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mardi 28 mars 2017 - La Libre Belgique
nDepuis une semaine, Google
et ses plateformes en ligne font l’objet
d’une contestation de grandes marques.
nEn cause : la présence de ces marques
dans le voisinage de contenus
controversés.
nGoogle promet de rectifier le tir.
Dossier réalisé par Patrick Van Campenhout
et Pierre-François Lovens
Publicité en ligne
Plus de 250 marques ont déjà suspendu leurs investissements
1Pourquoi Google fait-il face à une fronde
d’annonceurs publicitaires ?
C’est un article du quotidien britannique
“Time”, paru la semaine dernière, qui a mis le
feu aux poudres. Il y était expliqué que des an-
nonces publicitaires de grandes marques cô-
toyaient de plus en plus des contenus, notam-
ment des vidéos, à caractère très controversé.
Propos antisémites, apologie du terrorisme,
prêches incitant à la haine, contenus homopho-
bes,… Le “Time” pointait surtout du doigt Goo-
gle et sa plateforme de vidéos YouTube, soit les
géants, archi-dominants au plan mondial, de la
publicité en ligne. Cette “révélation”, qui n’est
pas vraiment nouvelle mais gagne en ampleur,
a provoqué un début de fronde des annonceurs
et des agences média en Grande-Bretagne. La
filiale britannique du groupe publicitaire Havas
a ainsi pris la décision de suspendre les campa-
gnes de ses clients sur les différentes platefor-
mes de Google, dont YouTube. D’autres annon-
ceurs britanniques ont suivi le mouvement,
dont des médias (BBC et “The Guardian”), des
banques (RBS et HSBC), des supermarchés et
des fast-foods (Marks&Spencer, Sainsbury’s,
McDonald’s,…). Outre-Atlantique, le mouve-
ment a touché des géants industriels, gros in-
vestisseurs publicitaires sur Internet, comme
les groupes de télécoms AT&T et Verizon Com-
munications, ou encore le fabricant de produits
d’hygiène Johnson&Johnson. “Nous sommes
très préoccupés parla possibilitéque nospublici-
tés aient pu apparaître à côté de contenus You-
Tube faisant l’apologie du terrorisme et de la
haine”, avait expliqué AT&T dans un communi-
qué. Au total, ce sont déjà plus de 250 marques
qui auraient, à ce jour, suspendu leurs investis-
sements sur Google et ses plateformes.
2Pourquoi Google est-il piégé par son mo-
dèle publicitaire ?
Google vit de la publicité.
Grâce à des audiences consi-
dérables et des outils de plus
en plus sophistiqués (qui per-
mettent de cibler de mieux en
mieux les publicités), le
groupe de Mountain View n’a
cessé, au fil des années, d’at-
tirer de plus en plus de bud-
gets publicitaires sur ses pla-
teformes. Cette masse d’an-
nonces est gérée non pas par
des “média-planners”
(comme c’est encore le cas dans les médias
classiques), mais par des algorithmes qui gè-
rent la vente et l’achat des espaces publicitai-
res. C’est ce qu’on appelle, dans le jargon des
médias en ligne, la publicité programmatique
(lire aussi ci-dessous). Certes, les annonceurs
ont la possibilité de filtrer les contenus à côté
desquels apparaissent leurs pubs, mais cela ne
suffit manifestement pas.
3Comment Google va-t-il faire pour apaiser
les annonceurs ?
Voiciune semaine,Alphabet,lamaison mèrede
Google et de YouTube, avait présenté des excu-
ses... tout en disant être incapable de contrôler
les 400 heures de vidéos diffusées chaque mi-
nute sur YouTube. Mais, rapi-
dement, le directeur com-
mercial de Google, Philipp
Schindler, avait fait savoir
que le groupe s’était résolu à
embaucher davantage de
personnel et à accélérer les
procédures de suppression
des messages publicitaires
accolés aux contenus contro-
versés. “Nous pensons que
ces nouvelles conditions d’uti-
lisation ajoutées aux nou-
veaux contrôles renforceront
considérablement notre capacité à aider les an-
nonceurs à atteindre une large audience, tout en
respectant leurs valeurs.” Alors, tempête dans
un verre d’eau ou véritable menace sur le “busi-
ness model” de Google ? La balle est dans le
camp du moteur de recherche américain.
Les annonceurs belges s’inquiètent
pour leur “brand safety”
Fin février, soit avant le déclenchement de la fronde des
annonceurs en Grande-Bretagne, l’Union belge des
annonceurs (UBA) avait diffusé un “Position Paper”
intitulé : “Les grandes marques financent-elles les
organisations terroristes ?” Chris Van Roey, CEO de l’UBA,
y expliquait que ce n’était en rien de la faute des
annonceurs si leurs publicités se retrouvaient sur des sites
inadaptés, douteux, voire criminels. “Le coupable, c’est
l’écosystème en ligne, qui s’est développé trop vite pour
offrir une protection efficace à ces marques.” On parle, en la
matière, de “brand safety”. Au final, déplorait M.Van Roey,
les marques sont les seules à être tenues responsables et
à payer le prix d’une publicité mal placée (en termes
d’image et financiers), “et pas les médias, les plateformes
ou les intermédiaires”. Outre l’élaboration de listes noires
de domaines et de mots clés auxquels ils ne veulent pas
être associés, l’UBA recommande aux annonceurs d’exiger
les garanties nécessaires de la part de tous les
intermédiaires dans les environnements
“programmatiques”. “
Il faut mettre (les intermédiaires) face
à leurs responsabilités, le cas échéant via des clauses de
pénalité en cas d’absence de garanties de qualité.”
Épinglé
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La capitalisation boursière de Google
accuse le coup
En quelques séances (voir notre infographie), les investisseurs
qui ont soldé leurs positions en actions Google (Alphabet),
ont mis une pression importante sur les cours. De 850 dollars,
l’action a reculé de près de 5 %, causant la disparition de
28 milliards de dollars de capitalisation boursière.
3QUESTIONS À ANNICK VANDERSMISSEN
1Le monde de la pub en ligne s’affole ?
Il y a, dans la réaction des grosses agences, une
manière de marquer le coup tout en se mettant en
évidence : toute publicité est bonne à prendre. Mais,
désolée de ne pas jouer moi aussi la carte du sensation-
nalisme: c’est une tempête dans un verre d’eau !
2On fait quand même face à un problème
majeur pour les annonceurs qui ne veulent
pas voir leur nom associé à des contenus extrê-
mes !
Oui, mais ceci rappelle que les machines de diffusion
contextuelle de Google ne sont pas aussi précises qu’on
le pense. Et il y a là matière à rappeler aux acteurs du
monde de la pub en ligne que s’il est indispensable de
maîtriser les mots-clés pour toucher un public précis, il
faut aussi disposer de listes de mots-clés négatifs, ce
qui n’a manifestement pas été le cas dans les campa-
gnes qui font l’actualité ces jours-ci. Pour exclure des
audiences non souhaitées, il faut disposer d’un inven-
taire sémantique, de listes de mots et d’adresses, que
l’on utilise lors du paramétrage d’une campagne.
Lorsque ce travail est bien réalisé, on exclut sans
problème 90 % des audiences non désirées. Les agen-
ces créent et disposent de telles listes, bien entendu.
3Ce cas fait penser à d’autres expériences
malheureuses dans le monde de la pub ?
Oui, c’est fréquent. La semaine passée, en Belgique, on
a vu passer des pubs malvenues pour des produits de
boucheries au moment où étaient diffusées des images
choquantes sur l’abattage des animaux. La pub a été
suspendue. Et au moment des attentats à New York, en
septembre 2001, on se souvient de la campagne de
Chanel pour son nouveau parfum, ‘Dust’, qui est arrivée
au plus mauvais moment. La semaine dernière encore,
à titre préventif, on a d’ailleurs suspendu les campa-
gnes en cours au Royaume-Uni, afin de ne pas créer de
problème.
D.R.
CEO de blue2purple
Cette agence bruxelloise
est active dans le domaine
du “programmatique”.