Chirurgie dentaire et médicaments anti

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Antithrombotique, stomatologie et chirurgie
maxillo-faciale : mythes et réalités
Les anti-thrombotiques : indications
- Les héparines (non-fractionnées, de bas poids moléculaires,
pentasaccharide) :
Prévention maladie thrombo-embolique
Traitement initial de la maladie thrombo-embolique,
Angor instable
- Les anti-vitamines K et bientôt les anti II et Xa par voie orale
Maladie thromboembolique veineuse
Trouble du rythme (AC/FA+++)
Certaines cardiopathies, valves mécaniques
Indications diverses
- Les anti-agrégants
Prévention secondaire des complications de
l’athérothrombose
Nécessité de constamment évaluer le rapport
risque bénéfice de la poursuite du traitement
anti-thrombotique.
Bénéfices : éviter des récidives thrombotiques ou emboliques
Risques : augmenter le risque de complications hémorragiques
soit spontanées , soit à l’occasion d’un facteur favorisant le plus
souvent transitoire (traumatisme, chirurgie)
De fait à l’occasion d’une complication ou d’une situation à
risque, REEVALUATION DE L’INDICATION.
Anti-thrombotiques et stomatologie :
les anti-agrégants plaquettaires
Molécules : aspirine, clopidogrel, parfois en association
Mécanisme d’action :
inhibition de la COX 1 pour l’aspirine
inhibition de l’agrégation induite par l’ADP
pour (la ticlopidine) ou le clopidogrel
Durée d’action : 7 à 10 jours
Conséquence : allongement du temps de saignement
Risque hémorragique accru : a priori NON ?
En cas de chirurgie potentiellement
hémorragique prévoir l’arrêt des antiagrégants 8 à 10 jours avant le geste
chirurgical.
En stomatologie, risque hémorragique faible :
Peu de données dans la littérature, mais soins locaux simples possibles
Pour les extractions dentaires ou soins dentaires, IL EST INUTILE
D’ARRETER LES AAP AVANT LE GESTE.
Toutes les recommandations plaident pour la poursuite des AAP
Aspirine et extraction dentaire.
Ardekian L. J Am Dent Assoc 2000. 131: 331-5
39 sujets devant avoir une extraction dentaire :
19 (aspirine = 0)
20 (aspirine +)
TS
1,8 +/- 0,47 min
Hémorragies
0
3,1 +/- 0,65
p = 0,004
0
Un traitement hémostatique local fut toujours suffisant
dans les deux groupes
L’aspirine peut être poursuivi lors d’une extraction dentaire.
Conclusion probablement identique avec ticlopidine et clopidogrel
mais aucune étude prospective…
Recommandation de la société francophone de chirurgie buccale
1. L’arrêt du traitement par AAP avant des soins dentaires n’est
pas justifié
[ Accord professionnel].
2 . L’arrêt du traitement par aspirine à faibles doses (doses
comprises entre 75 et 325 mg. j- 1) avant une intervention de
chirurgie buccale, parodontale ou implantaire n’est pas justifié
[Recommandation de grade B].
3 . L’arrêt du traitement par clopidogrel avant une intervention
de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire n’est pas justifié
[ Accord professionnel].
En pratique :
• L’évaluation préopératoire du patient doit être globale.
- Rechercher et identifier, en dehors du maintien du traitement par
AAP, les facteurs susceptibles de potentialiser le saignement ;
- Evaluer le risque médical ;
[ Accord professionnel ] .
•Aucun examen biologique n’est actuellement suffisamment
performant pour prédire le risque hémorragique lié aux AAP.
La prescription d’un temps de saignement (TS) est inutile.
L’évaluation du risque de saignement repose donc essentiellement sur
l’interrogatoire médical et l’examen clinique
[Recommandation de grade A].
La poursuite du traitement par AAP ne contre-indique pas la
réalisation d’une anesthésie locale. L’anesthésie locorégionale (ALR)
du nerf alvéolaire inférieur est déconseillée.
[ Accord professionnel ] .
La poursuite du traitement par AAP ne contre-indique pas la
pratique de soins dentaires conservateurs (dentisterie restauratrice,
endodontie, prothèse). Ils n’exigent aucune précaution particulière
[ Accord professionnel ] .
La poursuite du traitement par AAP ne contre-indique pas la
pratique de soins parodontaux non chirurgicaux. En cas de
saignement post-opératoire persistant, une compression locale
pendant 10 minutes est recommandée
[ Accord professionnel ] .
La poursuite du traitement par aspirine ou clopidogrel ne
contre-indique pas la chirurgie buccale, parodontale ou implantaire
[Recommandation de grade B].
Une technique et une hémostase chirurgicales rigoureuses
constituent des mesures préventives essentielles pour limiter le
risque de complications hémorragiques. Une suture des berges de la
plaie opératoire et une compression sont indispensables. Le recours
à des hémostatiques locaux résorbables est conseillé
[ Accord professionnel ] .
Les complications hémorragiques en cas de poursuite du traitement
par AAP sont rares et le plus souvent de bon pronostic.
Le traitement curatif d’une complication hémorragique postopératoire repose principalement sur la reprise chirurgicale de
l’hémostase et la surveillance clinique.
En cas d’échec de la reprise de l’hémostase locale ou d’atteinte de
l’état général du patient (détresse respiratoire, asthénie,
hypotension…),un transfert en milieu hospitalier est recommandé
[Recommandation de grade C].
Cas particuliers de l’aspirine à fortes doses :
En cas de prise à une posologie > 500 mg (indications antalgique
et/ou antipyrétique et/ou anti-inflammatoire), l’arrêt de l’aspirine
peut être envisagé (nombreuses alternatives)
Les soins dentaires conservateurs et les soins parodontaux non
chirurgicaux ne sont pas contre-indiqués lors de la prise d’aspirine
à fortes doses
[Recommandation de grade C].
Pour la chirurgie buccale, parodontale ou implantaire, il est
préférable d’arrêter le traitement traitement et de différer le geste
à 5 ou 10 jours [Recommandation de grade B].
Dans un contexte d’urgence, une intervention peut être
réalisée sans interruption préalable.
AVK et chirurgie
- Bloquent l’action des F. vitamino K dépendant (X, IX, VII, II)
- Surveillance TP-INR :
- Valeur cible 2,5 (2-3) : MTE, AC/FA, IDM
- Valeur cible 3,5 (3-4,5) : valves mécaniques
Molécule
demi vie
Sintron
8h
(4 ou 1mg)
Pindione
5-10 h
Apegmone
24 h
Previscan
31 h
Coumadine
35-45 h
(2 ou 10 mg)
persistance activité anticoagulante
2-4 jours
2-4 jours
3-5 jours
3-5 jours
3-5 jours
Mode d’action
Interaction médicamenteuse +++
(http://agmed.sante.gouv.fr)
AVK et extraction dentaire
MJ Wahl Arch Intern Med 1998
Analyse de la littérature,
2014 extractions dentaires chez 774 sujets
sous AVK, avec un TP-INR toujours < 4
12 complications hémorragiques (1,6 %)
- 5/12 TP-INR > 4, en post-opératoire,
interactions médicamenteuses (ATB+++)
- vitamine K (n=10), PFC (n=4), transfusions (n=2)
542 extractions dentaires chez 493 sujets
Arrêt des AVK avant le geste chirurgical
4 décès (EP J3, 1 IDM J9, 2 AVC J5, J17) et 1 AVC (J8)
1% de décès !!! Lien avec arrêt AVK ?, Tt héparinique ?
AVK et extraction dentaire
MJ Wahl Arch Intern Med 1998
Même s’il existe un risque hémorragique théorique, il ne semble
pas licite d’arrêter les AVK pour une simple extraction dentaire,
les hémorragies post-procédures étant jugulées par des traitements
hémostatiques locaux.
Nécessiter de vérifier si le TP-INR est en zone thérapeutique,
Si INR > 3 pour valves mécaniques, avant la procédure,
il est recommandé de retarder le geste.
Se méfier des interactions médicamenteuses.
Contrôler TP-INR au décours, collaboration étroite entre le
clinicien, le dentiste ou le stomatologiste +++
Cohorte de 42541 patients, 3533 décès, 1,25 M TP-INR
Age moyen 70 ans, FA 58%, Valves 18%, MTE 25%
Oden A. BMJ 2002
Chirurgie et actes invasifs (HAS 2008)
AVK et extraction dentaire
Jack Ansell. Chest 2008
Eight ACCP Consensus conference on antithrombotic therapy
- Pour les patients bénéficiant de soins dentaires non considérés
comme à risque hémorragique majeur, la poursuite des AVK est
recommandée.
- Pour les patients dont les gestes dentaires sont potentiellement
hémorragiques, un arrêt transitoire des AVK est recommandé.
recommandations de niveau 2C
- En cas de poursuite des AVK, des anti-fibrinolytiques peuvent
être utilisés chez les patients à risque.
recommandations de niveau 2C
AVK, anti-fibrinolytiques et chirurgie dentaire
S Sindet-Pedersen. NEJM 1989.
Tt = AVK
placebo
n = 20
Nb de dents traités
2,8 (1-14)
Extraction dentaire
17
Nb total dents
45
Chirurgie péri-apicale 2
Nb de dents
3
Autres
0
acide tranexamique
n = 19
3,3 (1-20)
16
53
1
2
1
excision hyperplasie
gingivale
Hémorragies
Tt : C
C + ac T
C + ac T + Hem.
8
1/8
4/8
3/3
1
1/1
Recommandation de la société francophone de chirurgie buccale
1. Un contact préalable avec le médecin responsable du suivi du
traitement par AVK du patient est indispensable. (I C)
2. L’arrêt systématique du traitement par AVK avant une
intervention de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire n’est
pas justifié. (I A)
3. La poursuite du traitement par AVK est recommandée dans
les cas d’interventions de chirurgie buccale, parodontale ou
implantaire sauf en cas de risque médical associé, sous réserve de
la coopération du patient et de la proximité d’une structure
hospitalière capable de le prendre très rapidement en charge. (I A)
Recommandation de la société francophone de chirurgie buccale
4. La valeur de l’INR doit être stable et inférieure à 4 (3?). (I A)
5. Un bilan biologique donnant au moins la valeur de l’INR est
réalisé dans les 24 heures avant l’intervention chirurgicale. (I A)
6. Les techniques d’hémostase locale sont indispensables
et systématiquement associées. (I A)
Recommandation de la société francophone de chirurgie buccale
7. La continuité des soins doit être assurée. Tout patient traité
par AVK ayant une complication hémorragique post-opératoire
doit pouvoir contacter un praticien compétent dans la gestion de ce
type de patients ou un service hospitalier d’odontologie ou de
stomatologie d’astreinte. (I C)
8. La prise en charge de ce type de patients peut se faire en
pratique de ville par des praticiens disposant du plateau technique
nécessaire (moyens d’hémostase locale notamment), pour des
patients dont l’INR est inférieur ou égal à 3 et pour des actes sans
risque hémorragique ou à risque hémorragique modéré. (I C)
Recommandation de la société francophone de chirurgie buccale
9. Une prise en charge hospitalière est recommandée si l’INR est
supérieur à 3 et/ou si le risque hémorragique est élevé et/ou s’il
existe un risque médical associé (notamment un patient traité
par l’association AVK / agents antiplaquettaires). (I C)
10. L’instauration d’un relais du traitement par AVK à l’aide
d’HBPM ou d’HNF en milieu hospitalier avant, pendant et après
la phase chirurgicale est possible mais doit rester exceptionnelle.
(II B)
Recommandation de la société francophone de chirurgie buccale
11. Les anesthésies loco-régionales sont déconseillées.
L’anesthésique local doit contenir un vasoconstricteur sauf dans
les rares cas de contre-indication de son emploi. (I C)
12. Dans les cas d’avulsions dentaires, la mise en place d’un
matériau hémostatique résorbable intra-alvéolaire doit être
systématique. Toute plaie intra-buccale doit être suturée. Les fils
de suture peuvent être résorbables ou non.
En cas d’interventions chirurgicales hémorragiques, l’utilisation de
colle biologique et/ou d’agent anti-fibrinolytique est
recommandée. Une compression locale doit être mise en place
immédiatement en post-opératoire pendant au moins 10 minutes.
(IC)
Recommandation de la société francophone de chirurgie buccale
13. Le contrôle de la douleur se fera par l’utilisation de
paracétamol en première intention.
L’acide acétylsalicylique est contre-indiqué.
Les dérivés opiacés peuvent être prescrits (antalgiques de niveau 2
ou 3).
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ne doivent pas
être utilisés à visée antalgique. (IA)
Si une prescription anti-inflammatoire se révèle nécessaire, les
corticoïdes en cure courte doivent, en l’absence de contreindication, être préférés aux AINS.
Recommandation de la société francophone de chirurgie buccale
14. Si prescription d’antibiotiques, une modification de l’INR
peut survenir notamment avec l’amoxicilline ou l’érythromycine.
Les patients doivent en être informés et rester vigilants. (I B)
La prescription d’antifongique chez des patients traités par AVK
est formellement contre-indiquée.
Affections intercurrentes et INR élevé…
Cas
N = 300
Témoins
N = 302
OR
univariée
OR
multivarieé
Co-morbidité stable, chronique
Insuff Cardiaque
Cancer
Affections hépatiques
Malabsorption
Hyperthyroïdie
Cholestase
60
23
18
9
4
1
45
21
7
7
3
3
1,5
1,1
2,7
1,3
1,3
0,3
1,6
Comorbidité en poussée
Insuffisance cardiaque
Cancer évolutif
14
4
3
2
5,3
2,0
3
Affections aiguës
Diarrhée
Infection urinaire
Infection pulmonaire
Fièvre
17
19
93
45
3
5
53
10
6,0
4,0
2,1
5,3
12,8
1,2
1,0
2,9
Penning-Vanbest F. Thromb Haemost 2001
2,8
Interaction médicamenteuse et INR élevé :
exemple des antibiotiques
Suivi d’une cohorte sur 8 ans, 1124 sous AVK, 351 avec INR > 6
Amoxicilline
Amoxicilline + inh
Clarithromycine
Doxycycline
Norfloxacine
Bactrim
Vancomycine
RR
10,5
5,1
11,7
4,3
9,8
20,1
13,6
RR 1-3j
7,2
21,3
2,9
19,3
6,6
-
RR > 4j
13,2
7,3
6,3
5,2
5,0
23,3
15,1
Visser LE. Thromb Haemost 2002
Observance +++
Alimentation +/-
Gestion des complications hémorragiques post-opératoires
En cas d’hémorragie post-opératoire, la règle est la reprise
chirurgicale. Après anesthésie locale, la plaie est ré-ouverte et
vérifiée, les procédures d’hémostase locale sont ensuite reprises.
(I C)
Les conseils post-opératoires sont renouvelés.
Une exploration de l’hémostase comprenant la mesure de l’INR
et la numération
Dans le cas où le saignement persiste malgré la reprise de
l’hémostase, le patient doit être hospitalisé. (I C)
Actes sans risque hémorragique
• Soins conservateurs
• Soins prothétiques supra-gingivaux
• Anesthésie para-apicale, intraligamentaire ou intra-septale
• Détartrage
Conduite à tenir
Aucune mesure particulière si ce n’est la prise en compte du risque
infectieux éventuel
Actes à risque hémorragique modéré
• Avulsions en secteur localisé
• Implant unitaire
• Surfaçage
Conduite à tenir
• Compression locale intra-alvéolaire avec matériau hémostatique
• Sutures
• Acide tranexamique (compression ou rinçage passif)
• Colle biologique conseillée si l’INR est supérieur à 3
Actes à haut risque hémorragique
• Avulsions de plus de trois dents • Avulsions dans différents quadrants
• Chirurgie parodontale, mucogingivale
• Désinclusion avec traction chirurgico-orthodontique
• Avulsions de dents temporaires
• Avulsions de dents au parodonte amoindri
• Avulsions en zone inflammatoire • Avulsions de dents incluses
• Implants multiples • Enucléations kystiques et chirurgie apicale
• Biopsie
Conduite à tenir
INR < 3 :
• Compression locale intra-alvéolaire avec matériau hémostatique
• Sutures, colle biologique conseillée, Acide tranexamique
INR > 3 :
• Relais des AVK par HNF ou HBPM en milieu hospitalier
• Compression locale intra-alvéolaire avec matériau hémostatique
•Sutures, colle biologique systématique, Acide tranexamique)
Conclusion
L’existence d’un traitement anti-thrombotique peut compliquer
la prise en charge « stomatologique »
Mais dans de nombreux les procédures peuvent être effectuées
sous anti-agrégants plaquettaires et sous AVK
Importance de l’évaluation du rapport risque/bénéfice et de la
concertation entre le clinicien, le spécialiste et le biologiste
ATTENTION aux interactions médicamenteuses +++
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