Bien connaître l`interaction lumière-matière

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S olutions
MESURES PHYSIQUES
Liquides chargés :
l’optique
“voit” tout
Les suspensions rencontrées dans les milieux
industriels ne sont pas faciles à analyser.La spectrophotométrie UV et la granulométrie ont chacune leur champ d’application.En les utilisant
conjointement et en corrélant les résultats obtenus,il est possible de comprendre les phénomènes
observés.
▼
Liquides chargés de particules minérales ou organiques, de forme granulaire ou
fibreuse, les suspensions sont présentes dans tous les process industriels. Il est
souvent intéressant de comprendre les conditions de leur stabilité, leur évolution
dans le temps et leur composition. De nombreuses techniques de mesures peuvent être utilisées pour cela : la granulométrie et la spectrométrie ultraviolet, deux
méthodes optiques, apportent beaucoup d’enseignements, comme le prouvent
les travaux réalisés à l’Ecole des Mines d’Alès, et appliqués dans le cadre de coopérations avec des industriels…
Q
ue ce soit comme produit fini,
intermédiaire de production,
sous produit ou effluents
industriels, les suspensions sont
omniprésentes dans la plupart
des secteurs industriels (pharmacie, agroalimentaire, matériaux, traitements de l’eau ou des déchets et rejets industriels…). Ces milieux sont généralement des
mélanges de particules minérales ou organiques, de forme granulaire ou fibreuse, ainsi que de substances solubles ou adsorbées
à la surface des particules.
D’une façon générale, la stabilité des suspensions, influencée par de nombreux phénomènes comme l’adsorption, la solubilisation,
l’agglomération/dispersion, conditionne aussi bien la qualité des produits synthétisés que
le dimensionnement et la mise en œuvre de
procédés comme les opérations de séparation.
L’identification des différents composés présents au sein de ces milieux, leur caractérisation chimique et granulométrique, ainsi
que leur stabilité, s’avère donc indispensable
si on veut comprendre la dynamique de ces
MESURES 753 - MARS 2003
systèmes complexes et choisir, dimensionner et contrôler les opérations unitaires dans
un procédé industriel.
Pour étudier les suspensions, il n’existe pas de
méthode universelle et il faut donc en utiliser plusieurs. En associant deux méthodes
optiques, la granulométrie laser et la spectrophotométrie UV, il est possible de caractériser qualitativement et quantitativement
les suspensions dans leur globalité, c’est-àdire du domaine particulaire (millimètre) à
la matière soluble (nanomètre). Simples et
rapides, elles permettent d’identifier les différentes fractions granulaires et solubles, mais
également de mettre en évidence les transferts de matière entre ces différentes fractions, contribuant ainsi à la compréhension
des phénomènes influençant la stabilité de
tels systèmes.
Bien connaître l’interaction
lumière-matière
Lors de l’interaction d’un faisceau lumineux
avec une particule solide, la lumière est renvoyée dans toutes les directions de l’espace.
Ce phénomène est la diffusion dont les trois
composantes principales sont la réfraction,
la réflexion, et la diffraction. La lumière peut
également être absorbée.
Ces interactions rayonnement/matière
dépendent principalement du rapport entre
le diamètre des particules (d) et la longueur
d’onde du faisceau lumineux (λ). Un paramètre (α) est généralement utilisé pour préciser les domaines de prépondérance de chacun des phénomènes précités. Il est lié aux
précédents par la relation (1) :
α≈
πd
λ
En fonction de la valeur du paramètre α et de
la longueur d’onde (λ)
L’essentiel
de la source de lumière
utilisée
(ultraviolet,
visible, proche infrarou- Le couplage de la spectrophotométrie UV et de la grage), trois domaines
nulométrie permet de
dimensionnels peuvent
caractériser des suspensions
être considérés :
industrielles
- le domaine des parti- Analyse de tous types de particules, de la matière soluble
cules submicroniques (d
aux particules millimétriques
< 1 µm) où α est inférieur à 0,3. Dans ce cas, Mise en évidence les phénomènes d’agglomération, de
le modèle optique utilisé
dispersion, d’adsorption et
est la diffusion de Raysolubilisation
leigh, modèle dans lequel Autres paramètres étudiés :
la lumière est diffusée
forme ou surface des partidans toutes les directions
cules, pH, conductivité
ionique…
de l’espace.
- le domaine des parti-
31
Solutions
Deux techniques pour mesurer
un large spectre de particules
laser), la diffusion de Rayleigh intervient pour des particules inférieures à
70 nm et la diffraction de Fraunhofer
pour des particules d’une taille supérieure à 7 µm.
Pour la granulométrie laser et la spectrophotométrie UV, la diffusion peut
donc être observable pour les fins colloïdes alors que la diffraction l’est pour
les supracolloïdes et matières décantables.
Des techniques standard
La spectrophotomètrie UV et la granulométrie sont deux techniques très complémentaires.L’identification des fractions décantables,supracolloïdales et colloïdales est possible par granulométrie laser,alors que les fractions des fins colloïdes et des matières solubles sont plus particulièrement caractérisées par spectrophotométrie UV.
cules dont le diamètre est supérieur à plusieurs microns (α > 30). Les lois de
l’optique géométrique et de la diffraction sont alors applicables. La lumière
issue de l’interaction entre le rayonnement et la particule est essentiellement
diffractée vers l’avant de la particule
par rapport au faisceau incident. La
théorie de Fraunhofer permet de corréler la valeur de l’angle de diffraction
au diamètre de la particule.
- le domaine des particules microniques où α est compris entre 0,3 et
30. Ce domaine intermédiaire correspond à la limite de validité des deux
domaines précédents (diffusion de Ray-
32
leigh et diffraction de Fraunhofer).
Dans ce cas la diffusion peut également
être fortement influencée par les phénomènes de réfraction et d’absorption
pris en compte dans la théorie complexe de Lorenz-Mie.
En résumé, pour des longueurs d’onde comprises entre 200 et 350 nm (utilisées en spectrophotométrie UV), la
diffusion de Rayleigh intervient respectivement pour des dimensions de
particules inférieures à 20 – 30 nm et
la diffraction de Fraunhofer pour des
dimensions particulaires supérieures à
2 – 3 µm. Pour une longueur d’onde
de 750 nm (utilisée en granulométrie
Granulométrie laser. Les analyses granulométriques ont été réalisées avec un
granulomètre laser (modèle LS 230 de
Beckman Coulter), le volume de la cellule
d’analyse étant de 125 ml. Le principe
physique de détermination de la taille
des particules est basé sur la dispersion
d’un rayonnement monochromatique,
d’une longueur d’onde de 750 nm, par
les particules solides de la suspension
analysée. La figure de diffraction ainsi
obtenue est caractéristique de la distribution granulométrique pour une plage de diamètres mesurables allant de
0,04 à 2000 µm. Les théories mathématiques interprétant la lumière diffractée et diffusée par l’échantillon sont
modélisées pour des sphères, respectivement par la théorie de Fraunhofer et
la théorie de Mie.
Deux conditions expérimentales sont
étudiées. Tout d’abord, la suspension
est analysée après avoir arrêté l’agitation qui maintient les particules en suspension. Ceci permet de réaliser l’analyse dans des conditions proches de
celles employées en spectrophotométrie UV. Une seconde analyse est réalisée sur le même échantillon, en maintenant l’agitation mécanique pendant
la mesure (ceci correspondant aux
conditions usuelles d’utilisation du granulomètre).
Spectrophotométrie UV. La spectrophotométrie UV permet de caractériser globalement une suspension, chimiquement et physiquement. En effet,
un spectre UV est à la fois une réponse chimique (due à la présence de composés comportant des groupements
chromophores) et physique (due à la
diffusion de la lumière par les particules solides).
L’acquisition des spectres UV a été réalisée entre 200 et 350 nm avec un spectrophotomètre UV-visible de laboraMESURES 753 - MARS 2003
Solutions
toire (Anthélie Light, Secomam). La bande
passante est de 2 nm et la vitesse de
balayage de 1 800 nm/min, vitesse
choisie du fait de la présence de
matières en suspension rapidement
décantables. La cuve utilisée est en
quartz Suprasil et possède un trajet
optique de 10 mm. Si nécessaire, pour
éviter une saturation du spectre, les
échantillons sont dilués avec de l’eau
déminéralisée.
Les spectres sont exploités selon la
méthode de déconvolution développée
par Thomas O. (1995) qui considère
que tout spectre est une combinaison
linéaire de spectres de référence.
La base de spectres de référence utilisée
est constituée de spectres adaptés aux
suspensions étudiées. Ces spectres sont
représentatifs des MeS (matières solides
en suspension), des colloïdes (de taille
comprise entre 1 et 0,025 µm), des
composés solubles (taille inférieure à
0,025 µm), des nitrates et des détergents. Cette méthode permet de quantifier différents paramètres globaux
(MeS,…) et spécifiques (nitrates…).
Pour faciliter les comparaisons de
spectres (sans effet d’échelle), il est
intéressant de les “normer” (aire sous
spectre égale à 100 ua. nm).
Deux types de suspensions
Les suspensions étudiées sont des eaux
usées urbaines, composées de particules
granulaires, de fibres, d’hétéro-agglo-
mérats pouvant atteindre des dimensions millimétriques, de micro-organismes… Cette phase solide, très hétérogène, est principalement de nature
chimique organique (90-100 %).
Deux suspensions ont été considérées,
issues de la décantation (1 h) en cône
d’Imhoff d’un échantillon représentatif
d’une eau usée urbaine. La suspension A correspond au surnageant : la
concentration en solides est relativement faible (MeS = 100 mg. l-1) et il
n’y a pas de matières décantables. Pour
la concentration B, c’est l’inverse : on y
trouve pas mal de particules solides
(MeS = 670 mg. l-1) et décantables.
Les deux suspensions obtenues après
décantation ont été diluées 5 fois pour
les besoins des analyses.
Dimensionnement des particules par
la granulométrie. L’analyse granulométrique montre que les deux suspensions sont principalement constituées
de particules supracolloïdales dont le
diamètre varie entre 1 et 100 µm, avec
une répartition monomodale centrée
sur 30 µm. La suspension B présente
un étalement granulométrique plus
important caractérisé par une distribution multimodale et des particules de
dimensions supérieures à 100 µm.
La granulométrie laser est devenue la
technique la plus communément utilisée pour mesurer la taille des particules
du domaine submicronique au millimètre. Malgré tout, comme souvent en
Mécanisme de diffusion de la
lumière par une particule solide
La nature de l’interaction du faisceau avec les particules présentes dans la solution dépend
essentiellement de la longueur d’onde du faisceau et de la taille des particules.
mesure, on oublie que l’on fait parfois
travailler l’appareil à ses limites et que
les résultats peuvent être entachés d’in-
Des applications concrètes
L’approche métrologique menée dans
les laboratoires de l’Ecole des Mines
d’Alès est actuellement appliquée dans
le cadre d’un projet ayant pour objectif
le recyclage des eaux et matières dans
les circuits hydrauliques de l’industrie
papetière (projet Recymeau labélisé
par le réseau Riteau). L’enjeu est important car ces matières (fibres de cellulose et charges minérales) représentent
3 % de la production et engendrent
des boues dont la gestion est de plus
en plus problématique.
Quatre autres partenaires sont également associés à ce projet : l’Ecole Française de Papeteries et des industries Graphiques, le Centre Technique du Papier,
MESURES 753 - MARS 2003
la société Orélis et les Papeteries de Lancey.
En étroite liaison avec les travaux sur le
projet Recymeau, deux thèses sont en
cours :
- C. Berho : “Caractérisation des fractions hétérogènes au cours de la transformation de la matière organique
d’origine végétale”. Soutenance prévue
en 2003.
- S. Bayle : “Etude de milieux hétérogènes issus de l’industrie papetière.
Mise en évidence de contraste de propriétés en vue de séparations sélectives”. Soutenance prévue en 2004.
Une autre étude est en cours de développement dans les laboratoires de
l’Ecole des Mines d’Alès, visant à caractériser et maîtriser les traitements chimiques de surface de charges minérales, utilisées dans l’élaboration de
polymères thermoplastiques chargés.
Cette étude permettra notamment
d’optimiser l’emploi des surfactants,
minimisant ainsi les phénomènes d’agglomération responsables de la détérioration des propriétés mécaniques,
d’ignifugation, de vieillissement, etc.
de ces matériaux composites. Plusieurs
partenaires industriels sont concernés :
Pechiney Electrométallurgie, Talc de
Luzenac, Vétrotex International, Alcatel,
Multibase, Rhodia…
33
Solutions
Comparaison des résultats des
deux techniques d’analyse
certitudes importantes. Ici, il faut s’interroger sur la validité de la mesure
lorsque l’on a affaire à des particules de
petites tailles. La théorie de la diffraction
de Fraunhofer présente en effet une limite physique lorsque la dimension des
particules est voisine de la longueur
d’onde du laser, λ. Le modèle optique
de diffraction peut être appliqué sans
erreur uniquement si le paramètre de
taille α est supérieur à 30, valeur correspondant à un diamètre de particules
d’environ 7 µm lorsque λ est égal à
750 nm (voir formule 1).
Pour des dimensions inférieures à
7 µm, l’analyse granulométrique peut
donc présenter certaines incertitudes,
particulièrement lorsque les particules
sont transparentes. Dans ce cas, les phénomènes de réfraction et réflexion peuvent perturber le résultat obtenu par le
modèle optique de diffraction de
Fraunhofer.
Compte tenu de l’hétérogénéité et de
la méconnaissance des suspensions étudiées ici, il n’est pas possible de déterminer l’indice de réfraction des particules, et par là même l’application de
la théorie de Mie, qui permettrait de
prendre en compte ces phénomènes.
Pour s’assurer malgré tout de la pertinence des résultats obtenus pour les
particules de petite taille, l’existence de
particules colloïdales a été confirmée
par un photosédimentomètre (HoribaCapa 300), dont le principe physique
d’analyse n’est pas basé sur des phénomènes optiques mais sur la loi de
Stokes. Ces mesures complémentaires
mettent clairement en évidence la validité des mesures obtenues par granulométrie laser pour des diamètres inférieurs à 7 µm.
Caractérisation physique et chimique
grâce à la spectrophotométrie UV.
Intéressons-nous maintenant aux résultats obtenus par spectrophotométrie UV. L’allure des spectres d’absorption, décroissante et monotone,
s’explique par la présence de nombreux
composés (en faible quantité) absorbant dans le domaine UV et par la présence de particules qui diffusent la
lumière sur l’ensemble du domaine
spectral étudié. On note cependant
Les suspensions A et B étudiées ont été obtenues après décantation en
cône de Imhoff.Toutes deux comportent des particules solides (MeS),
mais avec des concentrations différentes.Seule la suspension B
contient des particules décantables de taille supérieure à 100 µm,
qui diffusent peu la lumière.
34
quelques structurations, dues aux
détergents responsables d’un épaulement à 225 nm ou à des substances de
types humiques détectables à 270 nm.
La spectrophotométrie UV permet donc
de faire à la fois une mesure physique
(tille des particules) et chimique (identification de la nature de certains types
de substances).
Plus précisément, la pente observée
entre 200 et 240 nm s’explique essentiellement par la présence de particules
colloïdales ou supracolloïdales et de
composés solubles. En effet, plus les
particules sont petites, plus elles diffusent la lumière et plus la pente initiale
du spectre est importante.
La suspension B présente une absorbance plus élevée que la suspension A
(surnageant), sur l’ensemble du domaine spectral du fait de la concentration
plus importante en MeS. Cependant, la
différence d’absorbances (ou des
valeurs des coefficients de contribution
des MeS) n’est pas proportionnelle à la
concentration en MeS. Cela s’explique
par le fait que les matières en suspension (MeS) de la fraction B sont essentiellement composées de matières
décantables, de taille supérieure à
100 µm qui diffusent peu la lumière.
Cela signifie que la diffusion de la
lumière par les MeS est essentiellement
due aux supracolloïdes.
Notons par contre que la quantité de
colloïdes est comparable dans les deux
suspensions étudiées alors que les
détergents sont en quantité légèrement
supérieure dans la suspension B, ce qui
peut s’expliquer par leur adsorption à
la surface des particules décantables.
La “normation” du faisceau de spectres
(en rendant égales l’aire sous les
spectres) permet de comparer les deux
suspensions en s’affranchissant des
effets d’échelle. On constate que la présence de particules décantables dans la
suspension B a pour effet de diminuer
la pente avant 240 nm.
L’agitation change beaucoup
de choses…
En conclusion, si la spectrophotométrie UV ne permet pas actuellement de
discriminer les supracolloïdes des
matières décantables (détectées par granulométrie laser), on constate cependant l’importance des supracolloïdes
dans la réponse des matières en suspension.
MESURES 753 - MARS 2003
Solutions
Effets de l’agitation des suspensions sur
les résultats de l’analyse granulométrique
Suspension A
Suspension B
Aire < 1 µm
Aire < T58µm
Aire > T58µm
Aire totale
Aire < 1 µm
Aire < T101µm
Aire > T101µm
Aire totale
Sans agitation
Avec agitation
Différence
2
96
13
109
1
49
57
106
2
86
24
110
1
60
47
107
0
-10
+11
1
0
+11
-10
1
Ce tableau est issu des courbes ci-dessus et il donne les surfaces (aires), en %, sous chacune des courbes. Les valeurs négatives ou positives représentent respectivement la disparition ou la formation de particules. Dans tous les cas, ces variations de dimensions s’effectuent dans les mêmes
proportions.
L’agitation mécanique a pour effet de transformer les suspensions,et l’analyse granulométrique met en évidence ces transformations.Les
différences apparaissent surtout au niveau des particules MeS,dont le diamètre est supérieur à 100 µm.
Les courbes démontrent que les particules MeS de la solution A (qui sont uniquement des particules surpacolloïdales) ont tendance à s’agglomérer pour former des particules de taille plus importante.
Pour la suspension B,dont les particules MeS sont constituées de particules surpacolloïdales et de particules décantables,les courbes montrent que les particules MeS décantables (d’un diamètre supérieur à 100 µm) ont tendance à se disperser pour former des particules surpacolloïdales,de taille plus petite.
Afin d’étudier la stabilité de ces suspensions sous l’effet d’une agitation mécanique, des analyses granulométriques ont
été systématiquement réalisées pour
deux conditions expérimentales différentes : avec et sans agitation mécanique.
Les suspensions prélevées directement
en sortie du granulomètre sont ensuite
analysées par spectrophotométrie UV.
Transferts de matière entre les fractions
supracolloïdale et décantable. Les
courbes des analyses granulométriques
des suspensions A et B, réalisées avec et
sans agitation mécanique, montrent
qu’aucune modification n’est observable pour la fraction colloïdale.
MESURES 753 - MARS 2003
Par contre, l’agitation mécanique provoque une agglomération des particules
supracolloïdales de la suspension A. Ce
phénomène se traduit par une diminution du pourcentage volumique du
mode à 30 µm et par la formation d’agglomérats de dimensions comprises
entre 100 et 1 000 µm (particules
décantables, alors qu’au départ cette
suspension n’en contenait pas). La floculation des supracolloïdes est un comportement bien connu dans le domaine du traitement de l’eau, en partie dû
à la forme fibreuse des particules.
Pour la suspension B, la plus chargée
en MeS et particules décantables, le
transfert de matière est inversé. Dans
ce cas, l’apport d’énergie mécanique
disperse en partie les agglomérats
décantables (>100 µm) pour former
des particules supracolloïdales. Ce comportement est probablement dû à la
forte concentration initiale d’agglomérats
fibreux
(MeS Pour en savoir plus
= 670 mg. l -1 ), soit
7 fois supérieure à celle Sur la caractérisation des
suspensions
de la suspension A
-1
Thomas
O. (1995) Métrologie
(100 mg. l ). En effet,
des eaux résiduaires, Ed Cebeces agglomérats peuvent doc/Tec et Doc, Liège/Paris.
en partie se dissocier
- Coussot P. et Ancey C. (1999)
lors de l’agitation de la Rhéophysique des pâtes et des
suspension, mais égale- suspensions, EDP Sciences, Les
ment disperser au sein Ulis.
du milieu, des particules -Allen T. (1990) Particle size
supracolloïdales préala- measurement, fourth ed.,
Chapman and Hall.
blement piégées.
Les deux courbes de dis- - Azéma N., Pouet M-F., Berho C.,
O. (2002) Wastewater
tribution granulomé- Thomas
suspended solids study by optitrique, avec agitation et cal methods. Colloids and Sursans agitation, mettent faces A : Physicochemical and
en évidence un point Engineering Aspects, 204,
singulier noté “point T”, 131-140.
qui correspond à l’inter- Sur les techniques d’analyse
section des deux courbes - www.secomam.com/
granulométriques (avec - http://www.beckman.com/
agitation et sans agita- - http://www.malvern.co.uk/
tion). Pour estimer et
valider la relation qui peut exister entre
la disparition (ou la formation) des
particules supracolloïdales et la formation (ou la disparition) d’agglomérats
décantables, les différences des aires
sous les deux courbes, avant et après le
point T, ont été calculées. Elles représentent le pourcentage volumique de
particules dont le diamètre est inférieur
ou supérieur au diamètre correspondant au point T (dTµm).
Il est intéressant de noter que ce point,
positionné à une dimension de 58 µm
pour la suspension A et de 101 µm
pour la suspension B, représente la
frontière dimensionnelle, habituellement définie pour représenter la limite entre les fractions supracolloïdales
et décantables.
Transfert de matière entre les différentes fractions. La comparaison des
résultats obtenus sans agitation et avec
agitation est également intéressante
lorsque l’on pratique une analyse par
spectrophotométrie UV.
Les résultats montrent qu’après agitation, les spectres UV des deux suspensions présentent à la fois une
35
Solutions
Effets de l’agitation des suspensions sur
les résultats de l’analyse spectrophotométrique
suspension. Ces phénomènes peuvent
être à l’origine de l’évolution de la
matière organique dans les réseaux
d’assainissement ou lors du vieillissement des échantillons au cours de leur
conservation.
Des comparaisons instructives
L’agitation mécanique des suspensions se caractérise par des transferts de matière que met en évidence l’analyse par spectrophotométrie UV
diminution de l’absorbance entre
240 et 350 nm et une augmentation
de la pente initiale entre 200 et
240 nm.
La première observation tend à montrer que l’agitation conduit à la formation de plus grosses particules (MeS,
diffusant moins la lumière), probablement par agglomération.
La deuxième observation signifie qu’il
y a une dispersion des colloïdes vers la
fraction de dimension inférieure à
0,025 µm (fins colloïdes et matière
soluble). Il peut y avoir éventuellement
une dispersion de supracolloïdes, mais
en moindre mesure car ces particules
ont des tailles relativement importantes.
Ces interprétations sont confirmées par
le suivi des coefficients de contributions obtenus par déconvolution des
spectres UV. En effet, quelle que soit la
36
suspension étudiée, on constate une
diminution du coefficient de contribution des colloïdes (>0,025 µm) avec
une augmentation à la fois de la fraction “soluble” (qui contient également
des fins colloïdes, de taille inférieure à
0,025 µm) et des matières en suspension (MeS) de taille supérieure à 1 µm.
On note cependant que dans la suspension B, c’est le phénomène de transfert de matière vers la fraction “soluble”
qui prédomine. Cette suspension plus
concentrée semble limiter les transferts
de matière entre les diverses fractions
particulaires, probablement du fait d’un
piégeage des colloïdes et des supracolloïdes au sein des matières décantables.
Ces transferts de la fraction colloïdale
vers les fractions “soluble” et “MeS”
expliquent l’évolution des spectres et
confirment l’instabilité de ce type de
En comparant les spectres UV et les distributions granulométriques, il est possible d’expliquer l’effet de l’agitation
sur la suspension A. La diminution de la
population supracolloïdale (autour de
30 µm) peut en effet s’expliquer à la
fois par une agglomération de ces particules et par leur dispersion conduisant à la formation de fins colloïdes de
dimension inférieure à 0,025 µm.
Pour la suspension B, les résultats peuvent sembler contradictoires puisque
l’analyse granulométrique met en évidence une dispersion des particules
décantables (>100 µm) conduisant à
une augmentation de la population
supracolloïdale (mode à 30 µm) alors
que la spectrophotométrie UV indique
une augmentation de la taille des MeS
(> 1 µm). Sachant que la réponse des
MeS est essentiellement due aux supracolloïdes, le phénomène aurait dû se
traduire, sur le spectre UV, par une augmentation de l’absorbance sur l’ensemble du domaine, avec une pente initiale plus prononcée. On observe bien
une pente plus forte, qui peut s’expliquer également par un transfert de
matière vers la fraction “soluble” mais
l’absorbance après 240 nm est fortement diminuée.
Ce dernier point met en évidence la
complexité des phénomènes mis en jeu
et l’intérêt de disposer des deux
méthodes optiques permettant, d’une
part, de caractériser les particules sur
un large spectre granulométrique, pour
prendre en compte tous les transferts
possibles de matière, et d’autre part,
d’améliorer la compréhension de la
réponse physique des spectres UV, liée
à la diffusion de la lumière par les particules solides.
Nathalie Azema*
Marie-Florence Pouet**
Ecole des Mines d’Alès
*Centre des Matériaux de Grande Diffusion,
**Laboratoire Génie de l’Environnement Industriel,
Ecole des Mines d’Alès
6, avenue de Clavières
30319 Alès Cedex
[email protected]
[email protected]
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