Pourtant, ces spécimens morts, à l’allure si vivante, ne font
pas l’unanimité. Souvent, ils provoquent chez les personnes
qui les observent dégoût ou admiration. Tour à tour atten-
drissants ou effrayants, ils n’en finissent pas de se rappeler
à nous comme d’anciens vivants. Qu’on les aime ou qu’on les
déteste, ils ont l’avantage de ne laisser personne indifférent.
Mais que sont-ils, si ce n’est l’enveloppe de ce qu’ils ont été ?
Simples apparences de vie, sortis de leur contexte naturel,
sont-ils encore capables de délivrer aux visiteurs des infor-
mations de nature à satisfaire leurs attentes ?
On peut faire l’hypothèse que les spécimens authentiques
sont ceux qui possèdent le plus d’intérêt en termes de média-
tion, mais ce n’est pas si simple. L’emploi d’animaux natura-
lisés n’est pas toujours aisé et leur usage suscite différents
problèmes. Si les visiteurs peuvent être réticents, voire her-
métiques, face à ce moyen de médiation, ce ne peut être la
seule cause de son rejet. Cette difficulté à employer le « vrai »
est due à plusieurs autres raisons.
Des raisons d’utiliser des substituts
Quand il s’agit de faire sens au sein d’un discours d’exposi-
tion, les objets authentiques présents en collection ne répon-
dent pas forcément aux critères essentiels à la compré -
hension du message. Si l’original ne permet pas de porter le
discours qui doit être délivré, le remplacer par un artefact
peut être envisagé.
Dans le registre de la conservation, il peut y avoir une cer-
taine réserve de la part du responsable des collections à prê-
ter un animal pour une exposition. Les conditions d’expo -
sition (lumière, humidité…) sont particulièrement strictes,
afin que l’animal présenté ne subisse aucun désagrément.
La négociation concernant le prêt de ces spécimens, considé-
rés pour nombre d’entre eux comme appartenant à des col-
lections non renouvelables, peut ainsi être difficile.
D’autre part, dans le cas de spécimens contemporains, les
lois nationales de protection et la Convention de Washington
réglementent l’acquisition de certaines espèces protégées.
Dans d’autres cas, ce sont les associations de protection de la
nature qui refusent la présentation au public de collections
naturalisées. Ce fut le cas à la Maison de l’Oiseau et du
Poisson (51, Outines) qui, sous la pression de la Ligue pour
la Protection des Oiseaux, a fait le choix de ne présenter à
ses visiteurs que des animaux en résine.
La volonté d’introduire des artefacts peut également être
contrainte par un manque au niveau des collections. Ainsi,
on voit apparaître dans les musées des reconstitutions d’oi-
seaux disparus, permettant de découvrir l’animal qui n’exis-
te plus. De nouveaux objets muséologiques, comme de gros-
ses mouches en résine plastique, font également leur appa -
rition. Tous les moyens techniques sont bons pour montrer
au visiteur ce qu’il ne peut pas voir à l’œil nu.
La conception d’une exposition itinérante peut, elle aussi,
conduire à l’utilisation d’objets artificiels, copies des objets
originaux. Il est vrai que certaines collections sont diffici -
lement transportables, les voyages et les déménagements
successifs étant susceptibles de les endommager.
Des artefacts dans les collections ?
Cadré pour appuyer un discours particulier, l’objet artificiel
peut prendre dans un second temps une nouvelle orien -
tation. Objet porteur de sens, témoin de l’état des connais-
sances et des méthodes de médiation utilisées, il illustre éga-
lement une période de la démarche muséologique. En plus de
son rôle de témoin historique, il est en règle générale utilisé
en réponse à des besoins précis.
On a dénombré dix-sept situations impliquant l’usage de
faux, d’une part en énumérant les circonstances d’usage ren-
contrées dans les muséums visités, d’autre part en com -
plétant cette première approche par les expériences de
concepteurs interrogés en entretien. Ces différents usages se
partagent en deux catégories : la première de ces catégories
justifie l’usage de faux pour des questions de nécessité, la
seconde pour des raisons de simplicité.
62 Taxidermie
Les dix-sept points justifiant l’usage de faux dans une exposition
Par nécessité Par simplicité
(Le même résultat pourrait être obtenu
avec des animaux naturalisés)
• Pallier des manques au niveau • Donner à voir l’apparence
des collections d’un animal, d’une plante
• Préserver les originaux • Suggérer la réalité avec une mise
en scène de l’attitude de l’animal
• Donner à voir • Mimer la réalité avec une mise en
Agrandissement, rétrécissement,
espace de l’animal dans son milieu
simplification, mise en transparence
• Donner à percevoir • Reconstituer des scènes de vie
Des objets que les non voyants Prédation, reproduction…
pourront toucher
• Démontrer, donner une explication • Montrer des animaux qui
Par les présentations d’écorchés
se cachent
par exemple
• Expliciter un concept
• Présenter une évolution
Présenter les différents stades
d’évolution d’une plante en
complétant les manques de la collection
par des moulages ou des reconstitutions
• Représenter de façon plausible
des organismes imparfaitement connus
• Re-créer un animal ayant vécu
dans le passé
• Saisir moins, ne pas choquer
• Protéger la nature, pour des raisons
politiques ou déontologiques
• Limiter l’entretien
Par rapport aux collections naturelles