze, Différence et répétition, Paris, P.U.F., 10ème éd.,
2000, pp. 224-225.