Ce calmar géant fait partie de la classe des Céphalopodes, du genre Architeuthis,
de l’ espèce sanctipauli. Il a été pêché le 27 janvier 2000 au large de la Nouvelle-
Zélande (44°21 e-19’S et 175°05’-174°34’E) par 615 mètres de profondeur.
Selon la technique utilisée pour estimer l’âge de l’animal, basée sur des analyses
isotopiques des statolithes, il serait âgé de 1,5 à 4 ans.
Envoyé à Steve O’Shea, grand spécialiste des calmars au NIWA (National
Institute of Water & Atmospheric Research Limited) en Nouvelle-Zélande,
celui-ci contacte Renata Boucher, sa collègue spécialiste des céphalopodes au
Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, afin qu’il soit fait don de ce calmar
à l’établissement français. C’est là qu’il prend le nom de « Wheke » (prononcez
Ouéké), qui signifie calmar en maori.
Mais comment exposer cet extraordinaire animal au public ? Dans l’alcool
ou le formol, comme le font plusieurs muséums dans le monde (New York,
Tokyo, Taichung...) ? Après réflexion, les équipes du Muséum décident d’offrir
au public une vision unique au monde d’une espèce encore très mal connue,
en plastinant Wheke !
Il est alors envoyé en Italie, dans le laboratoire VisDocta Research, spécialisé
dans la plastination et la préservation des spécimens.
Nous sommes en 2005, et pour Wheke commence une longue période de remise
en forme !
WHEKE, L’ODYSSÉE D’UN CALMAR
La plastination est un procédé très particulier qui consiste à « déshydrater »
à basse température l’animal de façon à le vider de tout son liquide (formol,
alcool, eau), pour le remplacer par la « solution secrète » élaborée par le
laboratoire VisDocta Research, une résine plastique spéciale durcissante.
Wheke est envoyé en Italie fin 2005. Un brancard spécialement conçu pour
l’occasion permet de transporter l’animal par camion, de Paris jusqu’à Tignale,
au bord du lac de Garde, de manière à le préserver des chocs et de tout
endommagement. Il arrive au laboratoire dans la nuit du 22 au 23 décembre
2005, et subit alors un examen complet.
Préparer un animal aussi grand, de par sa taille et son poids, nécessite de déployer
des trésors d’ingéniosité pour les deux scientifiques de VisDocta Research
qui s’attellent à la tâche.
Ainsi, dès le départ, il fallut concevoir une table de dissection en acier inoxydable
pour recevoir le spécimen et le déployer dans sa position anatomique.
Afin de détendre les muscles des tentacules, restés longtemps dans une position
non naturelle lorsque Wheke était dans l’alcool, les plastineurs durent inventer
une sorte d’énorme « machine à pâtes géantes ». Les tentacules furent ainsi
passés un à un dans cette incroyable machine composée de deux gros rouleaux,
afin d’étirer les muscles au maximum.
Pour injecter la solution plastique dans le corps géant de Wheke, il fallut
également concevoir une seringue géante !
Le corps du calmar fut recomposé à l’aide de structures insérées dans
les différents éléments : tentacules, bras, entonnoir et nageoire.
Puis il fallut recomposer 300 ventouses qui avaient mal résisté au formol,
et les colorer de manière à ce qu’elles retrouvent une coloration naturelle.
Le bec d’origine fut remis en place et de faux yeux furent réalisés et replacés
pendant la phase finale de la plastination.
Enfin, dernière étape, le spécimen fut pigmenté pour être le plus proche
possible de la réalité. Ce pigment est le fruit d’une longue recherche sur
les couleurs naturelles du calmar, à partir des images disponibles et des
descriptions trouvées dans la littérature scientifique. Une multitude de facteurs
furent pris en compte, dont la variation de couleur dûe à la lumière des flashs!
Après plusieurs tests, la couleur adéquate fut finalement trouvée !
Au total, l’opération de plastination du calmar géant dura deux ans et demi,
et nécessita le travail à plein temps de deux médecins experts.
LA PLASTINATION, UNE TECHNIQUE DE NATURALISATION SINGULIÈRE
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