Sport: attention, danger!
Fractures de fatigue, hernies discales, accidents vasculaires... Vouloir entretenir son corps n'est pas
sans risque. C'est en tout cas ce que pense le Dr Stéphane Cascua. Qui l'explique dans un livre
Le sport est-il bon pour la santé? La question semble saugrenue, tant la réponse paraît
évidente. Et pourtant... Chaque année, en France, l'effort physique provoque le décès brutal - la "mort
subite" - de 1 500 sportifs en pleine forme. Véritable "usine à hypertension", le sport peut donc
s'avérer dangereux pour le coeur. La preuve? Il suffit d'une petite anomalie vasculaire cachée pour
que le marathonien occasionnel succombe sous les effets d'une hémorragie cérébrale. Vous êtes
sportif? Prenez garde! Votre squelette est malmené par la pratique athlétique: fractures de fatigue,
écrasement des cartilages, usure des articulations, hernies discales, lombalgies, entorses, etc.
L'intestin? Même régime. Votre tube digestif est très secoué, voire déréglé, pendant la course à pied.
Pis, chez les femmes, l'excès de sport peut provoquer des aménorrhées, des décalcifications
précoces et perturber la fertilité. Enfin, le sport peut être vécu comme un stress psychologique.
Exagération? Non, les symptômes du surentraînement ressemblant à s'y méprendre à ceux de la
dépression nerveuse.
Alors, le sport et la santé font-ils vraiment bon ménage? Rien n'est moins sûr. Médecin
spécialisé à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et au centre de formation du Paris-Saint-Germain,
le Dr Stéphane Cascua répond à cette question dans un livre pratique, Le sport est-il bon pour la
santé?, chez Odile Jacob. Construit en neuf chapitres truffés d'exemples scientifiques, ce "petit
manuel d'école du cirque", destiné aux sportifs funambules qui jouent, sans le savoir, avec leur santé,
se veut résolument pédagogique. "J'ai voulu dévoiler les méfaits méconnus du sport et donner des
recommandations, explique le Dr Cascua. Il faut distinguer entre les dangers d'une pratique intensive
en vue de la compétition et les bienfaits du ?sport santé?." Malgré les redondances et l'absence de
développements spécifiques sur les pathologies tendineuse (tendinite, tennis-elbow) et musculaire
(claquage, élongation), le Dr Cascua a bien compris que le mot "sport" était désormais polysémique,
puisqu'il englobe des pratiques aussi diverses que le sport de masse, le sport professionnel ou le
sport santé.
"Ce qu'on appelle communément ?sport? rassemble en réalité des pratiques extrêmement
diverses, confirme Isabelle Queval, professeur de philosophie et ancienne tenniswoman de haut
niveau, ex-membre de l'équipe de France junior dans les années 80. Il y a, d'une part, l'éducation
physique et, d'autre part, le sport purement compétitif."
A consommer avec modération
Cette antinomie, qui colle à l'appellation générique "sport", est porteuse de contradictions.
Idéologiques, bien sûr, mais aussi médicales. "On ne peut vouloir à la fois le bien et le mieux,
poursuit Isabelle Queval. Dans le monde sportif, il me semble qu'on ne peut chercher à atteindre à la
fois ces deux idéaux si représentatifs, pourtant, de notre époque: la santé et la performance." Si le
champion est prêt à "se faire mal" pour une médaille (citius, altius, fortius), le sportif lambda
recherche davantage le bien-être (mens sana in corpore sano). L'ouvrage du Dr Cascua s'adresse à
cette seconde catégorie de pratiquants.
L'auteur montre notamment comment naissent les clichés sur les bienfaits du sport. Pour le
système cardio-vasculaire, tout est parti d'une étude, menée dans les années 50, sur les employés
des transports publics londoniens. "Le Dr Jeremy Noah Morris mettait en évidence le fait que les
chauffeurs présentaient plus souvent des crises cardiaques que les contrôleurs, note Stéphane
Cascua. Il en déduisait qu'il était bon pour le coeur de déambuler dans les couloirs et surtout de
monter l'escalier pour gagner le premier étage des fameux bus rouges." Ainsi, petit à petit, le sport est
devenu l'ami du coeur. Pourtant, statistiquement, le risque d'infarctus est multiplié par sept au cours
d'une pratique physique. Et, pour un sportif occasionnel, cette probabilité est 56 fois plus élevée! Pis:
chez les adeptes de l'exercice physique, l'âge moyen de la mort subite est de 47 ans - contre 60 ans
pour les autres catégories. Responsables de 85% de ces accidents mortels: les atteintes
coronariennes. "Une crise cardiaque fatale ne se produit qu'au bout de 1,2 million d'heures de
pratique physique, précise toutefois le Dr Cascua. A raison de trois heures de sport par semaine, cela
représente sept mille sept cents ans d'entraînement!" Pas de panique, donc.
Le dos des athlètes est aussi mis à rude épreuve. La spondylolyse - fracture de fatigue de l'arc
osseux à l'arrière des vertèbres - se retrouve chez 3% des sédentaires, contre 9% pour les tennismen
et 30% pour les gymnastes. Par ailleurs, 68% des judokas souffrent d'ostéochondrose vertébrale, une
douleur aiguë des os situés à l'avant des vertèbres. Les cavaliers ne sont pas mieux lotis. "Parmi
ceux qui ont commencé à monter à cheval avant 8 ans, ils sont 66% à présenter des fissures
vertébrales, souligne l'auteur. Les cavaliers amateurs en sont porteurs dans 34% des cas, alors que 7
professionnels sur 10 en sont victimes." Idem pour les hernies discales: 1 volleyeur sur 2 souffre