Memoire poly complet J-P Geslin

publicité
Un exemple d'apprentissage par répétition…
Professeur agrégé à l'Institut Universitaire de Formation
des Maîtres du Bourget (93),
enseignant à l'Université Paris XIII.
Jean-Pierre GESLIN, professeur.
1
INTRODUCTION :
Selon le dictionnaire Robert, « apprendre » c'est :
1- Acquérir des connaissances (savoirs,
savoir-faire et savoir-être)
2- Devenir capable de...
(la capacité relève du potentiel).
… ceci grâce à un engagement
volontaire et à une mobilisation de
son intelligence et de sa mémoire.
Il faut néanmoins noter qu'il existe deux formes de mémoire chez l'homme :
- La mémoire incidente dite encore mémoire automatique qui enregistre des
informations sans effort conscient, sans engagement volontaire.
- La mémoire dite "effortful memory" qui correspond à un engagement
volontaire et à une stratégie de mémorisation.
"L'apprentissage est le processus par lequel un animal ou un être humain
enregistre des éléments de son environnement qui modifieront son
comportement ultérieur. Ces éléments enregistrés lors du processus
d'apprentissage sont stockés dans la mémoire dont nous étudierons les aspects
psychophysiologiques. L'étude de l'apprentissage et de la mémoire doit tenir
compte d'un certain nombre d'autres phénomènes qui, s'ils sont moins bien connus,
n'en constituent pas moins des aspects essentiels du comportement".
Le sujet "mis en présence d'une situation, doit être capable de faire appel aux
éléments qu'il a dans sa mémoire c'est le processus de rappel sans lequel l'étude de
l'apprentissage et de la mémoire serait impossible. C'est indirectement par le rappel
que l'on étudie la mise en mémoire et la conservation des souvenirs. Les souvenirs
enfin perdent peu à peu leur facilité à être rappelés ; on parlera alors d'oubli.
Les définitions que nous venons de donner sont assez générales. En fait les
phénomènes d'apprentissage et de mémoire paraissent assez intuitifs et, s'il est
facile de les imaginer chez les animaux supérieurs, de nombreuses controverses
persistent quant à la définition précise de ces phénomènes chez les animaux
inférieurs. Il existe enfin deux phénomènes comportementaux un peu particuliers
qui se rattachent à l'apprentissage : l'empreinte et le jeu..."
G. CHAPOUTHIER
Entrée des
information
s
Soit inconscient
Mémoire
Rappel Soit conscient et volontaire
Rappel spontané (évocation)
Rappel indicé
Reconnaissance en choix multiples
On distingue différents types de mémoire : la mémoire de travail, la mémoire
des procédures, la mémoire d'identité ou mémoire autobiographique, la
mémoire sémantique et didactique et enfin, la mémoire épisodique.
Jean-Pierre GESLIN, professeur.
2
"Au niveau cellulaire, il y a deux types fondamentaux de codage ou de mise en
mémoire de l'information. L'un d'eux est le code génétique. Chez les animaux
supérieurs, des millions de fragments d'information sont codés dans l'ADN (=
acide désoxyribonucléique) de la cellule, la mémoire génétique. Cette information
est vaste et détermine non seulement si nous serons une souris ou un homme, mais
aussi « les » (ou mieux « des ») myriades de caractéristiques qui « font » (nous
préférerions « qui participent à ») la spécificité de chaque individu.
Au cours de l'évolution, un autre type tout à fait différent de codage de
l'information est apparu : le codage cellulaire de la mémoire. Ce code de la
mémoire n'est pas moins extraordinaire que le code génétique ; un adulte
normalement cultivé conserve des millions d'informations stockées dans son
cerveau. La différence fondamentale entre le code génétique et le code mnésique
est bien sûr que les données mnésiques de chaque individu sont acquises par
l'expérience et par l'apprentissage. Le caractère unique de chaque personne est dû
en grande partie aux données emmagasinées dans sa mémoire, c'est-à-dire aux
résidus biologiques des souvenirs de toute une vie.
Robert ORNSTEIN et Richard THOMPSON
Remarque : l'immunisation vis-à-vis des microbes de toutes natures (virus,
bactéries,
champignons
microscopiques,
animaux
unicellulaires)
et
l'accoutumance (aux médicaments et aux drogues) sont aussi des formes de
mémoire (biologique) acquises tout comme la mémoire neuronale.
PLAN :
Introduction
- Définitions de l'apprentissage, de la mémoire, du rappel et de l'oubli.
- Opposition mémoires acquises/mémoire héréditaire.
I- LES GRANDES CONCEPTIONS DE L'APPRENTISSAGE :
A) Théories accordant une large place aux facteurs externes
(béhaviorisme et sociologie de l'éducation).
B) Théories accordant une large place aux acteurs internes.
C) Interaction entre les facteurs externes et internes.
II- DONNEES HISTORICO-PSYCHO-PEDAGOGIQUES :
A) Histoire de la mémoire
B) Pourquoi faut-il éduquer la mémoire ?
C) Les stratégies de mémorisation
1 - Cas des images.
2 - La répétition. Le rehearsal. Les reconstitutions de textes.
3 - Les méthodes gestuelles.
4 - La mise en mémoire et le rythme.
5 - La mnémotechnique (historique et pratique de la mnémotechnique).
6 - Affectivité et mémorisation (quelques évidences suivies de quelques définitions puis :
comment motiver l'enfant en vue d'une meilleure mémorisation ?).
D) La mémoire à court terme ou "mémoire de travail" :
1 - Faut-il distinguer mémoire à court terme et mémoire à long terme ?
Jean-Pierre GESLIN, professeur.
3
2 - Qu'est-ce que la mémoire à court terme ? Son fonctionnement
3 - L'empan de "mémoire immédiate".
4 - Mémoire immédiate et dyslexie.
E) La mémoire à long terme (les différents types et les codes).
F) L'exploration de la mémoire et les différents types de rappel.
G) La mémoire des nourrissons.
H) Le rôle de l'environnement dans l'apprentissage.
I) Le rôle du jeu dans la mémorisation et l'apprentissage.
III- DONNEES NEUROLOGIQUES ET BIOCHIMIQUES :
A) L'hippocampe et la mémoire :
1- Sujet H.M.
2- Ablation bilatérale des hippocampes chez l'animal.
3 - Sujet M.K.
4- La réminiscence :
a) La notion de réminiscence (oubli inverse).
b) Effet d'une stimulation électrique de l'hippocampe sur la réminiscence et interprétation.
5- Conséquences pédagogiques de la réminiscence.
6- Vulnérabilité de l'hippocampe et pathologies de l'hippocampe.
B) Corps mamillaires, circuit de Papez et mémoire.
C) Les lésions du thalamus et la mémoire
D) L'ictus amnésique.
E) Les amygdales (pas celles de la gorge ! mais celles du cerveau).
F) Systèmes de récompense et d'aversion et mémorisation :
G) Les lieux de stockage de la mémoire dans le cortex cérébral :
1- Travaux de Karl Lashley et critique.
2. L'hypothèse de l'hologramme.
2- Les localisations cérébrales :
* aires motrices et sensorielles
* aires primaires et aires associatives ou "secondaires".
* localisations cérébrales correspondant aux langages.
* mémorisation des mots écrits et cortex occipital visuel.
* rôles des lobes frontaux et préfrontaux.
* lobes pariétaux et mémoire du corps.
* lobes temporaux et agencement des souvenirs.
H) La mémoire des visages et la prosopagnosie.
I) Les rôles du cervelet dans la mémoire.
J) Mémoire et vieillissement. La maladie d'Alzheimer.
I) Pharmacologie de la mémoire.
J) Théories biochimiques et théories circuitaires de la mémoire à long
terme :
1- Théories biochimiques.
2- Théories circuitaires.
3 - La potentialisation à long terme : ... une nouvelle théorie en vogue. Facteurs susceptibles de
faciliter ou d'inhiber la mémorisation
Remarque 1 :
Les rythmes
scolaires seront
traités dans un autre
polycopié.
Remarque 2
Le sujet mériterait un troisième chapitre portant sur
les cadres sociaux de la mémoire et la mémoire collective.
Les souvenirs sociaux structurent les souvenirs personnels,
chacun dispose d'une frise sociale
qui lui permet de positionner son propre passé.
Jean-Pierre GESLIN, professeur.
4
I- LES GRANDES CONCEPTIONS DE L'APPRENTISSAGE :
A1) L'ECOLE BEHAVIORISTE ou COMPORTEMENTALE :
(de l'anglais behavior = comportement)
Ce sont les facteurs externes à l'individu qui constituent les éléments essentiels dans l'apprentissage.
John
Broadus
WATSON
(1878-1958),
psychologue américain peut être considéré comme le
fondateur du béhaviorisme :
D'après un article de
"Sciences humaines"
n° 32 octobre 1993
par Jacques Lecomte.
Ne pas confondre avec le
biologiste James Watson.
"Donnez-moi une douzaine d'enfants bien portants, bien conformés, et mon propre milieu
spécifique pour les élever, et je vous garantis de prendre chacun au hasard et d'en faire
n'importe quel type de spécialiste existant : docteur, juriste, artiste, commerçant et même
mendiant et voleur, sans tenir compte de ses talents, penchants, tendances, capacités, de sa
vocation ni de la race de ses ancêtres"(1925).
Seuls doivent être observés les comportements, toute référence à la conscience doit être exclue.
Burrhus Frederic SKINNER (1904-1990),
psychologue américain, en tire, 30 ans plus
tard, une théorie pédagogique.
1. L'apprentissage peut être obtenu par
l'utilisation de récompenses appelées "renforcements positifs" (nourriture chez l'animal) ou de
punitions appelées "renforcements négatifs"
(chocs électriques chez l'animal) : c'est le
conditionnement opérant ou instrumental qui
considère que l'apprentissage résulte du montage
d'automatismes.
2. Skinner a critiqué le mode d'enseignement
fondé sur des renforcements négatifs (mauvaises
notes) et insisté sur l'importance des renforcements positifs. Il a par ailleurs préconisé le
conditionnement des masses comme moyen de
contrôle social.
Dans l'espèce humaine, c'est un ordinateur qui
fournit ces renforcements positifs : "Exact, très
bien, continuez" (c'est l'enseignement assisté par
ordinateur ou E.A.O.).
3. L'enseignement est programmé (une étape ne
peut être abordée que si la précédente est
maîtrisée).
C
R
I
T
I
Q
U
E
Ce conditionnement opérant de
Skinner s'oppose au conditionnement
répondant = classique de Pavlov
Ivan Petrovich (1849-1936).
Ce médecin et physiologiste russe,
prix Nobel (1904) est célèbre pour ses
études sur le comportement réflexe
déterminé par le stimulus qui le
précède plutôt que par celui qui le
suit (récompense ou punition).
1) Il n'y a pas prise en compte des représentations,
des motivations et des projets.
2) Ne fonctionne que lorsque les notions sont codifiées et formalisées
(orthographe, règles de grammaire par exemple). S'avère limité pour les
savoirs moins formels (tel que l'acquisition du style).
Jean-Pierre GESLIN, professeur.
5
A2) LA SOCIOLOGIE DE L'EDUCATION
S'INTERESSE (ELLE AUSSI) AUX FACTEURS
EXTERNES INTERVENANT SUR LES CAPACITES
D'APPRENTISSAGE
1) Influences familiales :
2) Influences sociales :
L'enfant est influencé dans
Les performances scolaires dépendent
ses apprentissages par le
partiellement des facteurs sociaux :
style de langage et les
- Politique scolaire :
codes culturels familiaux. * Carte scolaire et type d'établissement fréquenté.
* ZEP = Zone d'Education Prioritaire ("zone de
D'après Jacques Lautrey
(Paris V), on peut distinguer discrimination positive") mises en place en 1982.
Priorité : lutter contre l'échec scolaire. 96 600 enseignants.
3 types de milieux familiaux : En 1999 : 1 380 000 élèves sont concernés dans 6494
---------------------------------
établissements (5537 écoles, 823 collèges, 104 lycées
1) Des milieux faiblement professionnels et 30 lycées).
structurés sans règles sociales * R.E.P. (= Réseau d'Education Prioritaire) mis en
place afin de répondre aux besoins des établissements qui,
explicites.
n'étant pas classés ZEP, rencontrent des difficultés
--------------------------------- spécifiques.
2) Des milieux souplement * Etablissements sensibles (collèges et lycées) créés
en 1992. Priorité : les phénomènes de violence :
structurés dont les règles sont
174 établissements en 1999 dont 40 % se situent en ZEP…
modifiées en fonction des les personnels y sont affectés sur la base du volontariat.
circonstances
"démocratique").
(Education * Les CLIS (= CLasses d'Intégration Scolaire des
écoles élémentaires) : 116 000 enfants handicapés en
---------------------------------
1999. Classes limitées à 12 élèves.
3) Des milieux rigidement * Classes de niveaux dont il est maintenant prouvé
structurés
avec
règles qu'elles sont, à terme, moins efficaces que les classes
hétérogènes (classes hétérogènes = classes comportant de
invariantes.
"bons" élèves, des moyens et des faibles).
--------------------------------- * Classes constituées selon des critères
Le type 2 se rencontre souvent
dans les milieux socioculturels
élevés et constitue l'un des
éléments
d'une
meilleure
réussite des enfants.
Colonne rédigée
d'après un article de
"Sciences humaines"
n° 32 octobre 1993
par Jacques Lecomte.
sociaux… il en existe même si elles sont
en
contradiction avec la "Loi d'Orientation de 1989". Elles
doivent être dénoncées (nous contacter pour la
stratégie… !).
- Programmes et activités scolaires, projet
d'établissement.
- Pratiques pédagogiques des enseignants du
secteur (démarche expositive, démarche dialoguée, mise
en activité de recherche).
- Architecture des bâtiments
…
Jean-Pierre GESLIN, professeur.
6
B) THEORIES ACCORDANT UNE LARGE PLACE AUX FACTEURS INTERNES
DANS LE PROCESSUS D'APPRENTISSAGE
1) Modèles innéistes
2) Pédagogies mettant l'accent sur
l'autonomie de l'apprenant
"L'Ecole Nouvelle", courant pédagogique né
dans la 1ère moitié du 20ème siècle laisse une
(Cf. les psychologues Hans Eysenck
large place à l'initiative et à
et Arthur Jensen).
la responsabilité de l'élève.
L'ensemble des aptitudes intellectuelles des
* L'enfant n'est pas un adulte en miniature.
individus est essentiellement déterminé par des
* Il a une tendance naturelle à l'autonomie.
facteurs génétiques.
Il faut adapter l'école à l'enfant et non
-----------------------------------------------l'inverse.
Hérédité de l'intelligence :
Psychologie de la forme ou gestaltistes
(ex. Wolfang Köhler, Max Wertheimer)
Les études chez les singes (cf. singes qui apprennent
à attraper des bananes situées à l'extérieur de leur
cage grâce à un bâton) ont montré que la résolution
de problèmes ne résulte pas de simples
conditionnements. Elle est principalement le fruit de
l'INSIGHT (= compréhension soudaine consécutive à
une phase de tâtonnement).
-----------------------------------------------Existence d'une "grammaire
universelle":
D'après un article de
"Sciences humaines" n° 32
octobre 1993 par Jacques
Lecomte.
3) Modèles cognitifs*et
psychologie cognitive (à partir de 1960) :
* La cognition est la faculté d'acquérir,
d'organiser et de réutiliser les informations. Les psychologues cognitivistes
essaient de comprendre ce qui se passe
dans la "boîte noire"(= le psychisme).
Idée générale : le sujet ne se contente
pas d'assimiler des informations, il les
sélectionne et les met en forme.
Edouard Claparède (1873-1940) : médecin et
"Il faut tenir compte des
psychologue Suisse. Travail sur le tâtonnement.
représentations" (Giordan, Astolfi).
Maria Montessori (1870-1952) : médecin et pédagogue
"Il faut apprendre à apprendre"
italienne. Eveil des sens.
(métacognition).
Roger Cousinet (1896-1966) : instit et IEN français.
Travail par groupes.
"Des outils cognitifs bien adaptés
Célestin Freinet (1896-1966) : éducateur français. Texte peuvent permettre de lutter contre
libre, journal scolaire. Correspondance interscolaire.
l'échec scolaire ou professionnel".
Ovide Decroly (1871-1932) : neuropsychiatre belge.
Travail sur les centres d’intérêt et sur la lecture (on part
"Psychologie différentielle"
de la phrase et de son sens)
Tous les individus n'utilisent pas les
----------------------------------------"L'autoformation" qui met l'accent sur
l'autonomie de l'apprenant.
Le cerveau présenterait une disposition innée à
* P.A.E. : Projet d'Action Educative.
acquérir un langage quel que soit l'environnement.
* Initiation à la recherche documentaire.
Le linguiste Noam Chomsky tente de dégager les
* Ateliers pédagogiques personnalisés (adultes).
règles universelles du langage.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
mêmes procédures pour résoudre les
problèmes. Tous n'ont pas les mêmes
capacités intellectuelles.
Reuchlin, psychologue, plaide pour un
enseignement différencié adapté aux
caractéristiques intellectuelles.
7
C) THEORIES DE L'APPRENTISSAGE METTANT L'ACCENT SUR
L'INTERACTION ENTRE LES FACTEURS EXTERNES ET INTERNES :
1) Interaction du sujet avec le milieu :
Epistémologie génétique
de Jean Piaget (1896-1980)
2) Interaction entre les élèves : Théorie de
"l'enseignement social"
3) Interaction élèveenseignant : "effet
Pygmalion"* de Robert
Rosenthal
La présence des autres élèves stimule l'apprentissage.
Le développement cognitif est à la fois :
* déterminé génétiquement dans ses grandes -----------------------------------------étapes (cf. stades de l'intelligence de Piaget).
Cf. le "modeling" ou "modelage" ou
"modèle
* le fruit de l'interaction entre le sujet et son d'imitation comportementale" ou "apprentissage social"
environnement. Ainsi, l'intelligence se construit du psychologue Albert Bendura.
en réponse aux contraintes et aux sollicitations Il y a acquisition de conduites consécutivement à
l'observation du comportement d'autrui dans les
de l'environnement.
- L'assimilation est l'action de l'individu sur les domaines scolaires mais aussi d'autres domaines
par ex). Ainsi, des enfants frappent une poupée en
objets qui l'entourent, action qui permet (violence
tissu si on leur a présenté auparavant un petit film ou un autre
l'intégration des données de l'expérience.
enfant a agit ainsi sans être réprimandé.
- L'accommodation est l'action du milieu sur le -----------------------------------------sujet, action qui déclenche des ajustements Cf. le "développement social de l'intelligence" du
actifs et une transformation des cadres psychologue russe Lev Sémionovitch Vigotski (1896cognitifs.
1934) d'une part et l'Ecole suisse du "conflit socio C'est une vision pédagogique proche des courants de
l'Ecole Nouvelle. Jean Piaget s'est à la fois opposé à
l'environ-nementalisme des béhavioristes (ce n'est pas
seulement le comportement qui est modifié mais aussi
les structures mentales) et à l'innéisme de Chomski.
D'après un article de
"Sciences humaines" n°
32 octobre 1993 par
Jacques Lecomte.
cognitif"1 : les activités réalisées avec les pairs et les désaccords éventuels favorisent le développement cognitif.
*
D'après
Ovide
(Métamorphoses),
le
sculpteur Pygmalion réalisa
une
statue
en
ivoire
correspondant à son idéal
féminin. Il s'éprit de son
œuvre à qui Aphrodite donna
vie.
Le préjugé positif ou
négatif de l'enseignant à l'égard de
l'élève influe sur les
performances intellectuelles de celuici.
Note1 : "Conflit sociocognitif" : désaccord entre 2 personnes à
propos d'un élément de connaissance et/ou de raisonnement. Il
s'ensuit souvent une révision des positions antérieures.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
8
II- DONNEES HISTORICO-PSYCHO-PEDAGOGIQUES :
II A) HISTOIRE DE LA MEMOIRE :
Lorsque les textes écrits étaient rares ou absents, on attachait
une valeur capitale à la mémoire car elle seule permettait la
transmission des connaissances.
De l'antiquité grecque au Moyen - Age, on enseigne la
MNEMOTECHNIQUE : procédé qui, selon la traduction
grecque, aurait été inventé par un poète grec SIMONIDE
DE CEOPS qui vivait au VIème siècle avant J.C. (556 à 468
avant J.C.)
- On choisit un itinéraire souvent fréquenté, un bâtiment
suffisamment grand et bien connu.
- On transforme en images mentales ce qu'on doit
mémoriser.
- On attribue, à chaque élément du lieu choisi, une image.
- En se promenant en pensée on retrouvera toutes les
images et donc tous les éléments du message à retenir.
Le général athénien Thémistocle (525 à 460 avant J.C.),
vainqueur des Perses à Salamine, refusa l'offre de Simonide
de lui enseigner les méthodes de la mnémotechnique. Il
déclara qu'il préférait qu'on lui enseigne l'art de l'oubli…
Cicéron (homme politique et orateur latin qui vécu de 106 à
43 avant J.C.) considérait la mnémotechnique comme l'un
des cinq procédés de la rhétorique (= ensemble des procédés
et techniques permettant de s'exprimer avec éloquence).
"Cette conception d'une mémoire envisagée comme réserve
d'images, sera très répandue et s'imposera pratiquement
jusqu'à Descartes(1)".
Serge BRION (Encyclopaedia Universalis, 1989)
Mnémosyne, déesse de la poésie et
de la mémoire, fille du dieu du
Ciel Ouranos, et de la déesse de la
Terre Gaïa, elle occupait une place
de choix auprès de Zeus. Il s'unit à
elle et lui donna 9 filles : les muses
… Calliope (muse de la Poésie
épique), Clio (Histoire), Euterpe
(Poésie
lyrique),
Melpomène
(tragédie), Terpsichore (Chant
choral et Danse), Érato (Poésie
amoureuse), Polymnie (Poésie
sacrée), Uranie (Astronomie) et
Thalie (Comédie).
Mnémosyne resta auprès du
maître de l'Olympe, lui contant
dans ses plus infimes détails, la
victoire des dieux contre les
titans et se souvenant à tout
instant des poèmes et des
chansons qu'il lui réclamait.
(1) Descartes : Philosophe, mathématicien et physicien français né
en 1596 dans une ville d'Indre et
Loire autrefois nommée "La Haye"
(pas celle des Pays-Bas) et
aujourd'hui "Descartes", mort à
Stockholm (Suède) en 1650.
Souvent, afin de faciliter la mémorisation, les textes étaient
mis en musique : dans la Grèce antique, la poésie était
toujours chantée et accompagnée à la cithare, les tragédies grecques étaient également chantées.
Les druides (à la fois prêtres, juges, médecins, maîtres à penser et éducateurs, devins et
astronomes) connaissaient plusieurs dizaines de milliers de vers par coeur.
"Quand aux fonctions éducatives, elles reposent sur un système d'écoles druidiques dont les plus
illustres se trouvent dans l'île bretonne. Les études sont longues, d'une vingtaine d'années parfois, elles consistent à apprendre par coeur quantité de vers, l'usage de l'écriture étant exclu".
"Les Celtes" par Jacques Harmand - F. Nathan, 1970.
er
Ce n'est qu'au 1 siècle avant notre ère que les Celtes vont commencer à employer le support écrit
(alphabet grec) pour les activités politiques, sociales et économiques.
Au Moyen - Age, Thomas d'Aquin, théologien italien : 1225 à 1274, qui professa surtout à Paris,
et d'autres, vont considérer que la mémoire n'est pas seulement un procédé mais aussi une vertu
(cf. prudence) et un outil pour la décision.
L'écrit au départ ne sert qu'à se rappeler, seul celui qui écrit peut décoder. Peu à peu vont
apparaître une ponctuation, des titres, des tables et des index rudimentaires.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
9
La réinvention de la typographie (procédé d'imprimerie en caractères mobiles imaginé par les
chinois au XIème siècle) par l'imprimeur allemand Gutenberg (vers 1395-1468) en 1440 va
contribuer à dévaloriser la mémoire. On commence à dire "qu'on peut savoir plein de choses et
être un C..". La mémoire apparaît comme un simple réfrigérateur (... même si le terme est
anachronique !).
"L'imprimé a diminué notre mémoire ; nous savons qu'il est inutile de nous encombrer la
mémoire de choses que nous pouvons trouver dans les rayons d'une bibliothèque. Quand les
livres sont rares et qu'une grande partie de la population est illettrée, la mémoire est souvent
d'une vivacité dont les Européens n'ont aucune idée".
H.J. CHAYTOR.
"A partir de Descartes (1596-1650) et des philosophes anglais du XVIIIème siècle, le langage
reprend ses droits et les images ne sont plus considérées comme le mode de représentation
dominant de la mémoire. Hume et James Mille notamment voient en celle-ci un réseau associatif
de souvenirs".
Serge BRION (Encyclopaedia Universalis, 1989.)
La période scientifique débute avec le psychologue allemand
Hermann Ebbinghaus (1850-1909) qui publie en 1885 "la première
étude expérimentale de la mémoire" et qui réalise "la première courbe
d'oubli". Il fabrique 2300 syllabes constituées chacune d’une voyelle
située entre 2 consonnes comme REN ou GAG. Il les écrit séparément
sur des morceaux de papiers et les tire au hasard pour former des
listes qu’il utilise ensuite pour divers apprentissages. S’utilisant
comme sujet d’expérience, il apprend ces listes et teste sa rétention
mnésique après des délais variés. Il découvre ainsi :
• Que certains souvenirs ne persistent que quelques minutes.
• Que d’autres survivent pendant des jours, des semaines voire
des mois.
• Il prouve que la répétition rend les souvenirs plus durables.
Hermann
Ebbinghaus
Ces travaux conduisirent la philosophe américain William
James à distinguer mémoire à court terme et mémoire à long terme.
Après Ebbinghaus, "Alfred Binet étudie la mémoire des textes, Frédéric Bartlett (1886-1969) :
la déformation des souvenirs (« La récupération … est une reconstruction inventive »), Pierre
Janet : l'évolution de la mémoire, Théodule Ribot : l'estimation temporelle des souvenirs".
Modifié d’après Serge BRION (Encyclopaedia Universalis, 1989.)
Au début du 20 ème siècle, le physiologiste russe Ivan Pavlov et le psychologue américain
Edward Thorndike développent des
modèles animaux qui leur permettent d’étudier
expérimentalement l’apprentissage et la mémoire :
• pour Pavlov : le conditionnement classique (association entre 2 événements : le son d’une
clochette et la présentation de nourriture)
• pour Thorndike : le conditionnement instrumental (= conditionnement opérant =
apprentissage par essais et erreurs) ou association entre une réponse correcte et une
récompense et entre une réponse erronée et une punition.
Progressivement, l'intérêt pour la mémoire va se déplacer :
• vers une pathologie de la mémoire : Cf. travaux du psychiatre russe Sergei Korsakoff
qui publia la première description d’un trouble de la mémoire lié, le plus souvent, à
l’alcoolisme chronique)
• vers des tentatives de localisation : la mémoire est-elle localisée dans une région
spécifique ou au contraire constitue t-elle une propriété globale ? Un psychologue
américain, Karl Lashley (1890-1958) étudia ainsi la localisation de la mémoire chez le rat
en pratiquant des ablations de tissu cérébral au niveau du cortex.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
10
Derrière cette évolution se situe l’idée que le souvenir est fragile et qu’il ne faut donc pas se
fier à la mémoire, qu’il ne faut pas tout bâtir sur ce processus. La "Pédagogie" passe d'un
art de la mémoire à un art des processus de structuration des savoirs.
Célestin Freinet (1896-1966), d'abord instituteur, militant syndical et politique renvoyé de
l'Education Nationale, a ouvert en 1935 une école privée expérimentale à Vence (dans les AlpesMaritimes) dans laquelle il poursuivra ses expérimentations pédagogiques jusqu'à son décès.
Il va promouvoir l'idée que le développement de la personnalité et de la créativité ainsi que la
maîtrise des techniques priment sur l'acquisition des connaissances. Il développa une pédagogie
fondée sur la « libre expression de l’enfant » et « les méthodes actives ».
Freinet a insisté sur le fait que la mémoire, peu stimulée par la répétition, l’est beaucoup plus
« par une certaine atmosphère, participant de la sphère affective, que l’on ne saurait négliger
dans le cadre des phénomènes d’apprentissage des savoirs ».
Sigmund Freud (1856-1939), médecin autrichien, est un psycho-pathologiste de la vie
quotidienne considéré comme le père de la psychanalyse : il existerait une mémoire latente qui
peut revenir à la surface par anamnèse.
L'anthropologie humaine se développe. Elle fait appel à la mémoire des gens... quand on veut
comprendre, on interroge des sujets (âgés en général) sur ce qu'ils se souviennent avoir vécu
durant leur enfance (cf. les enquêtes auprès des paysans de la "France profonde").
"L'essor de l'informatique, issu de l'effort de guerre, entraîna, à
partir de 1950 environ, une révolution technique et théorique qui
amena à concevoir la mémoire humaine non plus comme un
"filet" dont les mailles sont les souvenirs, mais comme un
ordinateur".
Serge BRION (Encyclopaedia Universalis, 1989.)
La comparaison avec un ordinateur se justifie en particulier pour
la mémoire à court terme : la mémoire à court terme fonctionne
comme une "mémoire fichier" qui stocke non pas des quantités
d'informations mais des "étiquettes de programmes", chaque
programme concernant des "unités familières à la mémoire" :
chiffres, mots ou phrases.
L'ordinateur (mémoire électronique) est devenu un outil
essentiel doué d'une capacité phénoménale : l'Encyclopaedia
Universalis (20 volumes) tient en un ou 2 disques lasers.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
11
IIB) Pourquoi faut-il éduquer la mémoire ?
Lorsqu'on parle de mémoire on pense
généralement au passé, à "la présence en
nous de l'humanité morte" (Guitton) et à
ce que nous avons nous-mêmes vécu :
nos souvenirs (par référence à telle
portion du temps vécu).
"L'analyse des souvenirs révèle que la
plupart d'entre eux (80%) portent sur des
événements privés (profession, vie
sentimentale, voyages, vacances, vie
familiale) qui d'une façon générale sont
jugés comme étant agréables. Les autres
souvenirs (20%) portent sur des événements publics (guerres, révolutions, faits
politiques... ) qui sont jugés en moyenne comme étant désagréables".
Serge BRION (Encyclopaedia Universalis, 1989
Mais la mémoire n'est pas seulement la mémoire de nos souvenirs et émotions
passés, elle est également mémoire des mouvements (habitudes) et mémoire des
connaissances (savoirs au sens large) antérieurement acquis.
Quand on parle de mémoire on pense également "stockage"... mais la mémoire
n'est pas une simple citerne où viendraient se stocker des connaissances, elle est
également réorganisation. Il y a reconstruction dans le sens de la logique et de la
rationalité et donc production ...
Il ne peut y avoir de pensée sans mémoire.
Outre le fait que la mémoire correspond à un gain de temps (cf. le garçon de café
qui mémorise les commandes plutôt que de les noter), elle nous permet de faire
des progrès, de prévoir et par-là même de gérer l'avenir.
La mémoire nous permet également de créer : l'invention scientifique, la création
artistique, sont évidemment fonction d'un acquis, d'une culture antérieure et donc
d'une mémoire.
CONCLUSION
Il ne peut y avoir de conscience sans mémoire.
La mémoire à sa finalité dans l'action.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
12
II B) Pourquoi faut-il éduquer la mémoire ?
(Tableau récapitulatif)
Présent :
Passé :
Mémoire de
travail = mémoire
à court terme des
psychologues =
mémoire
immédiate des
neurologues.
Intérêt : gain de
temps mais surtout
se fournir de l'information à soi-même.
* Mémoire affective = des souvenirs et émotions passés
(à rapprocher de la mémoire d'identité ≅ mémoire
autobiographique).
* Mémoire des gestes et des habitudes = mémoire des
procédures.
* Mémoire sémantique et didactique = mémoire des
connaissances (savoirs au sens strict) + mémoire des
savoir-faire (méthodologies = démarches permettant
d'atteindre un objectif + techniques = procédés).
* Mémoire épisodique (contexte) qui se rattache aux 3
types de mémoires qui précédent.
 Idée de stockage Mémoire
 Idée de restructuration Présent :
Futur :
* Savoir-être et savoir-faire.
* Pas de pensée sans mémoire.
* Prévoir.
* Gérer l'avenir.
* Faire des progrès.
* Pas d'invention scientifique
sans mémoire.
* Pas de créativité artistique
sans mémoire.
CONCLUSION :
Pas de conscience sans mémoire.
La mémoire à sa finalité dans l'action.
A l'école, il faut :
1 - Solliciter la mémoire, l'entraîner.
2 - Faciliter la mémorisation en travaillant sur les stratégies de mémorisation.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
13
II-C) COMMENT MEMORISER ET FAIRE
MEMORISER ?… LES STRATEGIES…
1) IMAGES ET MEMOIRE :
… le proverbe anglo-saxon affirme "une image vaut 1000 mots".
- Expérience de L. Standing, J. Conezio et R.N. Haber :
* 2560 images différentes sont présentées en quelques séances à des sujets (phase de
mémorisation).
* Ultérieurement, visualisation de 280 paires de documents, 1 élément de chaque paire faisant
partie de l'ensemble des 2560 images vues antérieurement… Il fallait retrouver, au sein de
chaque paire, l'image présentée durant la phase de mémorisation.
* 90 % des images sont retrouvées !!!
* Lionel Standing a repris l’expérience avec 10 000 diapositives présentées sur 5 jours
(2000 images par jour !) à raison de 5 secondes par image avec pause tous les 200 diapo.
Le test a porté sur 160 des images précédentes… ici 73 % de réussite !!!
- Les images sont-elles mieux mémorisées que les mots ?
* Test avec 15 "objets" présentés soit sous forme d'images soit sous forme du
Voir
nom de ces objets. La classe se divise en 2 équipes, l'une mémorise les
page 17
images, l'autre les mots. Les résultats des 2 groupes sont ensuite comparés.
* Conclusion : la présentation d'images est plus efficace que des mots.
* Pourquoi ? Parce que l'image de l'objet est automatiquement nommée mentalement et qu'il
existe dont un double codage : CODE IMAGE ET CODE VERBAL.
Par contre, face au nom écrit de l'objet, peu de personnes construisent une image mentale de cet
objet (il n'y a donc pas de double codage).
- Intérêt des méthodes audiovisuelles :
* Elles sont très employées en pédagogie (films, cassettes vidéo, diapositives et images
sonorisées, panneaux d'affichage mais aussi dessins au tableau noir commentés) et dans
les classes CLIN (classes d'initiation destinées aux enfants étrangers qui arrivent en
France sans parler notre langue).
* Elles utilisent la complémentarité entre les 2 codes.
* Principal problème posé par l'image : la polysémie (= plusieurs sens possibles).
- Une découverte des mnémonistes concernant les images mentales :
Nous retenons fort bien les images crées par le cerveau (cf. suite) d'où l'importance
d'apprendre à se créer des images mentales.
En écoutant la radio, Kikou a entendu le signalement d'un suspect recherché par la police.
Kikou se souviendra de ce portrait car, à mesure qu'il entendait le signalement, il dessinait
mentalement (= il voyait dans sa tête) le visage de cette personne. Ecoute bien et fait comme
lui: dessine le portrait dans ta tête.
"Il s'agit d'un homme assez jeune, il est blond. Ses cheveux sont partagés par une raie. Une
grosse mèche cache une partie de son front. Il a une grosse moustache tombante. Son visage
est presque carré".
Peux-tu le désigner sans te tromper page suivante ?
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
14
As-tu retrouvé
le suspect
d'après son
portrait robot ?
Continuons…
Kikou veut souhaiter la
fête des mères. Cette
année la fête des mères est
le 31 mai.
Kikou imagine un dessin
pour s'en souvenir.
Toi aussi, imagine un
dessin.
Regarde maintenant celui
de Kikou…
Extraits de :
"4-6 ans. Des trucs et des
jeux pour une bonne
mémoire"
par Jeanine Cougnenc
(directrice d'école
maternelle)
aux Editions RETZ.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
15
Méthode d'utilisation :
La classe est divisée en 2 équipes : l'une mémorise les images (les mots ne lui sont pas
présentés) et l'autre les mots (les images ne lui sont pas présentées).
Chaque enfant doit retrouver un maximum d'objet et on totalise les points obtenus par
chaque 1/2 classe.
On constate que, systématiquement, c'est l'équipe des "images qui obtient le meilleur
résultat" (voir page 13).
Les dessins sont extraits de "La mémoire" - Dossiers pour la classe ACCES-B.P. 27- 67305 - Schiltigheim cedex.
"Une recherche de M. Denis (Psychologie française n° 18 p. 47-59, 1973) le démontre : les
images des objets sont retenues plus facilement que les descriptions verbales des mêmes
objets et les descriptions d'objets sont encore mieux retenues que les noms de ces objets".
"Développer sa mémoire", F. Gauquelin, Editions Retz, 12979.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
16
1. La fiche ci-dessus est distribuée à l'envers (personnages non visibles).
2. Le maître ou un élève décrit, à voix haute, l'un des personnages.
3. Les élèves doivent se le représenter mentalement au fur et à mesure.
4. A la fin de la description, les enfants retournent la feuille et indiquent le personnage qu'ils
ont "vu" dans leur tête.
5 "Pour corser l'exercice, on pourra décrire successivement plusieurs personnages".
Document extrait de "La mémoire", dossiers pour la classe.
ACCES. B.P. 27 67305 Schiltigheim Cedex.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
17
- Combiner tous les éléments d'une liste dans une image :
Exemple: sucre, jonquille, bateau, tigre, collier, table, plume, tasse, montagne,
merle.
Document extrait de "La mémoire", dossiers pour la classe.
ACCES. B.P. 27 67305 Schiltigheim Cedex.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
18
II-C) COMMENT MEMORISER ET FAIRE
MEMORISER ?… LES STRATEGIES…
2) MEMOIRE ET REPETITION :
- Exemples d'apprentissages par répétition :
* Si régulièrement nous utilisons un numéro de téléphonique, nous allons nous apercevoir
au bout de quelques temps, que nous le connaissons par cœur.
* La répétition est largement employée par le petit enfant qui apprend à parler.
* Les publicitaires l'exploitent à l'excès tout comme les hommes politiques.
* A l'école, les pédagogues en ont autrefois abusé. Même si la méthode peut devenir
caricaturale (par défaut de motivation du fait de l'absence de partage du sens et de
l'intérêt de la notion à mémoriser), elle reste toutefois utile.
- Stratégie : exemple de l'apprentissage d'une poésie (en gardant à l'esprit que la
poésie ne se limite pas en classe à l'apprentissage de poésies
d'auteurs) :
* lire le texte en entier afin de donner du sens (c'est la
méthode dite - avec maladresse - "méthode globale" qui emploie la
"mémoire des idées").
* ensuite apprentissage par répétition fractionnée
On constate que les adultes
préfèrent la "méthode globale"
et les enfants la "méthode
fragmentée" (ou "fragmentaire") qui est moins rébarbative, exige moins d'attention
mais est moins efficace.
(c'est la "méthode fractionnée" qui privilégie plus "la mémoire
sensorielle des mots").
Conseils donnés par Hunter : "Lisez tout d'abord le poème entièrement, du début jusqu'à la fin.
Ensuite apprenez-le par récitation fragmentée.
Lisez une ligne, fermez vos yeux et essayez de vous la répéter silencieusement pour vous-même.
Si vous ne parvenez pas à la répéter, relisez-la, et au besoin lisez-la une fois encore.
Lisez ensuite la deuxième ligne, fermez les yeux, essayez de vous la rappeler, vérifiez que vous la
savez et passez à la ligne suivante. Travaillez le plus vite possible (mais faire des pauses !)
Ne perdez pas de temps à essayer de vous rappeler les lignes apprises précédemment"
Hunter: Memory (Harmondsworth, Penguin Books), page 104.
* importance des pauses qui peuvent diminuer le nombre de lecture :
"Ebbinghaus a montré que, pour retenir efficacement des informations, il fallait couper les
exercices de répétition d'intervalles de pause : on lit le matériel quelques fois ; puis on s'arrête
pendant quelques minutes, on se détend ou on fait autre chose. Lorsqu'on reprend les répétitions,
la mémorisation se révèle plus facile : "S'il faut, par exemple, 11 lectures pour apprendre un
texte, il n'en faudra plus que 6 lorsqu'une pause de quelques minutes les sépare"...
"Développer sa mémoire par Gauquelin. Editions Retz, 1979.
* mémorisation active.
Hunter raconte qu'il avait lu en classe un court poème à plusieurs reprises dans le but de le faire
mémoriser à ses élèves. Il réussit moins bien qu'eux dans la tache demandée ... mais son attitude
était différente : les enfants se concentraient sur le texte entendu tandis qu'Hunter portait son
attention sur la qualité de sa lecture et sur la surveillance des enfants.
"Développer sa mémoire par Gauquelin. Editions Retz, 1979.
* pratiquer le surapprentissage.
Une 1ère mémorisation correcte ne garantit pas une bonne mémorisation. Il faut un "surapprentissage", c'est-à-dire des répétitions supplémentaires à partir du moment où l'on croit
savoir.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
19
- Le rehearsal :
C'est la "boîte à écho" de Conrad, en d'autres termes : la répétition de l'information, qui
vient d'être présentée, dans la période qui précède le rappel.
" Lorsque nous avons repéré un numéro de téléphone dans l'annuaire et que nous nous
tournons vers l'appareil pour composer ce numéro… qu'avons-nous tendance
spontanément à faire pour ne pas oublier les chiffres du numéro repéré ?Nous nous les
répétons"
* soit à mi-voix" (c'est la subvocalisation)
* soit mentalement.
- Acquisition du rehearsal chez l'enfant :
Travaux de Flavell, Beach et Chinsky (1966) :
Ce comportement spontané de répétition de la séquence d'items a été étudié chez des
enfants de 5 à 11 ans à qui l'expérimentateur proposait 7 images parmi lesquelles il en
désignait 3 dans un certain ordre. Les enfants, après un délai de quelques secondes
(pendant lequel les 7 cartes étaient réarrangées), devaient présenter la même séquence des
3 items. Les noms désignant les objets étaient familiers des enfants et de plus leur
prononciation nécessitait des mouvements des lèvres facilement identifiables (cette
dernière caractéristique permettait aux auteurs, en utilisant la technique de lecture sur les
lèvres, d'étudier le comportement verbal des sujets pendant et après la présentation du
matériel).
Résultats :
* le comportement spontané de répétition de la séquence d'items est pratiquement
absent chez les sujets de 5 ans 9 mois (2 sujets sur 20)
* il devient majoritaire chez les sujets de 7 ans 9 mois (12 sujets sur 20)
* il devient quasi-général à 10 ans 9 mois (17 enfants sur 20).
Effets d'un entraînement (travaux de Keeney, Caunizzo et Flavell en 1967) :
Si des sujets "non producteurs" (c'est-à-dire des enfants ne pratiquant pas
spontanément le REHEARSAL) âgés de 6 ans 10 mois en moyenne sont entraînés
systématiquement à pratiquer la répétition, on observe une augmentation significative des
performances de rappel.
Cependant, dès que l'incitation de l'expérimentateur cesse, les sujets reviennent à leur
comportement antérieur abandonnant la répétition.
D'après Anne-Marie Melot et Denis Corroyer "L'enfant et la mémoire"
Presses Universitaires de Lille, 1986.
- La reconstitution de textes : (cf. Bande vidéo : "LA MEMOIRE").
"On rencontre souvent en milieu scolaire un procédé qui allie action et mémorisation
d'un texte : l'instituteur commence par écrire celui-ci au tableau, le fait lire, puis efface
certains mots et les fait retrouver oralement. Petit à petit, mot à mot, l'écrit disparaît, et
la mémorisation s'installe. Au bout du compte, il ne reste plus au tableau que les signes
de ponctuation et quelques déterminants ou mots - charnières inducteurs. La
reconstitution de texte ou la mémorisation de poésies font souvent appel à ce procédé".
"Enseigner aujourd'hui" par Cruchet, Férole et Leroy - Ed. Hachette, 1989
Le maître peut aussi d'abord lire le texte à haute voix, répondre aux questions
éventuelles, en poser, puis écrire le texte au tableau avant effacements.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
20
Exemple d'un texte à caractère ludique :
… à apprendre en 5 répétitions :
1. Lecture complète du poème
2. Tentative de lecture complète du texte 2
en cachant les autres textes.
3. Idem pour texte 3
4. … puis pour le texte 4.
5. Récitation du poème sans regarder la feuille.
Document extrait de "La mémoire". Dossiers pour la classe. Accès. B.P. 27. 67305 Schiltigheim. Cedex.
"La motivation de l'exercice de reconstitution ne peut être suscitée, à partir de
l'intérêt porté au texte (ou à son thème), que par le plaisir qu'on peut éprouver à jouer
avec lui".
La reconstitution de texte " ne doit en aucun cas devenir un exercice formel, rituel,
imposé, avec périodicité rigoureuse" mais doit rester vivante, stimulante et faire
appel à l'émulation " à la fois dans la présentation et le déroulement".
Jean Ribes, professeur de Français à l'IUFM du Bourget
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
21
II-C) COMMENT MEMORISER ET FAIRE
MEMORISER ?… LES STRATEGIES…
3) LES METHODES GESTUELLES :
Un autre mode de mémorisation par association est parfois présent à l'école :
il s'agit des méthodes gestuelles, c'est-à-dire des procédés d'apprentissage de la
lecture fondés sur l'association entre une lettre et un geste. Ces dernières sont
souvent utilisées pour aider des élèves ayant des difficultés d'apprentissage (cf.
méthode phonomimique de BOREL-MAISONNY, méthode JANNOT... ). Elles
offrent l'intérêt de favoriser la mémorisation des signes, mais présentent, du fait de
leur caractère mécanique, l'inconvénient de ne pas mettre en évidence l'objet
essentiel de la lecture, c'est-à-dire le fait que ce qu'on lit a un sens.
"Enseigner aujourd'hui" par Cruchet, Férole et Leroy. Ed. Hachette, 1989
La méthode de
madame Suzanne
Borel-Maisonny :
Dite encore
classique ou
comportementaliste, elle est
fondée sur la
phonétique et a
été initialement
forgée pour la
« démutisation »
des enfants
sourds.
Elle « suit le
principe de la
correspondance
phonème Méthode phonomimique
graphème (mise
Photo Burger/Phanie. « Le généraliste » du 17 avril 1998.
en correspondance d’un son et de ses différentes gra-phies) associé à une assistance gestuelle » (un
geste va symboliser le phonème) ... d’où le nom de méthode phonomimique.
L’orthophoniste cherche à faire prendre conscience à l’enfant des mouvements de sa
bouche et de son pharynx à l’aide de gestes simples. Il y a association du geste et du
son afin d’obtenir progressivement une association lettre-son. La succession des gestes
est ensuite mise en parallèle avec la succession des phonèmes.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
22
Comment mémoriser la table des 9 ?
Ou comment faire franchir un terrible obstacle aux enfants
présentant des problèmes d'attention et de mémoire
(comme c'est le cas pour un grand nombre
d'enfants dyxlexiques).
Nous allons employer des gestes simples :
Il va falloir utiliser ses 10
doigts mais pas comme à
gauche… il faut TOURNER
les PAUMES des mains VERS
SON VISAGE.
Combien
font
9X2 ?
9X3 ?
9X4 ?
9X5 ?
9X6 ?
9X7?
9X8 ?
9X9 ?
Je plie
le
…
ème
2 doigt
3ème doigt
4ème doigt
5ème doigt
6ème doigt
7ème doigt
8ème doigt
9ème doigt
Combien de doigts dressés avant
et après le doigt plié ?
Pas besoin d'une
calculette !
Soit
…
Il reste 1 doigt dressé avant le 2ème et 8 doigts après 1 et 8
Il reste 2 doigts dressés avant le 3ème et 7 doigts après 2 et 7
Il reste 3 doigts dressés avant le 4ème et 6 doigts après 3 et 6
Il reste 4 doigts dressés avant le 5ème et 5 doigts après 4 et 5
Il reste 5 doigts dressés avant le 6ème et 4 doigts après 5 et 4
Il reste 6 doigts dressés avant le 7ème et 3 doigts après 6 et 3
Il reste 7 doigts dressés avant le 8ème et 2 doigts après 7 et 2
Il reste 8 doigts dressés avant le 9ème et 1 doigt après 8 et 1
Que
nous
lirons :
18
27
36
45
54
63
72
81
Avez-vous d'autres idées ?
-
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
23
II-C) COMMENT MEMORISER ET FAIRE
MEMORISER ?… LES STRATEGIES…
4) LA MISE EN MEMOIRE ET LE RYTHME :
"Les textes rythmés sont plus facilement appris que les textes non rythmés :
* "Avec quelle facilité les
enfants mémorisent-ils des
comptines même
dépourvues de signification,
du type : am, stram, gram,
pic et pic et…"
* "Tout le monde sait... que
les poèmes sont plus faciles
à apprendre que la prose, à
condition, il est vrai, que
ces poèmes ne maltraitent
pas trop la syntaxe
habituelle et qu'ils
n'utilisent pas un lexique
trop savant ".
* "Si on demande de retenir
une liste de 9 chiffres, le
résultat est supérieur quand
on présente ces chiffres
groupés par 3 que quand on
les présente dans la même
durée totale, sans
groupement ou avec des
groupements de taille
inégale".
"Psychologie du rythme" Paul
Fraisse, Collection SUP - P.U.F.,
1974.
MUSICÂLINS pour les 3 ans.
Texte de Didier Doux et illustration de Marie Chartrain.
Editions Nathan 1986.
"Retenons principalement que le groupement temporel régulier, 3-3-3, est le plus
efficace. Si on l'utilise pour mémoriser des listes de signes significatifs de 3 lettres,
comme P.L.M., … , I.B.M., P.C.F., ... et si l'on marque une pause à la fin de
chaque sigle, la rétention est meilleure que si on lit les lettres régulièrement ou si
on les groupe de manière irrégulière".
"Psychologie du rythme" Paul Fraisse, Collection SUP - P.U.F., 1974.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
24
II-C) COMMENT MEMORISER ET FAIRE
MEMORISER ?… LES STRATEGIES…
5) LA MNEMOTECHNI(QU)E :
La mnémotechnie correspond à l'art de mémoriser, par des moyens artificiels du type
expédients, un maximum de connaissances en un minimum de travail, de temps et de
fatigue.
a) Historique :
...reprises
et
enseignées
par
l'école
pythagoricienne, la mnémotechnique remonterait à
certaines traditions égyptiennes ou mésopotamiennes ;
car la rareté des textes écrits rendait, dans ces lointains
débuts de la civilisation, la transmission fidèle des
traditions orales de la plus grande importance. Voici la
légende, attribuant cette découverte aux dieux, que l'on
trouve dans différents textes (1).
"Au cours d'un banquet donné par un noble de Thessalie
qui s'appelait Scopas, le poète Simonide de Céops (2)
chanta un poème lyrique en l'honneur de son hôte, mais
il y inclut un passage à la gloire de Castor et Pollux.
Mesquinement, Scopas dit au poète qu'il ne lui paierait que la moitié de la somme convenue pour
le panégyrique et qu'il devait demander la différence aux dieux jumeaux auxquels il avait dédié
la moitié du poème.
Plus tard, on avertit Simonide que deux jeunes gens l'attendaient à l'extérieur et désiraient le voir.
Il quitta le banquet et sortit, mais il ne put trouver personne. Pendant son absence, le toit de la
salle du banquet s'écroula, écrasant Scopas et tous ses invités sous les décombres ; les cadavres
étaient à ce point broyés que les parents venus pour les emporter et leur faire des funérailles
étaient incapables de les identifier. Mais Simonide se rappelait les places qu'ils occupaient à table
et put ainsi indiquer aux parents quels étaient leurs morts. Castor et Pollux, les jeunes gens
invisibles qui avaient appelé Simonide, avaient généreusement payé leur part du panégyrique en
attirant Simonide hors du banquet juste avant l'effondrement du toit. Et cette aventure suggéra au
poète les principes de l'art de la mémoire, dont on dit qu'il fut l'inventeur. Remarquant que c'était
grâce au souvenir des places où les invités s'étaient installés qu'il avait pu identifier les corps, il
comprit qu'une disposition ordonnée est essentielle à une bonne mémoire (3).
Selon la tradition grecque qui nous est parvenue à travers différents textes latins (4), Simonide
serait devenu ainsi le premier professeur de mnémotechnique, en associant l'avantage de la
visualisation, pour mieux retenir, à d'autres facultés très développées en nous sans que nous en
ayons conscience, la localisation et l'ordonnance des informations : car les places des invités,
identifiés de mémoire par Simonide, étaient ordonnées en fonction de leur importance
hiérarchique".
1- cf. "Simonide préservé par les dieux" par Jean de la Fontaine.
2- Rappelons que Simonide était grec et vivait au VIème siècle avant J.C.
3- F. Yates : l'Art de la mémoire" (Paris, N.R.F., Gallimard, 1975) page 15.
4 – Cicéron (dans le De oratore) et un auteur inconnu (dans Ad Herennium) donnent les meilleures
descriptions de la méthode… mais quantité d'autres y font allusion.
Extrait de : "Développer sa mémoire" F. Gauquelin - Ed. Retz, 1979.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
25
IIC5b) Pratique de la mnémotechnique
1) Association entre une liste et un parcours :
Voici un exemple de liste d'achats, donnée à titre d'exercice :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
Le journal
Une carte de la région
Un stylo à bille
Une lampe de poche
Six mouchoirs
Du papier quadrillé
Une agrafeuse
Une gomme
Un thermomètre
De la glycérine
11.
12.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
De la pâte dentifrice
Une brosse à dents
Une éponge
Du cognac
Du pain
Du beurre
Du fromage
Du jambon
De la salade
Des pommes
Comment mémoriser efficacement cette liste ?
"Première étape : établir un itinéraire donné. Celui qui paraît convenir dans ce
cas, c'est un tour à pied dans votre quartier, qui passe :
1) chez le marchand de journaux, 2) chez le pharmacien, 3) chez l'épicier.
Bien entendu, vous inverserez ces facteurs s'ils diffèrent, dans un ordre, à partir de chez vous. La
méthode la plus simple consiste à vous représenter, chez le marchand de journaux le stand des
journaux, et d'y associer une image de votre journal habituel, puis de penser au coin où se
trouvent les cartes de la région, et d'y associer l'image de la carte précise que vous voulez acheter,
etc". Il faut "se représenter les lieux réels avec force, ainsi que les gestes que vous devrez
accomplir quand vous y serez, pour ne rien oublier de ce que vous voulez acheter".
Associer à cet itinéraire des images visuelles originales et frappantes pour chacun des achats à
effectuer.
Les 21 et 22 août 2000, à Londres, s’est déroulé le 7ème championnat du monde de mémoire
remporté par Dominic O’Brien. Il a appliqué la technique précédente à la majorité des 9
épreuves et a ainsi pu mémoriser l’ordre d’un jeu de 52 cartes en 38 secondes et demi. Il
positionne les images représentant les cartes (… par exemple le 7 de cœur devient l’image de
James Bond 007) sur un parcourt de golf personnel de 52 trous. O’Brien a aussi mémorisé 316
nombres en 5 minutes. Il s’entraîne comme un sportif de haut niveau. Il est banni de certains
casinos car il se rappelle de toutes les cartes tirées au black-jack (jeu où il faut se rapprocher le
plus possible de 21 mais sans dépasser ce nombre) et accroît ainsi la probabilité de gagner.
2) Association entre une liste, une notion et une phrase aisément mémorisable
L'association entre une notion et une phrase facilement mémorisable est
un des procédés mnémotechniques les plus courants.
"Le volume de la sphère est égal, quoi qu'on puisse faire, aux quatre
tiers de pi r 3, quelle soit en fer ou en bois...".
"Que j'aime à faire connaître un nombre utile au sage…", début d'un
texte permettant de se souvenir des dix premières décimales de
l'irrationnel π : 3, 1415926524.
Il est probable que, sans ces phrases stupides, beaucoup auraient oublié
la formule de calcul du volume de la sphère ou la valeur précise de π.
Rien n'interdit d'inventer ou de faire inventer ce genre de phrase rythmée
associée à une notion.
4/3 de πr3
Passage extrait de "Enseigner aujourd'hui" par M.Cruchet, J.Férole, J.Leroy. Hachette, 89.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
26
Que j'aime à faire apprendre un nombre utile aux sages.
3, 1 4 1 5
9
2
6
5
3 5
Immortel Archimède, artiste, ingénieur
8
9
7
9
Qui de ton jugement peut priser la valeur
3 2 3
8
4
6 2 6
Pour moi ton problème eut de féconds avantages.
4 3 3
8
3 2 7
9
La liste des 12 paires de nerfs
crâniens :
Il existe une centaine de verbes du 1er groupe se
terminant à l'infinitif en ELER et ETER qui
doublent la consonne.
Exemple : j'épelle, je jette.
Font exception :
* 8 verbes en ELER (non compris les préfixes) :
PELER, (DÉ)CELER, CISELER, DÉMANTELER,
GELER (dégeler, congeler, surgeler), HARCELER,
MODELER, ÉCARTELER, MARTELER.
Ex. : je pèle.
* 6 verbes en ETER : ACHETER (et ses
composés), CORSETER, CROCHETER, FILETER,
FURETER, HARCELER.
Ex. : j'achète.
Qui se souvient de cette règle de
conjugaison ?
MNEMOTECHNIE :
* Si tu as le temps de FURETER, ACHÈTE
moi un CROCHET pour mon CORSET.
* HARCELÉE, la FILEUSE HALÈTE.
* Le CISELEUR GELÉ ÉCARTE son
MARTEAU, il a DÉCELÉ des MANTELETS
PELÉS mais bien MODELÉS.
Lignes 2 et 3 du tableau périodique des éléments
après H (Hydrogène) et He (Hélium) :
Lili baise
Li (Lithium) Be (Beryllium)
Bien chez notre oncle François Nestor.
B (Bore) C (Carbone) N (Azote) O (Oxygène) F (Fluor) Ne (Néon)
Napoléon mangeait allègrement
Na (Sodium) Mg (Magnésium) Al (Aluminium)
six poulets sans claquer d’Argent (ou après).
Si (Silicium) P (Phosphore) S (Soufre) Cl (Chlore) Ar (Argon)
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
27
L’ère primaire ou paléozoïque est divisé en 6
périodes qui sont de la plus ancienne à la
plus récente : le cambrien, l’ordovicien, le
silurien, le dévonien, le carbonifère et le
permien. Pour les retenir, on se souvient :
Cambronne l’ordurier, s’il eût été dévot,
n’eût pas carbonisé son père…
Le mile anglais est une mesure
de longueur équivalent à
1609 mètres.
Pour s’en rappeler on retient :
« UN CISEAU NEUF » = « 1, 609 »
L'ordre des planètes de notre système solaire en partant du soleil :
3 phrases sont couramment employées…
"Mon vieux, tu m'as jeté sur une nouvelle planète".
"Mercredi vient tante Marie, je sers un nouveau
plat".

"Me

voici
tout


mouillé,

je
suis
un
nageur
pressé".
Mercure, Vénus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Pluton.
Valeur en francs français d'un euro :
Chacun saura enfin convertir notre monnaie
6,
5
5
9
5
7
Échelle de Mohs : L'échelle de dureté de Mohs, fut inventée par le minéralogiste
allemand Friedrich Mohs (1773-1839) afin de mesurer la dureté des minéraux. Elle est
fondée sur 10 minéraux facilement disponibles disposés dans l’ordre de dureté croissante
du talc au diamant :
Ta
Grosse Concierge Folle d'Amour Ose Quémander Tes Caresses Divines
(Talc, Gypse, Calcite, Fluorine, Apatite, Orthose, Quartz, Topaze, Corindon, Diamant)
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
28
3) Association entre un parcours et une liste... ou comment mémoriser une image ?
Document extrait de "La mémoire". Dossiers pour la classe.
Accès. B.P. 27. 67305 Schiltigheim. Cedex.
A noter que beaucoup de personnes mémorisent les objets en 2 colonnes :
à gauche et à droite de la route.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
29
4) La formation de groupes : (codage économique de l'information à mémoriser)
Dans leurs efforts de mémorisation de matériels verbaux, les sujets forment généralement au
cours de l'apprentissage, des groupes de mots selon des principes très variables :
- Groupes sémantiques :
ex.
pomme, poire, cerise
cheval, charrette, paysan
- Groupes grammaticaux :
ex.
regarder, dormir, porter
grand, léger, agréable
- Groupes phonétiques :
ex.
mort, porte...
- Groupes alphabétiques :
ex.
agréable, agile, ardoise...
- Groupes mixtes
"qui résultent d'une application partielle de plusieurs principes
distincts de structuration.
ex. : animal, vache, cheval, charrette, paysan, marcher, soleil, agréable..."
D'après Stéphane Ehrlich "Les mémoires individuelles dans
les comportements verbaux". - Bulletin de psychologie. - Janvier, 1966.
"Avant 10-11 ans, l'activité spontanée de regroupement en catégories est faible voire
négligeable. Il faut remarquer qu'il ne s'agit pas d'une incapacité des sujets à opérer ces
regroupements... une très forte proportion des enfants, dès 5 ans, organisent parfaitement le
matériel à la demande de l'expérimentateur.
A.M. Melot et D. Corrover: "L'enfant et la mémoire" P. U.F. de Li11e
qui citent des travaux de Moelev, Oison, Halwes, Flavell.
La conséquence est une relative pauvreté de la performance de rappel, chez l'enfant de 67 ans, dans le cadre d'une consigne stricte de mémorisation : 5 items environ sont rappelés
quel que soit le volume du matériel présenté.
Si une consigne complémentaire faisant référence aux caractéristiques du matériel est
ajoutée, l'aide à la mémorisation ainsi fournie s'avère toujours efficace. (Tout se passe
comme si la seule consigne de mémorisation s'avérait insuffisante pour mobiliser l'attention
des enfants).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
30
II-C) COMMENT MEMORISER ET FAIRE
MEMORISER ?… LES STRATEGIES…
6) AFFECTIVITE, MOTIVATION ET MEMORISATION :
Les tout premiers souvenirs (avant 6 ans "seuil
habituel de l'amnésie infantile" et même avant
3 ans) dont nous nous souvenons réellement,
correspondent à des expériences désagréables
(peurs, douleurs, maladies). Les autres scènes
dont nous prétendons nous souvenir nous ont le
plus souvent été racontées plus tard.
a) Quelques évidences :
Lexique :
* L'ATTENTION est une concentration de l'esprit sur
un thème précis susceptible d'engendrer l'intérêt (pour
plus de détails lire le polycopié "Attention et rythmes
scolaires").
* L'INTERET est une forme d'appétence toujours
colorée d'affectivité et "le levier de l'activité" qui
déclenche l'énergie de l'individu. L'intérêt n'est pas dans
l'enfant ou dans l'objet d'étude mais dans la relation qui
les unit : "l'objet n'intéresse ... que si le sujet est disposé
à être intéressé par cet objet ... d'autre part, le sujet ne
ressent de l'intérêt en présence de cet objet que si cet
objet lui importe"
Clarapède "Psychologie de l'enfant
et pédagogie expérimentale").
"Le signe de l'authenticité d'un intérêt, c'est que le sujet
non seulement observe un objet mais encore réfléchit, se
pose des questions, agit intellectuellement à son endroit"
Francine Best "Pour une pédagogie
de l'éveil". A. Colin, 1973.
* BESOIN : le besoin est un "manque orienté et actif",
"un manque de... qui est une action vers".
Ricoeur "Philosophie de la volonté"
chapitre "Le besoin et le plaisir).
Nous avons des besoins de nourriture, de vêtements, de
sécurité affective mais aussi un besoin de connaître notre
environnement.
Il est souvent difficile de clarifier la différence entre
besoin et intérêt, nous écrirons seulement que "l'intérêt
est un désir de connaissance lié au besoin de dominer la
réalité».
* MOTIVATION : ce terme a pris peu à peu la place de
"INTERET".
La motivation est l'ensemble des facteurs qui stimulent
l'action, l'orientant vers un objectif précis.
C'est l'ensemble des conduites d'intérêt et de désir.
- Nous mémorisons mieux ce qui nous
intéresse… pourtant, ce qui nous intéresse
est-il toujours le plus utile ?
- La mémorisation est lente et difficile pour
des informations sans lien avec nos intérêts
personnels (au moins du moment) et les
apprentissages voulus par d'autres sont
moins bien mémorisés que ceux voulus par
nous-mêmes surtout quand on ignore
l'effort à fournir, sa durée, qu'on ne connaît
ni les objectifs, ni les enjeux. Il faut que la
situation ait un sens (cf. histoire des
chapeaux en maternelle) pour que le
récepteur la mémorise : on ne se souvient
que de ce qu'on est préparé à se souvenir il faut faire partager les objectifs et les
enjeux…
- Le "pédagogue" pour être "entendu"
(terme à discuter…) va devoir éveiller
l'attention* et l'intérêt* personnel de l'autre.
Il est à noter qu'il y a une différence entre
solliciter, éveiller l'attention et la maintenir… l'insolite éveille
l'attention mais sera-t-il capable de la retenir ?
- Nous retenons de façon plus détaillée et plus précise un
événement qui a suscité une émotion modérée (positive ou
négative)… mais si l'émotion devient plus forte, la mémorisation se
détériore.
- Une excitation excessive peut perturber la recherche d'une
information mémorisée, c'est ainsi que l'on peut "perdre ses
moyens" lorsqu'on s'adresse à un nombre important de personnes et
que l'ensemble des faits "nous reviennent à l'esprit" lorsque nous nous retrouvons seuls.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
31
b) PEDAGOGIE :
Etymologique,
le
"pédagogue"
du
grec
"PAIDAGÔGOS" est l'esclave chargé de conduire
(AGEIN) les enfants (PAIDAS) au maître chargé de
l'enseignement. Par extension, le pédagogue est
devenu le maître, à la fois théoricien et praticien de
l'éducation.
Comment motiver l'enfant en vue d'une
meilleure mémorisation ?
Tout acte éducatif vise une mémorisation qu'il
s'agisse de méthodes (savoir-faire) ou de contenus
(savoirs au sens strict) ou encore de comportements
(savoir-être). Répondre à la question précédente est
l'objet de la pédagogie ... nous ne pouvons ici que
mentionner quelques pistes qui se situent dans une
démarche d'apprentissage et non d'enseignement.
La pédagogie de l'éveil :
G. Landshere distingue trois théories
complémentaires de la motivation :
- La théorie behavioriste (de l'américain
BEHAVIOR qui signifie "comportement")…
voir chapitre 1. Le béhaviorisme assigne à la
psychologie le comportement comme objet
d'étude. Selon la théorie behavioriste,
héritière des travaux de Pavlov, seule doit
être étudiée la liaison entre un stimulus et sa
réponse. Elle prétend que l'individu choisit
les situations en fonction des renforcements
positifs ou négatifs qu'il a subi.
- La théorie psychanalytique qui défend
l'idée que la motivation est réglée par "la
manifestation des pulsions agressives et
sexuelles existant dans l'inconscient".
- La théorie cognitive : la cognition est la
faculté d'acquérir, d'organiser et d'utiliser des
informations par laquelle l'individu s'impose
volontairement des objectifs et choisit alors
rationnellement des comportements.
Ses aspects pratiques seront développés lors des
cours de biologie et de physique.
"… Tout en retenant l'importance accordée au souci d'éveiller l'enfant aux méthodes et aux
attitudes comme étant l'une des significations pédagogiques essentielles de l'éveil, une telle
définition reste parcellaire.
Tout en faisant découvrir aux enfants les méthodes de la pensée scientifique et les chemins de la
création esthétique, le maître aide l'élève à se constituer un savoir, intégré aux apprentissages
précédents et à sa personnalité.
Méthodes et contenus, attitudes et savoir ne s'opposent pas. La constitution de connaissances, et
surtout d'un savoir cohérent, est l'aboutissement normal de l'éveil de l'enfant au monde par des
méthodes et des processus pédagogiques réfléchis.
Une pédagogie de l'éveil ne peut être, tout à la fois, que
* pédagogie fondée sur la motivation ou "pédagogie de l'intérêt"
* pédagogie de l'activité, rendant compte de l'importance de celle-ci dans le processus du
développement de l'enfant.
La pédagogie de l'éveil ... demande au maître non seulement une conscience claire des finalités et
des objectifs de l'éducation, mais encore un engagement personnel. Loin de constituer une
pédagogie "non directive", loin de réclamer une absence
d'intervention magistrale, une pédagogie de l'éveil demande que
l'adulte propose et fasse découvrir des repères, des points d'ancrage au
travail de la pensée enfantine".
Francine Best "Pour une pédagogie de l'éveil". A. Colin, 1973.
Au plan pratique, la démarche d'éveil
(intégrée dans les méthodes actives et
présentée page suivante en comparaison
avec les démarches expositive et dialoguée)
peut s'appliquer à toutes les disciplines,
scientifiques ou non.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
Agir pour apprendre.
32
Dans la pédagogie d’éveil, les enfants sont placés en situation de recherche ...
si leur attention décroche quelques minutes, ils ne perdent pas le fil de l’activité pour autant.
Au plan pratique, l’élève est confronté à un être vivant, un objet, un document, une situation qui
vont le conduire à observer et s’interroger il note au tableau :
.
« Ce que nous voyons »
ou « Ce que nous
observons » ou
« Nos observations ».
≠ de « Ce que je sais »
« Ce que nous voulons savoir »
= « Nos questions ».
« Ce que nous croyons
savoir » = nos
« représentations (ici
erronées) » +
nos suppositions = nos
hypothèses.
La comparaison des repréLes questions sont relues, corrigées au plan
orthographique et rassemblées (en utilisant des
sentations enfantines amène
craies de couleurs différentes par exemple) en
les élèves à se demander qui
quelques grands problèmes.
à raison nécessité d’une
Les questions des élèves que l’enseignant consirecherche (ce n’est pas le
dère comme anecdotiques ou sans intérêt dans le
maître qui donne la
Lorsque un enfant se
cadre d’une recherche reçoivent une réponse
« bonne » réponse).
trompe, le maître lui
rapide immédiate (ou différée) de sa part.
indique de placer ce qu’il
Les hypothèses seront testées
ème
croyait savoir dans la 3
par observation,
Les enfants recherchent eux-mêmes les
colonne afin que
réponses par observations, expérimentations, expérimentation, grâce à des
l’affirmation soit soumise à
recherches documentaires ou
recherches documentaires ou enquêtes.
la vérification.
Ils se présentent ensuite par groupes ou par
des enquêtes (même
équipes le résultat de leurs recherches.
démarche que dans la 2ème
Les observations sont
colonne).
relues, corrigées et
La notion principale (concept) est dégagée.
résumées en quelques
Ce travail sera suivi d’une évaluation.
phrases notées sur le cahier.
Il importe de bien faire
distinguer aux enfants, ce
qui est vu et ce qui est su et
de le faire noter
différemment.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
33
La pédagogie du projet :
Outre la pédagogie d’éveil (aujourd’hui on parle plutôt de situations-problème
et de mise en situation de recherche), ... la pédagogie du projet est la plus
susceptible de maintenir l’attention des élèves car les enjeux sont partagés et
car elle suscite une volonté d’achèvement.
L'enfant ne sait pas prévoir et a tendance à reproduire identique d'où l'importance de l'entraîner
à gérer et réalise des projets.
La pédagogie du projet se propose de faire appel à la motivation profonde de l'enfant pour
l'amener à travailler avec d'autres, à résoudre des problèmes précis et le faire déboucher sur UNE
REALISATION CONCRETE (souvent mais pas nécessairement destinée à un public extérieur qui
aura à l'apprécier).
La pédagogie du projet sous-tend une redéfinition du rôle de l'enseignant qui devient
un animateur, un régulateur, ses informations étant à la fois peu nombreuses et fournies à
la demande ou en vue de débloquer une situation.
Il faut insister sur le fait que la pédagogie du projet n'exclut en rien d'autres formes de
pédagogies (pédagogie de l'éveil, pédagogie par objectifs ... ).
* Le projet que nous venons de définir est un projet entreprise. Il sous-tend :
* un projet de vie collective au quotidien :
élaborer en commun avec les enfants des règles de vie.
construire avec eux une répartition des tâches (avec tableau des responsables).
décider ensemble de l'aménagement général de la classe.
* un projet connaissance :
décider de faire partager aux enfants les perspectives sur les contenus ..."nous
avons à faire ça dans la semaine".
créer la mémoire collective du groupe classe en laissant fixer aux murs, en
permanence, des traces de ce qui se fait et de ce qui s'est fait.
Ce qui précède s'inspire d'une production des enseignants et formateurs de la circonscription
d'Ecouen dans le Val d'Oise (dont nous étions il y a 22 ans) concrétisée par une publication
"Former des enfants lecteurs" Hachette (Coordination assurée par Josette Jolibert et J.P. Viougeat).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
34
CONCLUSION :
"La mémoire est une faculté qui peut s'améliorer si elle est exercée, qui peut se dégrader si
elle ne l'est pas. Il est important de la solliciter à l'école mais aussi de faciliter la mise en mémoire
pour que son entraînement ne devienne pas une épreuve insurmontable réservée à ceux qui
possèdent d'emblée une bonne mémoire naturelle. L'important est de comprendre que la mémoire
s'entraîne à la fois en la sollicitant et en facilitant la mise en mémoire.
Il faut se préoccuper des supports de mise en mémoire : recours aux procédés
mnémotechniques, affichages muraux, fixation écrite individuelle, création d'images mentales
arbitraires que chacun va associer à une notion, associations sensorielles provoquées (notion musique, geste, couleur, repère spatial…), retour régulier sur une notion (soit par sollicitation de la
mémoire, soit par présentation réitérée).
Une remarque enfin, sur l'utilisation de la poésie
dans cet entraînement : autant il semble évident que le
recours au "par cœur" est indispensable dans les situations de
jeu théâtral, autant lier poésie et obligation de mémorisation
est artificiel et risque de perturber l'idée que les enfants se
font de cette activité. En fait, en matière de poésie,
l'obligation du "par coeur' a répondu pendant longtemps à un
impératif précis : fixer chez l'enfant un ensemble d'exemples
et de préceptes résumant la morale et les vertus collectives
d'une époque : "Travaillez, prenez de la peine..." On a
toujours besoin d'un plus petit que soi", "Nul ne peut se
vanter de se passer des hommes"...
L'approche de l'éducation du citoyen se fait maintenant
d'une toute autre façon et il est possible de libérer la poésie
de l'entrave de la récitation et de lui donner la place d'une
activité d'écriture et de lecture expressive.
"Enseigner aujourd'hui" par M. Cruchet, Jean Férole
et J. Leroy - ed. Hachette 1989.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
35
II-D) LA MEMOIRE A COURT TERME
OU MEMOIRE DE TRAVAIL…
Il s'agit du ou des systèmes utilisés dans le but
1) de retenir temporairement une information
2) de manipuler l'information nouvelle
La mémoire de travail est impliquée dans des
processus tels que la compréhension, l'apprentissage et le raisonnement.
Attention : la définition donnée ici de
la mémoire à court terme = mémoire
de travail = mémoire immédiate par
opposition à la mémoire à long terme
est celle des psychologues, pas des
physiologistes.
IID1 - Faut-il distinguer mémoire à court terme et mémoire à long terme ?
"Le problème de savoir s'il était nécessaire de distinguer entre mémoire à long terme et mémoire à
court terme (ou de travail) a fait l'objet de controverses passionnées au cours des années soixante".
Quels sont les éléments qui ont conduit à la solution ?
L'effet de récence :
Dans l'une des tâches proposées, les sujets écoutent une liste de mots sans relation entre eux et
essayent immédiatement d'en rappeler le plus grand nombre, peu importe l'ordre dans lequel les
mots avaient été présentés.
Le profil de la courbe de rappel est indiqué par la courbe du haut figure 1 ci-dessous.
Courbes et
textes inclinés
extraits de
Science et vie
n° spécial 162,
mars 1988 :
"Le cerveau et
la mémoire"
par le Pr. Allan
Baddeley.
La courbe du haut "révèle la tendance à se rappeler correctement le premier ou les deux
premiers mots de la liste, et extrêmement bien quelques-uns des derniers, ce que l'on appelle
l'effet de récence".
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
36
"Mais si au lieu d'une réponse immédiate, on diffère le rappel par un délai au cours
duquel les sujets doivent faire du calcul mental pour empêcher la répétition, alors
l'effet de récence disparaît, ce que montre la courbe du bas de la figure 1".
"Cela inciterait à penser que les derniers items ont été retenus dans un certain système
de stockage temporaire et de courte durée, alors que les premiers items avaient été
maintenus dans un système de stockage plus stable".
Effets de différents facteurs :
"Une preuve supplémentaire, appuyant cette interprétation, est venue de l'étude de facteurs
influençant les différentes parties de la courbe : la presque totalité de ce qui influence
l'apprentissage à long terme, par exemple l'âge du sujet, la familiarisation aux mots ou la
durée laissée pour les apprendre, affecte la première partie de la courbe, mais ne modifie
pas l'effet de récence".
Etude de patients présentant des troubles de la mémoire suite à des lésions
cérébrales :
Malades présentant un syndrome amnésique classique lié à
des lésions du système limbique* (par exemple lésion de
l'hippocampe ou des corps mamillaires… voir suite concernant
les pathologies de la mémoire) :
Le système limbique*
intervient dans les
réactions émotionnelles
(réactions de défense,
désir sexuel), dans la
mémoire mais aussi
dans le maintien de
différentes constantes
de l'organisme et dans
l'olfaction.
Ce syndrome se
caractérise par un
déficit
important
des capacités d'apprendre et de se
remémorer
une
information nouvelle.
Il peut avoir de nombreuses causes dont le
syndrome de Korsakoff, dû à un déficit en
vitamine B1 lié à un alcoolisme chronique.
"Un amnésique n'aura que peu ou pas de
capacités à se rappeler des événements
courants de sa vie, par exemple ce qu'il a pris
Chez ces patients amnésiques (patients atteints
de lésions au niveau du système limbique :
pour son petit déjeuner, l'endroit où il se
hippocampe, corps mamillaires… ),
trouvait hier ou bien celui où il devrait se
l'effet de récence est présent mais la mémoire
trouver demain. Il peut arriver qu'on passe la
à long terme est déficitaire.
matinée entière avec lui et qu'une demi-heure
après l'avoir quitté, il soit incapable de vous reconnaître.
En même temps, de tels patients peuvent présenter une mémoire de travail "presque
normale" : "ils sont capables de reproduire par exemple un numéro de téléphone juste après
l'avoir entendu, et montrent, dans la tâche de mémoire verbale précédemment décrite, une
récence quasi normale".
Les performances dans le rappel des premiers mots de la liste sont par contre très faibles.
On pourrait, pour simplifier, dire que "chez eux la mémoire de travail est normale et la
mémoire à long terme globalement déficitaire".
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
37
Malades porteurs de lésions de la région péri-sylvienne de l'hémisphère gauche :
Chez certains patients "c'est la mémoire à long
terme qui est normale et la mémoire de travail
diminuée".
"Au plan anatomique, il s'agit de malades
porteurs de lésions de la région péri-sylvienne
gauche, un territoire cérébral associé à la parole
; de fait l'aphasie est souvent accompagnée d'un
déficit de la mémoire à court terme. Il existe
cependant des patients chez lesquels la parole
est à peu près normale tandis que la capacité de
mémoire phonologique est très diminuée".
Des pathologies siégeant au niveau du lobe
préfrontal peuvent également entraîner un
déficit de la mémoire de travail.
Chez ces patients atteints d'un trouble de la
mémoire à court terme, l'effet de récence
disparaît totalement.
"Lorsqu'on leur donne à répéter une suite de
chiffres, les sujets n'en peuvent reproduire plus
d'un ou deux, et, face à la tâche d'apprentissage
décrite plus haut, ils ne manifestent aucun effet
de récence" (fig. ci-contre). "La courbe indique par ailleurs des performances normales dans sa
1ère partie.
L'existence de ces deux catégories contraires de malades plaide fortement en faveur de systèmes
de mémoire à long terme et court terme distincts".
Tous les textes en guillemets sont extraits de "Science et vie" n° spécial 162, mars 1988 : "Le cerveau et la mémoire".
IID2 - Qu'est-ce que la mémoire à court terme ? Son fonctionnement...
Le système se compose d'au moins 3 sous-ensembles :
* un centre exécutif qui contrôle l'attention et supervise l'information issue de 2 systèmes asservis :
* la boucle articulatoire impliquée dans le traitement des sons et du langage,
* le registre visuo-spatial est responsable de l'établissement et du traitement de l'imagerie visuelle.
"Pour avoir une idée du fonctionnement de la mémoire de travail, je vous propose d'essayer
de compter mentalement le nombre de fenêtres de votre lieu d'habitation :
La plupart des gens s'acquittent de cette tâche de la façon suivante : ils se représentent visuellement
leur maison et s'imaginent en train de s'y déplacer et de compter les fenêtres dans chaque pièce. C'est
du registre visuo-spatial que dépend la construction de l'image de la maison et de sa manipulation,
de la boucle articulatoire que provient le décompte à voix basse des fenêtres, et du centre exécutif
que dépend l'établissement et la direction de l'ensemble de ces opérations.
Certains protocoles expérimentaux nous permettent aujourd'hui d'étudier ces sous-systèmes de façon
détaillée. Considérons par exemple la boucle articulatoire.
Nous supposons qu'elle comprend un registre de stockage de sons apparentés au langage verbal,
ainsi qu'un processus de répétition articulatoire. Ce dernier servirait à la fois à faire rentrer
l'information dans le registre en se la disant à soi-même, et à maintenir cette information active en la
répétant continuellement, exactement à la façon dont on procède lorsqu'on se répète mentalement un
numéro de téléphone pour ne pas l'oublier entre le moment où on l'a trouvé dans l'annuaire et celui
où on va le composer".
Extrait de "Science et vie" n° spécial 162, mars 1988 : "Le cerveau et la mémoire".
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
38
"Ce système de stockage phonologique temporaire semble par ailleurs être utilisé dans
les processus de compréhension, car des patients chez lesquels il est déficitaire ont des
difficultés à comprendre des phrases compliquées ; celles, par exemple dans lesquelles
le sujet et le verbe sont séparés par plusieurs mots, comme : "le garçon que la fille connaissait
très bien était en retard à l'école".
"Précisons enfin que le registre phonologique de stockage semble jouer un rôle très
important dans l'apprentissage de la lecture : les enfants présentant des difficultés
spécifiques de lecture ont tendance à avoir une mémoire verbale immédiate appauvrie".
La mémoire à court terme (ou mémoire active)
et son fonctionnement : schéma récapitulatif.
CENTRE EXÉCUTIF
Probablement situé au niveau du lobe préfrontal.
Il assure le contrôle attentionnel et gère les opérations. Il joue un rôle important dans le
jeu d'échec. Il est très touché dans la maladie d'Alzheimer
BOUCLE PHONOLOGIQUE =
BOUCLE ARTICULATOIRE
REGISTRE VISUOSPATIAL
qui traite des sons et du langage et comprend.
qui traite de l'imagerie visuelle :
c'est le "bloc à dessin".
"JE ME DIS"
PROCESSUS DE
RÉPÉTITION
ARTICULATOIRE
(cf. le rehearsal)
qui sert à faire entrer
de l'information en se
la disant à soi-même.
"J'ENTENDS"
REGISTRE DE
STOCKAGE DES SONS
= REGISTRE
PHONOLOGIQUE
qui serait très important
dans la lecture en jouant
en particulier un rôle
dans la compréhension.
INTERFÉRENCE ++ +
0
SI Stimulus
langagier
SI
MUSIQUE
INSTRUMENTALE
SI
BRUIT
NON
LANGAGIER
PARLÉ
OU CHANTÉ
On mémorise donc moins bien si on apprend en
écoutant de la musique et encore moins bien si on
perçoit une conversation… silence en bibliothèque !
Des travaux (menés en collaboration avec
Pierre Salamé, du Laboratoire de physiologie
et psychologie environnementales du CNRS
de Strasbourg), ont montré qu'un stimulus
auditif langagier accède toujours à ce système
de stockage et peut, de ce fait, entraver la
remémoration de souvenirs.
Ceci ne résulte pas d'un simple effet de
distraction, car l'écoute d'un bruit non
langagier ne met pas en défaut cette
remémoration. Il s'agirait donc là d'un
système de stockage spécialisé dans la
rétention de la parole. Il apparaît, en outre,
que la perturbation de la mémoire observée
dans ces conditions est aussi importante
lorsque le langage entendu est parlé ou
chanté, mais que l'effet de la musique
instrumentale se situe à mi-chemin entre
celui de la parole et celui du bruit. Ceci
invite à penser que la musique partage avec la
parole quelques traits communs qui
expliquent qu'elle puisse masquer la trace
mémorisée.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
39
IID3 - Détermination de l'empan de mémoire immédiate :
"Notre mémoire immédiate absorbe les informations qui lui parviennent par fractions limitées. D'un
sujet à l'autre, l'ampleur de ces fractions varie.
On appelle "empan de mémoire" la capacité moyenne d'un sujet
L'empan de mémoire
à absorber des informations en mémoire immédiate.
immédiate des lecteurs
rapides est supérieur à
Plus l'empan de mémoire est large, plus le sujet mémorise facilement
celui
des lecteurs lents
ce qui l'intéresse.
(cf. travaux de François
Dès 1887, Joseph Jacobs examina l'empan de mémoire des chiffres. Il
Richaudeau dans "La
disait lentement, à haute voix, des séries de chiffres, et notait à
lisibilité". Paris 1969).
combien de chiffres s'élevaient les séries répétées sans erreur par un
Cet
empan de mémoire
sujet. Il constata ainsi que l'empan moyen de mémoire des chiffres
développé
faciliterait la
se situe, chez l'adulte, aux alentours de séries de 6 ou 7 chiffres
compréhension qui
retenus à la fois.
autoriserait à son tour un
Ses études ayant montré que l'empan de mémoire des chiffres varie
enrichissement de la
au cours de l'enfance, cela permit à Alfred Binet d'incorporer ce
mémoire à long terme.
genre d'épreuve dans son test de l'âge mental des enfants.
Plus près de nous, George A. Miller a étudié l'empan de mémoire d'un nombre considérable de sujets
dans différents domaines de la connaissance.
Il a montré qu'à un empan de mémoire 8 chiffres correspond en général un empan de 7 lettres de
l'alphabet et de 5 ou 6 mots qui se suivent au hasard.
Mais les résultats de ces expériences ne sont valables que pour des messages non significatifs ; si les
chiffres correspondent pour nous à une date, par exemple : 1789, si la suite de lettres correspond à un
mot, si la suite de mots correspond à une phrase, les performances sont bien supérieures. En effet, l'unité
n'est plus le signe élémentaire, mais le super-signe : nombre, mot, groupe de mots et, dans ce dernier
cas, le fil conducteur du sens aide à prévoir le mot ou le groupe de mots qui va venir. Ainsi, François
Richaudeau a montré que les lecteurs dont la mémoire immédiate ne retient en moyenne qu'une suite non
significative de 5 mots retiennent en moyenne des suites significatives de 15 mots ; certains retenant
jusqu'à 22 mots".
Cependant, l'empan de mémoire immédiate n'est pas une donnée rigide, fixée une fois pour toutes.
Il peut s'améliorer avec l'exercice, comme le démontre le tableau suivant, tiré d'une étude de
Martin et Fernberg :
Effet de l'exercice sur la mémoire des chiffres
Nombre de jours
d'exercice
1-5
6 - 10
11- 15
16 - 20
21 - 25
26 - 30
31 - 35
36 - 40
41 - 45
46 - 50
Empan du
sujet A
Empan du
sujet B
9
9
9
10
10
13
12
12
13
13
10
11
11
12
11
12
12
12
14
15
Extrait de "Développer sa mémoire" par F. Gauquelin. Editions Retz 1979.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à l'IUFM du Bourget.
40
Exercice pour étudier votre empan de mémoire des mots :
Procédez pour cet exercice comme suit…
* Placez sous la première ligne de la liste, une feuille qui vous servira
de cache, prononcez chaque mot de cette ligne, puis, sans les regarder
à nouveau, essayez de reproduire ces mots sur une feuille à part.
* Faites ensuite de même pour la deuxième ligne, et pour toutes les
lignes suivantes.
* Le chiffre en retrait indique le nombre de mots par ligne.
3
réponse - châtaigne - financier
4
cygne - reproduction - fenêtre - plutôt
temps - combat - extension - beauté
trompette - caillouteux - complication - vigoureux
5
beuverie - caréner - obscure - entrepont - attrayant
conséquence - expédition - vitre - puni - proéminent
poitrine - doucement - bassin - réveiller - ingrat
6
grue - ensuite - oeuf - voyage - appliqué - ramper
brunir - livre - précipice - souverain - manger - sinistre
descendre - taxi - baron - alcool - inégalité - province
7
bienfaiteur - oublier - léthargie - cannelé - tour - assistance - obéissance
cordialité - plongeon - prononcer - marteau - nettement - immérité mauvais
comté - dindon - cela - valve - avant-poste - élargir - isolement
Liste tirée des travaux de
3
solennité - guetter - prévoyant
Miller et Selfridje sur le
4
Breton - latitude - tâche - café
rappel mnémonique,
excessif - chauffer - compétence - certain
"Verbal Learning and
longe - reculer - question - exposant
Memory",
5
prose - ressource - intermittent - roux - Corse
Dir. Portman et Keppel
habiter - perroquet - nicher - raisin - paquebot
(Harmondsworth, Pencommuniste - Canada - débauche - engloutir - estimation
guin Books, 1970, p. 251)
6
mirage - boucle - référendum - douairière - absolu - dominant
aqueux - lunatique - problème - aptitude - avec - valser
couture - thé - réaliser - plupart - ensemble - maison
Vous avez trouvé
7
étaient - vouloir - concert - posté - démarche - foyer - reins
combien ?
femme - apporté - spécialement - criant - beaucoup - dit - gâteau
amour - ceci - école - réflexion - auparavant - volonté - carré
3
objection - sont - couvert
4
sembler - famille - substance - dîner
pluie - dedans - noire - océan
passionnément - après - rapidité - dessous
5
tenir - garçon - apparence - réfléchir - simultanément
répétitif - local - frapper - entrer - parallèlement
quelque - derrière - féminin - repas - choeur
6
journal - profond - soleil - gentil - dortoir - apprécier
chocolat - estimer - ouvrage - souhaiter - enseignement - ici
mur - préparé - valse - savoir - agitation - concernant
7
chien - lorsque - vous - arriver - traverser - appétit - jeu
depuis - vivre - scolaire - sauter - voulait - secours - appel
correctement - piano - erreur - chaud - incandescence - fillette - alla
A partir de quel nombre de mots votre réponse commence-t-elle à différer du modèle ?
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
41
L'étude de la mémoire immédiate ne porte pas
uniquement sur la rétention de mots ou de chiffres...
Voici l'un des tests proposé à l'hôpital Broca afin d'étudier la
mémoire immédiate des sujets âgés.
Le sujet doit observer 30 secondes la figure suivante puis la
reproduire de mémoire.
Test de votre empan de mémoire de chiffres
Prenez une feuille de papier en guise de cache pour couvrir la
colonne des nombres sur laquelle vous allez travailler et une
autre feuille de papier que vous placerez à côté… pour y
reporter vos résultats. Munissez-vous aussi d'un stylo pour
noter ces résultats.
Servez-vous du cache pour masquer la première colonne de
nombres. Puis faites apparaître le premier nombre de la masquée : 1708. Prononcez chaque chiffre de ce
nombre. Puis, sans regarder, notez ce nombre tel que vous l'avez retenu sur la feuille préparée à côté du
polycopié. Faites de même pour tous les nombres suivants. Quand vous avez fini la 1ère colonne, faites-en
autant pour les 2 autres colonnes.
On fait des tas de jeux
comme ça dans ma classe
Pour moi c'est facile… ma
maîtresse m'a entraîné dès
la petite section de
maternelle…
1708
2467
9774
12568
96682
55595
172277
844217
630163
3321123
5780863
1818079
26623897
23424064
52362819
378594351
702917121
566218373
9949572277
1608150472
1272073445
7932
3326
2467
85992
73105
63564
943949
533157
785916
4297864
2440947
2464417
75841607
74829777
95509226
283395008
340332038
596835087
8842954572
3327143409
3116933243
5106
8045
6242
26969
03719
38548
544354
245506
955557
5607825
2796544
1658097
44998311
81074532
11970056
304234079
261389510
759712259
1664361600
4559346849
5027898719
Corrigé du test :
"Comparez à présent les nombres inscrits sur votre feuille avec ceux de la
liste d'origine" et indiquez les divergences. Notez, pour chacune des listes,
"à partir de quelle quantité de chiffres ces divergences apparaissent pour
chaque colonne". "Faites la moyenne" afin d'obtenir "votre empan de
mémoire des chiffres actuel".
"Par exemple, si votre première erreur est apparue dans les nombres de 6 chiffres
dans la première colonne, de 8 chiffres dans la 2ème colonne et de 7 chiffres dans
la troisième colonne, additionnez 6 + 8 + 7 = 21 et divisez ce total par 3. Dans cet
exemple, votre empan serait de 7 chiffres en moyenne. Ce qui veut dire que vous
savez retenir en mémoire immédiate des nombres de 7 chiffres, mais avec des
risques d'erreurs".
"Développer sa mémoire" par F. Gauquelin - Retz, 1979.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
42
IID4 - MEMOIRE IMMEDIATE ET DYSLEXIE :
La dyslexie est une difficulté spécifique de l'apprentissage de la lecture courante
chez un enfant qui ne présente pas par ailleurs de déficit intellectuel ou sensoriel.
Secondairement, on observe que de nombreux enfants dyslexiques éprouvent des
difficultés variées vis à vis
de l’écriture (dysgraphie) et de l’orthographe
(dysorthographie).
Les épreuves de répétition de séries :
"Epreuves de rythme" de Stambak :
L'expérimentateur demande à un enfant de reproduire une série de frappes en tapant sur un support.
Un effet rythmique peut être obtenu :
* soit par un allongement inégal de la durée des frappes (méthode de P. Fraisse),
* soit par une variation dans les temps séparant les frappes les unes des autres (méthode de
Stambak). Inizan a tenté de standardiser la consigne en employant une notation musicale des
intervalles.
Le nombre des frappes varie de 3 à 8 et ne peut en principe dépasser 10.
Exemple : Il s'agit d'une structure 3 + 1 + 2 + 1 comportant 7 frappes.
"La corrélation de cette épreuve avec les résultats en lecture, variant de 70 à 90 %, est si forte qu'on
a très vite considéré cette épreuve comme la meilleure épreuve prédictive concernant la lecture.
C'est la raison pour laquelle A. Inizan 1'a intégrée dans sa "batterie prédictive" de la lecture".
On obtient des résultats identiques avec des épreuves de répétition de séries
quelconques".
"On s'est donc mis à utiliser avec le même succès, les épreuves de répétition de chiffres
(à l'endroit) déjà inventées par Binet, de répétition de syllabes sans signification (par exemple "ti
ti ta ta ti") ou de mots et même… de séries musicales".
"Par ailleurs, en 1959, des chercheurs de Toulouse révélaient un fait qu'on avait déjà soupçonné, à
savoir que si on utilise des épreuves de répétition de séries naturelles (séries des saisons, des
mois, des jours de la semaine, alphabet, etc.), on obtient des résultats encore plus significatifs que
ceux qu'on obtient avec des séries construites".
"L'apprentissage de la série construite se fait dans la situation même l'examen tandis que, dans les
épreuves avec séries naturelles, l'apprentissage se fait dans la vie de tous les jours ou à l'école" et
ne concerne plus ici la mémoire à court terme.
Les phrases entre guillemets sont extraites de
"Troubles de la langue écrite et remèdes" par Michel Lobrot - Editions E.S.F.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
43
En 1963-64, G. Messéant a étudié les résultats comparés (à toutes les épreuves de
séries) d'1 groupe de dyslexiques et d'1 groupe de contrôle d'enfants de 7 à 14 ans.
* Séries construites : répétition de syllabes, répétition de structures rythmiques, répétition
de chiffres à l'endroit, répétition de chiffres à l'envers.
* Séries naturelles : énumération des jours de la semaine, des mois de l'année, des saisons.
* Séries logiques : séries qui s'enchaînent logiquement, par exemple états successifs d'une
bouteille qui se vide, actes successifs d'un enfant qui va se coucher…
% de réussites à des
épreuves de répétition
%
8 ans
9 ans 10 ans 11 ans 12 ans
(d'après Messéant)
Répétition de 3 et 4 syllabes
"Normaux"
Dyslexiques
Répétition de 5 syllabes
"Normaux"
Dyslexiques
Structures rythmiques
"Normaux"
Dyslexiques
Répétition de (3, 4, 5) chiffres à "Normaux"
l'endroit
Dyslexiques
Répétition de chiffres à l'envers "Normaux"
Dyslexiques
81
14
62
14
81
28
36
71
85
14
57
0
57
14
71
42
57
28
85
60
42
0
40
44
85
60
82
55
100
44
50
11
25
55
100
66
66
33
100
64
60
33
60
50
100
77
80
77
Dans les "séries construites", sauf l'épreuve de "répétition de chiffres à l'envers", on constate une
infériorité notable des dyslexiques à 8-9 ans. Leurs réussites varient entre 14% et 30% alors que
les dits "normaux" atteignent déjà des taux de réussite de 60 à 80%... Lorsqu'on augmente
légèrement la difficulté de l'épreuve par exemple lorsqu'on passe des séries de 3 à 4 syllabes à des
séries de 5 syllabes, le taux de réussite des dyslexiques tombe à 0%. On peut donc parler
réellement d'une liaison radicale entre les deux phénomènes à 8-9 ans.
G. Messéant : "Recherche
d'épreuves mettant en relief les
difficultés relatives à la
succession dans le temps chez
les dyslexiques et les
dysorthographiques. Mémoire
d'orthophonie, non publié.
1963-1964.
Par contre, les dyslexiques
progressent notablement à
partir de 10 ans et tendent à
rattraper les autres enfants vers
10-12 ans (avec des différences
de 10 à 40 %).
Exemple de résultats en
graphique : évolution pour les structures
rythmiques.
Graphique des résultats aux épreuves de structuration rythmique
de dyslexiques et d'enfants dits "normaux".
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
44
En ce qui concerne les séries naturelles" (qui impliquent la mémoire à long terme… voir suite) :
"On constate à nouveau une infériorité remarquable des dyslexiques surtout pour la série des mois
de l'année qui est échouée par tous les dyslexiques à 8 ans. Par contre, et contrairement à ce qui se
passait pour les autres épreuves, les dyslexiques ne rattrapent plus ici leur retard"…
% de réussites à des épreuves
%
de remémoration de séries
naturelles
Jours
"Normaux"
Dyslexiques
Mois
"Normaux"
Dyslexiques
Années
"Normaux"
Dyslexiques
8 ans
80
57
50
0
45
14
9 ans 10 ans 11 ans 12 ans
100
71
42
14
100
70
85
20
57
30
100
70
100
66
63
44
100
66
90
44
80
33
Extrait de " Troubles de la langue écrite et remèdes" par Michel Lobrot. - Ed. E.S.F. 1980.
Il existe des cas de dyslexie (légers en général) non associés à une
diminution de réussite aux épreuves de répétition. Ces enfants
présentent une bonne mémoire à court terme.
L'association "dyslexie - mauvaise mémoire à court terme" n'est donc
pas systématique.
Résumé du chapitre portant sur la mémoire à court terme :
- Chez certains patients, la mémoire à long terme est normale mais la mémoire à court terme
(= mémoire de travail) se trouve diminuée. Au plan anatomique, il s'agit de sujets porteurs de
lésions au niveau de la région péri-sylvienne de l'hémisphère gauche ou encore des lobes
préfrontaux.
- On sait que l'aphasie est souvent associée à un déficit de la mémoire à court terme.
Il existe cependant des patients chez lesquels la parole est à peu près normale tandis que
les capacités de la mémoire phonologique (système de stockage spécialisé dans la
rétention de la parole) sont très diminuées.
- Lorsqu'on présente, à ces sujets affectés d'un déficit de la mémoire à court terme, une liste
de mots sans relation entre eux et qu'ils doivent essayer immédiatement d'en redire le
maximum sans tenir compte de l'ordre, on constate qu'il n'existe pas de phénomène de
récence. Le phénomène de récence révèle la tendance à se rappeler les derniers mots de la
liste, il est présent chez les sujets normaux et chez les sujets présentant une déficience de la
mémoire à long terme.
- Par contre, ces sujets, tout comme les personnes "normales" se souviennent plus aisément
du ou des deux premiers mots de la série (ce qui n'est pas le cas des gens souffrant d'un
déficit au niveau de la mémoire à long terme).
- Les enfants présentant des difficultés spécifiques de lecture ont tendance à avoir une
mémoire verbale immédiate appauvrie.
- La mémoire immédiate peut se développer par entraînement et ceci dès la maternelle.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
45
II-E) LA MEMOIRE A LONG TERME …
Classiquement, on parle de mémoire à long terme dès que le rappel a lieu à la fois
- plus de 3 minutes après l'apprentissage
- après une interférence
Cette définition n'est pas acceptée par tous !! La mémoire après 3 minutes n'est pas la même
qu'après 1 semaine…
IIE1 - LES DIFFERENTS TYPES DE MEMOIRE À LONG TERME :
"Il apparut notamment que l'aptitude à certains types d'apprentissage restait intacte même chez
des patients atteints d'amnésie profonde. Cette capacité préservée semblait porter sur l'acquisition de
nouvelles aptitudes impliquant la motricité tel que l'apprentissage de la dactylographie, des
aptitudes perceptives tel l'apprentissage de la lecture en miroir ou intellectuelles comme la
résolution de puzzles. Toutes ces tâches ont, à première vue, en commun de ne pas nécessiter
de remémoration consciente. De fait, le sujet soutient de façon caractéristique que c'est la première
fois qu'il réalise une tâche, et au même moment, il apporte la preuve claire d'un apprentissage de
cette tâche, acquis auparavant. L'existence d'au moins deux processus d'apprentissage à long terme
semble ainsi démontrée, dont l'un est détérioré dans l'amnésie et l'autre préservé. Le dernier, souvent
appelé apprentissage de procédures, a été solidement établi par l'observation, mais on est encore
bien loin de l'avoir compris. On ne sait pas encore clairement s'il s'agit d'un processus
d'apprentissage unique, ou simplement d'un ensemble de différents processus d'apprentissage ayant
en commun de rester intacts à la suite de lésions des lobes temporaux et du système limbique.
Si plus personne ne conteste aujourd'hui l'existence de ces deux formes d'apprentissage à
long terme, on s'entend moins sur la réalité d'un troisième système qui pourrait être impliqué dans le
stockage de la connaissance, connu parfois sous le nom de mémoire sémantique. D'expérience, on
perçoit bien que le fait de se "souvenir" du nom de la capitale de l'Espagne ou du mot chien en
allemand, diffère, en un sens, du fait de se souvenir de sa dernière visite à Madrid ou de sa rencontre
avec un chien particulier. Le souvenir d'expériences spécifiques a été appelé mémoire épisodique.
D'une manière caractéristique, le savoir sémantique semble être intact chez les amnésiques qui
présentent un déficit important de la mémoire épisodique, preuve, a-t-on suggéré, d'un stockage
séparé (1). L'argument selon lequel la mémoire sémantique et la mémoire épisodique reposeraient
sur le même système est cependant tout aussi plausible, la première pouvant être particulièrement
durable parce qu'elle constitue le reliquat de très nombreuses expériences, plutôt que d'un seul
événement. Des patients présentant des déficits remarquables de la mémoire sémantique (2) ont été
récemment identifiés, et il est vraisemblable que leur étude constituera une nouvelle zone
d'interactions fructueuses entre la psychologie cognitive et la neuropsychologie.
Au point où nous en sommes et bien que fort éloignés d'une compréhension totale de la structure
psychologique de la mémoire, il est d'ores et déjà clair que la mémoire humaine n'est pas
caractérisée par un processus d'apprentissage unique et monolithique, mais constitue une association
de différents sous-systèmes en interaction".
"Le cerveau et la mémoire" numéro spécial de "Science et vie", mars 1988 n° 162 :
"L'apport de la psychologie" par le Dr. Allan Baddeley (Cambridge).
(1) Cf. Bande vidéo : cas de Gatje (amnésie d'identité pure).
(2) Cf. Bande vidéo : cas du colonel P. Lallemand (amnésie traumatique globale).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
46
Dans un autre ordre d'idée, il faudrait aussi distinguer :
- La mémoire incidente ou mémoire automatique qui enregistre des informations sans effort
conscient à partir de la mémoire à court terme.
- La mémoire dite "effortful memory" qui correspond à un stockage durable lié à une stratégie
de mémorisation.
D'autres classifications existent… mais retenons le tableau synthétique suivant :
1) "Mémoire procédurale" = "mémoire des
procédures" = "mémoire des gestes et des
habitudes" :
2) "Mémoire d'identité"
= "mémoire
autobiographique"
Elle ne nécessite pas une remémoration
qui peut être seule touchée
consciente : cf. utilisation d'un instrument de
sans trouble du langage et
musique ou d'outils, lecture en miroir, écriture, dactylo,
des connaissances
activités sportives, réalisation de puzzles…
(Cf. le cas "Gatje").
Elle n'est pas généralement pas détériorée en cas
d'amnésie (par lésion des lobes temporaux ou du système
limbique). Siège probable : le cervelet mais aussi les
« ganglions de la base ».

Mémoire à long terme des psychologues
Le test a lieu à la fois :
1. Plus de 3 mn après l'apprentissage.
2. Après une interférence.

3) "Mémoire sémantique
et didactique".
4) "Mémoire épisodique"
Mémoire temporo-spatiale qui stocke le contexte dans
lequel l'information a été engrangée
(où, quand, comment, par qui a-t-elle été fournie ?)
C'est le contenu général de
l'information, les
Elle implique les lobes frontaux
connaissances : savoirs au
(les
personnes
atteintes de lésions des lobes frontaux on tensens strict et savoir-faire non
dance à oublier où et quand ils ont appris ce qu’ils savent).
techniques.
3) + 4) = "Mémoire déclarative" = mémoire des faits et des connaissances.
Question : peut-on intégrer de nouvelles connaissances (mémoire sémantique et didactique)
sans pour autant former de nouveaux souvenirs (mémoire épisodique) ?
On constate que certains amnésiques peuvent retenir de nouvelles informations alors qu’ils ne
gardent aucun souvenir des circonstances de l’apprentissage. L’amnésie infantile physiologique va
également dans ce sens : il y a impossibilité d’évoquer des souvenirs avant l’âge de 3 ou 4 ans alors
que durant cette période l’acquisition des connaissances est considérable.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
47
IIE2- LES CODES DE LA MEMOIRE A LONG TERME :
La mémoire contient des informations sous la
forme de codes spécifiques :
Rappelons qu'un code est :
- Des codes sensoriels
* Un ensemble de conventions en
qui correspondent à une mémoire pour les usage dans un domaine déterminé.
informations :
* Un système de signes (symboles,
* tactiles,
 Les plus
icônes ou images, indices, signaux)
* visuelles,
importants étant
qui permettent de constituer et
* auditives,
les codes visuel
comprendre un message (le signe
* olfactives et
et auditif.
linguistique est l'unité de langage
* gustatives.
porteuse de sens). C'est dans ce sens
- Des codes moteurs
que nous utilisons ici le mot "CODE".
… qui ont été peu étudiés à part le code vocal * L'ensemble des "règles" qui
permettent de changer de système de
(vocalisation et subvocalisation).
La
vocalisation
et
la
subvocalisation signes sans changer l'information qu'il
interviennent automatiquement pour recoder exprime (cf. code génétique, code
implicitement toute information linguistique informatique).
présentée visuellement. La subvocalisation est
d'autant plus importante que l'information présentée (lecture d'un texte par exemple) est
difficile à comprendre.
- Des codes symboliques : le code linguistique + le code des images.
Il faut se souvenir que la fonction symbolique est la capacité de se représenter mentalement
des objets absents par des symboles et ainsi de les rendre présents.
Les codes symboliques sont les principaux modes de représentation à long terme de
l'information.
Le code image ou "images visuelles" aboutit à une mémoire de type visuo-spatial
(combien de fenêtres avez-vous dans votre maison ... on va se promener mentalement de
pièce en pièce pour effectuer le décompte).
Le code linguistique ou langage qui englobe lui-même un grand nombre de codes
spécialisés : graphique, phonétique, sémantique ... Il aboutit à une sorte de mémoire
conceptuelle.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
48
II-F) L'EXPLORATION DE LA MEMOIRE
ET LES DIFFERENTS TYPES DE RAPPEL …
La remémoration consiste dans la propriété que nous avons d'amener dans le champ de la
conscience des informations antérieurement mémorisées.
Ce rappel peut être inconscient comme dans les comportements et les gestes automatiques
ou au contraire conscient et volontaire.
On distingue trois procédés de rappel volontaire présentés ci-dessous du plus difficile au
plus aisé :
1 - Le rappel spontané ou évocation :
2 - Le rappel facilité par l'observateur :
a) Le rappel indicé : l'indice correspond à un élément
* soit de l'information (ex. on fournit la 1ère lettre ou encore 1 synonyme du mot attendu).
* soit de la situation de l'apprentissage.
b) La reconnaissance en choix multiples.
"Les troubles de la mémoire… la part du vasculaire" par B. Laurent - Editions SPECIA.
On retiendra, qu'en pédagogie, ce n'est pas seulement l'entrée des informations qui
pose problème, la sortie ou rappel peut également mal fonctionner.
L'exploration de la mémoire en médecine :
* doit être réalisée en un temps limité afin d'éviter que la fatigue du sujet ne rendre les résultats
ininterprétables.
* doit être quantifiée afin d'être comparée à une moyenne considérée comme la normalité.
* elle ne doit pas déclencher d'anxiété (ce qui donnerait l'impression qu'il existe un déficit alors
que les fonctions mnésiques sont normales ou ce qui aggraverait artificiellement un déficit réel).
* elle devrait explorer toutes les formes de mémoire (la mémoire verbale mais aussi les mémoires
gestuelles, visuelles et affectives). En ce qui concerne la mémoire visuelle, on peut montrer des
figures sans signification particulière qui devront être reproduites à l'identique soit immédiatement
soit quelques minutes après une interférence. L'interférence peut être obtenue en demandant au sujet
de compter à rebours.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
49
II-G) LA MEMOIRE DES NOURRISSONS…
"Presque tous les théoriciens du développement de l'enfant" (cf. Freud, Watson, Piaget) "affirment
que les expériences précoces constituent les fondements du comportement ultérieur" alors que de
nombreux psychologues estimaient, il y a seulement quelques années encore, que la mémoire des
nourrissons était très éphémère (de l'ordre de quelques secondes ou quelques minutes à 2 ou 3 mois).
Ces psychologues attribuaient à la rapidité de l'oubli l'amnésie infantile (incapacité à se souvenir des
événements survenus avant l'âge de 3 ou 4 ans chez l'adulte).
Des travaux récents montrent au contraire que les souvenirs des fœtus à terme et des
nourrissons existent et peuvent être remarquablement longs…
La mémoire des fœtus à terme :
Travaux de Catheline van Heteren (Maastricht, Pays-Bas) publiés dan « The Lancet » du 30 septembre
2000. Cette étude a été menée sur 19 fœtus. L’auteur a étudié leur habituation (= diminution ou ici
cessation des réponses) à des stimulations vibro-acoustiques (sons audibles de 63 dB, et vibrations entre
367 et 83 Hz) non nocives (d’une durée d’une seconde toutes les 30 secondes à raison de 3 fois)
appliquées à travers la paroi de l’abdomen maternel au niveau des membres inférieurs des fœtus. La
réponse était définie comme un mouvement généralisé du tronc (observé en échographie et survenant
dans la seconde suivant l’application du stimulus) et l’habituation comme une absence de réponse à 4
stimulations successives. 10 mn après le test initial, 16 fœtus ne répondent plus du tout : ils se sont
habitués. 24 h après, 16 fœtus se sont habitués plus rapidement.
Le fœtus possède donc une mémoire à
court terme d’au moins 10 mn et une
mémoire à long terme d’au moins 24 h.
Les nourrissons ont-ils
de la mémoire ?
Un nourrisson de 12 semaines est couché sur
le dos et un mobile est suspendu par un
crochet au dessus de son berceau. Un ruban
relie une de ses chevilles à ce crochet et
chaque mouvement de sa jambe entraîne un
mouvement du mobile.
Le bébé comprend très vite le parti qu'il peut
tirer de cette situation et dès que le ruban est
fixé au crochet, la fréquence de ses
mouvements double ou triple. C'est un jeu
dont les nourrissons se lassent rarement et
qu'ils peuvent pratiquer durant plusieurs
mois, ce qui convient parfaitement pour une
étude sur la mémoire.
La procédure expérimentale fait alterner
les périodes d'entraînement au cours
desquelles le nourrisson fait bouger le
mobile, avec les périodes au cours
desquelles on évalue la durée de
rétention du souvenir.
Cf. "La mémoire des nourrissons" par C.
Rovee-Collier et J. W. Fagen,
"La mémoire des nourrissons" par Carolyn RoveeCollier et Jeffrey W. Fagen,
Cliché Rovee-Collier. "La Recherche" n° 158, sept. 1984
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
50
Le découpage est fait en trois sessions, elles-mêmes divisées en trois phases :
- 1ère session :
* Au cours de la phase 1, le bébé ne peut pas faire bouger le mobile et l'intensité de ses
mouvements est mesurée en dehors de tout entraînement (au niveau opérant).
* Pendant la phase 2, le ruban fixé à sa cheville est attaché au même crochet que le mobile, lui
donnant ainsi la possibilité d'agiter le mobile à sa convenance.
* Pendant la phase 3, le ruban est placé sur un crochet différent et il s'agit alors de vérifier si
l'enfant agite le pied avec la même fréquence que précédemment (épreuve de rétention
immédiate).
Si tel est le cas, cela signifie que l'entant a bien saisi la relation entre les mouvements
de son pied et ceux du mobile et qu'il en conserve le souvenir.
- 2ème session :
Elle suit la 1ère à 24 heures d'intervalle et sert d'une part à vérifier la permanence du souvenir
(épreuve de rétention à long terme) et d'autre part à fournir une 2ème période d'entraînement.
- 3ème session :
Elle est fondée sur le même principe. Elle sert à vérifier la permanence du souvenir à plus long
terme et également à mesurer l'utilité d'une réactivation du souvenir après de longs intervalles de
temps.
D'après "La mémoire des nourrissons" par Carolyn Rovee-Collier et
Jeffrey W. Fagen, "La Recherche" n°158 septembre1984.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
51
Comparons les nourrissons âgés de 8 et 12 semaines : la 3ème session, destinée à mesurer la
rétention à long terme du souvenir, a été réalisée respectivement :
* pour les nourrissons de 8 semaines (graphe A) : à 1, 3 et 6 jours après les deux 1ères sessions.
* pour les nourrissons de 12 semaines (graphe B) : à 2, 3, 4, 6. 8 et 14 jours après.
AGE
2 mois
3 mois
BILAN
Oubli avancé Oubli total
24 heures
3 à 6 jours
8 jours
14 jours
"On constate que le souvenir est moins vif et
perdure moins longtemps à 8 semaines qu'à 12
semaines, ce qui confirme que les enfants très jeunes
se souviennent moins longtemps d'un événement, bien
que l'oubli ne soit pas aussi rapide que ce que l'on
pense généralement".
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
52
L'influence de l'environnement dans le phénomène de rappel chez les
nourrissons :
"Tant que les éléments du mobile ou la couleur du berceau
restent les mêmes, les nourrissons montrent, par leur attitude,
qu'ils se souviennent de la relation existant entre les
mouvements de leur pied et ceux du mobile".
"En revanche, si certains éléments du mobile sont changés, si
le berceau est différent… les performances diminuent".
"Plus les modifications de l'environnement sont importantes,
plus les performances diminuent et ce, quel que soit l'intervalle
entre l'apprentissage et l'épreuve de rétention. Il semble qu'un
souvenir ne puisse être réactivé que dans un environnement
strictement identique à celui de l'apprentissage".
L'influence de la prématurité :
"Si l'on fait cette expérience avec des bébés âgés de 4 mois
et nés prématurément 2 mois avant terme, leurs performances
sont équivalentes à celles de bébés de 2 mois nés à terme".
Le phénomène de réminiscence ou "oubli inverse"
(qui sera repris dans le chapitre IIIA) :
Maman… c'est valable à tout
âge ! … Je veux aller au lycée
dans l'établissement où je
passerai mon agrégation…
J'augmente ainsi mes chances
de réussite…
"Lorsqu'un bébé est confronté à un rappel, celui-ci ne se montre pas immédiatement efficace.
* Si l'épreuve de rétention à long terme a lieu 15 minutes après le traitement de réactivation, les
bébés ne semblent pas se souvenir de la relation liant les mouvements de leur pied et ceux du
mobile, et la fréquence des mouvements de leur pied est la même que celle qui précédait
l'apprentissage.
* Il en va de même si la même épreuve est subie 1 heure après le rappel.
* Par contre 8 heures après le rappel, les réponses augmentent sensiblement, à un degré variable
suivant les individus : c'est le phénomène de réminiscence des anglo-saxons ou "OUBLI
INVERSE".
Curieusement, la qualité de la rétention paraît corrélée de manière significative avec
la durée du sommeil des bébés dans l'intervalle séparant le traitement de
réactivation et l'épreuve de rétention !
* Enfin, 24 heures après le traitement de réactivation, la rétention devient excellente, et continue de
s'améliorer jusqu'à 72 heures après le rappel".
A
3
mois
Temps après
apprentissage
Rétention
15 minutes
1 heure
8 heures 24 heures
72 heures
"En résumé, nous ne pensons pas que la petite enfance soit une période d'oubli rapide, mais plutôt
une période où la fonction mnésique occupe une place prépondérante. C'est seulement en se
souvenant des expériences passées que le bébé peut parvenir à réagir de manière appropriée dans un
monde dont la complexité, sans cela, ne cesserait de le déconcerter".
Les textes entre guillemets sont extraits de "LA RECHERCHE" n°158, septembre l56.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
53
II-H) FACTEURS SUSCEPTIBLES D'INFLUER SUR LA
MEMORISATION : LE ROLE DE L'ENVIRONNEMENT…
TRAVAUX DE ROSENZWEIG, KRECH ET BENETT (1960)
Des groupes de rats frères ont été placés dans 3 types de milieux :
1 - milieu appauvri (petites cages, peu ou pas d'objets)
2 - milieu "standard"
3 - milieu enrichi (cage spacieuse avec de nombreux objets pouvant être
manipulés, escaladés... ).
Après 1 mois, les rats des 3 lots ont été soumis à différents apprentissages (labyrinthe,
discrimination visuelle).
Les auteurs ont constaté que les capacités d'apprentissage des rats issus du milieu enrichi
étaient meilleures.
Les rongeurs ont alors été sacrifiés et leurs cerveaux furent pesés puis soumis à une analyse
histologique. On constata alors :
- que le cerveau des rats élevés en milieu "riche" était plus lourd et que leur écorce cérébrale avait
une masse supérieure de 6% à celle de ceux issus du milieu appauvri.
- que les rats du lot 3 présentaient plus de cellules gliales.
- que leurs neurones étaient plus volumineux et leurs connexions neuroniques plus nombreuses (+
20% par rapport au lot 1).
Les travaux de Rosenzweïg et collaborateurs concernent l'animal et une telle expérimentation ne
peut pas, bien évidemment, être envisagée chez l'homme.
Ces résultats constituent néanmoins des axes de réflexion, des pistes à ne pas négliger.
Nous pensons qu'un environnement enrichi ne peut être que bénéfique pour les enfants et que
l'aménagement de nos classes peut retentir sur les apprentissages de nos élèves.
Remarques importantes concernant les expériences de Rosenzweïg (poursuivies par Marion
Diamond) :
* Dans l'environnement appauvri, chaque rat vit seul.
* Dans les grandes cages correspondant à l'environnement enrichi, on place 12
rats par cage.
* Dans les conditions standardisées il y a 3 rats par cage.
Des expériences de M. Diamond ont montré que la croissance cérébrale pouvait
également être obtenue chez des rats âgés placés en milieu riche avec de jeunes rats.
L'effet de l'alimentation sur la croissance cérébrale n'a pas été étudié.
IL NE SUFFIT PAS D'ENRICHIR L'ENVIRONNEMENT... IL FAUT AUSSI L'AMELIORER
- Le bruit est source de fatigue. Une enquête de "Cristofari" (1965) montre qu'une revendication
fréquente des enseignants concerne l'insonorisation des salles de classe.
- L'exiguïté des locaux, une mauvaise climatisation (on cuit en été les jours de soleil... et on ne dispose
pas de stores... ) des salles non fonctionnelles et mal équipées.
- Les effectifs "Le surnombre tue la pédagogie. Il crée l'agressivité... Sur un grand nombre d'enfants,
l'institutrice éparpille son regard et ne rencontre pas suffisamment le regard de chaque enfant. Plus il y a
d'enfants et plus elle est obligée d'être autoritaire et directive. Le surnombre est insécurisant pour elle".
Jean Lévine : "Un enseignant pour 15 élèves" - Revue de médecine, n" spécial, 8/7/74.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
54
II-I) FACTEURS SUSCEPTIBLES D'INFLUER SUR LA
MEMORISATION : LE ROLE DU JEU…
Dans le jeu on a une mobilisation de la mémoire particulièrement intense.
IIi a) LE JEU CHEZ L'ANIMAL :
" Le comportement de jeu ne peut guère se définir que pour les animaux supérieurs (mammifères et
oiseaux). Le jeu correspond à la production d'actes comportementaux que ne motive aucun
besoin immédiat. Il s'ensuit que le jeu n'apparaît que lorsque les besoins sont satisfaits et
notamment lorsque l'animal n'a ni faim ni soif et qu'il n'est pas occupé à se défendre. Pour cette
dernière raison, le jeu chez les jeunes s'effectue en général sous la protection des parents.
Les types de comportements de jeu sont innombrables. Ce sont le plus souvent des
comportements qui en temps normal sont adaptés à des besoins, mais qui, dans le cadre de
l'activité ludique apparaissent dissociés de ces besoins. Ainsi l'animal qui joue peut mimer
l'attaque, la poursuite, la chasse, le comportement sexuel, etc. L'animal peut d'ailleurs passer
rapidement d'un comportement à un autre, par ex. de l'état de «poursuivi à celui de poursuivant". Il
peut utiliser des objets de remplacement pour mimer des situations réelles, l'exemple classique
en est le chat qui prend en chasse une pelote de laine. Chez les animaux sociaux, l'activité ludique
peut refléter certains types de rapports sociaux. Ainsi, chez le chimpanzé adolescent, Milhaud, Klein
et leurs collaborateurs ont montré que l'analyse du jeu permettait d'établir une typologie des
animaux et qu'une telle typologie se manifestait même par des réactions différentes des types
d'animaux à l'administration de substances psychotropes. Les adultes aussi peuvent jouer
lorsqu'ils sont repus et en sécurité, mais ce sont toujours les jeunes qui jouent le plus.
… Ce qui nous amène à discuter le rôle de l'activité ludique et son lien possible avec
l'apprentissage. On peut penser que durant les phases ludiques, le jeune animal "met au point" des
comportements qui lui seront utiles dans sa vie future. Il faut remarquer d'ailleurs que les mêmes
séquences de comportement reviennent souvent dans le jeu de façon répétitive, ce qui suggère un
apprentissage progressif. Le jeu serait donc essentiel, chez les animaux supérieurs, à
l'acquisition de comportements adaptés. A cet égard, il apparaît comme l'aspect le plus élaboré
d'un processus qui, lui, existe chez tous les animaux : l'activité exploratoire. Tout animal placé dans
un environnement nouveau tend à l'explorer. Cette activité exploratoire, que l'on peut mesurer grâce
à diverses techniques actographiques, est le corollaire d'un apprentissage latent, tel que nous l'avons
défini plus haut. On peut considérer que le jeu se rattache à ce processus exploratoire, mais qu'alors
1'exploration "porte, non plus sur l'environnement, mais sur l'expression même des aptitudes
motrices et comportementales de l'animal considéré. Le jeu serait donc lié à une sorte
d'apprentissage latent des comportements nécessaires à la survie des animaux supérieurs ".
Georges Chapouthier "Psychophysiologie" : "le système nerveux et le comportement". Editions "Etudes vivantes", 1980.
Dessin Volker Theinhardt
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
55
IIi b) "Le métier d'enfant, c'est le jeu" (citation Pauline Kergomard).
Intérêt du jeu

Il faut prévoir
Il faut se souvenir
- Qu'est-ce que le jeu chez l'enfant :
"Il s'agit là aussi d'une activité essentielle, ce que l'adulte a du mal à comprendre. Il a oublié son
enfance et, pour lui, le jeu n'est qu'une distraction, une façon agréable de passer le temps qui s'oppose à
l'ennui et à la fatigue du travail. Pour l'enfant, le jeu est un mode d'apprentissage…
Tout au long de cet exposé, j'ai parlé du travail comme en parle l'adulte : activité distincte des
activités récréatives et des périodes de repos ; il le fallait parce que cette façon de voir est profondément
ancrée dans les esprits, mais c'est encore une conception de "grande personne" et ce n'est pas celle des
enfants. Pour eux, et surtout pour les plus jeunes qui doivent être l'objet prioritaire de nos
préoccupations, travail et jeu sont des activités indissociables.
Le jeu de l'enfant est un apprentissage et c'est nous qui, bien à tort, inculquons ou essayons
d'inculquer à des enfants de 6 ans cette opposition entre les temps où on apprend et les temps où on joue
(en ne leur laissant d'ailleurs pas le temps de jouer) : temps de travail où l'on doit être sérieux,
s'appliquer, faire des efforts ; temps de jeu où il est permis de rire.
On retrouve ici cette philosophie morose où l'effort est célébré plus que la
réussite et où le travail n'apparaît valable que s'il est ennuyeux.
Comment peut-on ignorer à ce point ce qu'est le comportement normal d'un enfant et n'avoir
jamais observé avec quel sérieux il joue et avec quel plaisir il apprend lorsqu'il le fait dans de
bonnes conditions ?
Le mérite essentiel des méthodes d'éducations dites actives est d'avoir compris cette nondifférenciation par l'enfant de ce qui est le jeu et de ce qui est apprentissage".
"L'homme malade du temps" par Reinberg, Fraisse, Leroy, Montagner,
Pequignot, Poulizac, Vermeil - Stock, 1979.
"A travers le jeu, l'enfant mesure et exerce les nouvelles
possibilités offertes par sa maturation physiologique et psychologique ; il
part à la conquête de lui-même et du monde ; il s'insère dans la société ; il
s'exprime totalement. Bref, selon l'expression qu'affectionnent les
spécialistes il se construit.
Une activité aussi riche a bien évidemment fait l'objet, depuis les
premières études menées à la fin du XIXème siècle, de multiples théories.
Actuellement, elles s'articulent grosso modo autour de deux grands axes :
* l'un plutôt centré sur le développement en se référant à la psychologie
génétique de Piaget,
* l'autre plus tourné vers le jeu-expression des émotions et des conflits,
volontiers d'orientation psychanalytique".
Extraits de "Instituteurs, Institutrices" :
"Guide de l'école maternelle et primaire"
Editions Nathan, 1986.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
Jeux d'imitation
et de rôles
(Voir page suivante).
Dessin de V. Theinhardt.
56
- Le jeu instrument de développement :
Piaget distingue trois grands types de jeux apparaissant successivement mais sans pour autant que
les nouvelles pratiques suppriment les précédentes.
- Jeux sensori-moteurs : "Commençant pratiquement à la naissance, ils culminent entre 1 et 2 ans.
A la maternelle, on vérifiera et perfectionnera la coordination de ses mouvements, la précision de
ses gestes, son équilibre, en construisant une tour ou un pont de cubes, en escaladant des obstacles,
en tirant un camion, en pédalant sur un tricycle…".
- "Vers 2 - 3 ans, naissent et se développent les jeux symboliques, du "faire-semblant ou du
"comme si". C'est l'époque où l'imagination prend le pouvoir pour assimiler et reproduire la réalité
environnante : le morceau de bois deviendra indifféremment camion, fusée ou princesse. Exprimer
aussi, le cas échéant, une angoisse ou une crainte, maîtriser un conflit familial : on vient de se faire
gronder ? On reportera sa colère sur sa poupée.
Jeux de simulacres, de fiction, de création, d'entrée en communication avec le monde extérieur, qui
vont se prolonger et s'affiner avec les jeux d'imitation et de rôles qui ne s'organiseront
véritablement qu'à partir de 4,5 - 5 ans".
- "Aux alentours de 6 - 7 ans s'installent les "jeux de règles", exigeant des participants une
discipline collective de soumission à la règle du jeu. Ils s'ébauchent sans soute souvent plus tôt, mais
le petit de la maternelle a encore bien du mal à comprendre cet impératif, sortir de son égocentrisme
pour appréhender une situation d'ensemble et surtout accepter de ne pas toujours gagner. Simples
pour commencer comme "chat perché" puis de plus en plus complexes, la règle croissant en
difficulté et en abstraction au fur et à mesure de la plus grande maturité intellectuelle, ils sont aussi
l'apprentissage de la vie en société (Piaget a parlé du "droit coutumier du jeu de billes"). Leur
fréquence croît constamment aux dépens des autres types de jeu, ils prédominent vers 10 ans et sous
forme de sports, cartes, etc. nous accompagnent toute notre vie".
Extraits de "Instituteurs, Institutrices" :
"Guide de récole maternelle et primaire". Editions Nathan, 1986.
- Le jeu, expression des émotions :
"Dites-moi comment il joue, je vous dirai comment il va" affirmait le Dr Martine Myquel en
1981, lors d'un congrès de neuropsychiatrie infantile précisément consacré au jeu. Mais dès avant la
première guerre mondiale, le Dr Janus Korczac conseillait aux enseignants de regarder jouer leurs
élèves. Observer un groupe d'enfants faisant une ronde - qui organise le jeu, qui prend un autre par
la main et qui est choisi, qui proteste ou s'en va ? - en apprend long, soulignait-il, sur la
personnalité de chacun, son comportement et éventuellement ses difficultés au sein du groupe.
Dans les années 20, Mélanie Klein défriche un nouveau terrain : la psychanalyse des enfants. Elle
découvre que le jeu est à la fois un inappréciable instrument de diagnostic et de thérapeutique
permettant de se libérer de ce qu'on ne sait ou ne peut exprimer verbalement : difficile de dire "je
suis jaloux de ma petite soeur nouveau-née" mais on peut frapper une marionnette.
Aujourd'hui, la thérapie par le jeu constitue l'une des principales techniques employées en
psychothérapie d'enfants".
Extraits de "Instituteurs, Institutrices" :
"Guide de récole maternelle et primaire". Editions Nathan, 1986.
Le travail doit laisser des réserves de forces pour le jeu.
Si le travail est excessif, le jeu est perturbé ou annulé… ce qui endommage
structuration de l'enfant et rendement futur.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
57
II i c) LES JEUX DE MEMOIRE :
Chez les enfants de 3-4 ans, il est très difficile de les inciter à retenir car ils se contentent de
déployer sur le moment une très grande attention "sans comprendre qu'ils doivent garder en
mémoire ce qu'ils ont reçu. La représentation du rappel ultérieur leur fait défaut" (1) alors qu'elle est
indispensable à tout effet de cette nature.
L'enseignant afin d'aider les enfants à comprendre le rapport entre attention et mémoire peut leur
proposer des conduites de mémorisation à courte portée.
Exemple :
- Répéter quelques mots, une
comptine, "une formule
magique" sans erreur.
- Reproduire un geste, un
comportement ou un trajet.
- Retrouver ce qu'on vient de
cacher.
- Pratiquer des jeux de KIM (2)
qui consistent à présenter, durant
un laps de temps court, différents
objets puis à les cacher. On
demande alors soit le nombre, soit
les
noms,
soit différentes
caractéristiques, soit la position
des objets.
Ces jeux, variables à l'infini,
(dont quelques ex. sont proposés
en "cours") peuvent porter sur des
objets réels mais aussi sur des
photographies ou des diapositives... quel objet manque sur la
seconde diapositive ?
Retrouver l'objet manquant parmi
ceux présentés est très souvent
proposé en moyenne section.
Mémoriser une liste d'objets est
plus fréquemment pratiqué en
grande section.
- Jeu du téléphone.
- Jeu de mémory : il faut retourner
les deux cartes identiques (on
utilise les échecs des autres
joueurs pour mémoriser les
localisations).
Mémorisons les 23 objets présents dans cette page…
extraite du livre de lecture " Chantepages". Editions Bordas - 1989.
VOIR PAGE SUIVANTE (suite du jeu de mémoire)
--------------------------------------------------------------------Note 1: Jacqueline Roche "L'école maternelle, sa spécificité" chapitre sur la mémoire. Ed. Istra, 89.
Note 2 : R. Kipling a publié en 1901 (donc après "Le livre de la jungle" qui date de 1894) : KIM. Les jeux de
KIM s'inspirent de cet ouvrage.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
58
4 objets ont disparu… Lesquels ?
Réponses :
L'un permet d'utiliser l'autre :
C'est un jeu de hasard :
Elle pique :
C----- et T----- -----DE------ - --------
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
59
III- DONNEES NEUROLOGIQUES ET BIOCHIMIQUES :
III A) L'HIPPOCAMPE et LA MEMOIRE (résumé) :
1- Cas de "H.M." opéré par le chirurgien Scoville en 1953. Objectif : enlever les 2
hippocampes à la surface interne des 2 lobes temporaux (afin de diminuer la fréquence
et la sévérité de ses crises d'épilepsie). La mémoire immédiate n'est pas affectée mais le
sujet ne semble pas pouvoir transférer l'information de la mémoire immédiate à la
mémoire de longue durée.
- Chez les animaux : pas de déficit de la mémoire sauf si
on détruit simultanément l'amygdale du cerveau.
* déficit d'inhibition comportementale
* troubles de l'accoutumance
- Cas de M.K. un sujet amnésique jouant du piano(rappel
indicé) : le déficit n'est pas dans l'opération de stockage,
c'est un déficit de rappel par excès d'interférences.
L'hippocampe
intervient
dans
l'indexation
des
informations.
- Cas de jeunes enfants victimes de lésions de
l’hippocampe survenues à leur naissance ou peu après.
Devenus adolescents, ils ne se souviennent pas d’une bonne
partie de leur biographie, des évènements du jour ou de la
veille… mais ils ont néanmoins acquis le langage et de multiples connaissances !
- Lésion de l'hippocampe droit et amnésie topographique
- Hippocampe et réminiscence (= oubli inverse)
* Chez l'animal (Bernard Cardo)
* Chez l'homme (Ballard 1913 sur poèmes en vers et en prose : rappel meilleur
après 2 ou 3 jours, Ward sur mémorisation de syllabes sans lien entre elles et chute
des performances après 5 mn, Richaudeau et mémorisation de phrases longues).
* Chez les bébés de 3 mois à 35 mn et 1 h, à 8 h, 24 et 72h.
Quelles conséquences pédagogiques ?
- Effet d'une stimulation électrique de l'hippocampe (4, 25 microampères durant
80 à 240 secondes, 30 s après l'apprentissage) qui semble remplacer le SP.
- Pathologies de l'hippocampe :
* Alcool, hypoxie, vieillissement (on perd 5 % de neurones tous les 10 ans à
partir de 50 ans) et maladie d'Alzheimer.
* Stress glucocorticoïdes destruction hippocampe troubles de la
mémoire et de l'humeur (l'hippocampe fait partie du système limbique).
* Tianeptine ou Stablon® qui protège l'hippocampe des glucocorticoïdes.
Effets : 1er mois : SP = et SL profond . Ensuite : SP et SL profond .
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
60
III- DONNEES NEUROLOGIQUES ET BIOCHIMIQUES :
Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que les animaux et l'homme étaient capables
d'apprentissages variés. Ces apprentissages conduisent à l'acquisition d'informations qui sont ensuite
stockées dans la mémoire. Il reste à nous demander par quels mécanismes physiologiques cette
information est acquise, dans quels éléments elle est mémorisée. Or, Il faut dire tout de suite que, si
l'on a quelques idées sur les mécanismes physiologiques de l'apprentissage, les données concernant
les bases de la mémoire restent, aujourd'hui encore, un sujet de controverses.
Georges CHAPOUTHIER. Psycho-physiologie, 1980.
III A) L'HIPPOCAMPE et LA MEMOIRE :
IIIA1- Cas de "H.M." opéré par le chirurgien Scoville en 1953.
L'essentiel : l'objectif était d'enlever les 2 hippocampes (ablation bilatérale) à la surface
interne des 2 lobes temporaux afin de diminuer la fréquence et la sévérité des crises d'épilepsie
prenant naissance à ce niveau.
* Pas de troubles perceptifs ni de troubles intellectuels.
* La mémoire immédiate n'est pas affectée (la restitution immédiate d'une nouvelle
information reçue est effectuée sans problème).
* Par contre le sujet ne peut pas constituer de nouveaux souvenirs. Il semble ne pas pouvoir
transférer l'information de la mémoire immédiate à la mémoire de longue durée. Il ne peut
retenir sa nouvelle adresse et oublie où il range les objets d'utilisation courante.
* Après l'opération, H.M. présentait une amnésie rétrograde portant sur les années
antérieures à l'ablation. Cette amnésie a régressé.
" Troubles de la mémoire" par B. Laurent, université de Saint-Etienne. Edition SPECIA.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
61
Développement du cas H.M. pour les biologistes :
"Bien que les premières observations datent de 1899, il fallut attendre les premières ablations de l'hippocampe
chez l'homme pour que le rôle de cette structure nerveuse profonde dans la constitution de la mémoire soit établi.
Les données les plus précises restent actuellement celles obtenues chez le sujet H.M., opéré par le chirurgien
Scoville en 1953 alors qu’il avait 27 ans".
H.M. avait été renversé par une bicyclette vers l’âge de 9 ans et il s’ensuivit un traumatisme crânien. Il développa
alors des crises d’épilepsie qui s’accentuèrent par la suite (jusqu’à 10 crises par semaine), certaines avec perte de
conscience, morsure de langue et perte urinaire malgré la prise d’anti-épileptiques.
"Ce sujet a subi l'ablation bilatérale de l'hippocampe (en fait les 2/3 antérieurs mais également d’autres
structures comme l’uncus, l’amygdale et la circonvolution para-hippocampique… voir suite) afin de
diminuer la fréquence et la sévérité de ses crises d'épilepsie. Toujours vivant, il mène une vie à peu près normale
et ne présente pas de troubles perceptifs et intellectuels (l’abstraction et le raisonnement sont préservés, le QI est à
112). Par contre, des troubles massifs de la mémoire sont apparus et demeurent presque inchangés depuis…"
"H.M. a une bonne mémoire immédiate, c'est-à-dire qu'il peut restituer immédiatement une information reçue, par
exemple une liste de 8 chiffres au hasard. De même, il se souvient normalement d'événements antérieurs à
l'opération (2). Par contre, depuis l'opération, il ne semble plus constituer de nouveaux souvenirs. Des événements
aussi importants que la mort de son père... sont oubliés. Toute information semble disparaître au bout de quelques
minutes. Les épreuves imposées à H.M. ont bien montré la
nature de ce déficit (figure) en particulier, toutes les tâches
La mémoire immédiate, ou mémoire de
qui exigent la répétition d'un certain acte ne peuvent être
travail, est considérée comme un système
acquises".
de stockage spécialisé dans la rétention de
H.M. pense toujours avoir 27 ans en 2001 et quand le
la parole : " Les enfants présentant des
miroir lui fait apparaître son visage de vieillard, « il est
difficultés spécifiques de lecture ont
stupéfiait et horrifié… puis oublie en quelques secondes ».
tendance
à avoir une mémoire immédiate
L'exemple de H.M. met en lumière ce que l'on peut appeler
appauvrie".
l'hétérogénéité des fonctions mnésiques. La prise en charge
Les définitions de la mémoire à court
et la conservation d'une information par le cerveau
terme sont différentes pour les
résulteraient d'opérations différentes, à savoir dans l'ordre
chronologique des événements :
psychologues et les physiologistes.
- une mémoire immédiate de courte durée 30 à 40 Psychologues : mémoire à court terme =
mémoire de travail = mémoire immédiate.
secondes (non perturbée par l'ablation) ;
- une phase intermédiaire, le + souvent appelée phase
de consolidation, puisque c'est elle qui semble assurer
chez le sujet normal la consolidation de la trace mnésique : c'est cette phase qui serait atteinte chez H.M.
- enfin, une mémoire stable de longue durée qui, elle
non plus, n'est pas atteinte par des lésions.
En d'autres termes, le déficit mnésique après lésion de
l'hippocampe serait un déficit de consolidation. Le sujet
paraît ne plus pouvoir transférer l'information immédiate
à la mémoire de longue durée, et oublie au fur et à mesure
ce qu'il vient de percevoir ou ce qu'il vient de faire.
Physiologistes : mémoire à court terme =
mémoire des faits récents entre 15 minutes
et 1 heure après l'apprentissage
≠ mémoire immédiate.
Plan du labyrinthe visuel utilisé chez le sujet H.M. Chaque
point noir représente un plot en métal fixé sur une planche.
Le sujet à l'aide d'un stylet, doit découvrir puis se rappeler la
route correcte, indiquée ici par une ligne noire. Le stylet,
depuis le point de départ, est avancé d'un plot à l'autre. Toute
erreur est signalée au sujet par le déclic d'un compteur
d'erreurs. Un sujet adulte normal réussit cette épreuve en
éliminant ses erreurs en moins de 25 essais. H.M. n'a pas
réussi à réduire le nombre de ses erreurs après 215 essais.
Les doc. entre "…" et en incliné sont extraits de "La Recherche" n° 70,
sept. 1976 : "L'hippocampe et la mémoire" de B. Cardo.
Les tests ont été effectués par Brenda Milner.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
62
Il est un peu caricatural d'affirmer que le sujet H.M. ne peut plus
constituer de souvenirs de longue durée. Il a en fait pu mémoriser des
taches motrices (comme apprendre à dessiner en regardant sa main
dans un miroir) et les restituer quelques jours plus tard.
"Bien évidemment, la chirurgie cérébrale qui a entraîné ce déficit
mnésique n'est plus pratiquée ; cependant, de telles lésions sur la surface
interne des deux lobes temporaux arrivent accidentellement à la suite
d'opérations pratiquées d'un seul côté du cerveau chez des malades qui ont
aussi une lésion insoupçonnée du lobe opposé. Il s'ensuit des déficits
mnésiques comparables, si bien que le rôle de la surface interne des lobes
temporaux dans le processus de la mémoire est aujourd'hui bien reconnu".
Norman Geschwing : "Pour la science", novembre 1979.
HM est parvenu à apprendre à
tracer un trait entre les 2 lignes
délimitant une étoile, en regardant
sa main dans un miroir.
D’après Brenda Milner et Eric Kandel.
L'effet d'une lésion unilatérale de l'hippocampe varie selon le côté où il est pratiqué. Si la
lésion siège à droite (cf. bande vidéo), il y a perte de la mémoire topographique comme si le
cerveau fonctionnait à partir de cartes mentales. Cette amnésie topographique peut aussi
correspondre à une lésion des voies connectant l'hippocampe au cortex occipital.
IIIA2- Chez les animaux : après lésion des hippocampes, il n'apparaît pas de déficit
de la mémoire sauf si on détruit simultanément l'amygdale du cerveau.
Par contre, on note :
* un déficit d'inhibition comportementale
* des troubles de l'accoutumance.
Développement pour les biologistes : effet de l'ablation bilatérale des hippocampes chez l'animal
"De nombreux expérimentateurs ont essayé de retrouver chez l'animal le déficit mnésique observé chez l'homme.
Pour l'essentiel, ces tentatives ont été infructueuses, quel que soit l'animal utilisé, souris, rat, chat, chien ou singe.
C'est ainsi que Scoville, le chirurgien cité ci-dessus, a procédé à l'ablation bilatérale de l'hippocampe sur 200
singes macaques. Les déficits observés n'ont rien de mnésique. En particulier, alors que chez l'homme amnésique
l'introduction d'un délai de quelques minutes entraîne la disparition de tout souvenir, l'introduction d'un tel délai ne
gêne pas plus les singes sans hippocampe que les singes normaux. De la même façon, Kimble et Pribram, au
Stanford Institute, ont montré qu'un apprentissage est possible sur le singe sans hippocampe, alors que le délai
entre 2 essais successifs est de 6 minutes.
Des résultats identiques ont été obtenus sur d'autres espèces : c'est ainsi que Kimble a appris à des rats
témoins et à des rats sans hippocampe à choisir une allée éclairée et à négliger une allée obscure (les animaux sont
assoiffés et ne trouvent de l'eau qu'à l'extrémité de l'allée éclairée). Or, les rats
opérés apprennent aussi vite que les animaux témoins, alors même que chaque
série de 10 essais est séparée de la série suivante par un intervalle de 24 heures.
Ces résultats ne signifient pas que la lésion de l'hippocampe n'a aucun
effet chez l'animal. Cette lésion entraîne au contraire, toute une série de
perturbations au sein desquelles un symptôme dominant émerge, à savoir un
déficit d'inhibition comportementale. Pour comprendre cette notion assez
ambiguë, reprenons l'expérience de Kimble. Après apprentissage, les animaux
toujours assoiffés sont introduits à nouveau dans l'appareil, mais on retire la
boisson à l'extrémité de l'allée éclairée. Au cours d'essais successifs dans cette
nouvelle situation, l'animal normal met de plus en plus de temps à aller jusqu'au
bout de l'allée éclairée et même finit par ne plus y aller du tout. En l'absence de la
récompense, il inhibe ou "éteint" le comportement antérieurement acquis, d'où le
terme donné d'extinction.
Par contre, les animaux sans hippocampe continuent d'aller au bout de l'allée
éclairée dépourvue de récompense à la même vitesse, et cela pendant 5 jours
consécutifs à raison de 10 essais par jour. Les animaux ne sont plus capables de
supprimer ou d'inhiber le premier comportement acquis comportement qui vient interférer dans la nouvelle
situation".
Bernard Cardo : "L'hippocampe et la mémoire" -"La recherche", n° 70, sept. 76.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
63
On observe également chez les animaux opérés, une perturbation dans le processus d'HABITUATION ou
ACCOUTUMANCE... à une stimulation répétitive (alors que la réaction de sursaut au son disparaît chez
les animaux témoins, elle se conserve chez les animaux ayant subi l'ablation des hippocampes) et dans la
capacité d'explorer systématiquement un labyrinthe.
Cf. Denise BLOZOVSKI "L'hippocampe et le comportement" -"La recherche", n° 175, mars 86.
Les données de la pathologie humaine et celles de l'expérimentation animale apparaissent donc à priori
comme contradictoires. Pourtant, Mishkin, en 1978, montra que des lésions associées de l'hippocampe
et de l'amygdale du cerveau (voir suite) chez le singe pouvaient reproduire les troubles humains.
Rappelons que l’on sait, pour M.K., que la lésion a affecté les 2/3 antérieurs des amygdales mais aussi
des parties corticales adjacentes comme l’uncus et l’amygdale qui est située dans sa profondeur.
"Nous n'avons pas réussi à reproduire une amnésie comparable chez l'animal en enlevant seulement
l'hippocampe, mais nous avons découvert que le rôle de l'amygdale dans la mémoire est tout aussi important
que celui de l'hippocampe : un singe à qui l'on a endommagé l'hippocampe et l'amygdale des deux
hémisphères cérébraux est frappé d'amnésie antérograde globale".
Parties entre "et " : Mortimer Mishkin et Jim Appenzeller "L'anatomie de la mémoire", "Pour la Science", août 1987.
IIIA3- Cas de M.K.
Ce sujet amnésique porteur d'une lésion des hippocampes jouait du piano. Il lui a été demandé
de retrouver, en rappel indicé, une mélodie apprise la veille. Il y est parvenu démontrant ainsi
que le déficit n'est pas dans l'opération de stockage. L'hippocampe intervient dans l'indexation
des informations et sa destruction ne permet pas de les retrouver. Il s'agit d'un déficit de
rappel par excès d'interférences.
"L'hippocampe interviendrait à la fois dans la fixation des faits récents
comme dans l'évocation des souvenirs".
"La mémoire, cette oubliée" par le dr. Serge Guetta, "tonus" n° 1382, du 15 nov. 90
Développement :
"Plus troublante encore est l'observation de Starr et Phillips sur un autre sujet amnésique, M. K. : le sujet
jouant du piano, on lui propose d'apprendre une nouvelle mélodie inconnue de lui. Le lendemain, M.K. ne se
rappelle pas avoir appris une mélodie et le titre du morceau lui paraît inconnu.
L'expérimentateur fredonne alors les premières notes. Aussitôt M.K. joue la pièce correctement et en totalité.
Weiskrantz, d'Oxford a étudié plusieurs sujets amnésiques ; il a pu montrer que ces sujets, bien que toujours
inférieurs aux sujets normaux, peuvent conserver pendant plusieurs jours le souvenir d'informations acquises,
qu'il s'agisse d'un matériel verbal ou d'un matériel non verbal.
Ces différents résultats montrent qu'un sujet amnésique est capable dans certaines conditions de constituer
des souvenirs de longue durée. L'observation de Starr et Phillips semble indiquer que le déficit n'est pas dans
l'opération de stockage, mais réside plutôt dans l'impossibilité de retrouver une information. Il s'
agirait donc de ce que les psychologues appellent un déficit de rappel.
Mais pourquoi ce déficit ? Différents auteurs, et Weiskrantz en particulier, ont observé que les fausses
réponses des sujets amnésiques sont en réalité des réponses qui concernent des apprentissages effectués les
jours précédents.
Il semble que ces sujets mélangent des informations d'origines différentes et qu'ils sont dans l'impossibilité
d'extraire l'information pertinente de l'ensemble des informations stockées. D'où l'hypothèse selon laquelle
le déficit dit mnésique résulterait en fait d'un excès d'interférences.
Cette interprétation rapproche considérablement le déficit humain de celui obtenu chez l'animal. Dans l'un et
l'autre cas, en effet, l'absence de l'hippocampe entraîne une augmentation des interférences, cette
augmentation résultant elle-même de l'impossibilité d'inhiber des informations antérieurement acquises.
Cela ne veut pas dire qu'il existe aucune différence entre l'hippocampe humain et celui de l'animal. Cela signifie que les
différences ne sont que quantitatives : chez l'homme, en effet, on peut penser que les phénomènes d'interférence sont
beaucoup plus importants que chez l'animal, compte tenu de la quantité d'informations à traiter, en particulier par
l'existence du langage.
Bernard Cardo , "La Recherche" n° 70. Sept. 1976
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
64
IIIA4- Hippocampe et réminiscence (= oubli inverse) :
II A4α
α- L'oubli inverse (= progrès entre l'apprentissage et la séance de rappel sans qu'il y
ait eu révision) a été observé :
* Chez l'animal (Bernard Cardo)
* Chez l'homme :
. Ballard a travaillé sur la mémorisation de poèmes en vers et en prose : le rappel est
meilleur après 2 ou 3 jours,
. Ward a étudié la mémorisation de syllabes sans lien entre elles : il existe une chute
des performances après 5 mn,
. Richaudeau s'est intéressé à la mémorisation de phrases longues.
* Chez les bébés de 3 mois : des performances à 35 mn et 1 h, à 8 h, 24 et 72h.
"L'oubli inverse" correspond à un retraitement de l'information qui semble se dérouler
durant le sommeil paradoxal.
Quelle conséquence pédagogique ?
Eviter de proposer des exercices d'application le jour même de l'apprentissage.
Attendre le lendemain.
Développement pour les biologistes :
"Lorsqu'on soumet un animal de laboratoire (rat, souris...) à un apprentissage donné pendant une séance assez
courte, sa performance, appréciée en nombre de bonnes réponses (c'est-à-dire de réponses adaptées à la
situation) reste faible puisque l'animal n'a pas le temps de bien apprendre. Si on le renvoie alors à sa cage
d'habitation pour ne reprendre une nouvelle séance que 24 heures plus tard, on a la surprise de constater que,
dès le début de cette 2ème séance, l'animal atteint une performance beaucoup plus élevée. Tout se passe
comme si l'animal avait amélioré sa performance durant l'intervalle de temps où il n'était pas dans la situation
pratique de l'apprentissage.
Cette observation primitivement fortuite a été faite sur tous les apprentissages étudiés au laboratoire, d'abord
sur le rat, puis sur la souris : le phénomène a été observé dans le cas du conditionnement d'évitement dans
lequel l'animal apprend à éviter un choc douloureux en s'enfuyant dès l'émission d'un signal sonore... Il a été
retrouvé dans l'épreuve de la boîte de Skinner dans laquelle l'animal doit appuyer sur une pédale pour obtenir
une récompense... Enfin, la même observation a été faite sur une épreuve de discrimination ; dans ce cas,
l'animal doit choisir entre deux allées, l'une obscure, l'autre éclairée, l'allée éclairée seule contenant une
récompense.
Dans ces trois situations, sous réserve que la première séance d'apprentissage ait été courte, nous avons
observé 24 heures après, un gain très important des performances.
Dans un premier temps, nous avons cru que cette observation élan originale. Elle ne l'était pas. L'existence
d'un phénomène voisin ou identique, avait été observée chez l'homme, en particulier par Ballard dès 1913.
Cet expérimentateur faisait apprendre à des sujets des poèmes, des morceaux de prose et autres matériels
verbaux. Deux rappels étaient alors demandés, l'un aussitôt après la séance d'apprentissage, l'autre après un
intervalle de temps qui variait selon les sujets entre 24 heures et 7 jours.
Or, Ballard a observé que le rappel après un délai de 2 ou 3 jours était meilleur que le rappel effectué aussitôt
après la séquence initiale d'apprentissage.
Ballard avait appelé ce phénomène "reminiscence". La traduction par le mot français "réminiscence" n'est
pas heureuse, car ce terme désigne dans notre langue un souvenir imprécis et flou, alors que par
reminiscence, en anglais, Ballard désignait une amélioration des processus de rappel, ce que l'on désigne
quelquefois par le terme d'OUBLI INVERSE. Malgré cette difficulté, les auteurs français ont adopté le terme
"réminiscence" en lui donnant la signification restrictive suivante : c'est l'amélioration des performances
observées après un intervalle de temps dépourvu de tout apprentissage.
Bernard Cardo "La Recherche", n° 70. Sept. 76.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
65
Les expériences de Bernard Cardo (extraits d'articles de l'auteur) :
Les performances des souris lors de la séance initiale de
courte durée (15 minutes) sont très semblables : les souris
obtiennent environ 6 pastilles de nourriture par tranche de 5
minutes.
Nombre de pastilles de nourriture obtenues (ordonnées)
en 5 mn (abscisses). 1ère expérience (l'intervalle de repos est de
2mn 30) : on n'observe pas de réminiscence.
2ème expérience (l'intervalle de repos est de 24 h) : le phénomène
de réminiscence apparaît, les souris obtiennent 13 pastilles de
nourriture durant les 5 premières mn de la seconde épreuve.
"Si on ne laisse qu'un petit intervalle de repos entre la 1ère et la
2ème séance (2mn 30)… au début de cette 2ème séance… les
souris ont des performances très voisines de celles qu'elles présentaient à la fin de la séance initiale : donc le phénomène de réminiscence ne se manifeste pas si on laisse un temps de repos très court".
Bernard Cardo a étudié le phénomène de
… "Par contre, si l'on sépare les 2 séances par un intervalle de 24
réminiscence à l'aide du dispositif expériheures", les souris… "présentent le phénomène de réminiscence,
mental suivant :
c'est-à-dire une amélioration des performances dès le début de la
Un distributeur de nourriture est constitué
deuxième séance"…
d'une roue portant sur son pourtour de petits
"Que se passe-t-il durant l'intervalle de 24 heures ? La brusque
godets. "Chaque godet contient la même
augmentation des performances, observées au début de la seconde
quantité de nourriture. Un appui sur la pédale
séance, montre que l'animal a continué à apprendre pendant le
fait avancer la roue de telle sorte qu'une
repos de 24 heures.
pastille puisse être atteinte par la souris grâce
Pour savoir si cet apprentissage est progressif dans le temps, nous
à un petit orifice (mangeoire). Dans nos
avons contrôlé les performances de différents lots de souris après
expériences, chaque appui est récompensé.
des intervalles de
L'épreuve utilisée diffère des boîtes de
repos variant de 0 à
Skinner classiques par deux caractères:
24 heures.
1. La mangeoire est séparée de la pédale par
une petite cloison en plastique, ce qui oblige
8 lots de 10 souris
l'animal à faire un détour soit pour manger
blanches ont été
soit pour appuyer.
replacés dans la
2. Derrière la boîte de Skinner est accolé un
boîte à des
autre compartiment de mêmes dimensions.
intervalles
L'animal est toujours introduit ou retiré par ce
croissants.
compartiment d'attente, séparé de la boîte de
"En ordonnée sont
Skinner par une porte coulissante. Les souris
indiquées les perreçoivent, dans certaines de nos expériences,
formances des 5
des stimulations électriques de l'hippocampe :
premières mn de la
cette manipulation a lieu dans le compartiseconde séance".
ment d'attente"
"En fait la progression n'est pas
linéaire. Il y a d'abord une détérioration des performances durant la 1ère
heure qui suit la fin de la séance initiale… C'est 3 heures après la fin de
la 1ère séance que l'on peut observer un début d'amélioration de la
performance. Au temps t = 6 heures, l'amélioration est égale à celle
obtenue au temps t = 24 h, et ne varie plus".
Bernard Cardo.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
66
II A4 β - Effet d'une stimulation électrique de l'hippocampe (4, 25 microampères
durant 80 à 240 secondes, 30 s après l'apprentissage) qui semble remplacer le SP (sommeil
paradoxal).
"En stimulant l'hippocampe des souris avec une valeur bien
choisie (4,25 micro-ampères), à la fin de la séance initiale, on
trouve une amélioration rapide de la réminiscence : elle est déjà
maximale 1 heure après la fin de la séance initiale, au lieu de 6
h normalement (figure). Nous avons aussi constaté que la durée
de stimulation est une variable critique".
"En ce qui concerne la réminiscence, l'hippocampe pourrait
confronter soit les différentes informations sensorielles, soit les
différents programmes moteurs déjà stockés dans le néocortex,
aux données transmises par les systèmes de renforcement situés
dans l'hypothalamus (1). Cette confrontation permettrait
d'éliminer les informations non renforcées et de stabiliser celles
qui l'ont été.
En second lieu, cette notion de comparateur permet d'expliquer
que l'hippocampe diminue les phénomènes d'interférences
entre souvenirs. Il faut ici faire appel à ce que certains
psychologues nomment l'indexation des informations
stockées.
Dès qu'une bibliothèque contient un nombre
important d'ouvrages, un livre isolé non indexé, quel que soit le
mode d'indexation, est perdu bien que matériellement présent…
Il semble bien que la phase dite de consolidation du
souvenir soit pour une bonne part une phase d'indexation.
Un comparateur tel que l'hippocampe peut participer à cette
opération d'indexation".
"La recherche" Septembre 1976 - n° 70 : "L'hippocampe et la mémoire".
Cette figure permet de comparer la cinétique de
la réminiscence chez la souris blanche normale et
chez la souris de la même souche stimulée (à la
moitié du seuil de post-décharges) 30 secondes
après la première épreuve. On notera que les
premiers signes du phénomène chez les souris
stimulées sont décelables au bout de 30 minutes et
que la réminiscence est pratiquement à son
maximum au bout d'une heure.
Note (1) :
« L'hypothalamus, structure de la base du cerveau, joue un rôle fondamental
dans la régulation des opérations de
renforcement. En particulier, c'est avec des
électrodes implantées dans l'hypothalamus que
l'on obtient le + facilement que l'animal
implanté se stimule lui-même.
Ce comportement d'autostimulation met en jeu
des renforcements positifs puisque l'animal
recherche leur stimulation électrique comme s'il
s'agissait d'une récompense. On pense que ces
mêmes structures inter-viennent dans tous les
comportements où l'animal cherche une
récompense quelle qu'elle soit.
L'hypothèse formulée est donc la suivante : la
stimulation
de
l'hippocampe
active
indirectement ces circuits de renforcement, et
l'activation de ceux-ci accentuerait les effets des
renforcements naturels (pastilles de nourriture),
facilitant ainsi les opérations ultérieures de
sélection.
Cette hypothèse est confortée par le fait que la
stimulation directe de ces systèmes situés dans
l'hypothalamus latéral provoque la même
Localisations de l'hypothalamus / à l'hippocampe. Illustration David
amélioration de la réminiscence que la
Macauley.
stimulation hippocampique ».
"La recherche" Septembre 1976 - n° 70 : "L'hippocampe et la mémoire".
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
67
IIIA5- Conséquences pédagogiques du phénomène de réminiscence :
Nous avons vu que chez l'animal un apprentissage
imparfaitement maîtrisé était suivi d'une baisse de
performance puis, après le sommeil, d'un phénomène de
réminiscence ou oubli inverse (correspondant à un
accroissement des performances en l'absence de tout
nouvel apprentissage).
Des travaux similaires ont
été menés chez l'homme.
Les travaux de L.B. Ward ont porté sur la 1ère partie de
la courbe.
Des sujets doivent mémoriser par répétition des
syllabes sans lien entre elles. On constate que le
rappel est meilleur 1 à 5 minutes après la fin de
l'apprentissage (contrairement à ce qu'on observait chez
l'animal mais les conditions expérimentales et la nature
des informations sont ici différentes). Ensuite on
observe - comme chez les rongeurs - une chute de
performance.
Travaux de L.B. Ward ; "Reminiscence and
note learning".Psychologie : monographies
49,220, 1937.
En termes pédagogiques, cela signifie qu'on se situe dans une période défavorable
pour proposer par exemple des exercices d'application !!!
Les travaux de Ballard en 1913 et d'autres (ceux de
François Richaudeau portant sur la mémorisation de
phrases longues par exemple) ont confirmé l'existence de
l'oubli inverse chez l'homme qui s'explique
probablement (cf. polycopié sur le sommeil et le rêve)
par le travail de mise en ordre et de retraitement de
l'information durant le sommeil paradoxal ( rêve).
Dans ces conditions, plutôt que de procéder à de
multiples répétitions à intervalles très proches
jusqu'à ce que l'acquisition soit patente, plutôt
que de faire appel à des exercices d'application
immédiatement après l'apprentissage, il est
préférable d'attendre le lendemain (ou l'aprèsmidi s'il y a eu sieste)...
Dormir pour comprendre, mieux se
souvenir et mieux réinvestir…
- Les travaux menés sur des bébés de 8 à 12 semaines mettent également en évidence le phénomène
de REMINISCENCE (cf. chapitre précédent).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
68
IIIA6- - Pathologies de l'hippocampe :
* Liées à l'alcool, l'hypoxie, le vieillissement (on perd 5 % de neurones tous les 10 ans à
partir de 50 ans) et à la maladie d'Alzheimer.
* Stress production d'hormones glucocorticoïdes par les glandes surrénales destruction à long terme de l'hippocampe troubles de la mémoire et de l'humeur
(l'hippocampe fait partie du système limbique).
* La Tianeptine ou Stablon ® est un antidépresseur qui protège l'hippocampe des
glucocorticoïdes.
Effets sur le sommeil de ce médicament : 1er mois : SP (= sommeil paradoxal) identique
et SL (= sommeil lent) profond . Ensuite : SP et SL profond .
Développement :
Chez l'animal (travaux publiés en 1991) :
Il avait déjà été constaté que l'hippocampe était
particulièrement vulnérable :
- à l'alcool
- à l'hypoxie (= anoxie) ou privation d'oxygène
- au vieillissement en particulier quand il est associé à une
maladie d'Alzheimer (voir chapitre sur le vieillissement et la
mémoire).
On a découvert en 1990 (cf. IIème congrès international de neuroendocrinologie, travaux de Bruce S.Mc Ewen et du professeur Lôo):
- Que l'hippocampe portait des récepteurs aux hormones
glucocorticoïdes, substances libérées par les surrénales
(glandes localisées au-dessus des reins) lors des situations
stressantes.
- Qu'une situation de stress chronique conduisait sous l'effet
des glucocorticoïdes, à une altération fonctionnelle et
morphologique de l'hippocampe (il y a diminution du nombre
de ramifications des neurones CA3 de l'hippocampe ventral et
affaiblissement de la capture du glucose et de l'épuration du
calcium Ca ++ puis perte neuronale).
Conséquence :
*des troubles de la mémoire et de l'apprentissage
*des troubles de l'humeur (nous verrons que l'hippocampe fait
partie du système limbique impliqué dans les réactions
émotionnelles).
- Qu'un antidépresseur, la tianeptine = STABLON ®, protège
les cellules nerveuses pyramidales de l'hippocampe et accélère
leur récupération (travaux menés chez l'animal et sur 510
patients - dont 22% d'alcooliques - traités pendant un an).
L'effet du Stablon ® est d'augmenter la recapture d'un médiateur
cérébral : la sérotonine par le neurone présynaptique. Le
produit semble avoir une excellente tolérance, est peu sédatif et
non excitant et entraîne peu de troubles du sommeil : 1
comprimé à 12,5 mg, 3 fois par jour en début de repas. Chez les
rongeurs, la tianeptine améliore les capacités mnésiques, qu'il
s'agisse de l'animal normal ou d'animaux aux capacités altérées
par alcoolisation (cf. travaux de Berachochea et collaborateurs).
- Une ablation des glandes surrénales chez
un jeune rat entraîne une diminution de la
dégénérescence
des
cellules
de
l'hippocampe liée à l'âge (travaux du Dr
Landfield de l'université du Kentucky).
- Des injections répétées de cortisol et
d'adrénaline, hormones produites par les
surrénales en cas de stress, induisent un
affaiblissement des capacités mentales
(chercheurs de Standford et de New York).
- Des rats d'âges variés sont soumis (par le
Dr Landfield) à des stimulations
électriques
aléatoires
de
moyenne
amplitude. Au bout de 6 mois, on constate
:
* que les taux des hormones de stress sont
élevés.
* que l'activité électrique des cellules de
l'hippocampe est diminuée de façon très
marquée.
* que les facultés mentales sont altérées.
* à l'autopsie, les rats présentent une
diminution des neurones dans l'hippocampe. Cette mort cellulaire est 2 fois plus
importante chez les rats âgés (18 mois) que
chez les rats jeunes. Pour les rats âgés, la
perte de cellules cérébrales est de + 25 %
que la moyenne des rats de leur âge.
Le stress induit (au moins chez les
rongeurs)
une
accélération
du
vieillissement cérébral + des troubles de
l'apprentissage et de la mémoire.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
69
III B) LE CIRCUIT DE PAPEZ et LES CORPS MAMILLAIRES :
IIIB1- Pathologie :
L'encéphalopathie de Gayet-Wernicke et le syndrome de Korsakoff sont le plus souvent des
formes extrêmes de l'alcoolisme liées à un déficit en vitamine B1 ou thiamine ou aneurine (dont la
carence était autrefois appelée "béri-béri"). L'avitaminose entraîne des lésions des neurones, des
cellules gliales qui les environnent et des vaisseaux. Les anglo-saxons en font une seule maladie :
l'encéphalopathie de Wernicke-Korsakoff.
Syndrome de Korsakoff (cf. bande vidéo) : décrit pour la 1ère fois par Korsakoff en 1887.
Cause : alcoolisme, dénutrition avec carence en vitamine B1, tumeur du 3ème ventricule ou lésion
vasculaire atteignant de façon bilatérale le circuit de Papez = circuit hippocampo - mamillo thalamique et plus particulièrement les corps mamillaires (voir suite). Des lésions du thalamus (voir
suite) peuvent être associées. La localisation des lésions est donc différente de celle des "syndromes
amnésiques purs" chez qui c'est l'hippocampe qui est atteint (cf. H.M.).
Polynévrites des membres inférieurs (les polynévrites sont des inflammations des nerfs, le plus
souvent d'origine toxique et qui entraînent un déficit moteur).
* Parfaite conservation de la mémoire immédiate (comme cela est le cas dans les "syndromes
amnésiques purs" du type H.M.) avec empan mnésique normal.
* Amnésie de fixation = amnésie de mémorisation = incapacité à acquérir de nouveaux souvenirs: le
malade oublie à mesure qu'il apprend.
* Amnésie rétro-antérograde (l'amnésie porte aussi sur des faits antérieurs à la maladie mais sans
affecter des faits anciens ou très anciens).
* Possibilité d'apprendre des tâches à caractère perceptif ou impliquant une habilité motrice.
* Désorientation dans le temps et dans l'espace,
* Paramnésies = fabulations (= "constructions d'évènements imaginaires, à la réalité desquels on
croit et dont on fait le récit****" ≠ "affabuler" = mentir). Un telle fabulation n'existe pas dans les
"syndromes amnésiques purs" (comme H.M.).
* Fausses reconnaissances ("le sujet reconnaît comme familières des personnes totalement
inconnues de lui**" et leur attribue des noms et des métiers, il "mêle des fragments de son passé
ancien avec son passé récent*") et impression de déjà vu ("le présent étant vécu comme ayant déjà
existé **").
* Le malade n'a pas conscience de son trouble et " et il n'est pas rare qu'il existe des troubles de
l'humeur dans le sens de l'euphorie***". Ceci distingue ces malades des "syndromes amnésiques
purs" où le malade a conscience de son trouble et où "il n'est pas rare qu'une apathie
comportementale globale soit associée au déficit mnésique***".
* Il n'y a pas, par contre, de troubles de la vigilance et les souvenirs anciens sont préservés.
On ne note pas de détérioration intellectuelle si on excepte ce qui précède.
Syndrome de Wernicke = encéphalopathie de Gayet-Wernicke
Il survient 1 fois sur 2 lors du sevrage alcoolique. Troubles de l'équilibre et de la marche. Paralysie
oculo-motrice et nystagmus (= secousses rythmiques d'un ou des 2 yeux). Amnésie. Confusionhébétude, démence.
Les phrases entre guillemets sont extraites de :
* "Le cerveau et l'esprit" (chapitre "La mémoire") par Guy Lazorthes, éditions Flammarion, 1982.
** "Les fonctions du cerveau" par H. Hecaen et G. Lanteri-Laura, éditions Masson, 1983.
*** "Neurobiologie des comportements" par Aron, Dantzer, Delacour, Goldblum, Le Magnen, Le Moal et Signoret, éditions
Hermann, 1984.
**** "Physiologie appliquée à la médecine" par Samson Wright, Flammarion médecine-sciences 1980.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
70
IIIB2- Les structures cérébrales en cause :
Schéma du circuit de Papez avec position des corps mamillaires (d'après Delacour et Signoret).
Décrit par J.W. Papez en 1938, le circuit de Papez est une structure anatomique paire (un circuit
par hémisphère cérébral) impliquée dans les émotions et comprenant :
Hippocampe fibres du fornix = trigone corps mamillaires situés à la partie postérieure de
l'hypothalamus faisceau de Vicq d'Azir noyau antérieur du thalamus face interne des
lobes frontaux au niveau du gyrus cingulaire faisceau du cingulum ou fimbria hippocampe "fermant ainsi le circuit".
Toute lésion du circuit de Papez implique des troubles de mémoire.
Le circuit de Papez est relié à la formation réticulée ou formation réticulaire localisée dans le tronc cérébral (voir
polycopié sur "Attention et rythmes scolaires) et fait partie du système limbique.
Le système limbique est situé au centre du cerveau, au dessus du tronc cérébral.
Il inclut : l'appareil olfactif (et donc l'aire enthorinale ou UNCUS), l'amygdale (dans la profondeur de
l'UNCUS), l'hypothalamus, le septum et le circuit de Papez avec ses noyaux du thalamus dits "noyaux
limbiques" (noyaux antérieurs).
Les fonctions du système limbique sont multiples :
* Il intervient dans l'olfaction (par l'intermédiaire de l'appareil olfactif).
* Il maintient, par le biais de l'hypothalamus, les différentes constantes de l'organisme (homéostasie),
en particulier la température interne du corps, la pression sanguine et le rythme cardiaque, le
comportement alimentaire (faim et satiété, prise hydrique) et la glycémie (quantité de sucre dans le
sang). L'hypothalamus régule aussi le sommeil et l'éveil. L'hypothalamus règle de plus les sécrétions de
l'hypophyse (par le biais des "releasing factors" qu'il libére).
* Il est impliqué dans les réactions émotionnelles intervenant dans la survie de l'espèce (agressivité,
réaction de défense, désir sexuel) par le biais de l'hypothalamus, des amygdales (cérébrales… pas celles
de la gorge !) et du septum.
* … et également dans LA MEMOIRE (grâce au circuit de Papez).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
71
III C) LES LESIONS DU THALAMUS :
Localisation des thalamus.
(D’après David Macauley)
Une lésion du ou des thalamus dans leur
partie n'appartenant pas au circuit de Papez :
noyaux dorso-médians, postéro-médians et latérodorsaux peut aussi être à l'origine de troubles de
Lésion thalamique unilatérale gauche
mémoire chez l'homme et chez les animaux
chez
un homme de 55 ans. La mémoire
(rongeurs).
de
l'espace
et des visages est totalement
C'est ainsi que l'on "perturbe sélectivement
conservée mais il existe une perte
les
conditionnements
instrumen-taux
à
durable de la mémoire verbale
renforcement négatif, du type évitement actif***"
(informations orales, textes lus).
par une lésion des thalamus postéro-médians du
La perte est plus importante si la
rat.
destruction siège du côté gauche chez
Dans les lésions bilatérales chez l'homme, on
les droitiers (lésion du thalamus
note des difficultés d'attention, un trouble massif de
majeur) mais est néanmoins plus faible
la mémoire avec incapacité d'apprentissage, une
qu'en cas de lésion bilatérale.
difficulté de mémoire rétrograde moins marquée,
une conscience faible du déficit (qui rend la
D'après B. Laurent : "Troubles de la mémoire, la
part du vasculaire".
rééducation quasiment impossible) mais une
Editions SPECIA, 1989.
absence de fabulation. La reconnaissance subsiste
bien que diminuée.
Les lésions thalamiques unilatérales sont plus graves si elles affectent le thalamus
dominant (en général le gauche) avec un déficit dans l'apprentissage des mots, des histoires
logiques. Par contre, dans ce cas, les performances visuelles sont conservées.
A l'inverse, si c'est le thalamus droit qui est lésé, la mémoire visuelle est atteinte mais le
retentissement dans la vie quotidienne est plus faible. Un instituteur atteint d'une lésion du
noyau dorso-médian du thalamus droit se plaignait de ne plus pouvoir mémoriser de nouveaux
visages alors qu'il restait capable de reconnaître ceux déjà connus au moment de l'accident.
Texte inspiré de B. Laurent :" Troubles de la mémoire, la part du vasculaire". Editions SPECIA, 1989.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
72
III D) L'ICTUS AMNESIQUE
(Voir bande vidéo "les troubles de la mémoire" : cas de René, 60 ans)
Définition : un ictus est un accident brutal intéressant le système nerveux qui correspondrait à un
désordre fonctionnel de l'hippocampe ou du thalamus. Ce désordre pour-rait être d'origines
traumatique, chimique, migraineux ou ischémique (une ischémie est un arrêt localisé de la circulation
sanguine, arrêt qui implique une privation d'oxygène).
- Déclenchement brusque (= non progressif)
en général chez un sujet de 50 à 70 ans,
Un ictus amnésique atypique :
souvent hypertendu : des cas ont été reliés à
Mademoiselle C. Simone, 17 ans présente depuis 3
un traumatisme crânien bénin, à la prise de
ans des migraines basilaires et fait un nouvel
médicaments
(benzodiazépines,
antiaccès pendant trois jours ; le lendemain, elle
dépresseurs, anti-cholinergiques), à une
demande à sa mère pourquoi on a changé toute la
artériographie, à une crise migraineuse, mais
décoration de l'appartement et de sa chambre
souvent il n'existe pas de facteur déclenchant
pendant la nuit... alors que la réfection de
apparent (ictus amnésique idiopathique).
l'appartement datait de deux ans. Elle s'étonne de
Différents auteurs signalent au préalable : un
voir son père monter dans une voiture acquise il y
accès de toux, une défécation, une douleur
a an alors qu'elle se rappelle parfaitement de la
aiguë, un rapport sexuel ou le portage d’un
Lada possédée deux ans auparavant. Ainsi pendant
poids qui ont en commun de provoquer ce que
les médecins nomment l’équivalent d’une
6 heures, elle a une projection dans le passé de 2
"manœuvre de Valsava".
ans, de façon parfaitement cohérente, au point que
- C'est un déficit antérograde brutal et massif
l'on peut dater la translation à décembre 1984.
de l'enregistrement de nouvelles informations :
Elle affirme avoir 14 ans alors qu'elle en a 16, etc.
toute information est oubliée à mesure (ou plus
Au cours de l'épisode dont elle n'a aucun souvenir,
exactement semble être oubliée à mesure…
elle cite des faits précis vieux de 2 ans qu'elle sera
voir note en bas de page).
toute surprise d'entendre raconter une fois l'épisode
- Il existe, durant la crise, un déficit rétrograde qui
terminé (menu, numéro de téléphone d'une de ses
peut concerner les jours, parfois les mois ou les
amies de lycée qu'elle n'a pas revue depuis... etc.).
années antérieures.
L'épisode d'oubli à mesure se termine au bout de 6
- Vigilance et capacités perceptives sont
heures et elle récupère alors les souvenirs des 2
parfaites sans conscience du trouble. Le sujet
derrières années, en se situant correctement dans le
peut exercer, durant l'ictus, des activités
temps; à l'arrivée à l'hôpital elle présente un petit
complexes à condition qu’elles soient très
déficit sensitif et moteur de la main droite,
familières :
par
exemple
la
conduite
automobile, jouer aux cartes… et même
témoignant d'une ischémie thalamique ou
assurer un cours d’université.
temporale gauche avec un petit ralentissement
- Souvent anxieuse, la personne pose des
EEG temporal gauche.
questions répétées, correspondant à sa
L'évolution a été favorable mais cette jeune fille
préoccupation du moment (date ? lieu ? … ou
n'a jamais récupéré les souvenirs de la période de
autre sujet) sans enregistrer les réponses.
l'amnésie transitoire ischémique.
- La tomographie à émission de positons
Texte de B. Laurent : " Troubles de la mémoire, la part du
(ou TEP) permet, durant la crise, de mettre
vasculaire". Editions SPECIA, 1989.
en
évidence
une
baisse
de
la
consommation en oxygène siégeant en
particulier (mais pas seulement) dans la zone préfrontale gauche et l’hippocampe gauche.
- Des neurologues allemands (cf. « Lancet » du 9 décembre 2000) ont effectivement observé, grâce à des
ultrasons, une congestion veineuse des jugulaires impliquant une ischémie siégeant au niveau de
l’hippocampe (mais aussi du diencéphale et de la base médiale des lobes temporaux).
- L’affection est transitoire et régressive en 4 à 10 heures.
- Après la crise, le sujet récupère le souvenir des stades antérieurs mais il existe un "trou de
mémoire" définitif de la période de l'ictus.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
73
Note : Bérengère Guillery a étudié des sujets durant leur ictus. Des phrases énigmatiques leurs sont
présentées … par exemple : « Les cordes étaient atteintes car la fumée était importante ». Les patients
déclarent ne pas comprendre le sens de la phrase mais il leur apparaît évident dès lors qu’on leur précise qu’il
s’agit de « cordes vocales ». Plusieurs mn à 2 h après, la phrase est redite. Alors même que les sujets ne se
souviennent pas de l’avoir entendue, alors même qu’ils ne se souviennent pas d’avoir rencontré l’examinateur
ni même d’être entré dans la pièce, ils comprennent d’emblée le sens de la phrase !
III E) Les rôles des amygdales cérébrales
... celles du cerveau et non de la gorge ! (Voir bande vidéo)
Ces structures cérébrales ont
des fonctions multiples :
1- LES AMYGDALES, LA
MEMOIRE ET
L'APPRENTISSAGE :
Les amygdales interviennent dans
l'association des souvenirs acquis
par les différents sens.
Elles jouent aussi, avec d'autres
structures cérébrales, un rôle dans
la reconnaissance des visages
mais également dans l'analyse de
leur expression émotionnelle et
des caractères prosodiques du
langage.
Les singes dont on a enlevé les
amygdales manipulent des objets
Document extrait de "Pour la Science", août 1987 : "L'anatomie de la
non comestibles sans paraître les
mémoire" par Mortimer Mishkin et Jim Appenzeller.
reconnaître : "Ils les touchaient,
les goûtaient, les reniflaient comme s'ils ne les
"Le son d'une voix familière entendue au
reconnaissaient pas". Ils sont, par ailleurs, lents à
téléphone
fait resurgir le souvenir du visage de
associer un objet et sa récompense.
l'interlocuteur ; la vue d'une prune nous rappelle son
* En anatomie, on sait que les amygdales sont
goût. Des interactions entre les aires corticales où
directement connectées avec les systèmes sensoriels
sont stockés les souvenirs associés à chacun des
du cortex cérébral.
sens semblent donc nécessaires pour associer ces
* Elles sont également reliées au thalamus, thalamus
souvenirs croisés".
"Pour la Science", août 1987 : "L'anatomie de la
qui - outre son rôle dans la mémoire - est le relais
mémoire" par Mortimer Mishkin et Jim Appenzeller.
principal de la plupart des informations sensorielles).
Ce phénomène est dû à l'amygdale.
2 - AMYGDALES ET AGRESSIVITE :
- L'amygdale est connectée à l'hypothalamus qui est la source des réactions émotionnelles.
- La stimulation de l'amygdale, à forte intensité, chez l'animal peut provoquer des réactions de peur et
d'agressivité.
- La lésion bilatérale du complexe amygdalien conduit, à l'inverse, à la disparition des comportements
agressifs et à la diminution des réactions émotionnelles avec indifférence vis à vis de l'environnement
(les singes opérés n'ont plus peur des hommes et ne redoutent plus les pincements). Tout se passe
comme si un lien avait été détruit entre les souvenirs présents dans le cortex et les réactions
émotionnelles contrôlées par le système limbique (ce lien étant l'amygdale).
- L'animal opéré s'isole de ses congénères, ne les reconnaît pas et régresse au statut social le plus bas
(syndrome de Klüver et Bucy).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
74
10 à 15 % des rats étudiés par Karli sont des rats dits tueurs, c’est-à-dire qu’ils attaquent
spontanément et tuent les souris. Ces rats tueurs deviennent non-tueurs après destruction des
amygdales... (Mais Pierre Karli a observé le retour de l’agressivité des rats 2 mois après l’opération).
- On connaît en pathologie des cas de compression des amygdales par tumeur qui provoquent une très
forte agressivité cessant après ablation du kyste (voir vidéo).
- En cas d’épilepsie grave, la destruction stéréotaxique de l’amygdale aboutit à une modification de
l’affectivité avec diminution de l’agressivité.
L’amygdale est un accélérateur (qu’il faut probablement apprendre à utiliser)
intervenant dans l’agressivité (ou plus exactement dans la réactivité émotionnelle ?). Elle participerait
à l'habituation, à l'adaptation progressive à la nouveauté et conférerait un contenu émotionnel aux
évènements sensoriels.
3- AMYGDALES ET SEXUALITE :
Les amygdales cérébrales sont par ailleurs connues pour jouer un rôle dans la sexualité
(érection ou inhibition selon les noyaux amygdaliens stimulés, décharges auto-entretenues à
leur niveau lors de l’orgasme, fabrication d’endorphines = morphines naturelles de
l'organisme... ).
Les amygdales cérébrales sont lésées dans la maladie d'Alzheimer (voir
suite), la maladie de Pick (voir cours sur "L'attention et les rythmes") et la
chorée de Huntington. La schizophrénie (voir cours sur "Sommeil et rêves")
et l’autisme pourraient s’accompagner d’un dysfonctionnement amygdalien.
La chorée de Huntington est une maladie génétiquement déterminée,
héréditaire, neurodégénérative qui apparaît dans les 2 sexes entre 30 et 50 ans
et qui concerne 2500 à 6000 malades en France. Evolution progressive et
issue fatale en 10 à 20 ans.
SYMPTOMES :
* Mouvements anormaux involontaires dits « mouvements choréiques » ou
"syndrome choréique" aggravés par l’émotion et l’activité et disparaissant
durant le sommeil. La démarche est "dansante". "Pianotage" des doigts qui
s'accroît lors de la marche. Haussement caractéristique des sourcils. Les sujets
ont rarement conscience de ces mouvements anormaux.
* Akinésie (= réduction des mouvements) et hypertonie. On note la fixité du
regard ainsi que la rareté du clignement des paupières. La rigidité en
s’accroissant au fil des années finit par effacer le syndrome choréique.
* Détérioration intellectuelle avec diminution de l’attention, de la mémoire
des faits récents et de la pensée (sans que le sujet en soit conscient).
* Troubles psychiques avec anxiété, irritabilité caractéristique avec colères
immotivées, idées fixes, syndrome dépressif pouvant conduire au suicide,
hallucinations, délires démence grave. Aucun traitement curatif.
* Au stade terminal : troubles de la déglutition, de la marche et du contrôle
des sphincters. Suicide assez fréquent.
CAUSE : Il s’agit d’une amplification d’un triplet de l’ADN dans le gène
codant la huntingtine, sur le chromosome 4. Au delà de 37 triplets CAG dans
le gène, la maladie survient inéluctablement et d’autant plus tôt que la
longueur de l’amplification est importante.
Cette pathologie est liée à une atrophie lente et progressive du striatum
(repérable au scanner et à l'IRM du fait de l'élargissement des ventricules
latéraux). Il existe aussi des lésions de l'amygdale et des lésions corticales
diffuses (frontales ou pariétales) plus tardives.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
L'autisme affecte de 30
000 à 60 000 personnes en
France, des enfants et des
adultes. 1/3 d'entre eux ne
parlent pas. Chez les vrais
jumeaux, quand l'un des
enfants est autiste, le
risque pour que le second
le soit est de 80 à 91 %
selon les études. Il existe
très fréquemment des
maladies associées (épilepsie, phénylcétonurie…)
et les métabolismes de 2
médiateurs cérébraux : la
sérotonine et la dopamine
sont perturbés.
L'anomalie
génétique
toucherait le chromosome
n° 11 et affecterait plus
particulièrement le gène
H-ras
qui
semble
intervenir dans la régulation de la synthèse du
N.G.F. (Nerve Growth
Factor = facteur de
croissance du nerf).
75
COMPLEMENT CONCERNANT LES AMYGDALES ET LE SEPTUM A QUI ELLES SONT RELIEES :
L'amygdale intervient dans l'agressivité :
Le septum :
exemple en pathologie, le cas de Mark L.
1- "Le septum semble jouer un
rôle dans le rappel des
informations"(Signoret).
2- La destruction du septum
(mais aussi du bulbe olfactif)
entraîne, chez l’animal, une
hypersensibilité émotionnelle
avec agressivité.
Si on place un rat dès la naissance
en isolement total.
Il se comporte à l’état adulte
comme si son septum était détruit.
Un pasteur anglican auparavant
« sans problèmes » s’était mis
« à frapper ses enfants, à
invectiver les gens ».
L’examen post-mortem de son
cerveau montra l’existence d’une
petite tumeur ayant détruit
le septum.
Le septum est un frein
(qu’il faut apprendre à
utiliser) et qui limite
l’agressivité (ou plus
exactement la réactivité
émotionnelle ?).
3- Le septum est par ailleurs
connu pour jouer un rôle dans
la sexualité (décharges dans le
septum au cours de
l’orgasme).
(Texte extrait du film d'Antenne 2 : "Le cerveau n° 2")
Voici Mark L. Il est accusé par la justice de Sacramento en Californie
d’avoir presque tuée la fille de son amie qui avait 2 ans et demi.
Une femme s’indigne :“Il représente une menace pour la société“.
“Je ne le crois pas“.
“Alors qu’il a presque tué cette enfant ?“
Mark :“Je ne me rappelle pas bien. Ca fait très longtemps ... Mais
je me souviens qu’elle pleurait. J’étais couché sur le canapé et ça m’a
pris soudain. Je lui ai foncé dessus et je l’ai frappée. Mais je ne sais
pas pourquoi. Je n’ai jamais compris. Personne ne se met à taper sur
un gosse sans raison. Même ma propre fille : je lui demande pourquoi
elle pleure. Ou si c’est un bébé, vous vérifiez s’il est mouillé ou s’il a
faim. Mais cette fois j’ai explosé“.
Accusé, monsieur Larribas devait voir la date de son procès fixée
aujourd’hui mais il est au centre médical universitaire : on lui a
découvert une tumeur au cerveau.
Docteur Joe Tupin : “J’ai rencontré Mark à peu près 3 jours après
l’attaque. Il était devenu dépressif et montrait même des tendances
suicidaires. Donc, il a été admis au service psychiatrique de notre
hôpital.
Ceci nous a permis de commencer une étude diagnostique de la cause
du changement de comportement dont Mark avait été la victime.“.
La femme de Mark : “Au début, il était doux, gentil, prévenant ... mais
petit à petit, il a changé. Il se fâchait violemment d’abord tous les 6
mois puis tous les 3 mois, les mois, les semaines ... puis tous les jours
... Cela n’a donc fait qu’empirer“.
Mark : “Je n’ai jamais compris mes accès de colère“.
Son épouse : “Il rentrait ... me regardait, se mettait à lancer des objets
partout puis il me battait“.
Mark : “Je frappais ma femme, je ne pouvais pas me contrôler. C’était
comme un accident sur une route verglacée“.
La femme de Mark : “Parfois, il était comme un animal enragé. Il ne
se contrôlait pas du tout“.
Mark : “Je n’ai jamais pensé à une anomalie dans mon cerveau.
Docteur : “Nous avons commencé la série d’examens de routine
appliqués à de tels cas. L’un de ces examens fut une radio appelée
scanner K. Cet examen nous permit de détecter une ombre, ici, au bout
du lobe temporal droit. En général ceci indique une tumeur. Nous ne
savions pas au début de quelle sorte de tumeur il s’agissait mais vu
l’endroit et la taille, on pensait à un kyste. Les kystes sont comme des
ballons. Ils se remplissent lentement de liquide pendant une période de
plusieurs années et exercent une croissante sur les structures
environnantes. La tumeur faisait pression sur l‘amygdale et donc
agissait sur la partie de l’hypothalamus qui contrôle l’agressivité.
5 semaines après son arrestation, on enleva la tumeur“.
Après toutes ces souffrances imposées à
mes congénères, j'en conclus que mémoire, agressivité et sexualité sont liées…
Jugé, il fut déclaré NON COUPABLE.
Il a renoué avec sa famille. Sa propre fille va avoir 5 ans, ils
attendent un 2ème enfant, il a retrouvé sa place ».
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
76
III F) LES SYSTEMES DE RECOMPENSE ET LA MEMOIRE :
L'essentiel :
A partir de 1954, James Olds et Marianne Olds,
Peter Milner et Ayeh Routtenberg tous de
l'université Mc Gill découvraient qu'un rat,
auquel on avait implanté une électrode dans le
cerveau, négligeait de s'alimenter et préférait se
stimuler lui-même le cerveau au moyen d'une
pédale: il existait donc dans l'encéphale des
centres du plaisir.
La même observation a été faite chez les singes.
Un système équivalent existe également chez
l'homme (une étude de Sem-Jacobsen a porté
sur 2852 points de stimulation).
La stimulation de l'un des éléments du système :
* perturbe l'apprentissage si elle appliquée au
cours de celui-ci (problème de réglage ?)
* améliore l'apprentissage si elle est effectuée
après.
* Exception : l'uncus ( = cortex entorhinal) est
un site d'autostimulation mais sa stimulation
durant l'appren-tissage est sans effet et sa
stimulation
post-apprentissage
altère
le
souvenir.
On considère actuellement que ces centres
appartiennent à un ensemble de circuits qui
jouent un rôle dans la motivation, l'attention,
l'apprentissage et la mémoire mais aussi dans les
phénomènes de toxicomanie.
Les zones de stimulation contiennent en effet des
enképhalines et des endorphines (sortes de morphines endogènes produites par l'organisme) et
sont les zones réceptrices des drogues du type
morphine.
On implante une électrode métallique dans le
système de récompense du rat. En appuyant sur une
pédale, celui-ci peut se stimuler lui-même par le
biais de l'électrode.
Dans certaines expériences, l'animal dispose de 2
pédales, l'une lui procurant de la nourriture et
l'autre la stimulation.
Si l'électrode est implantée dans le faisceau médian
du télencéphale, le rat n'appuie que sur la "pédale
d'autostimulation" et néglige "la pédale-nourriture",
se laissant mourir de faim. Si l'électrode est écartée
de 0, 5 mm du faisceau médian ou si elle est placée
dans le septum, l'animal appuie sur les 2 pédales.
Localisation des systèmes de récompense chez l'homme (zones colorées). Elles correspondent aux zones
de stimulation du rat et du singe.
Schéma extrait de "Pour la science"
janvier1979 : "Le système de récompense
du cerveau" par A. Routtenberg.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
77
Complément : comment localiser les circuits impliqués dans le système de récompense ?
"Nous nous sommes consacrés à cette tâche en réalisant sous anesthésie, dans les sites cérébraux
identifiés comme centres de récompense des lésions avec l'électrode stimulatrice. Au bout de
quelques jours, l'élément nerveux situé près de l'extrémité de cette électrode commençait à
dégénérer. Nous avons ensuite perfusé les animaux avec de la formaldéhyde qui est un colorant
spécifique des tissus en vole de dégénérescence, ce qui nous a permis de voir quels étaient les
éléments nerveux associés aux effets de récompense".
Ayeh Routtenberg
Localisation des circuits de récompense sur une coupe longitudinale du cerveau du rat.
Les petits cercles indiquent la position des corps cellulaires. Les rectangles correspondent aux
zones qui permettent d'obtenir le comportement d'autostimulation.
Schéma extrait de "Pour la science" janvier1979 : "Le système de récompense du cerveau" par A. Routtenberg
Le tegmentum ou calotte correspond au plancher du mésencéphale.
Système de récompense = système plaisir Système de punition = système aversion
= système de renforcement positif
= système de renforcement négatif
Cortex préfrontal
Faisceau médian du télencéphale qui utilise la
dopamine et la noradrénaline comme médiateurs
Hypothalamus latéral
Amygdale + septum
Cortex entorhinal = uncus (qui présente des
connections avec l'hippocampe).
Hippocampe
Locus niger par ailleurs impliqué dans le contrôle de
la motricité (cf. maladie de Parkinson).
Hypothalamus médian (Delgado 1954)
Thalamus
On lira (avec plaisir) le roman de Bernard Werber : « L’ULTIME SECRET » paru aux Editions Albin Michel
en 2001 : un neuropsychiatre cannois se fait implanter une électrode dans une zone du plaisir : le MFB =
Median forebrain bundle (faisceau de la récompense)…
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
78
III G) LES LIEUX DE STOCKAGE DE LA MEMOIRE
DANS LE CORTEX :
Divers travaux ont tenté de déterminer l'emplacement, "l'entrepôt" de la mémoire dans le cortex
cérébral :
1) Travaux de Karl Lashley et critique :
1a) Travaux et conclusions de l'auteur :
Le neurophysiologiste Lashley s'était proposé, il y a quelques dizaines d'années, de déterminer, par
une série d'ablations de portions du cortex du rat, celles qui auraient pu être le siège de la
mémoire. Des rats devaient apprendre un parcours dans un labyrinthe et c'est leur capacité à se
souvenir du chemin mémorisé qui était testé après ablation.
La conclusion de ses travaux est négative : aucune portion particulière du cortex ne peut être
considérée comme siège de la mémoire et des ablations allant jusqu'à 50% de la masse du cortex ne
perturbent en rien une tâche bien apprise. Des perturbations dans les performances commencent
seulement à se produire lorsqu'on enlève plus de 50% de la masse du cortex, quelle que soit la
localisation, ce que Lashley baptisa "effet de masse".
"Lashley conclut à l'équipotentialité de l'écorce dans son rôle mnésique" (Guy Lazorthes), ce qui
revient à dire qu'il n'est pas possible de localiser L'ENGRAMME (= trace organique qui constitue
le support de la mémoire) dans une région corticale précise.
Georges Chapouthier
Lashley tire deux "lois" de ces résultats. Selon la "loi d'action de masse", le déficit produit dans un
apprentissage par une lésion est proportionnel à la quantité de tissu détruite. Selon la "loi
d'équipotentialité", il ne dépend pas de la localisation des lésions.
Ces lois sont déduites des effets d'ablations corticales, mais pour Lashley aucune structure souscorticale ne détient non plus les "engrammes". Lorsque la lésion d'une structure cérébrale a des
effets particulièrement importants, ils peuvent être attribués à une perturbation du niveau de
vigilance ou de motivation.
Jean Delacour, "Neurobiologie de l'apprentissage", 1984
1b) Critique de ces travaux :
Les "lois" de Lashley, déjà controversées à l'époque (1920-1950) de ses travaux, ne sont plus
acceptables aujourd'hui. De très nombreuses recherches bénéficiant des progrès des connaissances
neuro-anatomiques, des techniques de lésion, des méthodes de conditionnement, ont montré que les
effets d'une lésion sur un apprentissage sont déterminés au moins autant par sa localisation que par
sa taille, même si l'on considère que des structures n'ayant pas de fonctions sensorielles ou motrices,
même si l'on contrôle le niveau de vigilance ou de motivation de l'organisme lésé.
Jean Delacour, "Neurobiologie de l'apprentissage", 1984
2) L'hypothèse de l'hologramme :
Karl Pribram, à l'Université de Stanford, se sert pour expliquer son point de vue de l'analogie de
l'hologramme (une image en trois dimensions obtenue avec des rayons laser). Si une partie de l'écran
qui contient l'hologramme est coupée, la partie correspondante de l'image ne disparaît pas comme
cela serait le cas avec une photographie ordinaire. Au contraire, toute l'image de l'hologramme
persiste sur ce qui reste de l'écran, mais elle est plus floue. Plus on coupe l'écran, plus l'image
devient floue, mais celle-ci reste toujours entière. Ceci n'est bien sûr qu'une analogie - il n'y a
aucune preuve que le cerveau contienne des hologrammes -.
Robert Ornstein et Richard Thompson "L'incroyable aventure du cerveau". INTEREDITIONS, 1987.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
79
3) Les localisations cérébrales :
"La phrénologie, doctrine pseudo-scientifique qui a fait fureur au début du XIXème siècle,
enseignait… que, lorsqu'une personne possédait une certaine aptitude intellectuelle à un haut degré, la partie
correspondante du crâne présentait un développement exceptionnel et formait une protubérance. Nous
savons maintenant que ces idées étaient fausses; il n'en est resté que l'expression « avoir la bosse des maths ».
Extraits du livre de la collection Tavernier : "Biologie terminale D" chez Bordas.
Heureusement pour Gall, le père de la phrénologie, il ne connaissait pas le poids de son cerveau : 1100
grammes, un poids très inférieur à la moyenne.
"Chacune des fonctions mentales ou des facultés de l'esprit… est… associée à des circuits nerveux
complexes et certainement très étendus ; il en résulte qu'une lésion dans une partie seulement de ces circuits
suffit pour altérer plus ou moins gravement la fonction dont ils sont le support matériel ; on peut donc dire
que, sinon le cerveau tout entier, du moins une grande partie du cerveau est associée à chacune des
fonctions mentales non localisables (la mémoire, la volonté, les aptitudes intellectuelles). Par contre, des
localisations motrices et des localisations sensorielles ont été délimitées dans différentes régions des
hémisphères cérébraux". Extraits du livre de la collection Tavernier : "Biologie terminale D" chez Bordas.
Localisations motrices impliquées dans les mouvements volontaires :
Ce sont les aires motrices d'où partent les voies nerveuses motrices qui aboutissent aux muscles striés situés
du côté opposé du corps (voir schémas ci-dessous à gauche et page suivante).
Localisations sensorielles :
Ce sont les régions de l'écorce cérébrale qui sont nécessaires aux sensations et perceptions (voir schémas cidessous à droite et page suivante).
- les "aires visuelles" cérébrales localisées dans les lobes occipitaux sont en relation avec la rétine,
- les aires cérébrales correspondant à l'ouie ou "aires auditives", localisées dans les lobes temporaux sont en
relation avec les oreilles internes.
- les aires de la sensibilité corporelle (ou sensibilité générale) localisées dans les lobes pariétaux :
* sensibilité extéroceptive (en relation avec la peau),
* et sensibilité intéroceptive (= proprioceptive c'est-à-dire en relation avec les récepteurs sensoriels des
muscles et des tendons et viscéroceptive c'est-à-dire en relation avec les viscères : tube digestif, vessie…).
- les aires cérébrales olfactives en relation avec la muqueuse olfactive du nez,
- les aires cérébrales de la gustation en relation avec la muqueuse de la langue.
- A gauche : section le long de l'aire de projection motrice localisée dans le lobe frontal (voir page suivante).
D'après Penfield et Rasmussen (1950).
- A droite : section de l'aire de projection ou aire primaire de la sensibilité générale dans le lobe pariétal (voir page
suivante). Egalement d'après Penfield et Rasmussen (1950).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
80
LES LOCALISATIONS CEREBRALES
Jean-Pierre Geslin
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
81
Notion d'aires primaires et d'aires secondaires ou associatives :
Prenons l'exemple de la vue : la rétine se projette au niveau du cortex cérébral du lobe occipital et la
destruction de cette zone cérébrale de projection provoque une cécité totale.
La destruction du cortex visuel dans une zone située en avant de l'aire de projection n'entraîne pas de cécité
mais le sujet n'éprouve plus que des sensations élémentaires d'ombre et de lumière, il n'y a plus de
perception, c'est-à-dire que la reconnaissance de l'objet devient impossible.
La zone de perception visuelle est encore appelée zone psycho-visuelle.
Il est remarquable qu'une personne aveugle utilise, comme le montre
Le PET Scan (Tomographie
l'étude au PET Scan, son cortex visuel pour lire en braille (et que cette
activité implique les zones primaires et secondaires).
par Emission de Positons en
Il existe pour chacun de nos sens une zone de projection impliquée
français) permet de voir le
dans les sensations et une zone associative ou secondaire ou de
cerveau en action, en
perception située au voisinage.
mesurant le débit sanguin
De plus en plus de données conduisent à penser que les souvenirs en
dans celui-ci.
relation avec une modalité sensorielle particulière se localisent dans
les zones associatives correspondantes.
Il est étonnant de constater que chez les sourds atteints de surdité congénitale, le cortex auditif primaire se
trouve activé bilatéralement par le langage des signes… alors que les aires visuelles ne sont, elles, pas
excitées. De plus, "Chez les patients jamais appareillés, le langage des signes est responsable d'une activation
du lobe temporal supérieur et plus précisément des aires secondaires destinées à l'interprétation du langage"
oral (cf. "Nature" du 14/01/1999, travaux de Nishimura).
Après mise en place d'un implant dans l'oreille gauche (implant cochléaire), on constate une activation de la
zone auditive primaire droite mais pas de la zone associative droite : le sujet entend mais ne comprend pas le
sens du message. Chez les sourds de naissance, le cortex auditif primaire ne subit donc pas d'involution et
conserve des capacités fonctionnelles.
Les aires dites associatives, qui sont particulièrement développées
chez l'homme, sont probablement davantage que les aires spécialisées le
lieu de stockage des souvenirs.
Citation Guy Lazorthes.
Les localisations cérébrales
correspondant au(x) langage(s) :
"Le" langage présente à la fois un aspect
sonore (parler + entendre) et un aspect
visuel (écrire + lire).
Il existe des localisations cérébrales des
langages parce qu'il y a mise en jeu d'une
activité musculaire (pour parler ou pour
écrire) ou sensorielle (pour écouter
quelqu'un qui parle ou pour lire) ; mais la
pensée qui sous-tend les langages présente
des localisations multiples…
On peut pour simplifier écrire que 98 % des
droitiers ont leurs zones du langage
localisées dans l'hémisphère cérébral gauche et que les 2/3 des gauchers ont ces
zones également dans l'hémisphère
GAUCHE…
Certains patients présentent des troubles
du langage, que l'on nomme aphasies.
APHASIES :
Aphasies de type
moteur ou apraxies.
Une apraxie est
l'impossibilité
d'exécuter un
mouvement ou une
consigne complexe.
1) Anarthrie =
aphémie :
le malade ne peut
articuler les mots.
Aphasies de type
sensoriel ou agnosies.
Une agnosie est
l'impossibilité de
reconnaître des objets
usuels au moyen des
organes sensoriels.
1) Surdité verbale :
la personne ne com-prend
pas les mots entendus et
pourtant elle n'est pas
sourde…
2) Agraphie : le sujet
2) Cécité verbale ou
ne peut écrire bien que alexie : le patient est dans
les muscles de sa main
l'impossibilité de
soient parfaitement
comprendre les mots lus
fonctionnels.
mais n'est pas aveugle.
Une praxie est une association coordonnée de gestes élémentaires.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
82
On distingue 4 formes d'aphasies :
2 des formes d'aphasies sont des formes motrices (anarthrie et agraphie) et 2 des
formes sensorielles (surdité
verbale et cécité verbale).
Dans l'aphasie de Broca (forme
essentiellement motrice affectant à la
fois le langage parlé et le langage écrit),
le sujet est conscient de ses difficultés
et en est affecté. L'atteinte de
l'articulation verbale
(= anarthrie = aphémie) est variable
allant de la stéréotypie verbale
(langage se résumant à une exclamation, un mot ou une locution) à des
phrases sensées mais hésitantes et
agrammatiques. Il existe égale-ment
une perte de la lecture sylla-bique et
l'écriture est, elle aussi, agrammatique
voire impossible.
La compréhension est bien préservée.
Au Japon, il existe 2 langues écrites: le
Zones du cortex spécialisées dans les langages.
KANA (graphèmes s'associant en mots) Modifié d'après : Collection Tavernier : "Biologie term. D" chez Bordas.
et le KANDJI (idéogrammes… des
"petits dessins"). Chez les droitiers, une lésion de l'hémisphère cérébral gauche entraîne la perte du KANA
alors que c'est le KANDJI qui est affecté en cas de lésion droite.
Dans l'aphasie de Wernicke, liée à une lésion de la partie postérieure des 1ères et 2èmes circonvolutions
temporales, le langage est normalement articulé (discours phonétiquement et grammatiquement corrects)
mais c'est le sens qui est perdu. L'expression, bien qu'abondante (logorrhée), devient incompréhensible. La
compréhension est elle-même perturbée et le langage écrit est atteint. Le sujet n'a pas conscience de son
trouble.
Dans la surdité verbale, l'expression orale, la compréhension du langage écrit et l'écriture sont préservées.
Par contre, il y a perte de la compréhension du langage oral et impossibilité de répétition.
La cécité verbale ou alexie est l'incapacité à décoder la signification d'un message écrit. On distingue :
L'alexie aphasique
L'alexie agnosique = alexie primaire
La lecture est globale avec des erreurs La lecture est syllabaire et le sujet s'aide du doigt
d'interprétation de la forme générale du mot.
pour l'identification des lettres.
L'identification des lettres est plus difficile que L'identification des lettres est possible et plus aisée
celle des mots. L'épellation est laborieuse et que celle des mots. L'identification des lettres facilite
n'améliore pas les performances.
l'identification des mots.
La copie est possible mais le patient éprouve des La copie est perturbée.
difficultés à se relire.
L'écriture (spontanée ou sous dictée) est gravement L'écriture spontanée ou sous dictée est satisfaisante.
perturbée avec en particulier des erreurs dans le
choix des mots, de l'agrammatisme…
Souvent associée à une agnosie pour les couleurs
(impossibilité pour le sujet de montrer les couleurs
que l'on lui nomme, de nommer les couleurs qu'on lui
montre et d'apparier ces couleurs).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
83
Mémorisation des mots écrits et cortex occipital visuel :
- Principe de l'étude de Marcus Raichle (1990) :
18 volontaires sont placés sous scanner PET (Tomographie à Emission de
Positons) après injection d'un traceur légèrement radioactif pour mesurer le
débit sanguin des différentes zones cérébrales.
* une liste de 30 mots défile sur un écran de télévision.
* 1 heure environ d'intervalle.
* Des débuts de mots apparaissent sur l'écran et les sujets doivent les compléter
sans réfléchir. Exemple MOT… MOTEL
* Le test est répété à 3 reprises (des réussites apparaissent dès le 2ème).
- Résultats :
En cas de réussite, le débit sanguin n'augmente pas au niveau de l'hippocampe
mais au niveau du cortex occipital dans les centres visuels.
C'est donc en ces lieux que se situe le centre de la mémoire visuelle des mots qui
correspond à une sorte de mémoire photographique.
- Proposition personnelle :
Il serait intéressant de comparer par cette technique des dyslexiques et des
normolexiques.
- Remarque :
Les amnésiques dont l'amnésie est liée à une lésion des hippocampes obtiennent
de bons résultats à ce test.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
84
Les rôles des lobes frontaux et préfrontaux :
Le cas de Phinéas Gage est décrit dans tous les livres de
neurologie. Agé de 25 ans en 1848, il est chef d'équipe
sur un chantier du Vermont aux Etats-Unis. A la suite
d'une explosion, sa tête est transpercée par une barre à
mine de 3 cm de diamètre et il survit malgré tout. Le plus
surprenant est qu'il parle, se déplace et raisonne sans
difficultés mais sa personnalité a changé : de bon
employé respectueux de ses semblables, il est devenu
grossier et d'humeur changeante, incapable de s'intéresser
à ses proches. Il n'a jamais pu se réinsérer dans la société.
Il a été confirmé depuis que des lésions de la zone
"orbito-frontale" peuvent priver des patients de leurs
affects, que c'est à ce niveau que nous analysons nos
émotions et que nous évaluons nos décisions.
Les lobes préfrontaux et frontaux possèdent des fonctions
variées et jouent des rôles essentiels dans :
• comme nous venons de le voir, le jugement, l’autocritique,
le sens moral, le comportement social (prise en compte de
l’autre).
• l’attention soutenue (concentration)
• le vouloir (motivation, désir).
• le prévoir (avoir des objectifs, se projeter dans l’avenir).
• la décision.
• la programmation des mouvements (aire prémotrice) et
l'impulsion des mouvements (aire motrice = aire précentrale =
aire rolandique).
• les langages (aire de Broca) et l'écriture (aire d’Exner).
• l’adaptation à des situations nouvelles.
• l’intelligence créatrice.
Le cerveau d'un homme adulte
pèse en moyenne 1350 grammes
(environ 1/50 du poids du
corps)… le mien fait 5 700 g !
… soit 1/600ème du poids de son
corps…
Ceci est classique… mais en quoi le cortex préfrontal
intervient-il dans la mémoire ?
Des tomographies par émission de posit(r)ons (qui révèlent les
variations du débit sanguin dans le cerveau) ont montré :
- une élévation de l'activité du lobe préfrontal lorsque la
Alors là chapeau…
mémoire de travail est stimulée (tentative de rétention d'une
liste de mots par exemple).
- le même accroissement de débit quand le sujet doit proposer un verbe pour accompagner un
substantif.
- les schizophrènes, qui ont des résultats médiocres aux tests de mémoire immédiate, ont un débit
sanguin inférieur à la moyenne au niveau de leurs lobes préfrontaux.
Une concentration affaiblie en dopamine dans le cortex préfrontal peut provoquer des déficits de
mémoire immédiate.
La fonction finale du cortex préfrontal est sans doute, en fait, d'activer d'autres aires corticales.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
85
Le rôle des lobes pariétaux et la mémoire
du corps :
Les lobes pariétaux interviennent dans la
connaissance du corps, le maniement des données
spatiales et le contrôle du geste + le calcul.
a) Une lésion de l'hémisphère dominant
(en général le gauche chez les droitiers) au niveau du
lobe pariétal, en arrière de l'aire somesthésique
primaire (= au niveau des aires associatives)
entraîne une perte du schéma corporel ou ASOMATOGNOSIE qui est bilatérale chez les droitiers. Les
patients atteints d'une tumeur du lobe pariétal dominant perdent ainsi le sens de leur corps et ne situent plus
leurs membres que par la vue.
Le schéma corporel est une représentation de son propre corps qui se construit progressivement par l'action
et par l'image que nous donne notre miroir.
Ce schéma corporel* "une fois construit devient relativement indépendant des dispositifs qui ont
nourrit son élaboration" (Cambier, Masson, Dehen).
Le schéma corporel* qui correspond à la réalité d'une période donnée de notre vie ne se surimpose pas
obligatoirement à l'idée que nous nous me faisons de notre corps ou "image du corps". Le regard que
portent les autres sur nous contribue largement à la construction de l’"image de notre corps".
Lorsque la représentation que l'on nomme "l'image du corps*" et le "schéma corporel*" ne se
recouvrent pas, il peut s'ensuivre des difficultés psychologiques.
Exemple : la perte d'un bras ou d'une jambe par amputation peut être suivie de douleur ou d'une sensation de
présence comme si le membre était existait encore : c'est ce qu'on nomme le "membre fantôme" (lire "Pour
la Science" de juin 1992). On a longtemps cru, à tort, que les "membres fantômes" ne survenaient que si
l'amputation avait lieu après 6 ou 7 ans. On sait aujourd'hui que la perte d'un membre à 1 ou 2 ans peut
déterminer l'apparition d'un membre fantôme. Certains auteurs affirment même que l'absence congénitale
d'un membre peut être associée à un membre fantôme…
Ce membre fantôme ne semble pas liés à des névromes (= pelotons formés par régénération non dirigée de
fibres nerveuses) puisque leur résection ne le fait pas disparaître même si la douleur peut, elle, cesser pendant
plusieurs années). Il n'y aurait donc pas besoin d'un corps pour sentir son corps ?!
A noter que le lobe pariétal, qui détermine la conscience de soi, ne paraît pas être la seule structure nerveuse impliquée.
Le thalamus, le cortex somesthésique, la formation réticulée et le système limbique sont également concernés.
* Les notions de "schéma corporel" et "d'image du corps" ne font pas consensus, varient selon les disciplines… le
biologiste et le professeur d'EPS risquent de vous donner des définitions contradictoires de ces 2 expressions. Ce
qui est important c'est le sens du discours : il y a la réalité (pour le biologiste : "le schéma corporel") et l'idée
qu'on s'en fait (pour le biologiste " l'image du corps")… Subsiste pour le psychanalyste les problèmes posés
par l'absence de recouvrement des 2.
Une lésion au niveau de l'aire associative de l'hémisphère dominant provoque aussi :
* un trouble de la latéralisation (perte de la différenciation droite/gauche),
* une impossibilité à identifier un objet par le tact en l'absence d'informations visuelles ou auditives
(astéréognosie bilatérale),
* un trouble de l'écriture (agraphie) et du calcul (acalculie).
b) Une lésion de l'hémisphère récessif au niveau des aires associatives (du lobe pariétal droit chez
le droitier) induit :
* une négligence de l'hémicorps gauche (= cette partie du corps est considérée comme étrangère).
* la perte de l'identification des objets par le tact du côté opposé (= contralatéral) à la lésion
(ASTEREOGNOSIE contralatérale).
"Ces troubles témoignent d'un dérèglement des GNOSIES (= reconnaissances sensorielles) acquises et
donc de la mémoire" (Citation G. Lazorthes).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
86
Le rôle des lobes temporaux :
Ils interviennent dans la perception auditive et nous l'avons vu les activités de langage.
Le lobe temporal intervient sans nul doute davantage
dans l'agencement des souvenirs.
W. Penfield, qui a rassemblé une grande expérience avec plus de 1 000 opérations
réalisées pour épilepsies sous anesthésie locale avec stimulation électrique de divers points
de l'écorce cérébrale dans le but de découvrir le foyer épileptique, n'a suscité de
réminiscence mnésique qu'au niveau des lobes temporaux.
Chez certains opérés, les hallucinations surtout auditives sont très riches, faites de
souvenirs, de faits ayant réellement existé. La stimulation de la pointe du lobe temporal,
dans la région uncinée (ou uncus ou aire enthorhinale), provoque des états de rêves et de
sentiments de déjà vécu. La réminiscence est cinétique et non statique. La musique et la
chanson suivent leur rythme réel. La mélodie ressuscitée est souvent accompagnée de la
vision de l'orchestre ou de l'exécutant. Une des malades immigrée au Canada eut la surprise
d'entendre des chants de Noël de son enfance dans son église paroissiale de Hollande ; une
autre revécut vingt ans après la naissance de son enfant. La stimulation du même point a
toujours fait surgir les mêmes souvenirs. Quand elle est arrêtée, les phénomènes s'arrêtent
aussi brusquement qu'ils ont débuté.
W. Penfield conclut qu'un souvenir permanent des états conscients est stocké dans le
lobe temporal, ce qui ne veut pas dire que l'engramme et son "fil conducteur" sont localisés
dans l'écorce temporale juste sous l'électrode, mais qu'il peut exister en ce point quelque
mécanisme capable d'activer comme un ruban enregistreur toute une partie du
cerveau où sont conservés des faits prêts à revenir en mémoire. Mais pareille évocation
n'est possible qu'au niveau du cortex temporal et d'un cortex déjà pathologique puisque
épileptique, car la stimulation chez un sujet sain est sans effet. Certains auteurs suggèrent
que le phénomène décrit par Penfield diffère des réminiscences normales par sa vivacité, sa
richesse de détails qui lui donne l'allure d'une véritable hallucination. L'ablation des fractions
d'écorce à l'intérieur desquelles se trouvent les points stimulés par Penfield n'empêche
nullement l'évocation ultérieure des souvenirs que la stimulation de ces points a fait naître.
Extraits du livre de Guy Lazorthes: "le cerveau et l'esprit"'- Ed. Flammarion,
1982 - (Cf. film sur la mémoire).
Hypothèse personnelle formulée il y a maintenant plus
de 20 ans : la stimulation de 1'uncus chez l'épileptique
diffuserait à l'amygdale elle-même en relation avec les
différents systèmes sensoriels du cortex.
Comment a t-il pu avoir
une telle idée ?
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
87
III H) LA MEMOIRE DES VISAGES ET LA PROSOPAGNOSIE :
"D'un seul coup d'œil nous pouvons identifier une personne en ne nous fondant que sur
les traits de son visage, même si ces traits ont été considérablement modifiés par les
années, ou s'ils nous apparaissent très déformés, comme par exemple une
caricature"… vous avez probablement reconnu le personnage de la page précédente…
Cette capacité de reconnaître les visages existe aussi chez les singes rhésus… y compris
à partir de photographies (cf. travaux de Gary Van Hoesen).
La prosopagnosie :
"La prosopagnosie est un trouble du
cerveau fort inquiétant en raison de ses
effets étroitement circonscrits ; il s'agit
en effet de l'impossibilité de reconnaître
les visages" que la personne soit présente
ou d'après une photographie.
"Il peut même ne pas reconnaître sa
femme et ses enfants". "Le déficit semble
être limité aux associations entre visage
et identité".
"En général, ce trouble ne s'accompagne
que peu d'autres symptômes neurologiques,
si ce n'est la perte d'une partie du champ
visuel" (des 2 côtés ou du côté gauche
seulement).
Par contre "le patient peut généralement
lire et nommer correctement les objets
qu'il voit". Son intelligence n'est pas
affectée."Il
peut
reconnaître
les
personnes à leur voix". "Il peut décrire
un visage en détail" ce qui prouve que
"la perception des traits du visage n'est
pas perturbée".
Les phrases entre guillemets sont de
Norman Geschwind : "Pour la Science»,
novembre 1979.
Pour ces patients, les visages de personnes connues
ne suscitent aucune impression de familiarité et la
majorité des processus automatiques qui
normalement sous-tendent la perception et la
reconnaissance des visages ne sont plus
opérationnels.
Pour prendre une comparaison,… leur façon de
percevoir des visages humains est à peu près la
même que la nôtre face à des visages de singes.
Nous pouvons voir qu'ils sont tous différents, mais
nous sommes incapables de les traiter comme nous
traitons des visages humains parce que nous
n'avons pas acquis et ne nous ne possédons pas les
connaissances qui permettent de spécifier les
informations pertinentes dans ces visages, ni la
nature des différences qui les distinguent.
Par ailleurs une différence importante entre les
visages et les autres objets tient à ce que la plupart
des objets (tels que des objets usuels comme un
téléphone, des animaux, des fleurs ... ) sont traités
en fonction de la catégorie à laquelle ils
appartiennent, alors que l'on considère chaque
membre de la catégorie des visages comme une
entité distincte des autres.
« Reconnaître un homme consiste à le distinguer
des autres hommes ; mais reconnaître un animal
est ordinairement se rendre compte de l'espèce à
laquelle il appartient », disait déjà Bergson en
1896.
Dr Christine Sergent
"Le quotidien du médecin" n° 4899 du 05/02/1992.
Voir la bande vidéo du 9/12/1985, "Les deux cerveaux" : " le cas de "Paulette" qui décrit
parfaitement une photographie du général de Gaulle mais est incapable de lui attribuer une
identité puis qui, face à une photographie du président Kennedy, fait l'hypothèse qu'il s'agit d'un
chanteur. Devant la photographie de son médecin projetée en la présence de celui-ci,
- elle signale que la chevelure de la personne de la photographie "est un peu légère".
- le médecin en désignant la photographie "ce n'est pas moi… ça".
- "Non"… "Ou alors là c'est que vous êtes maquillé!"
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
88
Neurologie de la prosopagnosie :
Cerveau observé par sa face inférieure.
En fait le rôle de la base de l'hémisphère cérébral ventro-interne droit
est prédominant sur celui du gauche.
Document modifié "Pour la Science" n° spécial de novembre 1979 : "Le cerveau".
La prosopagnosie est liée à une lésion affectant la base des lobes occipitaux et
s'étendant jusqu'à la surface interne des lobes temporaux.
* Norman Geschwind insistait sur le caractère bilatéral de la lésion.
* Des recherches plus récentes ont montré que le rôle des lésions droites est
prédominant (travaux de Jean-Louis Signoret -Paris- et Justine Sergent -Montréal-).
"Il semble que l'on puisse affirmer que l'hémisphère droit est à la fois suffisant et nécessaire
pour sous-tendre la reconnaissance des visages" ("Le quotidien du médecin" n° 4899 du
05/02/1992).
En fait, la prosopagnosie n'est pas une perturbation homogène, les déficits variant d'un sujet à
l'autre :
Structures anatomiques
Gyrus lingual
Gyrus fusigorme
Rôles
Recherche des variants physionomiques / aux invariants qui
permettent de décrire un visage de façon unique (de le
différencier des autres visages).
Réactivation
des
informations biographiques pour que le visage
Gyrus para-hippocampique
soit reconnu comme une personne spécifique.
droit
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
89
III i) LES ROLES DU CERVELET DANS LA MEMOIRE :
L'essentiel :
*Richard Thompson a mis en place
un réflexe conditionnel chez le
lapin :
son + souffle d'air dirigé vers l'œil
apparition par apprentissage
d'un réflexe conditionnel où seul le
son suffit à provoquer un
battement de paupière.
* L'enregistrement de l'activité
électrique des neurones et des
destructions localisées ont permis
le repérage des circuits en cause.
* Ces travaux ont montré que le
cervelet était impliqué dans la
mémorisation des réflexes
conditionnels.
LE CERVELET d'après David Macauley (modifié).
Développement : "Nous avons eu la chance, … de découvrir une très petite région du cervelet dans
laquelle sont stockés certains types de souvenirs".
… "La stratégie suivie a été d'étudier une forme d'apprentissage très simple… les battements des paupières… provoqués
par un son bref, suivi d'un souffle d'air dans oeil.
Après un certain nombre de ces doubles stimulations (son et souffle), la paupière a acquis une réponse de fermeture
au son avant que le souffle d'air ne survienne. Ceci est une simple réponse d'adaptation réactionnelle acquise pour
protéger l'œil. Les lapins et les humains apprennent cette réponse de clignement des paupières aussi bien les uns que les
autres…
Deviner l'endroit où se stocke la mémorisation de cette réponse de clignement des paupières étant impossible, nous
avons entrepris une étude systématique pour repérer l'activité des neurones dans toutes les régions du cerveau
susceptibles de stocker la mémoire. Pour y arriver, nous avons enregistré les décharges d'influx des neurones avec un
système de micro-électrodes enfoncées dans le cerveau. Ce système est fixé au crâne du lapin sous anesthésie
générale. Après cette petite intervention, l'animal est soumis à l'entraînement pendant que les micro-électrodes
enregistrent l'activité neuronale. Le cerveau lui-même n'est pas sensible, de sorte que l'animal ne ressent aucune douleur
due à la présence des électrodes.
… Nous avons trouvé une petite région dans le cervelet, au niveau de laquelle les décharges des neurones
augmentaient considérablement tout au long de la période d'apprentissage.
Le cervelet… a un rôle important dans la régulation des mouvements ; les chercheurs avaient suggéré qu'il pouvait être
également le siège d'un certain type de mémorisation des mouvements acquis. L'aspect de l'activité neuronale dans
cette région du cervelet donnait une image type de la réponse acquise de clignement au son, mais non de clignement au
courant d'air. Le fait d'isoler une région au niveau de laquelle siégeait une activité en rapport avec les réponses acquises
était très encourageant, mais cela n'établissait pas pour autant cette petite zone comme étant le site de la mémoire. Une
autre région importante aurait pu relayer l'activité neuronale vers cette zone du cervelet.
Nous avons ensuite pratiqué des lésions dans cette région, c'est-à-dire que nous y avons détruit de petites quantités de
tissu nerveux. Après la lésion, les animaux ont complètement oublié ce qu'ils avaient appris. Cependant, le
clignement des paupières au courant d'air (réflexe naturel non acquis) persistait normalement, les animaux pouvant
continuer à cligner des paupières sans problème. A l'opposé, ils avaient perdu la mémoire de la réponse apprise de
clignement au son.
Nous avons aussi découvert que cette région du cervelet est essentielle à la mémorisation d'une autre sorte
d'apprentissage souvent utilisée en laboratoire : lever la patte pour éviter une décharge électrique.
C'est donc là, semble-t-il qu'est stocké tout un groupe de réponses acquises par l'apprentissage. Le point précis qui doit
être lésé pour effacer la mémorisation d'une réponse acquise (dans ce cas particulier, le clignement des paupières
succédant à un bruit) est de très petite taille. Des lésions chimiques ne détruisant pas plus d' 1 mm3 de tissu nerveux
suffisent à effacer la mémoire".
Extrait de "L'incroyable aventure du cerveau" par Robert Ornstein et Richard Thompson. Inter-Editions, 1987.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
90
III J) MEMOIRE ET VIEILLISSEMENTS
NORMAL ET PATHOLOGIQUE :
Il faut distinguer :
- le déclin mnésique normal ou oubli bénin ou presbymnésie qui est une
Définition :
réalité chez le sujet qui vieillit mais qui est la plupart du temps surévalué entre
la sénescence
50 et 70 ans : la plainte traduit le plus souvent une inquiétude mais peut aussi
est la phase
terminale du
correspondre à un syndrome anxio-dépressif. Dans le cadre de l'oubli bénin, la
vieillissement.
mémoire des visages et la mémoire immédiate ne sont pas touchées.
- l'oubli mnésique pathologique qui peut recouvrir une démence de type
Alzheimer. Le médecin dispose d'outils d'évaluation simples qu'il se doit d'utiliser afin de
distinguer les situations normales et pathologiques.
III J1) Vieillissement normal.
a)- Expérience de Hayflick
"Un problème particulièrement important chez les êtres humains est l'effet du vieillissement sur la mémoire. Le
processus du vieillissement en général est encore mal compris. L'espérance moyenne de vie dans les pays industrialisés
comme les Etats-Unis ou la France n'a fait que croître et dépasse aujourd'hui largement 70 ans. Cependant, la durée de
vie maximale n'a pas augmenté et reste aux alentours de cent ans. A ce propos, les humains ont la durée de vie la plus
longue de tous les mammifères.
Le fait que la durée de vie n'ait pas augmenté suggère qu'il existe peut-être des facteurs de vieillissement préréglés. On a
très longtemps pensé que le problème du vieillissement résidait dans les organes eux-mêmes : que le coeur, les reins et
d'autres organes, tout simplement, s'épuisaient. Nous savons maintenant que cela n'est pas toute la réponse. Leonard
Hayflick, au Centre Médical Hospitalier pour Enfants d'Oakland (Californie), a cultivé des cellules de sujets normaux
prises à des personnes d'âges différents. Les cellules d'un embryon humain se divisent à peu près cinquante fois avant de
mourir. Or, celles venant d'une personne d'une cinquantaine d'années ne se divisent qu'une vingtaine de fois avant de
mourir.
Ce contrôle du vieillissement cellulaire pourrait être théoriquement sous la dépendance de l'ADN nucléaire, ou de
facteurs intracellulaires extra-nucléaires. Hayflick échangea des noyaux de cellules venant d'un embryon humain et des
noyaux venant d'un adulte, et constata que le contrôle primaire est situé dans le noyau. Que les cellules proprement dites
soient issues de l'embryon ou de l'adulte, si le noyau venait de l'adulte les cellules ne se divisaient que vingt fois ; si le
noyau venait de l'embryon elles se divisaient une cinquante de fois".
Extrait de "L'incroyable aventure du cerveau" par Robert Ornstein et Richard Thompson - Inter-Editions 1987.
b)- Hebb : "En me regardant vieillir".
"La détérioration mentale liée au vieillissement physiologique a été très exagérée, en partie à cause d'une
confusion entre le vieillissement normal et les graves conséquences cliniques de la démence sénile appelée
maladie d'Alzheimer. Donald Hebb est un des principaux spécialistes des mécanismes cérébraux
d'apprentissage. A l'âge de 74 ans, il publia un texte tout à fait extraordinaire : On Watching Myseif Act Old
(En me regardant vieillir) ; c'est un exposé autobiographique sur son propre vieillissement.
Hebb remarqua les premiers signes du vieillissement à l'âge de 47 ans. Il était en train de lire un article
scientifique et tout en lisant il se dit : "Il faut que je prenne des notes sur cet article." Comme il tournait la
dernière page, il vit des notes déjà écrites de sa propre main. Cela lui fit un effet terrible. Il ne se souvenait
pas du tout d'avoir déjà lu cet article. A ce stade de sa carrière Hebb faisait beaucoup de recherche,
d'enseignement et de publications. Il dirigeait un nouveau laboratoire et était professeur dans le département
de psychologie de l'Université McGill, à Montréal. Il ralentit alors ses activités et arrêta de travailler le soir.
Sa mémoire revint à son niveau antérieur d'efficacité normale. C'est un point important et souvent négligé : de
nombreuses personnes, autour de la cinquantaine, accumulent de plus en plus de travail et de responsabilité ;
elles deviennent littéralement surchargées. Ce n'est donc pas que leur système mnésique fait défaut, mais tout
simplement que, bien que d'une grande capacité, la mémoire humaine n'est cependant pas sans limites.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
91
Vers l'âge de 74 ans, Hebb remarqua d'autres changements. Sa démarche et son équilibre devinrent un peu
moins stables, sa vue moins bonne et ses trous de mémoire un peu plus fréquents. Il nota également que son
vocabulaire déclinait et que ses schémas de pensée tendaient à se répéter, ce qu'il définit en ces termes : "une
perte lente et inévitable de la capacité cognitive". Cependant, ces troubles n'étaient pas évidents aux yeux
d'autrui. C'est ce que remarqua un éditeur du journal dans lequel fut publié l'article de Hebb : "Si les facultés
du Dr. Hebb continuent à se détériorer de la façon qu'il suggère, d'ici la fin de la prochaine décade il risque
de ne plus être que deux fois plus lucide et éloquent que nous autres."
Les études sur la mémoire des personnes âgées non séniles montrent que la perte de capacité mnésique n'est
pas importante. La mémoire iconique (photographique) n'est pas modifiée ; mais la capacité à concentrer son
attention sur deux ou plusieurs activités devient plus limitée, comme de pouvoir dans un cocktail suivre
plusieurs conversations à la fois. Il n'y a pas de conséquence évidente du vieillissement physiologique sur la
mémoire à court terme ; en revanche, la mémoire à long terme, c'est-à-dire la possibilité de stocker en
permanence de nouvelles informations, montre des signes de déclin, mais pas avant la soixantaine.
Extrait de "L'incroyable aventure du cerveau" par Robert Ornstein et Richard Thompson - Inter-Editions 1987.
c)- Nous perdons des neurones mais nous en produisons également…
* Nous perdons de 50 000 à 100 000 neurones par jour. Certaines zones sont plus atteintes
que d'autres comme le noyau bleu (= locus caeruleus) qui intervient dans la vigilance. De
la puberté terminée à la mort, le poids de notre cerveau diminue de 10 à 15 %.
*Au niveau de l'hippocampe (structure impliquée dans l'étiquetage des souvenirs), nous
perdons 5 % de neurones tous les 10 ans à partir de 50 ans.
* Contrairement au dogme, on sait aujourd'hui qu'il peut apparaître de nouveaux
neurones après la naissance.
"Jusqu'ici, les scientifiques considéraient qu'il n'y avait plus de cellules souches embryonnaires dans le
cerveau ayant atteint son plein développement.
Pourtant, à leur grand étonnement, les chercheurs ont noté la présence de cellules souches chez la souris
adulte. Ils ont alors traité ces cellules en laboratoire à l'aide du "facteur de croissance épidermique" (FCE),
substance endogène qui joue un rôle important durant la phase de développement. Le FCE est responsable de
la croissance de la peau et du système nerveux. Sous l'effet du FCE, les cellules souches isolées ont
commencé à se différencier en neurones et en cellules névrogliques.
Sur 1000 cellules analysées par les chercheurs, une quinzaine en moyenne ont poursuivi leur développement
après avoir été traitées par le FCE. Au cours d'essais ultérieurs, les chercheurs ont pu démontrer que les
cellules souches s'étaient effectivement différenciées en cellules nerveuses. La présence d'une protéine,
LA NESTINE, est caractéristique des neurones jeunes. Les chercheurs ont traité les cellules expérimentales à
l'aide d'anticorps dirigés contre la nestine, anticorps lumineux sous rayonnement UV. De fait, ces anticorps
ont marqué les sites des cellules souches où se trouvait la nestine. Par leur aspect également, les nouvelles
cellules ressemblaient aux neurones. Au bout de peu de temps, elles avaient acquis leur forme typique.
Dans le cadre des premiers essais menés ensuite chez l'animal, les spécialistes veulent maintenant étudier si la
croissance de telles cellules souches peut être aussi directement induite dans le cerveau des souris. Pour cela,
ils vont injecter directement le FCE dans le cerveau des animaux.
Les scientifiques pensent qu'il existe aussi des cellules souches embryonnaires dans le cerveau des êtres
humains. Ces cellules pourraient constituer un potentiel permettant de renouveler les neurones lésés ou morts.
Un nouveau champ thérapeutique, remplaçant par exemple la transplantation de tissu cérébral embryonnaire
exogène".
PROFILS - 29/10/92
- Depuis il a effectivement été mis en évidence une neurogénèse
chez des rongeurs et des primates (ouistitis) adultes dans le
système olfactif et l'hippocampe (cf. "Nature Medicine de novembre
1998 et "Le quotidien du médecin" du 3/11/1998).
- Des chercheurs américains et suédois ont établi (fin 1998) que
le cerveau humain adulte, lui aussi, pouvait régénérer de
nouveaux neurones au niveau de l’hippocampe.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
Pour marquer les nouvelles
cellules, on emploie la
bromodésoxyuridine ou
BrdU qui s'incorpore dans
l'ADN au moment de la
division cellulaire.
92
- Elisabeth Gould et ses collaborateurs ont montré, chez le macaque adulte, que des neurones
naissent près des ventricules et ensuite migrent, encore immatures, vers le néocortex où ils
développent des axones (Voir "Science" du 15/10/1999 et "Le quotidien du médecin" de même date).
Les nouveaux neurones se localisent dans 3 aires associatives du néocortex :
* le cortex préfrontal "qui contrôle la prise de décision et la mémoire à court terme".
* le cortex temporal inférieur dans les zones jouant un rôle dans la reconnaissance des visages.
* le cortex pariétal postérieur qui est impliqué dans la représentation des objets dans l'espace.
En revanche, aucun nouveau neurone n'a été observé dans les aires corticales primaires.
Le rôle de ces nouveaux neurones reste aujourd'hui spéculatif mais le docteur Gould
fait l'hypothèse qu'ils jouent un rôle dans l'apprentissage et la mémoire.
d)- Ce n'est pas le nombre des neurones
mais celui des connexions ou synapses qui
constitue sans doute l'élément principal :
* le nombre des synapses s'accroît au cours du
développement (1000 par neurone à la
naissance, 30 000 chez l'adulte).
* Suite à des hémorragies cérébrales ayant
entraîné une aphasie motrice (ou apraxie) ou
une aphasie sensorielle (ou agnosie), on
observe assez souvent une régression des
troubles en quelques semaines ou quelques
mois.
Mécanismes :
Les neurones intacts peuvent former de
nouveaux prolongements (dendrites supplémentaires) qui remplacent, par ce biais, les
neurones détruits. On parle de repousse
synaptique ou de plasticité cérébrale.
Les neurones épargnés peuvent s'adapter
biochimiquement et produisent plus de
neuromédiateurs.
Les neurones cibles peuvent accroître leur
sensibilité
aux
neuromédiateurs
par
augmentation du nombre de leurs récepteurs.
La régénération d’axone n’est possible qu’au
niveau périphérique (les cellules de Schwann du
système nerveux périphérique sont différentes des
oligodendrocytes du système nerveux central).
Structure schématique d'un neurone :
dessin extrait d'un livre de terminale D de chez Bordas)
Les synapses sont des lieux d’échanges
d’information entre les neurones, la communication
pouvait être chimique (libération d’un
neuromédiateur) ou électrique.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
93
e)- COMMENT LUTTER CONTRE LE VIEILLISSEMENT CEREBRAL ?
(D’après "Le quotidien du médecin n°4622 du 15/11/1990 : "Lutte contre le vieillissement cérébral par le P. H. Landrieau).
Il FAUT

1 - Empêcher les
pertes

En
limitant
les
facteurs de
stress (Cf.
l'effet des
corticoïdes).
2 - Stimuler la croissance
des dendrites en stimulant
son cerveau :

Grâce à une bonne
hygiène de vie
* Nourriture
équilibrée en
quantité suffisante
* Curiosité"
intellectuelle
maintenue.
* Exercices
pluriquotidiens
de mémoire.
*Rencontre
avec
d'autres.
avec vitamines et sels
minéraux (attention à
l'excès d'alcool).
* Activité physique.
* Sommeil de
qualité.
3 - Traiter les causes des déficits :

* Traiter les
pathologies : diabète,
anémie, dépression…
* Améliore la circulation et l'oxygénation cérébrale : ne pas vivre
en atmosphère confinée, ne pas fumer (l'oxygénation défaillante des
tissus entraîne une libération accrue d'un neuromédiateur : l'acide
glutamique qui devient neurotoxique).
* Utiliser la pharmacopée disponible (par exemple le Trivastal ou
piribédil qui accroît l'effet de la dopamine cérébrale : on parle d'effet agoniste
diminution de la libération du glutamate et donc de son effet neurotoxique).
Remarque : Le glutamate est un acide aminé excitateur qui peut se révéler
toxique par accroissement de la quantité de calcium et de sodium dans les
neurones. Il peut s'ensuivre une mort neuronale.
* Pour l'avenir…
Facteur de croissance épidermique du nerf ?
Nerve growth facteur ou NGF ?
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
94
IIIJ2) La maladie d'Alzheimer.
L'essentiel :
"La maladie d'Alzheimer a été traditionnellement définie comme une
On parle de syndrome
sénilité sévère apparaissant précocement, avant l'âge de 65 ans.
démentiel ou d’état
Cependant, les symptômes sont les mêmes chez les sujets plus jeunes
démentiel quand il
que chez les plus âgés, et la sénilité qui apparaît après 65 ans est aussi
existe une altération
cataloguée maladie d'Alzheimer…
grave, acquise et
La symptomatologie de la maladie d'Alzheimer associe des troubles de la
progressive du
pensée, de la reconnaissance, de la mémoire, du langage et des capacités
fonctionnement
de perception. Chez certains patients, l'installation des troubles est lente
intellectuel qui perturbe
et progressive, mais chez d'autres elle peut être rapide. Le premier
le comportement social.
symptôme, et le plus évident, est la perte de mémoire à long terme (1).
Les anomalies du cerveau liées à la maladie d'Alzheimer sont connues
depuis longtemps : plaques séniles (groupes de cellules anormales (2) entourant des amas de protéines),
enchevêtrement de fibres dans les neurones, altérations dendritiques, diminution du nombre de
neurones. Ces changements sont particulièrement important dans l'hippocampe (3) et dans les régions
du cortex les plus concernées par les processus cognitifs et de mémorisation".
Extrait de "L'incroyable aventure du cerveau" par Robert Ornstein et Richard Thompson - Inter-Editions 1987.
Note 1: par exemple un malade devient incapable de rentrer chez lui car il a subitement oublié son adresse.
Note 2, cellules gliales + terminaisons nerveuses.
Note 3: le noyau basal de Meynert ou nucleus basalis est également concerné ainsi que le septum.
Etude détaillée :
La maladie d’Alzheimer ou démence pré-sénile affecte 240 000 français... une personne
sur 20 à 65 ans et 1 personne sur 5 à 80 ans (peut-être plus). Elle représenterait 72 %
des démences en Europe.
L’étude « Paquid » débutée en France sur 4134 personnes de plus de 65 ans en 1988 (et qui se poursuit)
montre que les femmes sont plus à risque, qu'un poids faible et qu'une consommation d'eau contenant
plus de 100 microgrammes d'aluminium par litre sont aussi des facteurs de risque. Le fait d’avoir
poursuivi des études diminue l’incidence de la maladie ... tout comme le fait de vivre en couple.
SYMPTOMES :
Cette pathologie se caractérise par les perturbation suivantes :
* Dysfonctionnement grave de la mémoire (d’abord de la mémoire épisodique puis de
la mémoire sémantique).
* Troubles des capacités de perception et de la reconnaissance.
* Difficultés concernant le langage.
* Confusion de la pensée.
LOCALISATIONS DES LESIONS :
Les atteintes portent…
* sur l’hippocampe,
* le septum,
* le noyau basal de Meynert
* et siègent également au niveau du
cortex de façon diffuse.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
95
Noyau basal de Meynert (Ach.)
situé près de l'hypothalamus
Septum (Ach.)
Cortex cérébral (diminution de l’Ach.)
Hippocampe (diminution de l’Ach.)
L’observation au
scanner X laisse
apparaître une
augmentation du
volume des
ventricules
cérébraux (cf.
flèches) du fait
d’une
destruction de la
substance grise
(Clichés J. King Holmès /SPL/
Cosmos).
Scanner X du cerveau sain d’un
sujet de 70 ans.
Scanner X du cerveau d’un patient
de 65 ans atteint d’Alzheimer.
ANOMALIES HISTOLOGIQUES :
Plaques séniles constituées de protéine β amyloïde (= β A4, 42 acides aminés) entourée de
cellules gliales et de terminaisons nerveuses. Cette protéine β amyloïde, codée par le chromosome
21, existe aussi dans la peau, l’intestin et le colon. Elle provient d’un défaut de dégradation d’une
protéine nommée APP présente dans la membrane cytoplasmique. Une β secrétase et une gamma
secrétase libèrent par erreur
le segment β A4.
L’injection de protéine β
amyloïde dans le cerveau
de rat produit la maladie
(1991).
Des souris transgéniques,
surexprimant de façon
chronique le précurseur
amyloïde humain,
développent en vieillissant
des dépôts amyloïdes
extracellulaires associés à
une perte de neurones dans
l’hippocampe. Leur capacité
de mémorisation (mesurée à
l’aide d’un labyrinthe de
natation de Morris) est
significativement diminuée
par rapport aux souris
« normales » (« Nature du 29
mai 1997).
Coupe d’hippocampe traitée par un colorant à l’argent.
Grossissement 200 fois environ.
Document photographique dû à Daniel Perl et extrait de « Pour la Science » de mars
1985 : « La maladie d ‘Alzheimer par Richard Wurtman.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
96
La culture in vitro de neurones, en présence de la protéine β amyloïde, provoque une
rétraction puis la mort des cellules nerveuses (1990).
L’action délétère de la protéine β amyloïde implique 2 mécanismes :
1. On pense, depuis 1997, que la protéine β amyloïde se fixe sur certains récepteurs
neuronaux dits « RAGE » (Receptors for Advanced Glycation End products) et
entraîne la production de radicaux libres.
Radicaux libres : toute molécule contenant un ou plusieurs électrons libres. Un électron libre est un
électron qui occupe à lui tout seul une orbite atomique ou moléculaire et est de ce fait très réactif. Ex :
oxygène, ions superoxydes, radicaux hydroxyles, peroxyde d'hydrogène, nickel et chrome. L'oxydation de
molécules comme l'ADN par des radicaux libres peut provoquer la mort cellulaire.
Ici ces radicaux libres induisent des lésions membranaires sous l’effet d’acides
aminés excitateurs comme le glutamate il y a entrée excessive de calcium. Radicaux
libres et Ca ++ concourent à provoquer la mort cellulaire (1er mécanisme).
2. La protéine β amyloïde induit spécifiquement in vitro et in vivo l'expression d'un
récepteur CD40 sur les cellules de la microglie (= les cellules microgliales) à fonction
immunitaire. Ce récepteur joue un rôle important dans l'inflammation. Les cellules de
la microglie mises en présence de protéine β amyloïde et du ligand de CD40 produisent
davantage de TNF alpha à l'origine de l'endommagement des neurones puis de leur
mort (2ème mécanisme mais en fait celui qui interviendrait d'abord dans le déroulement
de la maladie). 4 hypothèses sur l'origine du ligand CD40L en 2000 : les cellules
endothéliales, les cellules musculaires, les plaquettes ou encore les CD4+ activés.
Enchevêtrement de fibres ou neurofibrilles dans les neurones : c’est la dégénérescence
neuro-fibrillaire ou DNF.
La protéine Tau permet, en conditions normales dans les neurones, la polymérisation
harmonieuse des microtubules du cytosquelette et leur stabilisation. Ces microtubules assurent
l’acheminement des organelles et des vésicules renfermant les molécules nouvellement
synthétisées vers les synapses et servent de support à la croissance des axones et des dendrites.
La protéine TAU anormalement phosphorylée aurait une affinité moindre pour les
microtubules. Il s'ensuivrait que ces fibres s'apparient pathologiquement en hélice.
La phosphorylation de TAU par l'enzyme Cdk5 précède l'agrégation. Cdk5 ne peut
fonctionner normalement qu'en s'associant à p35 : une sous-unité régulatrice. Dans la maladie
Cdk5 s'associe à p25 une forme tronquée et il s'ensuit une activité augmentée de
phosphorylation (Cf. "Nature" : 9/12/1999).
In vitro, si on ajoute Cdk5/p25 à des neurones, on observe une rupture du
cytosquelette, une dégénérescence des neurones puis leur apoptose.
Plaques séniles et DNF sont reliées : lorsque des souris transgéniques surexpriment la
protéine β amyloïde pathogène ET sont génétiquement déficientes en récepteur CD40,
l'activation de la microglie est diminuée (pas de production de TNF alpha) ainsi que la
phosphorylation anormale de la protéine Tau (pas de DNF)… Cf. "Science" du 17/12/1999.
Une autre protéine s’accumule dans les plaques : c’est l’apoprotéine E4 ou APO E4 (codée
par le chromosome 19) qui a en charge, comme les autres LDL (= low density lipoprotéines) le
transport du cholestérol mais qui semble posséder d’autres fonctions.
Complété en avril 2000
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
97
Les apolipoprotéines sont synthétisées par de nombreuses cellules dont les astrocytes qui produisent
APO E2, APO E3 et APO E4 selon les individus. Les sujets hétérozygotes porteurs de l’allèle E4
ont 4 à 10 fois plus de risque de développer la maladie. Ce risque est encore plus élevé chez les
homozygotes pour E4.
L'apoprotéine E se fixe à la fois à la protéine amyloïde et aux protéines Tau.
On sait que, contrairement aux APOE2 et APO E3, l’APO E4
ne protège pas la protéine Tau de la phosphorylation.
Une autre protéine, l'agrine (héparane-sulfate protéoglycane), normalement présente
dans les neurones (particulièrement l'hippocampe et l'amygdale) et la membrane basale des
microvaisseaux du cerveau, pourrait jouer un rôle dans le développement de la maladie : elle aussi
se concentre (sous forme insoluble) dans les plaques séniles et les enchevêtrements neurofibrillaires.
On ignore sa fonction dans le cerveau en 1999.
Diminution du nombre des neurones et de leurs dendrites (phénomène d’apoptose lié aux
mécanismes précédents).
ANOMALIES AU NIVEAU DES MEDIATEURS :
* Diminution de la quantité d’acétylcholine (en particulier au niveau du noyau basal).
Rappelons que l'Ach ou acétylcholine est un neuromédiateur impliqué dans la communication 1)
entre cellules nerveuses et 2) entre cellules nerveuses et fibres musculaires. Elle est dégradée par
une enzyme : l'acétylcholinestérase en ses 2 molécules de base : l'acétyl et la choline.
* Décroissance de la noradrénaline variable (2 sous-groupes dans la maladie ?).
* Chute du GABA et de la somatostatine (qui coexistent dans les neurones du cortex).
* Altération des récepteurs à sérotonine (cortex, hippocampe, amygdales du cerveau ... PAS CELLES
DE LA GORGE !).
* Réduction de la substance P (un neuropeptide de 11 acides aminés qui, au niveau de la moelle,
constitue le médiateur des messages douloureux). C’est aussi un vasodilatateur.
LES TRAITEMENTS ACTUELS : pallier les déficits en acétylcholine :
• La physostigmine = ésérine
est utilisable en intraveineuse, inhibe l’enzyme acétylcholinestérase qui détruit l’acétylcholine, traverse la barrière hémato-encéphalique (contrairement à
la prostigmine = néostigmine) mais elle est toxique on emploie les produits suivants :
• Tétraaminoacridine ou THA ou Tacrine
vendue sous le nom de COGNEX . Prise par
voie orale (en 1998 : 120 à 160 mg par jour, répartis en 4 prises), elle pénètre dans le cerveau et
inhibe l’acétylcholinestérase. Toxique pour le foie, elle peut provoquer des nausées, de la diarrhée et
de la bradycardie. Le taux d’arrêt en raison des effets secondaires est de 30 %. 250 000 personnes
traitées par cette substance en 1996.
• En 1998, 3 nouveaux anticholinestérasiques sont
devenus disponibles. Leur l’efficacité est au moins égale à celle
de la tacrine, ils ne sont pas toxiques pour le foie et leurs effets
secondaires sont modérés :
le métrifonate de chez « Bayer » (en 1998 : 60 à 80 mg
par jour en 1 prise),
la rivastigmine ou Exelon  (en 1998 : 6 mg par jour
répartis en 2 prises) de chez « Novartis Pharma ».
le E2020 ou chlorhydrate de donépézil ou Aricept  de chez « Eisai » qui existe en 2
dosages : 5 et 10 mg (en 1998 : 5 à 10 mg par jour en 1 prise de 1
Complété en mars 2000
comprimé).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
98
Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase permettent d’obtenir, « dans la
majorité des cas »... « une stabilisation du déclin cognitif ou une moindre
détérioration mentale sur une période allant jusqu'à 2 ans ».
(cf. « Les dossiers du Praticien » n° 399 du 6 mars 1998 : « La maladie d’Alzheimer »).
• La sélégiline (IMAO de type B), vendue sous le nom de Déprényl  ou/et l’alphatocophérol ou
vitamine E retardent significativement l’évolution de la maladie (étude randomisée contre placebo
portant sur 341 malades, menée sur 2 ans et publiée en avril 1997 dans le « New England Journal
of Medecine »), sans doute pour partie par piégeage de radicaux libres.
• Le piracetam (Nootropyl , Gabacet ) est considéré par beaucoup comme un placebo
et par certains comme capable d’accroître la disponibilité en acétylcholine.
LES TRAITEMENTS D’AVENIR :
• Le NGF (= Nerve Grow Factor) produit par les astrocytes et
les neurones (et synthétisé par biotechnologie) agit sur le gène L’interleukine 2 (= IL2)
augmente la quantité
qui assure la production de la protéine β amyloïde et augmente
d’ARN messager du
l’activité de la choline acétyl transférase (
accroissement de la
NGF
dans l’hippocampe
concentration en acétylcholine). Le NGF stimule de plus la
(structure cérébrale
croissance des cellules gliales et des neurones.
impliquée dans la
L’injection de NGF, dans le cerveau au sein des ventricules
cérébraux (il ne franchit pas la barrière hémato-encéphalique), mémoire) in vivo et dans
accroît les capacités mnésiques du rat âgé et stoppe l’atrophie
les astrocytes in vitro.
des neurones cholinergiques.
Les travaux de Friden sur l’animal, aux USA en 1993, ont
montré que l’on pouvait faire franchir la barrière hémato-encéphalique au NGF en utilisant
un anticorps antitransferrine.
• La substance P : si on injecte de la protéine β amyloïde dans le cerveau de rat, on provoque
l’équivalent d’une maladie d’Alzheimer. Si l’injection comporte de la protéine β amyloïde + de la
substance P : on n’observe pas de dégénérescence dans le cerveau de rat la substance P joue un
rôle protecteur in vivo. De même, in vitro, des neurones de l’hippocampe sont protégés de l’action
de la protéine β amyloïde par la substance P.
• Les inhibiteurs calciques (comme la nimodipine en phase III d’étude en 1997) s’opposent
à l’afflux de calcium dans la cellule. Rappelons que cet afflux est initié par la protéine β
amyloïde par le mécanisme suivant : protéine β amyloïde fixée sur les récepteurs « RAGE » production de radicaux libres lésions membranaires entrée massive de Ca++ sous l’effet
du glutamate mort cellulaire sous l’effet conjugué des radicaux libres et du Ca++.
• Les oestrogènes : une étude parue dans « The Lancet »
en 1996 montre que les femmes
ménopausées sous oestrogénothérapie substitutive sont moins fréquemment atteintes
d’Alzheimer. Selon le docteur Honjo (Japon, février 1998) les oestrogènes inhibent l'état
dépressif des sujets, améliorent le flux sanguin cérébral, le nombre des cellules gliales,
stimulent le métabolisme de l’acétylcholine dans le SNC mais aussi dépriment le gène APO E4
et entravent ainsi la formation des plaques séniles. Un Traitement Hormonal Substitutif postménopausique (= THS) aurait non seulement un effet préventif mais aussi un effet curatif
(1998).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
99
• Les GREFFES NEURONALES :
« L’une des caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, la disparition de l’acétylcholine
dans l’hippocampe, est reproduite, chez le rat, par sections des fibres cholinergiques reliant
le noyau septal interne à l’hippocampe.
Des rats normaux, conditionnés par des récompenses de nourriture, apprennent facilement
à pénétrer alternativement dans les 2 bras d’un labyrinthe en T.
Les rats chez qui les fibres ont été coupées perdent cette capacité.
A. Björklund et ses collègues ont montré que l’injection de neurones embryonnaires
provenant du noyau septal interne, dans l’hippocampe de ces rats, leur permet à
nouveau d’alterner leurs choix ».
Document (modifié) extrait de « Pour la Science » n° 108, octobre 1986 :
« Les transplantations dans le système nerveux central » par Alan Fine.
L’injection d’un poison, l’acide iboténique dans le noyau basal de Meynert (qui
innerve l’hippocampe et le cortex cérébral), a permis de réaliser un autre modèle
expérimental de maladie d’Alzheimer. L’injection de cellules embryonnaires de noyau
basal restaure les capacités de mémorisation.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
100
III K) PHARMACOLOGIE DE LA MEMOIRE :
les molécules susceptibles de modifier l'apprentissage et la mémoire
(en dehors de celles abordées à propos de la maladie d'Alzheimer)
Nous verrons dans le chapitre suivant que la majorité des spécialistes penchent actuellement pour des
théories non biochimiques de la mémoire. Pour beaucoup d'entre eux, "les molécules supposées coder
l'information acquise" ont "en fait un rôle plus modeste : celui de modifier certains paramètres du
comportement de l'apprentissage".
Nous présentons ici quelques dérivés d'hormones et d'autres sécrétions de l'organisme pouvant modifier
l'apprentissage et la mémoire. Quelques médicaments seront également signalés.
1) L'A.C.T.H. (adrenal corticotrophic hormone) :
Rôle dans la production des corticoïdes :
C'est une hormone polypeptidique de 39 acides aminés libérée par le lobe antérieur de l'hypophyse en
réponse à l'émission par l'hypothalamus du corticotropin releasing factor ou C.R.F., polypeptide de 41
acides aminés. L'AC.T.H., considérée comme une hormone de stress, augmente à son tour la libération
d'hormones corticoïdes par les 2 glandes surrénales (= glandes situées au-dessus des reins).
Rôles des corticoïdes :
Ces corticoïdes (essentiellement le cortisol chez l'homme et les primates, surtout la corticostérone chez
les rongeurs) :
* stimulent le catabolisme (= la dégradation) des protides dans la plupart des tissus et favorisent au
niveau du foie la conversion des acides aminés et des lipides en sucres (néoglucogenèse).
* facilitent également les réactions des vaisseaux sanguins à la noradrénaline et à l'adrénaline (qui sont 2
autres hormones produites par les glandes surrénales)
* ont de plus un effet anti-inflammatoire et anti-immunitaire.
Effet de l'ACTH sur la mémoire :
a) L'hypophysectomie (= ablation de l'hypophyse) retarde l'acquisition et favorise l'extinction des
comportements d'évitements actifs et passifs. L'A.C.T.H. restaure les capacités d'apprentissage de rats
hypophysectomisés.
b) L'A.C.T.H. peut ralentir l'extinction d'un comportement appris chez les rats normaux (par exemple la
fuite préventive de l'animal en réponse à un signal sonore ou visuel précédant un choc électrique).
L'ACTH n'a par contre pas d'effet sur l'apprentissage de l'évitement.
c) L'A.C.T.H. peut diminuer "l'amnésie" provoquée par un électrochoc ou par l'administration
d'antibiotiques postérieurement à un apprentissage chez le rat.
Influence de l'ACTH (corticotropine)
sur l'aversion conditionnée chez le rat.
L'ingestion de lait est suivie par
l'administration de chlorure de lithium
qui provoque un état de malaise gastrointestinal. Lors des présentations
ultérieures de lait, l'animal boit moins et
cette aversion s'atténue au fur et à
mesure de la répétition des essais
(extinction).
L'ACTH administré lors de l'extinction
ralentit l'atténuation de l'aversion.
Document extrait de "Neurobiologie des
comportements" - E. Delacour, Dantzer...
Ed. Hermann, 1984.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
101
Attention : Chez l'homme, les résultats sont moins nets. L'administration de ces
peptides semble néanmoins améliorer certains apprentissages chez les enfants débiles,
chez les sujets déprimés et chez les personnes âgées.
Si, chez l'animal, on effectue
les mêmes expériences que celles
de la page précédente,
avec des fractions de molécules
d'A.C.T.H., on constate que
la séquence des acides aminés 4 à 10
possède la même activité
… alors que cette séquence est incapable de
stimuler la sécrétion des corticoïdes.
Le fait que l'A.C.T.H. soit surtout
libéré en cas de chocs émotionnels
permet de penser que son action sur la
mémoire n'est pas directe.
Par ailleurs, l'A.C.T.H. n'agirait pas ici
par une augmentation de la sécrétion des
corticoïdes mais par
fixation directe
au niveau du diencéphale.
Ici est détaillée la structure de l'hypophyse
antérieure et ses relations vasculaires avec
l'hypothalamus (pas de relations nerveuses).
C'est l'hypophyse antérieure qui synthétise
l'A.C.T.H. sous l'effet d'une stimulation de
l'hypothalamus.
L'α
α M.S.H. et la β M.S.H. (ou hormones
mélano-stimulantes) semblent être absentes
chez l'homme. Ces hormones sont produites
chez l'animal par le lobe intermédiaire de
l'hypophyse et toutes deux possèdent la
Schéma d'après "La Recherche"
novembre 1984.
séquence 4 à 10 de l'A.C.T.H. On ne
s'étonnera donc pas qu'elles produisent des
effets ressemblant à ceux de l'A.C.T.H. sur la mémoire.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
n° 160
102
2) LA VASOPRESSINE ou HORMONE ANTIDIURETIQUE :
Cette hormone peptidique de 9 acides
aminés est produite par l'hypothalamus puis
passe dans l'hypophyse postérieure où elle
est libérée au niveau des capillaires
sanguins.
Rôles de la vasopressine :
* elle agit au niveau des reins en diminuant
les
pertes
urinaires
d'eau
(effet
antidiurétique) et
* elle induit (à forte dose) au niveau des
vaisseaux une vasoconstriction à l'origine
d'une augmentation de la pression
artérielle...
d'où
son
nom
de
VASOPRESSINE.
Effet de la vasopressine sur la mémoire :
Elle s'avère retarder l'extinction d'un
apprentissage chez le rat bien que sa
composition en acides aminés diffère
nettement de celle de l'A.C.T.H.
Son effet est beaucoup plus puissant et
durable que celui des dérivés de l'A.C.T.H.
et ici encore des fractions de la molécule
dépourvues d'effets antidiurétique et
vasopresseur sont actifs sur la mémoire.
"Des lésions du système limbique dont on
connaît le rôle essentiel dans les
mécanismes de l'apprentissage sont
susceptibles d'abolir les effets ralentisseurs
de la vasopressine sur l'extinction"... d'un
comportement acquis.
La vasopressine paraît améliorer la
mémoire des personnes âgées et de
certains sujets souffrant d'une amnésie
accidentelle
(travaux de J.J. Legros de J. Oriveros en
1978).
Ici est détaillée la structure de l'hypophyse
postérieure et ses relations nerveuses avec
l'hypothalamus (pas de relations vasculaires).
L'hypophyse postérieure ne fait que libérer la
vasopressine (ou hormone antidiurétique) et
l'ocytocine qui ont été produites par
l'hypothalamus. Les libérations dans le sang de
la vasopressine et de l'ocytocine se font
associées à une protéine : la neurophysine.
Schéma d'après "La Recherche" n° 160
novembre 1984.
Remarque : l'ocytocine (peptide de 9 acides
aminés) est l'hormone de la tétée : c'est elle qui
facilite l'éjection du lait en activant les cellules
musculaires de la glande mammaire.
Elle stimule également les contractions utérines
lors de l'accouchement.
D'après Floyd Bloom, l'effet de la
vasopressine serait en fait d'augmenter la pression artérielle d'où un état d'alerte et
une meilleure attention. Chez l'homme, on explique également par une augmentation
de l'attention les performances accrues aux tests de mémorisation lors de l'injection de
molécules proches de la vasopressine.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
103
3) LES "MORPHINES" DU CERVEAU :
Les "morphines" du cerveau sont des peptides naturellement synthétisés par
l'organisme et qui reproduisent les effets de la morphine (effets euphorisant et
analgésiant (= qui calme la douleur). Cette famille de molécules comprend :
- des peptides de taille moyenne (16 à 31 acides aminés) et à vie longue (ayant pour
précurseur commun la proopiomélanocortine (cf.
(1) La proopiomélanocortine
note 1) que l'on réunit sous le nom
comporte deux parties :
d'ENDORPHINES (α
α, β, γ et peptides apparentés).
- partie de 1 à 39 qui correspond à
- 2 peptides de petite taille (5 acides aminés chacun) l'A.C.T.H. incluant lui-même l' α
et à vie courte (qui dérivent de la pro-enképhaline) MSH.
et que l'on désigne sous les noms de MET- - partie 42 à 132 qui correspond à
ENKEPHALINE et LEU-ENKEPHA-LINE. Toutes la β lipotropine qui renferme elleles endorphines contiennent la séquence de la MET- même la β MSH et des
ENKEPHALINE à l'une de leur extrémité.
endorphines (α, β, γ).
* Les endorphines ou endomorphines se rencontrent
essentiellement dans l'hypothalamus (plus précisément dans le noyau arqué), dans le lobe antérieur
de l'hypophyse, dans le système limbique (en particulier dans le septum et l'amygdale) et dans la
substance grise située autour de l'aqueduc de Sylvius (= substance péri-aqueducale appartenant à la
formation réticulée mésencéphalique).
* Les enképhalines se localisent dans l'hypothalamus, dans le lobe postérieur de l'hypophyse, dans le
système limbique (en particulier dans l'hippocampe et l'amygdale), dans le thalamus, dans les corps
striés (= noyaux caudés + noyaux lenticulaires + claustrum), dans la substance grise située autour de
l'aqueduc de Sylvius, dans le bulbe rachidien au niveau du noyau solitaire et dans les cornes dorsales
de la moelle épinière. Elles sont également libérées par la glande médullo-surrénale.
Globalement, les neurones à endorphines et à enképhalines se situent dans les zones dont la
stimulation entraîne une diminution des sensations douloureuses. De plus, l'analgésie
provoquée par la stimulation de la zone péri-aqueducale s'accompagne d'une augmentation
des quantités d'endorphines et d'enképhalines dans le liquide céphalo-rachidien.
L'administration simultanée de naloxone (antagoniste de la morphine)
bloque les effets de la stimulation.
Les enképhalines ont pour fonction d'inhiber les douleurs soudaines par exemple en cas de
piqûre ou de brûlure. Elles sont rapidement dégradées et leur effet est donc bref.
Les endorphines agissent à plus long terme et ont pour rôle de calmer les douleurs
persistantes.
D'après David et Wied (1979), l'α
α endorphine, la β endorphine et les peptides apparentés
faciliteraient l'apprentissage et la mémorisation chez le rat (leurs effets sont comparables à ceux des
amphétamines). Par contre, la γ endorphine et les peptides voisins inhiberaient l'apprentissage et la
mémorisation.
En 1979, Le Moal montrait que les effets de l'α et de la γ endorphines n'étaient pas systématiquement
opposés : toutes les deux retardent l'extinction d'une réponse de parcours correspondant au choix d'une
allée droite pour obtenir de l'eau dans un labyrinthe.
Kastin, en 1976, mettait en évidence une action facilitatrice de la met-enképhaline sur l'apprentissage
(d'un parcours menant à de la nourriture dans un labyrinthe) chez le rat.
Enképhalines et endorphines n'ont probablement pas un effet direct sur la mémoire mais ici
encore sur l'émotivité des animaux testés. La β endorphine et l'A.C.T.H. sont d'ailleurs libérées
simultanément en cas de stress.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
104
4) LA NICOTINE :
"En stimulant l'activité cérébrale, elle augmente la vigilance, les facultés de
concentration intellectuelle, et, dans un premier temps, les activités de mémoire".
Laurence Robin "Le sevrage tabagique" - Le quotidien du pharmacien, n° 1084, jeudi 17 janv. 91.
Le problème est que les récepteurs cérébraux
sur lesquels se fixe la nicotine réclament un
nouvel apport environ toutes les demi-heures
(du fait de l'élimination, par dégradation progressive du toxique). En l'absence de
renouvellement un sentiment de manque
apparaît avec décharge d'adrénaline induisant
une agressivité.
Eteignez vos cigarettes !
En France, le nombre de décès liés au
tabagisme est de l'ordre de 60 000 personnes
par an (soit plus de 10 % des décès). Le tabac est le principal responsable, en France, de 90
% des cancers bronchiques, de 85 % des artérites, de 65 % des cancers de la sphère ORL, de
10% des cancers de la vessie, de 35 % des infarctus, de 25 000 décès par insuffisance
respiratoire.
5) LE PIRIBEDIL ou TRIVASTAL  :
Le piribédil vendu sous le nom de TRIVASTAL  est un agoniste de la dopamine stimulant
le métabolisme cérébral. Il est utilisé dans les troubles psychiques et comportementaux de la
sénescence cérébrale : troubles de la mémoire, baisses de l'acuité visuelle et auditive,
acouphènes et vertiges, tremblements de repos extrapyramidaux, observés dans la maladie
de Parkinson.
Cf. "Cerveau et vieillissement" Echothérapie, 30 janv. 1991.
La dopamine jouerait en sus de son action de
"neurotransmetteur
leader",
"un
rôle
modulateur, permettant ainsi de freiner la
libération excessive de glutamate lors d'une
agression neuronale. Mais le taux de
dopamine baisse avec l'âge. C'est pourquoi il
apparaît important d'apporter aux patients le
bénéfice d'une dopa-minergie au quotidien
dès les premiers troubles cérébraux. On peut
espérer restaurer chez ces patients une
neuroprotection efficace et ainsi freiner
l'évolution du vieillissement patho-logique".
"Le Généraliste"N° 1459 - Mardi 21 septembre 1993.
Photographie d'un neurone
d'un adulte.
"Le cerveau par Brash, Maranto, Murphy et Walker.
Editions France Loisirs. 1991.
… Le Dr Bernard Delbarre a mis "en
évidence les propriétés neuroprotectrices d'un
agoniste dopaminergique D2, le piribédil, vis-à-vis de l'action délétère du glutamate et des
radicaux libres".
J.I.M. hors série n° 296 du 7/12/1993.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
105
6) LE NOOTROPYL  = GABACET :
Le piracetam vendu sous le nom de NOOTROPYL  ou de GABACET  est un
dérivé cyclique d'un médiateur naturel du cerveau : le GABA.
Le piracetam semble agir :
* en augmentant, au niveau synaptique, la disponibilité en acétylcholine mais aussi en
d'autres neuromédiateurs (noradrénaline, sérotonine et dopamine). L'action passe par une
meilleure pénétration de la choline dans les neurones et par une augmentation des
synthèses des différents médiateurs. Il s'ensuit une meilleure communication neuronale.
* en accroissant la synthèse et le stock d'ATP (composé énergétique des cellules) par
élévation de la consommation cellulaire du glucose dans les neurones, dans les astrocytes et
les autres cellules gliales mais aussi dans les globules rouges qui apportent l'oxygène au tissu
nerveux.
* Il favorise la phosphorylation des lipides des membranes neuronales.
Il a été testé avec un succès relatif sur des personnes âgées hospitalisées présentant un
déficit cognitif très généralement lié à une maladie d'Alzheimer. Il est depuis quelques
années délaissé au profit de produits plus efficaces dans cette maladie : d'abord le Cognex 
(ou Tacrine) puis l'Aricept  (ou chloridrate de donépézil) et l'Exelon  (ou rivastigmine)
qui n'ont pas les effets délétères du Cognex  sur le foie.
Divers travaux, européens essentiellement, font état d'améliorations
significatives au cours de la sénescence :
- Etude en double aveugle du Pr. G. Crepaldi (Italie) portant sur 34 patients âgés de 74 ans
en moyenne."Le groupe traité a enregistré une amélioration significative dans les tests de
mémoire, de vision spatiale et de capacité verbale".
- Etude en double aveugle du Pr. M. Passeri (Italie) sur 81 patients de 65 ans au minimum. Il
a été noté une amélioration des capacités d'apprentissage et de l'autonomie.
- Le Dr L. Israël (France) a mesuré les effets du piracetam sur la mémoire de 162 patients
(méthode en double aveugle).
- Le Nootropyl  semble également (d'après deux études, l'une sud-africaine et l'autre
grecque) diminuer les vertiges et les déséquilibres liés à l'âge.
D'après un article d'Evelyne Gogien dans "LE GENERALISTE" n° 1196, du mardi 18 septembre 1990.
Les effets indésirables du NOOTROPYL  et du GABACET  sont assez rares : nervosité,
troubles du sommeil, troubles gastro-intestinaux.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
106
III L) THEORIE BIOCHIMIQUE ET THEORIE CIRCUITAIRE DE LA
MEMOIRE A LONG TERME :
IIIL1 : Théorie biochimique :
IIIL1a) Les expériences de Mc Connell et Thompson sur les planaires (1955):
Les planaires sont des vers plats de l'embranchement des
plathelminthes pourvus de deux yeux élémentaires. Ces animaux
sont capables de régénération quand on les coupe en deux et
présentent une aptitude au cannibalisme s'ils sont affamés.
Les auteurs démontrèrent dans un premier temps que les planaires
pouvaient acquérir des réflexes conditionnés : l'animal ne réagit
pas à un éclairement mais se met en boule sous l'effet d'un choc
électrique. Si l'éclairage est suivi d'un choc électrique, on a
contraction du ver. Au bout de plusieurs (quelques dizaines)
essais, la seule lumière entraîne la contraction, ce qui signifie que
l'animal a appris que l'éclairement était suivi d'un choc
électrique.
a) Si on sectionne une planaire conditionnée en deux et si on
attend que chaque partie ait régénéré un animal complet, Connell
observe que les deux nouveaux individus continuent de réagir par
une contraction à la seule application d'un éclairement la
mémoire a persisté non seulement dans la tête mais aussi dans le
reste du corps hypothèse : elle est probablement de nature
chimique.
b) Si une planaire conditionnée est broyée et donnée en pâture à
des planaires naïves ( = non conditionnées), Connell constate que
les "receveurs" apprennent plus vite la même "tâche" que d'autres
planaires nourries avec des broyats provenant d'animaux "naïfs".
Mc Connell conclut que la mémoire est codée sous forme
chimique puisqu'elle peut être transférée sous forme de broyat.
Les conclusions de Connell ont été critiquées.
La planaire est un ver plat
(embranchement des
platelminthes), allongé, de 2
à 3 cm de long et de 5 mm
de large, sa couleur est d'un
blanc laiteux. Commun sous
les pierres dans les mares, il
progresse sans onduler à
l'aide de cils vibratiles. Il se
nourrit de larves d'insectes
et de petits crustacés. Le
tube digestif est visible par
transparence après le repas.
Il est capable de
régénération après
mutilation.
- Après absorption, les molécules alimentaires subissent une
dégradation qui les transforme en nutriments. Ceci se produit qu'il
s'agisse d'acides nucléiques (ADN et ARN), de protéines ou
même de glucides et de lipides complexes. Les planaires
possèdent la particularité de présenter une digestion intracellulaire
(= qui ne se produit pas dans la lumière du tube digestif).
En définitive, la digestion existe donc bien et devrait en conséquence aboutir à une dégradation
des molécules support de la mémoire… si ces molécules existent.
- Des chercheurs ont tenté de reprendre ces expériences et n'ont obtenu que des résultats négatifs.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
107
IIIL1b) Etudes portant sur le rôle de l'A.R.N. dans la mémoire individuelle :
- Il y a augmentation significative de la synthèse d'acide ribonucléique ou A.R.N. dans les
neurones en activité (par rapport à des neurones au repos) alors que la quantité d'A.D.N. reste
constante.
- Hyden en 1965 a noté un accroissement de la quantité d'A.R.N. dans les cerveaux des rats, de
poussins et de pigeons, de poissons rouges et de vers lorsque ces animaux étaient soumis à un
apprentissage.
- La 8 azaguanine connue pour modifier le métabolisme de
l'A.R.N. empêche l'acquisition d'un nouvel apprentissage chez le
rat mais est sans effet sur un apprentissage déjà acquis (travaux de
Dingmann et Sporn en 1961).
CONCLUSION : il y a bien augmentation du métabolisme des
acides ribonucléiques dans les neurones activés, mais cela prouve
t-il que l'A.R.N. est le support biochimique de la mémoire ?
Beaucoup de chercheurs rejettent actuellement cette hypothèse et
considèrent que s'il y a synthèse d'A.R.N. pendant ou après
l'appren-tissage, c'est simplement parce que les neurones
fournissent durant cette période un travail métabolique plus
important.
… Même des vers ?! Quelle
horreur !
IIIL1C) Les protéines et les peptides pourraient-ils
constituer des supports biochimiques de la mémoire ?
Expériences de G. UNGAR en 1972 sur les rongeurs :
Les rongeurs tendent en général à se réfugier dans des lieux obscurs. G. Ungar et ses collaborateurs à
Houston ont utilisé cette tendance afin de provoquer par conditionnement la réaction inverse.
Le dispositif expérimental consiste en une boîte divisée en trois compartiments dont l'un est obscur. La
boîte noire peut être soumise à des décharges électriques. Rapidement, les animaux acquièrent une
"aversion de la boîte noire".
Ungar a ainsi accumulé pendant deux ans 5 kilos de cerveaux de
rats conditionnés. Si l'on prépare, à partir des cerveaux de ces
rats un extrait que l'on administre (en injections intrapéritonéales)
à des receveurs (en général des souris mais aussi... des poissons
rouges dans des aquariums à 3 compartiments…) on constate
que ceux-ci passent moins de temps dans la "boîte noire". G.
Ungar a conclu qu'il y avait un transfert d'un facteur cérébral
codant la peur de l'obscurité et acquis par les donneurs (d'où
le nom de SCOTOPHOBINE donné à cette substance).
L'extraction de 300 microgrammes de scotophobine a permis son
analyse chimique (il s'agit d'un peptide de 15 acides aminés) et sa
Aussi des poissons rouges !
synthèse.
Heureusement que je suis bleu…
Critique : si l'existence de cette molécule et son action sur le
de peur.
comportement ne fait guère de doute, il est probable que son
action sur la mémoire supposée par G. Ungar ne peut être retenue :
- l'effet ne peut se produire que si les receveurs sont en état de stress (travaux de Miller et
collaborateurs).
- des molécules de composition voisine agissent sur des tâches aversives indépendamment de toute
notion d'obscurité (travaux de De Wield).
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
108
L'action de la "scotophobine" serait en fait de diminuer l'émotivité des
receveurs, elle n'aurait pas d'action sur la mémoire.
Expériences de B. Agranoff en 1976 :
Ce chercheur a injecté de la puromycine dans le cerveau de
poissons rouges ayant effectué un apprentissage. La puromycine
est un antimétabolite qui inhibe la traduction de l'ARN en
protéines et en peptides.
Agranoff a observé que contrairement aux témoins, les poissons
rouges traités ne conservaient aucun souvenir du comportement
acquis au préalable si l'administration de puromycine était
effectuée dans l'heure qui suivait l'apprentissage.
Expérience de L. Flexner et collaborateurs en 1963
:
Bande de bourreaux…
Ils ont pratiqué leurs expériences sur des souris ; celles-ci sont placées à l'entrée d'un labyrinthe en
forme de Y. Elles doivent apprendre à emprunter l'une des allées. Tout retard dans le choix et toute
erreur d'allée sont punis par un choc électrique.
- Des injections intracérébrales de puromycine antérieures à l'apprentissage ne le perturbent pas.
- Des injections effectuées durant la semaine qui suit cet apprentissage effacent la mémoire si
elles sont pratiquées dans la région temporale.
- Au-delà d'une semaine, on ne peut obtenir l'oubli total que si les injections ont lieu en différents
points de l'écorce cérébrale.
L'interprétation de ces expériences est délicate. Il faudrait connaître au bout de combien de temps la
puromycine se trouve éliminée du cerveau des souris. On peut néanmoins supposer que la mémoire
immédiate (d'une durée de 30 à 40 secondes) et la mémoire à court terme (de l'ordre de quelques
heures) ne sous-tendent pas une synthèse de protéines. Ces expériences conduisent à penser que le
stockage des informations s'effectuerait d'abord dans la région temporale puis ensuite dans
l'ensemble du cortex cérébral.
CONCLUSION
Les résultats obtenus par Agranoff et Flexner amènent à penser qu'il existe bien une synthèse
protéique postérieure à l'apprentissage puisque l'inhibition de cette synthèse par la puromycine
entraîne une absence de rétention.
Ces études doivent être néanmoins interprétées avec prudence
car la puromycine a des effets toxiques importants : les animaux
semblent malades et leurs électroencéphalogrammes sont
perturbés.
Attention : l'absence de mémorisation est-elle directement
liée à l'absence de synthèse de protéines ou à des effets
secondaires ?
Même si l'on confirmait la première hypothèse cela ne L'effet de la puromycine… c'est
prouverait pas que le codage de la mémoire s'effectue sous
surtout de rendre les rongeurs
forme de protéines, ici encore les synthèses pourraient être
malades… méfions-nous des
une conséquence de l'accroissement de l'activité des
conclusions hâtives…
neurones au cours de l'apprentissage.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
109
IIIL2 : Théorie circuitaires :
2 hypothèses :
Hl : la trace mnésique correspond à l'apparition de nouvelles liaisons entre neurones.
H2 : la trace mnésique fait appel à la sélection de circuits parmi ceux qui préexistaient.
Hl : la théorie des métacircuits :
- "Cragg (1975) estime que, chez le chat, le nombre moyen des synapses par neurone cortical passe
de quelques centaines à près de 12 000 entre le 10 ème et le 35ème jour qui suit sa naissance. Cet
accroissement est aussi considérable, sinon plus, chez le singe et surtout chez l'homme".
Jean-Pierre Changeux : "L'homme neuronal" - Ed. Fayard, 1981
LA THEORIE DITE DES "METACIRCUITS" PEUT SE FORMULER AINSI :
Notion de protocircuits…
À la naissance, le cerveau contient des circuits nerveux caractéristiques de l'espèce : ce sont les
protocircuits, supports de la mémoire spécifique ou génétique. Un écureuil séparé de sa mère dès la
naissance et élevé dans l'isolement le plus total sur un sol de béton persiste à creuser un trou
imaginaire pour cacher le premier objet en forme de noix qui lui arrive. Développés suivant un plan
inscrit dans le cadre génétique, les comportements innés faits de réponses stéréotypées que la
sélection naturelle a trouvé favorables sont probablement situés dans les régions les plus primitives
du cerveau.
Notion de métacircuits…
Note (1) : les
Après la naissance… la structure de notre cerveau se modifie
auteurs anglocontinuellement car toute perception laisse une trace mnésique. Dès la américains utilisent
toute première enfance, notre organisme reçoit et capte en permanence
le mot pattern qui
une grande quantité de stimulus de toute nature venus du monde
signifie"schéma"
extérieur.
Les nouveaux circuits (1) neuroniques… organisées
ou mieux "patron"
essentiellement au niveau de l'écorce cérébrale, dans lesquels s'inscrivent au sens des modèles
les informations et les expériences de tous ordres accumulées au cours de
pour couturier. On
la vie, ont été appelés métacircuits (J. Barbizet).
emploie aussi le
Chacun de ces circuits acquis représente un fragment d'expérience bien
mot engramme
individualisé. De nouveaux événements vécus les remanient chaque jour,
(d'un mot grec
consolident, enrichissent certains, tandis que d'autres deviennent moins
signifiant "trace").
accessibles ou s'effacent. Les milliards de cellules de l'écorce cérébrale et
leurs trillions de liaisons permettent un stockage prodigieux d'expériences… La richesse des
acquisitions est particulièrement immense pendant les trois premières années de la vie...
"Le cerveau et l'esprit" par Guy Lazorthes - Ed. Flammarion, 1982
H 2 : La sélection des circuits préexistants :
"P. Changeux (1972) a avancé l'idée que "l'apprentissage" se borne en réalité à sélectionner tel
ou tel circuit particulier parmi les circuits préexistants fournis par le programme génétique.
D'après lui, le programme offre des possibilités de choix parmi les connexions interneuronales (ou
synapses) préalables ; supposons qu'un neurone établisse par ses prolongements des contacts labiles
avec plusieurs neurones de type B situés à proximité : BI, B2, B3. Si cette interaction avec
l'environnement à cet instant critique fait fonctionner la voie B2 de préférence aux voies BI et B3, le
chemin B2 sera stabilisé et les voies BI et B3 dégénéreront".
Guy Lazorthes
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
110
Une difficulté qui mérite attention...
Nous avons précisé :
a) que le dogme était d'affirmer que les neurones ne se multipliaient plus après la naissance (en fait
les recherches récentes montrent que ceci est inexact).
b) que par contre le nombre des synapses croissait après la parturition.
c) qu'il y avait, d'après J.P. Changeux, sélection de circuits : "L'épigenèse exerce sa sélection sur des
agencements synaptiques préformés. Apprendre, c'est stabiliser des combinaisons synaptiques
préétablies. C'est aussi en éliminer d'autres".
Comment expliquer la contradiction (qui n'est qu'apparente) entre b) et c) ?
"Le contingent moyen de 10 000 (ou plus) synapses par neurone du cortex ne s'établit pas en une
seule fois. Au contraire, celles-ci prolifèrent par vagues successives depuis la naissance jusqu'à la
puberté, chez l'homme. Chaque vague inclut vraisemblablement, redondance transitoire et
stabilisation sélective. Il s'ensuit un enchaînement de périodes critiques où l'activité exerce son
J.P. Changeux : 'L'homme neuronal - Fayard, 1981
effet régulateur".
L'HYPOTHESE DE L'EPIGENESE PAR STABILISATION SELECTIVE :
L'entrée en activité, spontanée et/ou évoquée, du réseau nerveux en développement règle
l'élimination des synapses surnuméraires mises en place au stade de la redondance transitoire".
Document extrait de "L'homme neuronal" par J.P. Changeux - Fayard, 1981.
Ces stades de pousses de dendrites puis de sélection des connections sont à rapprocher des
stades de l'intelligence définis par Piaget :
Stades de Piaget
Période sensori-motrice
*stade pré
conceptuel
Stade
préopératoire
Stade de la
pensée
opératoire
*stade
intuitif
*opérations
concrètes
*opérations
formelles
Ages
Caractéristiques
0 à 2 ans
Imitation des expressions faciales (début entre 12 et 20 jours,
disparition vers 2-3 mois puis réapparition vers 9 mois).
Réaction circulaire : 4 ou 5 mois (cf. hochet).
Schème de la "permanence de l'objet" présenté classiquement
comme apparaissant vers 8 - 9 mois mais en fait vers 3 à 5 mois.
Tâtonnement expérimental (12 mois). Insight (16 mois).
Fonction symbolique (possibilité d'évoquer en pensée des personnes
ou des objets non-présents : imitation différée, jeu symbolique = de
fiction, images mentales, dessin).
2 à 4 ans
4 à 7 ans
Pensée intuitive (voir cours sur le développement de l'enfant :
boulettes de pâte à modeler, bols de formes variables…).
7 à 11 ans Essais d'explications objectives, causalité, vérification expérimentale.
A partir de Pensée formelle = hypothético-déductive.
11 ans
Remarque : on appelle "opérations" des actions conceptualisées, réversibles et coordonnées.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
111
3 - LA POTENTIALISATION A LONG TERME... une nouvelle théorie très en vogue:
Cette théorie proposée par Jonathan Winson
(cf. "Pour la Science" n° 159, janv. 91)
postule que la mémorisation de l'information
passe par une augmentation stable et durable
de l'efficacité d'une jonction synaptique.
L'activation de la formation réticulée puis du
cortex entorhinal et enfin de l'hippocampe
entraînerait la libération, par cette structure
d'un mémorisateur : le glutamate (cf. note 1).
Le glutamate aurait pour effet, au niveau
post-synaptique, de stimuler deux types de
récepteurs:
- Un récepteur du type canal à sodium qui en
s'ouvrant autorise une entrée de sodium
(Na+) dans le neurone et donc une
"dépolarisation" transitoire de la cellule.
- Un récepteur dit NMAD ou NMAD =
récepteur N-méthyl-D-aspartate car il fixe
non seulement le glutamate mais aussi un
acide aminé artificiel : le N-méthyl-Daspartate.
L'activation du récepteur NMAD alors que la
cellule est encore dépolarisée par une
libération antérieure de glutamate induit Inspiré du Dr Paul Benkimoun : "Journal International de
l'ouverture d'un canal calcium (Ca++).
Médecine" n° 296 de décembre 1993.
L'entrée du calcium (agissant comme un
second messager) provoque à son tour une dépolarisation mais plus prolongée (qui s'exprime comme
précédemment par une entrée de Na+ à travers un canal non N M DA : c'est la potentialisation à
long terme.
C'est la potentialisation à long terme, intensification de la réaction
cellulaire qui permettrait la mémorisation de l'information.
Résumé :
Formation réticulée cortex entorhinal
Cellules granulaires de l'hippocampe
Libération de glutamate
Entrée Na+ dépolarisation transitoire activation du récepteur NMDA
Ouverture d'un canal calcium potentialisation à long terme ou L.T.P.
Note 1 : Le glutamate est l'acide aminé excitateur (AAE) le plus abondant au niveau du cerveau :
Comme tous les AAE, le glutamate peut être neurotoxique. En effet la stimulation exagérée
des récepteurs aux AAE provoque la mort des neurones qui les portent.
"Le Généraliste" N° 1459 - Mardi 21 septembre 1993.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
112
Le gaz mémoire : rôle du monoxyde d'azote ou
oxyde nitrique dans la mémoire.
1) Il était une fois un rat de laboratoire soumis au test
du labyrinthe. En une semaine, à raison d'un exercice
quotidien, il maîtrisa l'exercice et parcourut, sans erreur
et en un temps record, les huit branches du labyrinthe,
sachant que de délicieux granulés l'attendaient au bout
de chacune des branches et que des indices visuels
l'aidaient à se repérer.
En revanche, le processus fut plus laborieux pour un rat
auquel on avait injecté au préalable un inhibiteur (Lnitroarginine) de la NO synthétase, l'enzyme du NO.
Celui-ci hésita, cafouilla retourna deux fois dans la
même branche, incontestablement plus lent dans les
phases d'apprentissage de la mémoire spatiale.
2) Deuxième test de mémoire sociale : un rat mâle
Je préfère le fromage aux
adulte est mis en présence d'un rat juvénile pendant cinq
"délicieux granulés".
minutes. L'adulte va renifler, toiletter le jeune et ainsi
faire connaissance avec lui. Une demi-heure plus tard,
lorsqu'ils sont remis en contact, l'adulte reconnaît instantanément le jeune… Il se souvient.
Même opération avec un rat adulte inhibé : à la
deuxième rencontre, il se comporte comme s'il n'avait
jamais vu le rat juvénile et recommence intégralement le
processus de reconnaissance. Mais si l'inhibiteur est
injecté après le premier contact, il ne perturbe pas
l'acquisition antérieure, devenue un fait établi.
3) Troisième test, d'évitement cette fois : le rat, placé
dans une boîte éclairée, se dirige d'emblée vers la boite
noire puisqu'il craint la lumière. Mais lorsqu'il y pénètre,
Il reçoit une petite décharge en guise de bienvenue de la
part du plancher électrifié. Le lendemain, il prendra bien
soin d'éviter la fameuse boite noire.
Inhibiteur ou pas, il se souviendra du désagrément.
« Ces tests comportementaux ne font probablement pas
appel à la même mémoire, les deux premiers impliquant
beaucoup plus l'hippocampe que le dernier », suppose
Qu'ils essaient de me faire subir
Christelle Bon, du laboratoire d'Andreas Bôhme chez
Rhône-Poulenc, qui réalise ces tests sur le lien entre NO
des trucs pareils !!!
et mémoire. « On pense que l'hippocampe est l'une des
parties actives du cerveau dans les processus d'apprentissage et de mémorisation qui ne sert pas de
site de stockage mais de lieu de transit de l'information. »
Et le NO, produit notamment dans l'hippocampe, participerait au processus dit de
potentionalisation à long terme (LTP), c'est-à-dire à l'augmentation durable de l'activité
synaptique, considérée comme un des substrats cellulaires de l'apprentissage et de la mémoire.
… Chez les rats ayant reçu un inhibiteur de la NO synthétase, les scientifiques ont
constaté, après coupe cérébrale au niveau de l'hippocampe, un blocage de la LTP...
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
113
En 1990, le laboratoire de
Solomon Snyder repère les
différentes régions du cerveau
produisant du NO, notamment le
cervelet, les bulbes olfactifs, le
striatum et l'hippocampe, ce
dernier étant particulièrement
dévolu au rôle d'apprentissage et
de mémorisation.
Ainsi, dans l'hippocampe, NO
participe au phénomène de «
potentialisation à long terme »
(LTP), c'est-à-dire le phénomène
d'augmentation
durable
de
l'activité synaptique, en jouant
le rôle de messager rétrograde,
c'est-à-dire
en
allant,
contrairement
aux
neurotransmetteurs classiques,
du neurone post-synaptique au
neurone pré-synaptique, grâce à
sa capacité de diffusion.
C'est un complexe système en
boucle qui assurerait cette LTP. Le
Le glutamate produit par l'hippocampe excite les
glutamate,
un
récepteurs NMDA et provoque l'entrée du calcium
neurotransmetteur
prédans le neurone postsynaptique. La NO synthétase
synaptique, va titiller des
produit l'oxyde nitrique à partir de l'arginine et en
récepteurs (NMDA) sur le
présence
de calcium. Le NO diffuse jusqu'au neurone
neurone postsynaptique. Cette
présynaptique et agit sur la libération du glutamate.
stimulation permet une libération
On a donc un processus en boucle.
de calcium qui lui-même active
la NO synthétase, …
Schéma inspiré de l'article de "Science et avenir".
Le NO ainsi produit
dans le neurone postsynaptique diffuse dans son entourage, pénètre dans le neurone
présynaptique où il active la guanylate cyclase, l'enzyme qui favoriserait la libération de
neurotransmetteurs parmi lesquels figure le glutamate. Ce même glutamate qui va exciter les
récepteurs NMDA... entraînant ainsi une activité synaptique durable dite LTP.
Ces phénomènes de « plasticité synaptique » constitueraient le substrat cellulaire de
l'apprentissage et de la mémorisation dans lequel NO s'annonce être un agent de première
importance. Pour preuve, en ayant recours à des inhibiteurs de sa synthèse, la LTP ne peut être
amorcée.
Marie Verdier : "Science et avenir", octobre 1993.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
114
LEXIQUE :
L’amnésie antérograde est l’incapacité à fixer, à stocker de nouveaux
souvenirs en raison d’un trouble de la consolidation. Elle peut être due à des
lésions du lobe temporal ou à un traumatisme crânien.
L’amnésie rétrograde est la difficulté ou l’incapacité à retrouver les
informations consolidées et engrangées dans la mémoire à long terme. Elle
peut être due à une maladie d’Alzheimer, un traumatisme crânien ou des
électrochocs.
La consolidation est le transfert de la mémoire à court terme à la mémoire à
long terme.
Epilepsie : trouble neurologique prenant très souvent naissance au niveau de
l’hippocampe et impliquant le dysfonctionnement d’une population
importante de neurones. Ceux-ci présentent durant la crise un fonctionnement
rythmique et synchrone. Les crises d’épilepsies peuvent être dues à des traumatismes, des tumeurs, des infections, une
ischémie ou des malformations vasculaires.
Hippocampe : structure cérébrale dont la forme évoque la queue du poisson du même nom. L’hippocampe est situé sur
la face ventrale du lobe temporal (juste en arrière du complexe amygdalien). L’hippocampe et les structures voisines
jouent un rôle spécifique dans les processus d’apprentissage et de mémorisation. La formation hippocampique
comprend : le gyrus dentatus, l’hippocampe proprement dit, le subiculum et le cortex enthorhinal.
Maladie d’Alzheimer : déclin pathologique de l’attention, du raisonnement et de la mémoire survenant le plus souvent
chez des personnes âgées.
Mémoire épisodique = « la mémoire de la source » : « mémoire autobiographique pour des évènements
personnellement vécus ». C’est la mémoire qui stocke le contexte dans lequel l’événement a été engrangé. C’est une
mémoire temporo-spatiale qui implique les lobes frontaux (les personnes atteintes de lésions des lobes frontaux on
tendance à oublier où et quand ils ont appris ce qu’ils savent.
Mémoire procédurale ou « mémoire des procédures » ou « mémoire des gestes et des habitudes » : c’est la
mémoire de l’habilité motrice effectuée sans prise de conscience (taper sur un clavier par exemple). Elle implique le
cervelet et les noyaux de la base (noyau caudé + putamen qui forment ensemble le néo-striatum + globus pallidus).
L’oubli est un processus normal survenant dans la durée.
Jean-Pierre GESLIN, professeur à IUFM du Bourget.
115
Téléchargement