Les Cahiers d’Éducation & Devenir - Numéro 9 - Octobre 2010 1
SOCLE COMMUN ET PEDAGOGIE DOCUMENTAIRE :
L’EDUCATION A L’INFORMATION DANS LE SOCLE
COMMUN
Anne-Sophie Closet, Professeur-documentaliste, collège Jean Delacour, Clères, Académie e Rouen
Depuis 2003 des experts internationaux90 rappellent que dans « la société de l'information » pour certains,
« société du savoir » ou « de la connaissance » pour d’autres, il faut savoir s’informer et communiquer
pour enrichir sa culture personnelle et s’intégrer dans la vie sociale et professionnelle. En 200691, le
Parlement européen et la Commission européenne proposent aux états membres d’intégrer dans le cadre
de la formation et de l’éducation « la compétence numérique qui implique l’usage sûr et critique des
technologies de la société de l’information » et « apprendre à apprendre liée à l’apprentissage, à la
capacité à entreprendre et organiser soi-même un apprentissage à titre individuel ou en groupe, selon ses
propres besoins, à avoir conscience des méthodes et des offres ». Le concept d’information apparaît donc
dans le texte français92, abordé d’un point de vue technique, humaniste, civique ou comportemental. Afin
de « donner du sens à la culture scolaire fondamentale », le socle propose une approche curriculaire des
savoirs enseignés mais introduit également des compétences relatives à l’exercice de l’autonomie, de la
citoyenneté et de la responsabilité. L’éducation à l’information est donc l’affaire de tous. Mais qui forme à
quoi ? Avec quelles compétences ? Quel est le le pédagogique de l’enseignant documentaliste ? Sans
réflexion collective sur les apports spécifiques de chacun, l’éducation à l’information risque fort d’être
l’affaire de personne.
Pratiques, besoins et savoirs
L’utilisation du document n’est pas une nouveauté dans les pratiques d’enseignement. Issue des
pédagogies actives, la médiation documentaire a pour objectif de favoriser un accès démocratique aux
savoirs disciplinaires en développant l’autonomie et l’esprit critique. En l’absence de référentiel
institutionnel définissant des contenus de formation et pour répondre aux attentes disciplinaires, la
pédagogie documentaire a alors visé le développement de savoir-faire. Ces contenus sont aussi
aujourd’hui sérieusement remis en question par l’évolution constante des outils de recherche sur le Web.
Par ailleurs, cette course à l’innovation qui répond à une logique économique engendre de nouveaux défis
éducatifs pour l’Ecole. Il semblerait, en effet, que le libre accès au savoir ne soit qu’une illusion et
l’autonomie une compétence à construire. Les adolescents se sont appropriés ces nouveaux outils et ont
développé des pratiques et des usages personnels en rupture avec les pratiques scolaires et, quelquefois,
avec les règles de droit en vigueur. Un écart s’est alors creusé entre les usages, les situations
d’apprentissage proposées et les besoins réels en formation. Ainsi, les élèves ont développé plus ou moins
quelques habiletés techniques mais leurs connaissances de l’objet Internet restent superficielles. Ces
lacunes sont à l’origine de nombreuses erreurs, de confusions et de comportements irréfléchis. La
consultation du catalogue structudu CDI qui propose l’accès à des ressources validées, didactisées et
classées est ainsi négligée au profit d’une utilisation presque exclusive de Google. L’outil magique semble,
en effet, avoir réponse à tout. Face à la surabondance93 des ressources et des flux informationnels, on se
satisfait souvent des premiers sultats sans s’interroger sur la pertinence et la qualité informationnelle
des données disponibles. L’évaluation des sources, quand elle n’est pas totalement ignorée, reste
superficielle sans réflexion sur les intentions et le niveau d’expertise des producteurs d’information. Le
libre accès à l’information laisse aussi penser que l’on peut disposer des ressources à sa guise, au mépris
du respect du droit d’auteur. Cette attitude consumériste s’accompagne par ailleurs de la pratique du
copié-collé sans traitement des données. D’autre part, la lecture discontinue des documents numériques,
plus ou moins structurés, engendre des difficultés de concentration supplémentaires. L’esprit mobilisé par
les manipulations techniques, les élèves naviguent au hasard des hyperliens en oubliant l’objet de leur
recherche et les contenus informationnels. Avec le Web 2.0 et l’essor des réseaux sociaux, les internautes
auteurs de contenus ont découvert l’intérêt d’indexer94 les ressources afin d’en faciliter le partage
communautaire. Cette pratique reste cependant plus ou moins maîtrisée et s’accompagne, par ailleurs,
d’un essor des navigations intuitives au détriment d’une réflexion sur le besoin d’information. Dans le
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même esprit participatif les Wikis95, qui favorisent l’écriture collaborative et reprennent ainsi l’idée de
partage des savoirs et de création collective, posent aussi la question de la validation de l’information. En
effet, les contenus pouvant être librement modifiés et publiés, il revient aux chercheurs d’information
d’assumer cette responsabilité. Par ailleurs, l’autoritativité96 s’accompagne parfois d’une
déresponsabilisation des auteurs qui publient des images ou des données personnelles sans l’autorisation
des personnes concernées. De même, considérant Internet comme une zone de non droit, certains
s’autorisent à publier souvent anonymement des propos diffamatoires ou injurieux. Par ailleurs, les
auteurs de contenus ne sont pas toujours conscients de la richesse des informations personnelles qu'ils
fournissent et de l’utilisation qui peut en être faite par les réseaux sociaux, par des professionnels ou des
particuliers dont ils ignorent ou oublient l'existence. Pour s’informer et communiquer, il faut donc être
efficace dans la recherche, le traitement et l’exploitation de l’information, en comprendre les principes et
les enjeux et adopter une attitude responsable dans l’usage qu’on en fait. Les compétences sollicitées
conjuguent la connaissance des différents espaces informationnels et de leurs spécificités, la prise en
compte du besoin d’information tout au long de l’activité et la capacité à adopter des stratégies
adéquates, l’analyse critique des outils de recherche et des sources d’information, la connaissance des
éléments qui caractérisent un document (support, structure, contenu intellectuel, objectif de
communication) et le respect des règles éthiques relatives aux publications. Ainsi, l’information est
intimement liée à la source et au média qui en sont l’origine, au document qui la structure et à la personne
qui la reçoit. On peut appréhender, à travers ces relations conceptuelles, la complexité des processus
cognitifs engagés lors de la sélection, du traitement et de la communication. Il faut souligner, par ailleurs,
que les compétences informationnelles ne sont pas uniquement sollicitées lors des activités de recherche,
mais le sont aussi de manière fortuite dans la vie quotidienne l’information et la communication sont
omniprésentes. La diversité des sources, formelles et informelles, et des situations informationnelles
révèle la complexité des compétences à acquérir.
Ainsi, l’émergence d’une didactique de l’information a confirmé le besoin de rationaliser et d’organiser des
savoirs qui étaient sollicités lors des activités documentaires mais n’étaient pas enseignés. Des travaux97
entrepris depuis plusieurs années ont permis de dégager des concepts issus des sciences de l’information
et de la communication, de réfléchir à la structuration des champs conceptuels et à la transposition
didactique des savoirs. La recherche didactique98 continue, s’appuyant sur les sciences de l’information, les
sciences de l’éducation, la sociologie et la psychologie cognitive. La réflexion sur la culture
informationnelle donne lieu, par ailleurs, à une exploration des différentes cultures99-100 qui convoquent le
concept d’information. Ces travaux, qui mettent en évidence des convergences et des différences entre les
territoires, soulignent par la diversité des pistes de réflexion, la complexité et la richesse du champ de
recherche. Enfin, l’étude des champs conceptuels répond parfois à des besoins spécifiques. Le groupe
« Mutualisation LP » de l’Académie de Rouen a ainsi travaillé sur le concept intégrateur de document
technique. Cette année, l’analyse des énoncés langagiers collectés auprès d’élèves et d’étudiants en lycée
professionnel a souligné la difficulté à appréhender le concept d’autorité de l’auteur. Ce constat a permis
de travailler sur le concept, d’en définir les critères et de proposer une progression du CAP au BTS. S’il
reste encore des champs à explorer, des contenus à définir et à structurer, le chantier didactique
progresse et les enseignants documentalistes s’emparent peu à peu des pistes proposées pour faire
évoluer leurs pratiques.
Travailler en collaboration
L’éducation à l’information, bien que citée dans les programmes d’enseignement et les différents
dispositifs, peine à s’inscrire dans les pratiques pédagogiques des enseignants de discipline. Elle peine
encore plus à s’intégrer aux projets éducatifs faisant appel à des savoirs extrascolaires. Les activités
proposées dans le cadre du CESC et les « éducation à » offrent pourtant la possibilité de mobiliser les
équipes enseignantes et éducatives autour de projets communs. En mettant sur le même plan d’égalité les
savoirs disciplinaires et les compétences du « savoir être », le socle rappelle la mission éducative de
l’Ecole. Loin d’être opposés, savoirs et savoir-être s’imbriquent étroitement lorsqu’il s’agit de donner aux
élèves les clés pour comprendre l’environnement informationnel d’aujourd’hui et leur permettre d’en
devenir des acteurs responsables. Les réflexions collectives s’organisent malgré certaines réticences à
s’engager dans des projets interdisciplinaires, voire extra-disciplinaires, dans la crainte de ne pouvoir
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respecter les programmes établis. D’autre part, les travaux collaboratifs génèrent des situations complexes
au sein des établissements. La disparition progressive des IDD souligne, par exemple, la difficulté à
maintenir et donc à instaurer des temps collectifs dans l’emploi du temps des élèves. Enfin, développer
des compétences suppose qu’on accorde le temps nécessaire à leur mobilisation dans des situations
concrètes pendant et en dehors du temps de la classe. Sans doute faudra-t-il aussi ne plus considérer
l’espace-classe comme espace unique de formation. L’inscription des apprentissages info-documentaires
dans le cursus scolaire des élèves dépend de ce contexte complexe de gestion des moyens et des
structures. Elle reste également soumise à l’évolution des pratiques des uns et des autres, y compris des
enseignants documentalistes. En effet on ne peut, aujourd’hui, que constater une grande disparité des
situations. Ainsi, un module « d’initiation » est systématiquement proposé en sixième mais les
apprentissages ne sont pas toujours inscrits ou réinvestis dans des situations d’apprentissage
contextualisées. La formation des autres niveaux reste, quant à elle, aléatoire et dépend de la mise en
œuvre d’actions soumises, le plus souvent, aux initiatives personnelles de quelques enseignants de
discipline. Il résulte de ces collaborations occasionnelles une formation parcellaire et discontinue dont les
élèves et la communauté éducative peinent à percevoir la cohérence et les finalités. S’il revient aux
enseignants documentalistes d’expliciter et de proposer leur projet, la mise en place de parcours
cohérents et signifiants s’inscrit dans une réflexion collective au niveau de l’établissement. Le projet
d’établissement et le conseil pédagogique permettent ainsi de penser la mise en œuvre de projets dans
lesquels les apprentissages info-documentaires doivent trouver leur place.
Les activités documentaires demandent de mobiliser simultanément et à bon escient des compétences
complexes conjuguant la compréhension des outils utilisés, la maîtrise de capacités procédurales, la
sollicitation d’opérations mentales d’ordre psycho-cognitif et la réalisation d’une tâche concrète. Or les
compétences informationnelles, souvent considérées comme transversales, sont ignorées ou peu mises en
valeur dans les activités documentaires. On constate ainsi que la production finale prime sur la
construction de compétences qui seront pourtant sollicitées lors d’activités ultérieures. Le temps consenti
aux apprentissages et à leur évaluation reste insuffisant et la négociation sur le partage des tâches est bien
souvent réduite à des questions d’organisation. Dans le pire des cas, l’enseignant documentaliste
« assiste » l’enseignant de discipline, voire se substitue à lui. Comment s’étonner alors de la fragilité des
collaborations mises en œuvre ? Le travail collaboratif suppose que l’on mette sur le même plan d’égalité
toutes les compétences convoquées. La co-élaboration101 de séances pédagogiques demande donc que
l’on définisse ce qui relève du domaine commun et ce qui dépend des champs disciplinaires. Dans une
activité documentaire, si la médiation informationnelle implique l’enseignant de discipline et l’enseignant
documentaliste, la médiation entre l’élève et les savoirs disciplinaires revient à l’enseignant de discipline
tandis qu’il incombe à l’enseignant documentaliste d’exercer son expertise dans le domaine de l’info-
documentation. Par ailleurs, le travail collaboratif demande aussi de déterminer les domaines
convergents. Toute activité scolaire nécessite ainsi la sollicitation de compétences liées à la maîtrise de la
langue (domaine 1), à la vie en société (domaine 6), à l’esprit d’initiative ou à l’exercice de l’autonomie
(domaine 7). Mais la co-élaboration d’une séquence permet également une réflexion commune, tant sur le
travail de groupe et la relation à l’élève, que sur la situation didactique susceptible de favoriser la
construction de compétences. Cette réflexion s’enrichit lorsque les enseignants co-animent, l’observation
des élèves en activité permettant aussi aux enseignants de discipline de mieux appréhender les obstacles
didactiques liés à une activité documentaire.
Penser des situations d’apprentissage
Confrontés sans cesse à la réticence des élèves à apprendre ce qu’ils croient déjà savoir, les enseignants
documentalistes sont amenés à s’interroger sur les outils et les situations d’apprentissage à proposer.
Ainsi, il suffit d’écouter et d’observer102 les élèves pour s’apercevoir qu’ils ont déjà des connaissances ou
construit des stratégies personnelles. Ces connaissances, lorsqu’elles sont erronées, sont à l’origine des
obstacles rencontrés. La polysémie de certains termes ou leur appartenance à des champs disciplinaires
divers expliquent aussi les confusions. On remarque, par exemple, une correspondance presque exclusive
entre la notion d’auteur, le métier d’écrivain et le support livre. Le concept d’information revêt des
significations différentes selon les disciplines qui l’abordent. L’environnement informationnel
d’aujourd’hui engendre évidemment de nombreuses représentations fortement ancrées dans l’esprit des
élèves. La notion de source, par exemple, est fréquemment associée à Google. En privilégiant
systématiquement les premiers résultats, on oublie que la majorité des moteurs ne pratiquent pas une
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indexation sémantique mais robotisée et basée sur le repérage de chaînes de caractères… Aussi il semble
nécessaire, pour faire évoluer les représentations et faciliter les apprentissages, d’intégrer ces obstacles au
projet didactique.
Ainsi, on peut penser que la recherche d’information, qui s’inscrit dans une logique de résolution de
problème, suppose de privilégier des situations qui prennent en compte à la fois l’élève, l’activité et les
savoirs convoqués. Diverses expérimentations menées sur le terrain proposent des démarches qui
introduisent le questionnement, voire la réfutation dans une approche dynamique des savoirs : l’entrée
par les objets103 (Wikipedia, Youtube, le blog …), l’entrée par les thèmes (info-pollution, plagiat …), l’entrée
par les problèmes pourquoi, lorsque l’on interroge un moteur, certains résultats sont ils mieux
positionnés que d’autres ? », « doit on privilégier une source plutôt qu’une autre ? »... ). L’entrée par les
usages104 permet de travailler avec et sur les outils. Pour réaliser une tâche, l’écriture d’un article, une
recherche d’information, les élèves utilisent des outils (Wikis, moteurs, réseaux sociaux…). Ils sont alors
amenés à en comprendre les potentialités, les limites et les enjeux. Ces différentes approches permettent
ainsi d’inscrire des situations d’apprentissage concrètes en cohérence avec les pratiques et les besoins en
formation des élèves.
On apprend aussi avec et par les autres. A l’évidence, accéder au savoir des autres permet d’en savoir plus
qu’en accumulant des savoirs personnels. Travailler en groupe, c’est aussi apprendre à tenir compte de
l’avis des autres, à s’aider mutuellement et à se mettre d’accord pour construire un projet commun. Des
interactions entre pairs naît ainsi la confrontation des points de vue et des conceptions. Ces
confrontations font émerger des questionnements individuels, des hypothèses qu’il faut vérifier, des
stratégies qu’il faut évaluer. On peut facilement concevoir que dans le cadre d’activités documentaires, de
la recherche d’information à la production finale, le travail de groupe soit ainsi un élément facilitant la
structuration de la pensée. Alors que les activités documentaires sont généralement organisées en
groupes au CDI, le travail de groupe fait cependant rarement l’objet d’une réflexion pédagogique. Il
faudrait pourtant s’interroger, tant sur ses objectifs, que sur ses limites et son évaluation.
Lors d’une activité de recherche, l’élève est amené à s’interroger simultanément sur la fiabilité, la qualité
informationnelle et la pertinence des données collectées. Il lui faut d’abord distinguer une donnée
intéressante en elle-même mais inutile pour le projet et une donnée pertinente qui répondra à son besoin
d’information. Cet exercice lui demande aussi de prendre en compte la pluralité des formes (texte,
graphique, image…). Il lui faut vérifier et compléter sa collecte en consultant d’autres ressources. Dans le
cas d’une lecture critique, il ne doit pas seulement comprendre ce que dit l’auteur mais pourquoi il le dit.
Ce questionnement le conduit à s’interroger sur les intentions aussi sur le niveau d’expertise de l’auteur.
Or, l’élève en activité se dégage difficilement de l’action, de la situation et de son contexte. Pour
« comprendre » une expérience, il doit prendre conscience des compétences sollicitées. Il faut donc
l’amener à rendre visible ce qui ne l’est pas en passant du concret à l’abstrait, de l’exemple au général. Des
outils sont à construire, faisant intervenir la langue à l’écrit comme à l’oral, pour conceptualiser
l’expérience et structurer la pensée. Mais c’est aussi en étant confronté à la diversité des situations, des
contextes, des productions et des savoirs dont il doit assumer les contradictions et les difficultés que
l’élève s’interroge sur ce qui relève d’une expérience et ce qui relève de savoirs établis. Il comprend ainsi
que dans une recherche d’information les ressources ne fonctionnent pas de la même manière dans
toutes les situations. De même, il prend conscience que les obstacles ne sont pas les mêmes pour tous et
ne surviennent pas au même moment des apprentissages. Contextualisation et décontextualisation
s’inscrivent ainsi dans une approche dynamique de l’élève qui prend en compte l’activité et le contexte
autant que l’identification et la compréhension des savoirs convoqués. L’acquisition d’une compétence
prend donc le temps de la prise de conscience du besoin d’apprendre, de l’appropriation et de la
reconstruction.
Evaluation, évaluations
Comment évaluer une compétence ? Comment évaluer collectivement des compétences ? Quelles
situations privilégier ? Comment tenir compte de l’hétérogénéité des élèves ? … A l’évidence, on se
questionne tant sur les situations à proposer que sur les outils et les critères d’évaluation. L’expérience,
pourtant ancienne, de la validation du B2I vèle en effet certaines dérives : décontextualisation, absence
de parcours d’évaluation… Intégrer les compétences dans les pratiques pédagogiques ne s’improvise pas
et suppose que les enseignants soient formés en conséquence. Indissociable du projet didactique,
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l’évaluation implique autant l’enseignant dans sa démarche que l’élève dans sa progression. Pour « donner
du sens aux apprentissages », l’élève doit en effet pouvoir en apprécier l’évolution, mesurer l’écart entre
l’état initial de ses compétences et le niveau d’exigence requis, constater ses progrès et réfléchir aux
difficultés rencontrées. Dans cette perspective, l’évaluation formatrice qui implique l’élève dans
l’élaboration de la grille d’évaluation à partir de l’observation d’une production existante est une piste à
envisager dans le cadre des apprentissages info-documentaires.
A l’évidence, le besoin en formation concerne aussi les enseignants documentalistes, appelés à collaborer
à la validation du socle commun, et dont les pratiques évaluatives restent limitées (l’évaluation des
productions, l’utilisation du logiciel documentaire...). Cette difficulté à évaluer renvoie à une identité
professionnelle encore fragile : des conceptions divergentes du métier et des missions qui demandent à
être actualisées105, l’absence de référentiel cohérent et validé à l’échelle nationale, une hésitation à
s’autoriser évaluer, une connaissance parfois insuffisante des différents types d’évaluation, de leurs
finalités, de leur mise en œuvre... D’autre part, on ne saurait évaluer sans donner le temps nécessaire à
l’apprentissage et à l’évaluation elle-même. La réticence des enseignants de discipline à accorder
suffisamment de temps aux apprentissages info-documentaires et la difficulté pour les enseignants
documentalistes à trouver un « juste » équilibre entre leurs différentes missions expliquent aussi les
obstacles rencontrés. Ainsi la formation et l’évaluation impliquent rarement l’ensemble des élèves d’un
établissement scolaire. Cette réalité est naturellement en contradiction avec le socle commun qui souligne
que les apprentissages doivent être, pour l’essentiel, les mêmes pour tous.
L’interdisciplinarité, au cœur de la proposition curriculaire du socle, laisse espérer un essor des projets
collaboratifs et la mise en place, dans les établissements scolaires, d’une réflexion collective sur les
pratiques pédagogiques. C’est ainsi que le CDI doit être pensé comme un espace de formation où peuvent
se concrétiser des situations d’apprentissage et des pratiques pédagogiques actives en cohérence avec les
besoins des élèves. Comprendre l’environnement informationnel d’aujourd’hui est une condition
essentielle pour en devenir un acteur éclairé et accéder au savoir « tout au long de la vie ». Si l’ensemble
de la communauté éducative est concernée par le défi, l’émancipation des élèves dans leurs pratiques
informationnelles ne fera pas l’économie de l’expertise des enseignants documentalistes en matière de
formation. C’est aussi, pour eux, un enjeu professionnel.
___________________________________
90. Déclaration de Prague, 2003 : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-1900
Proclamation d’Alexandrie, 9 novembre 2005 : http://www.ifla.org/III/wsis/BeaconInfSoc-fr.html
91. Recommandation du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, sur les compétences clés pour l'éducation et la
formation tout au long de la vie [Journal officiel L 394 du 30.12.2006] : synthèse : http://europa.eu/scadplus/leg/fr/cha/c11090.htm
92. Décret n°2006-830 du 11 juillet 2006 relatif au socle commun de connaissances et de compétences et modifiant le code de
l'éducation
93. Eric Sutter qualifie cette surabondance « d’info-pollution ». Sutter, Eric. Pour une écologie de l’information. In Documentaliste-
sciences de l’information. Vol 35, N°2. ADBS, 1er mars 1998. Pp. 83-86.
94. Indexation libre (tags) en opposition au langage documentaire structuré et au classement conceptuel des connaissances des
thesaurii (indexation contrôlée).
95. Wiki : système de gestion de contenu de site Web permettant la libre modification des pages par les internautes y étant
autorisés.
96. Autoritativité : « une attitude consistant à produire et à rendre publics des textes, à s’auto-éditer ou à publier sur le WWW, sans
passer par l’assentiment d’institutions de référence référées à l’ordre imprimé. » (Evelyne Broudoux, 2003).
97. Clouet Nicole, Montaigne Agnès. « Quels concepts enseigner en info-documentation ? » *en ligne+, Formdoc, Site de l’IUFM de
l’académie de Rouen, 2006. http://formdoc.rouen.iufm.fr/spip.php?article283
Duplessis Pascal, Ballarini-Santonocito Ivana. Petit dictionnaire des concepts info-documentaires : Approche didactique à l’usage des
enseignants documentalistes In SavoirsCDI, site du CNDP [en ligne]. 2007. http://savoirscdi.cndp.fr/culturepro/actualisation/
Duplessis/dicoduplessis.htm#auteur
FADBEN. Les savoirs scolaires en information documentation : 7 notions organisatrices . Médiadoc. mars 2007
98. ERTé : équipe de recherche en technologie éducative. Un colloque sur « l’éducation à la culture informationnelle » a eu lieu à Lille
en octobre 2008.
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