DESSINS p 1, 2, 3, 4, 5, 9, 10,11, 12,13 : © Delphine ZIGONI DESSINS p 6, 7, 8, 13, 15 : © Julien NORWOOD © MNHN- février 2008 - PAPIER RECYCLÉ M U S É U M N A T I O N A L D ’ H I S T O I R E N A T U R E L L E GRANDE GALERIE DE L’ÉVOLUTION 1ÈRE ÉANT G R A M L A C UN : E L A I D N M O U M É S U M U A NATURALISÉ MARS 2008 • E S S E R P DOSSIER DE www.mnhn.fr ÈRE 18 m 18 m 1 MONDIALEN:ATURALISÉ AU MUSÉUM ANT UN CALMAR GÉ Communiqué de presse 1 Wheke, l’odyssée d’un calmar 2 La plastination, technique de naturalisation singulière 3 L’Architeuthis, du mythe... • La légende de Wheke • Une créature aux multiples représentations 1 m 60 5m Wheke 6 m 50 4 À la réalité surprenante ! • Évolution et classification • Morphologie • Mode de vie, alimentation et moyens de défense • Cycle de vie, reproduction et durée de vie 5 Un animal extraordinaire dans un lieu extraordinaire • Une histoire en trois actes • Espèces menacées, espèces disparues • Chiffres clés ! Communiqué de presse Grande Galerie de l’Évolution 36 rue Geoffroy Saint-Hilaire, 75005 Paris Gare : RER C Métro : Gare d’Austerlitz / Jussieu / Censier-Daubenton Bus : 24 - 57 - 61 - 63 - 67 - 89 - 91 Batobus : Jardin des Plantes Tous les jours, sauf le mardi et le 1er mai 10 h / 18 h Tarif 8 / 6 € Accueil des publics : 01 40 79 56 01 1ÈRE MONDIALE ! UN CALMAR GÉANT NATURALISÉ ARRIVE À LA GRANDE GALERIE DE L’ÉVOLUTION Le 25 mars 2008, le Muséum national d’Histoire naturelle accueille en sa Grande Galerie de l’Évolution le premier spécimen de calmar géant plastiné au monde ! L’arrivée de Wheke (prononcez Ouéké) à la Grande Galerie de l’Évolution est le fruit d’un don du NIWA (National Institute of Water & Atmospheric Research Limited) au Muséum national d’Histoire naturelle, par l’intermédiaire de Steve O’Shea, spécialistes des calmars géants en Nouvelle-Zélande et de Renata Boucher, spécialiste des céphalopodes en France. Alors que partout ailleurs dans le monde, les spécimens de calmar géant sont présentés au public dans le formol ou l’alcool, Wheke le calmar géant du Muséum, mesurant plus de 6 m, est montré au public comme dans son milieu naturel. CONTACTS PRESSE Vanessa Bismuth > Tél : 01 40 79 54 44 • Mail : [email protected] Estelle Merceron > Tél : 01 40 79 54 40 • Mail : [email protected] Le calmar géant est à l’origine de nombreux mythes et légendes, vieux de plusieurs centaines d’années. Racontées par les marins de retour de leurs voyages, les histoires de monstres des mers, îlots vivants, de bêtes polycéphales capables de faire chavirer les navires peuplent les livres d’histoire naturelle et les fictions de grands romanciers, de Jules Verne à Hermann Melville... Habitant des abysses, dans les profondeurs des océans, le calmar géant est resté une énigme pour les scientifiques jusqu’à peu, et son existence ne fut admise qu’au 19e siècle. Exposer un véritable calmar géant constitue donc un évènement exceptionnel, de par la rareté des spécimens récoltés dans le monde, et par la technique inédite utilisée pour faire retrouver à cet animal extraordinaire toutes les caractéristiques qui ont fait de lui une légende. Le Muséum a confié au laboratoire VisDocta Research, en Italie, la plastination de Wheke. Si les spécimens de petites et moyennes tailles et les organes de vertébrés font régulièrement l’objet de plastination, c’est en revanche la première fois que l’expérience est tentée sur un si gros et grand spécimen d’invertébré. L’opération a duré plus de deux ans, et a nécessité la conception de nombreux appareils et techniques adaptés aux proportions de l’animal. Aujourd’hui, le calmar géant est loin d’avoir dévoilé aux scientifiques tous ses secrets, bien que les connaissances sur son mode de vie, son alimentation, son habitat, soient de plus en plus précises. Cette étonnante créature doit certainement jouer un rôle important dans son écosystème, mais à l’heure actuelle, les recherches ne sont pas suffisamment avancées pour le définir pleinement. De nombreuses recherches restent à faire, dans le cadre de coopérations internationales, afin de révéler les enjeux que représente cette espèce pour la biodiversité. 2 LA PLASTINATION, UNE TECHNIQUE DE NATURALISATION SINGULIÈRE La plastination est un procédé très particulier qui consiste à « déshydrater » à basse température l’animal de façon à le vider de tout son liquide (formol, alcool, eau), pour le remplacer par la « solution secrète » élaborée par le laboratoire VisDocta Research, une résine plastique spéciale durcissante. 1 WHEKE, L’ODYSSÉE D’UN CALMAR Ce calmar géant fait partie de la classe des Céphalopodes, du genre Architeuthis, de l’ espèce sanctipauli. Il a été pêché le 27 janvier 2000 au large de la NouvelleZélande (44°21 e-19’S et 175°05’-174°34’E) par 615 mètres de profondeur. Selon la technique utilisée pour estimer l’âge de l’animal, basée sur des analyses isotopiques des statolithes, il serait âgé de 1,5 à 4 ans. Mais comment exposer cet extraordinaire animal au public ? Dans l’alcool ou le formol, comme le font plusieurs muséums dans le monde (New York, Tokyo, Taichung...) ? Après réflexion, les équipes du Muséum décident d’offrir au public une vision unique au monde d’une espèce encore très mal connue, en plastinant Wheke ! Envoyé à Steve O’Shea, grand spécialiste des calmars au NIWA (National Institute of Water & Atmospheric Research Limited) en Nouvelle-Zélande, celui-ci contacte Renata Boucher, sa collègue spécialiste des céphalopodes au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, afin qu’il soit fait don de ce calmar à l’établissement français. C’est là qu’il prend le nom de « Wheke » (prononcez Ouéké), qui signifie calmar en maori. Il est alors envoyé en Italie, dans le laboratoire VisDocta Research, spécialisé dans la plastination et la préservation des spécimens. Nous sommes en 2005, et pour Wheke commence une longue période de remise en forme ! Wheke est envoyé en Italie fin 2005. Un brancard spécialement conçu pour l’occasion permet de transporter l’animal par camion, de Paris jusqu’à Tignale, au bord du lac de Garde, de manière à le préserver des chocs et de tout endommagement. Il arrive au laboratoire dans la nuit du 22 au 23 décembre 2005, et subit alors un examen complet. Préparer un animal aussi grand, de par sa taille et son poids, nécessite de déployer des trésors d’ingéniosité pour les deux scientifiques de VisDocta Research qui s’attellent à la tâche. Ainsi, dès le départ, il fallut concevoir une table de dissection en acier inoxydable pour recevoir le spécimen et le déployer dans sa position anatomique. Afin de détendre les muscles des tentacules, restés longtemps dans une position non naturelle lorsque Wheke était dans l’alcool, les plastineurs durent inventer une sorte d’énorme « machine à pâtes géantes ». Les tentacules furent ainsi passés un à un dans cette incroyable machine composée de deux gros rouleaux, afin d’étirer les muscles au maximum. Pour injecter la solution plastique dans le corps géant de Wheke, il fallut également concevoir une seringue géante ! Le corps du calmar fut recomposé à l’aide de structures insérées dans les différents éléments : tentacules, bras, entonnoir et nageoire. Puis il fallut recomposer 300 ventouses qui avaient mal résisté au formol, et les colorer de manière à ce qu’elles retrouvent une coloration naturelle. Le bec d’origine fut remis en place et de faux yeux furent réalisés et replacés pendant la phase finale de la plastination. Enfin, dernière étape, le spécimen fut pigmenté pour être le plus proche possible de la réalité. Ce pigment est le fruit d’une longue recherche sur les couleurs naturelles du calmar, à partir des images disponibles et des descriptions trouvées dans la littérature scientifique. Une multitude de facteurs furent pris en compte, dont la variation de couleur dûe à la lumière des flashs! Après plusieurs tests, la couleur adéquate fut finalement trouvée ! Au total, l’opération de plastination du calmar géant dura deux ans et demi, et nécessita le travail à plein temps de deux médecins experts. 3 L’ARCHITEUTHIS, DU MYTHE... La légende de Wheke Une créature aux multiples représentations Ces monstres mythiques ont laissé leurs premières traces dans les livres d’histoire naturelle vers 1550 sous la forme d’illustrations et de descriptions entre autres du fameux « kraken » qui occupe une place importante dans la série des monstres marins. Créature fantastique issue des légendes scandinaves médiévales, le kraken est décrit comme un monstre de très grande taille doté de nombreux tentacules. Il était réputé capable de saisir la coque d’un navire pour le faire chavirer faisant ainsi couler ses marins qui seront parfois dévorés. Pour les habitants des côtes scandinaves, le kraken était un des mythes les plus commentés depuis le Moyen Age. En 1857, le célèbre zoologiste danois Steenstrup décrivit scientifiquement ce céphalopode géant qu’il baptisa Architeuthis dux (le roi des chefs calmars). Cette découverte marque le début de la remise en cause des légendes sur ce monstre marin. Pourtant, il fallut plusieurs échouages survenus dans les années1870 pour que les calmars géants soient enfin acceptés par la communauté scientifique : entre 1871 et 1873, plusieurs calmars géants ont été retrouvés échoués à Terre-Neuve, le plus grand mesurant 17 m tentacules allongés. C’est en 1861, qu’un navire français, l’aviso Alecton, réussit enfin à capturer un fragment de ce fameux Kraken : il s’agissait bien d’un calmar géant de 5 à 6 mètres capturé après trois heures de lutte. Une histoire réelle qui semble avoir stimulé l’imagination d’un jeune auteur de l’époque : un certain Jules Verne et son ouvrage mythique « Vingt milles lieues sous les mers ». Les histoires de monstres marins aux énormes yeux et multiples bras sont dans l’esprit des hommes et dans les livres depuis plusieurs siècles. En effet, depuis des centaines d’années, de nombreuses légendes ont été entretenues par les marins revenant de leur périple avec souvent des histoires incroyables décrivant Au 18e siècle, un naturaliste norvégien, E. Pontoppidan, intrigué par les récits des marins évoquant le serpent de mer et une créature munie de longs bras nommée Kraken, essaye de classer cet étrange animal. Il pense que le Kraken est sûrement un poulpe géant. Le 20e siècle permis de trouver d’autres calmars géants, généralement échoués ou mourants en surface. Mais le fait de n’en trouver que très rarement ne peut empêcher le calmar géant de demeurer une créature mythique. Les biologistes avaient admis son existence mais du fait de son extrême rareté, personne La légende maorie dit que Kupe, membre d’une tribu de pêcheurs habitant Haiwaiiki en Polynésie, partit avec ses soldats et sa famille à la poursuite d’un calmar géant appelé Te Wheke o Muturangi. Ce dernier avait pris la mauvaise habitude de dévorer les appâts des pêcheurs, et de les empêcher ainsi de rapporter de quoi se nourrir au reste de la tribu. En pourchassant le calmar géant à travers les mers, Kupe et sa tribu découvrirent Aotearoa, la Terre du long nuage blanc. Cette terre est aujourd’hui appelée Nouvelle-Zélande. des êtres polycéphales, des serpents de mer, des ilots vivants et des monstres qui attaquaient les navires. ne connaissait son habitat, son écologie, son comportement... Aujourd’hui, l’Architeuthis est reconnu comme le plus grand invertébré du monde avec une longueur qui peut atteindre 18 m pour un poids variant de 500 à 1000 kilos ! Plusieurs anecdotes durant l’histoire ont entretenu ces légendes. Plus récemment, le 13 janvier 2003, alors qu’il tente de battre le record du tour du monde à la voile en équipage, Olivier de Kersauson a été ralenti par un calmar géant. Alors qu’il se trouvait dans l’Atlantique à la latitude de Gibraltar, deux tentacules de la grosseur d’un bras ont enserré la dérive du trimaran, empêchant les manœuvres, et forçant le bateau à stopper. Calmars Vampires des abysses 4 ... À LA RÉALITE SURPRENANTE Ce n’est qu’en 2004 que nous pouvons découvrir les premières images d’Architeuthis dans son habitat naturel. Une équipe de scientifiques japonais parvient à prendre des photos d’un calmar géant de 8,5 m, en plongeant un dispositif équipé d’un appareil photo sur lequel sont fixés des appâts. À 900 m de profondeur et dans une zone d’alimentation des cachalots au cours de leur migration, un calmar géant attaqua le dispositif et put ainsi être pris en photo. Le tentacule resté accroché à l’appareil lorsque celui-ci fut remonté permis de confirmer l’identification du spécimen. Spirules Sépioles Pieuvres Seiches Évolution et classification Belemnites d es oï Ammonit Co Nautiloïde s leo id es Ammonites CÉPHALOPODES Nautiles GASTEROPODES ETC. BIVALVES ES QU S U LL MO Le Calmar géant appartient à la classe des Céphalopodes. Les Céphalopodes sont des mollusques exclusivement marins. Le terme « céphalopode » vient du grec kephalê qui signifie « tête » et pod qui signifie « pied ». Il désigne des mollusques dont le pied, divisé en tentacules, entoure la tête. On connaît 730 espèces de Céphalopodes. Ils sont apparus très tôt dans l’histoire évolutive des êtres vivants, le plus ancien fossile nous provient du Cambrien supérieur, il y a 505 millions d’années. Les Céphalopodes nous ont laissé un important registre de fossiles, notamment avec les Belemnites et les Ammonites. À l’origine tous avaient une lourde coquille externe (bélemnites, ammonites), actuellement seul le nautile a gardé une coquille externe calcifiée, cloisonnée. La grande majorité des céphalopodes actuels (les Coleoides) sont des animaux à corps mou, dont certains ont gardé une coquille calcifiée à fonction hydrostatique, mais interne : les seiches (necto-benthiques) et les spirules (pélagiques). D’autres n’ont plus de coquille du tout ou quelques vestiges seulement : les pieuvres et les sépioles. Dans ce cas, la majorité des espèces vivent en étroit contact avec le substrat. Enfin un troisième groupe de céphalopodes, les calmars, est constitué de nageurs actifs de forme allongée, avec une structure qui rigidifie le corps, la plume. Mais cette structure n’est pas calcifiée, elle est chitineuse. C’est à ce groupe que s’apparente le calmar géant. Au cours de leur évolution, les céphalopodes ont développé de nombreuses particularités concernant la locomotion active, la prédation, le camouflage et la fuite, qui les distinguent des autres mollusques (propulsion par réaction, camouflage grâce aux chromatophores, poche à encre, cérébralisation c’est-àdire concentration du système nerveux et des organes des sens dans la région céphalique, yeux comparables aux yeux des vertébrés (sauf chez le Nautile), système circulatoire clos, œufs très riches en vitellus et à segmentation discoïdale, pas de stade larvaire après la naissance). La cérébralisation est un caractère fondamental de l’évolution des céphalopodes, mais l’évolution nerveuse se manifeste aussi dans les divers systèmes périphériques. Certains céphalopodes sont dotés d’un organe de transmission directe entre le cerveau et les organes locomoteurs : le système des fibres géantes. Morphologie Architeuthis, le calmar géant est le plus grand invertébré non colonial et peut mesurer jusqu’à 18 m. Comme la plupart des céphalopodes, ils ont des gros yeux en proportion de leur corps. Les yeux possèdent un cristallin, une rétine bien développée et une certaine forme d’iris contrôlant le taux de lumière. Par contre, la façon dont ils fonctionnent est un peu différente de la nôtre : nous faisons le point en changeant la forme du cristallin tandis que les céphalopodes, comme les poissons, font bouger d’avant en arrière le cristallin dans son entier. Les calmars géants, qui habitent les grandes profondeurs (depuis 500 m jusqu’à 3 000 ou 4 000 m) n’ont jamais été observés dans leur milieu naturel avant 2004. Des restes de ces animaux ont cependant souvent été découverts dans l’estomac des cachalots, dont ils sont l’une des proies de prédilection. Des blessures infligées par des ventouses munies de dents keratinisées des calmars géants se défendant ont aussi souvent été observées sur le corps des cachalots, ce qui permet d’estimer leur taille. De plus, un certain nombre de spécimens ont été pêchés ou trouvés échoués sur des plages. La taille maximale que peuvent atteindre ces animaux n’est pas connue avec exactitude, mais des individus d’une longueur d’environ 18 m, dont plus de11 m de tentacules, ont déjà été étudiés. En juillet 2002, un calmar géant d’environ 2 t (avec des tentacules évalués à 15 m de long) a été trouvé sur les plages de Tasmanie en Australie. Le corps du calmar géant porte à son extrémité postérieure une nageoire unique de forme plus ou moins triangulaire (pointe tournée vers l’extérieur). Dépourvu de protection externe, il est soutenu par un squelette interne corné chitineux appelé « plume » (chez la seiche, autre céphalopode décapode, cette structure est calcifiée et est appelée « os de seiche »). La bouche, munie de fortes mâchoires cornées formant un bec, est entourée de huit bras et deux tentacules. Les deux tentacules sont beaucoup plus longs que les autres bras et permettent à l’animal de capturer ses proies. La proie une fois saisie par les tentacules est portée par ces derniers vers les bras qui la porte enfin à la bouche. La peau, tout comme celle des seiches et des pieuvres, comporte des cellules pigmentaires appelées chromatophores, qui leur permettent de modifier leur coloration. Cette propriété, chez les calmars, sert au camouflage mais aussi à l’émission de signaux de communication visuels entre partenaires sexuels pendant la saison de la reproduction. Les espèces des grands fonds sont souvent bioluminescentes. Mode de vie, alimentation et moyens de défense Cycle de vie, reproduction et durée de vie Les céphalopodes sont des animaux exclusivement marins. Ils ont une répartition mondiale, mais sont absents de la Mer Noire par manque de salinité. Ce sont les plus évolués des Mollusques et ils sont connus pour leur intelligence, de nombreuses expériences en aquarium sur des poulpes ont démontré une capacité d’apprentissage élevée. Contrairement aux seiches, qui vivent près des côtes, la plupart des calmars sont des animaux de pleine mer. Ils se déplacent, parfois très vite, en expulsant rapidement l’eau de la cavité du manteau par un siphon en forme d’entonnoir qui peut être orienté pour diriger le déplacement. Le calmar géant accumule de l’ammonium dans les tissus, les ions ammonium plus légers que l’eau de mer lui permettent de réguler sa flottabilité et de se maintenir à la profondeur qu’ils veulent sans être obligé de nager. Cette production d’ammonium les rend impropres à la consommation (alors que le calmar commun de l’Atlantique Nord plus connu sous le nom d’«encornet » et très apprécié pour sa chair). Chez la plupart des céphalopodes, le cycle de vie est court (plus ou moins 1 an) ; il comporte la croissance, la maturation sexuelle et la reproduction. Chez les femelles, la ponte précède de peu ou coïncide avec la mort. D’une façon générale la croissance des céphalopodes est rapide, puisque certaines espèces sont de grande taille et leur durée de vie limitée. L’une des particularités du système reproducteur concerne le mâle qui possède, outre un pénis, un bras spécialisé : un bras hectocotyle chargé du transfert des spermatozoïdes du pénis vers la cavité palléale de la femelle. Dans certains cas, il y a autotomie et le bras s’en va seul féconder la femelle. Chez le calmar géant, la fécondation est dite «traumatique », c’est-à-dire que le mâle blesse la femelle et introduit le sperme dans la blessure, où il est stocké en attendant la fécondation. La femelle produit une grande quantité de petits œufs (quelques millimètres), mais on ne sait pas comment et où la ponte se produit. Les petits ne passent pas par des stades larvaires et ressemblent dès leur naissance à des adultes en miniature. La capacité des calmars de changer de couleur et de s’adapter à leur environnement est également employée lors des parades nuptiales. Les calmars sont de redoutables prédateurs. Carnivores et chasseurs actifs, ils chassent à vue des proies vivantes. Ils se nourrissent de mollusques, crustacés ou poissons qu’ils capturent à l’aide de leurs tentacules. S’ils se sentent menacés, les calmars utilisent différents moyens pour se défendre. Le plus connu est l’expulsion d’un nuage d’encre (par la poche du noir) qui provoque un écran visuel qui détourne l’attention de l’agresseur, et qui contient de la tyrosinase, irritant les yeux des prédateurs, paralysant leur odorat temporairement. Les calmars utilisent également leurs ventouses, leur bec pour se défendre ; mais aussi la technique du mimétisme (ouverture alternée des chromatophores générant la plupart des couleurs de la peau, avec des combinaisons produisant pour l’œil humain de vraies nuances et parfois des dessins extrêmement variés). Les cachalots sont les principaux prédateurs de l’Architeuthis. Quel âge peut bien avoir un calmar géant ? Selon les estimations de Landman and al. (2004) basées sur des analyses isotopiques des statolithes : 14 ans maximum pour les spécimens analysés. Ce qui veut dire néanmoins que les calmars géants vivent beaucoup plus vieux que les autres céphalopodes (sauf le nautile). Ce qui explique peut-être leur taille. D’autres auteurs pensent que la taille adulte est atteinte en 3-4 ans. Même si la durée de vie est effectivement de 14 ans, si le poids à maturité est de 250 kg, cela signifie une croissance moyenne annuelle de 17.8 kg par an ! Mieux, si le même poids est atteint en 4 ans, la moyenne est alors de 62.5 kg ! 5 UN ANIMAL EXTRAORDINAIRE DANS UN LIEU EXTRAORDINAIRE La Grande Galerie de l’Évolution est désormais le nouvel habitat de Wheke le calmar géant, que vous pourrez retrouver dans le milieu marin, au niveau 0. Wheke entre ainsi dans la collection déjà riche de milliers d’autres spécimens d’animaux abrités dans ce lieu magique. La galerie de Zoologie construite par Jules André et inaugurée en 1889 s’est métamorphosée en Grande galerie de l’Évolution en 1994, sous la houlette des architectes Paul Chemetov et Borja Huidobro, associés au réalisateur René Allio. Depuis cette réouverture, les collections du Muséum apparaissent sous un angle nouveau et dynamique, celui de l’évolution de la vie. Elles forment un ensemble spectaculaire (3000 spécimens exposés dans la seule nef, et 7000 dans tout le lieu), installé dans un espace de 55 m sur 25 m et haut de 30 m. Les 6000 m2 de l’exposition permanente se déploient sur 4 niveaux, sans oublier les salles complémentaires comme la salle de découverte et la salle des espèces menacées et des espèces disparues. Une histoire en trois actes • La diversité du vivant Le premier volet de l’exposition permanente de la Grande Galerie de l’Évolution se déroule sur les niveaux 0 et 1 de la nef centrale. Il donne rendez-vous avec la diversité des espèces animales qui peuplent les milieux marins et terrestres. Le niveau 0 évoque les milieux marins, des plaines abyssales où la vie s’épanouit dans l’obscurité des profondeurs aux récifs coralliens peuplés d’organismes constructeurs, en passant par les habitants du littoral, vivant au rythme des marées et des variations de la lumière. Le niveau 1 est consacré aux milieux terrestres du monde entier : animaux des forêts tropicales d’Amérique, de la savane africaine, habitants de l’Arctique et de l’Antarctique ou du désert saharien. Cet aperçu de la faune est complété par l’observation des vitrines regroupant des animaux fragiles de ces différents milieux. L’ensemble forme un patrimoine irremplaçable constitué des millions de spécimens préservés grâce à l’art de la taxidermie et conservés au Muséum. De nombreux spécimens proviennent des dons d’explorateurs ou de particuliers, comme ceux du duc d’Orléans (1869-1926). • L’évolution de la vie Ce second volet retrace au niveau 3 une double aventure : celle des organismes vivants qui évoluent au cours de l’histoire de la Terre, et celle de l’esprit humain qui cherche à comprendre ses origines à travers la dynamique de la vie. C’est le moment de faire connaissance avec les naturalistes qui ont élaboré les théories de l’évolution et mis en évidence les lois de la génétique ; de se pencher sur les mémoires paléontologiques, anatomiques et moléculaires ; de se remémorer les étapes de la vie, des faunes d’Ediacara du précambrien (il y a 670 millions d’années) à aujourd’hui ; et, pourquoi pas, de s’interroger à la lumière des exemples de classification moderne sur les liens de parenté entre les organismes... L’inventaire fait réfléchir... Ce rhinocéros noir ou cette antilope bongo de forêt, comme tous les animaux présentés sur le balcon, sont au bord de l’extinction. L’Homme a convoité la précieuse corne de l’un et détruit l’habitat de l’autre. Cette présentation des collections montre combien des espèces se sont modifiées sous l’influence de la domestication, du pastoralisme, de l’agriculture, pratiqués depuis 10 000 ans. Beaucoup de ces pratiques conduisent à appauvrir irrémédiablement la diversité première. À long terme ou appliquées à grande échelle, elles peuvent se révéler destructrices pour l’environnement, et pour notre propre espèce. • L’homme facteur d’évolution C’est à ce niveau que vous pourrez admirer, dans la pénombre et la fraîcheur d’une magnifique salle, ancienne galerie des oiseaux de la galerie de Zoologie, les espèces menacées et disparues. Dans cette galerie aux boiseries et vitrines d’origine, l’horloge de MarieAntoinette, confisquée pendant la Révolution française égrène les heures, comme pour demander inlassablement aux 257 spécimens rares, parfois uniques au monde, témoins de l’action destructrice de l’homme, de réveiller la réflexion des visiteurs sur le devenir de la biodiversité. C’est le seul endroit au monde où il est possible de contempler un squelette d’émeu noir complet, un spécimen monté du cerf de Schomburgk, une tortue géante de l’île Rodrigues ou encore un drôle de zèbre, le couagga, utilisé naguère comme bête de trait. Toutes ces espèces ont irrémédiablement disparues de la planète. Vous pourrez également voir certaines autres espèces dont la vie est aujourd’hui très menacée, comme le tigre de Sumatra, le coelacanthe des Comores (un poisson très ancien), la harpie féroce, ou, côté végétal, le bois de senteur blanc de la Réunion. Ce dernier, disparu à l’état naturel, a été réintroduit dans son milieu d’origine grâce à des boutures préservées et multipliées à l’arboretum de Brest. Environ 400 espèces de mammifères et d’oiseaux auraient disparu du fait de l’action de l’Homme au cours des 4 derniers siècles. C’est au balcon du niveau 2 de la nef que sont abordées les activités humaines et leurs effets sur l’environnement. Dès que l’homme apparaît, l’échelle temporelle change. Plus de division géologique, de l’ordre du million ou du millier d’années. C’est en dizaines d’années que se mesurent les changements. Voici l’heure du bilan : depuis 10 000 ans, de nombreuses espèces animales et végétales se sont modifiées au contact de l’homme. Les pratiques de la chasse, de la pêche et de la cueillette ont bousculé les équilibres. Puis l’agriculture a transformé les paysages. Certains animaux ont été domestiqués, voire déplacés d’un continent à l’autre. Les pollutions se sont amplifiées et diversifiées... L’Homme a profondément transformé la Terre. Un processus fatal ? CHIFFRES CLÉS DE LA GRANDE GALERIE DE L’ÉVOLUTION Près de 650 000 visiteurs par an 6 000 m2 d’exposition permanente 1 000 m2 d’exposition temporaire 7 000 spécimens exposés Espèces menacées, espèces disparues