JUIN 2013 LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE LORS DE L’ACQUISITION DE PARTS OU D’ACTIONS DE SOCIETES SOMMAIRE 1°) Quelles sont les conditions de validité d’une clause de nonconcurrence ? 2°) Le cas particulier de la clause imposée à un salarié 3°) Le contenu de la clause 1 Il est essentiel pour l'acquéreur de faire figurer une clause de non concurrence dans l’acte de cession, à son profit, de parts ou d’actions de sociétés. En effet, à défaut d’une telle clause liant expressément le vendeur, la jurisprudence considère que la seule garantie légale n'entraîne pas d'interdiction de se rétablir pour le cédant, sauf si un tel rétablissement est de nature à empêcher l’acquéreur de poursuivre l'activité économique de la société et de réaliser l'objet social. En pratique, le risque est que le cédant acquière par exemple les parts sociales ou les actions d'une société concurrente ou crée une nouvelle entreprise et exerce une activité concurrente de celle de son ancienne société. L’acquéreur devra négocier l'étendue de l'obligation de nonconcurrence avec le cédant si ce dernier est un homme-clef de l’entreprise, capable en cette qualité de détourner la clientèle et la clause devra être rédigée avec soin. 1°) Quelles sont les conditions de validité d’une clause de non-concurrence ? • Tout d’abord, conformément au Code civil, elles doivent respecter les conditions générales de validité de toute convention : elles doivent notamment être librement consenties. • En outre, pendant longtemps, les tribunaux ont exigé que, pour être valables, les clauses de non-concurrence soient limitées soit dans le temps, soit dans l'espace. A présent, et ce de manière constante, la Cour de cassation considère que la clause de non-concurrence n’est valable que si elle est « proportionnée aux intérêts de l'acquéreur et du cédant », la limitation dans le temps ou dans l'espace constituant un simple indice susceptible de faire apparaître que l'interdiction est disproportionnée. Ainsi, la clause doit être proportionnée aux intérêts légitimes à protéger, à savoir, non seulement, d'un côté, l'intérêt de l'acquéreur, (éviter notamment que l'ancien associé cédant ne détourne la clientèle de la société ou fasse profiter immédiatement un concurrent de ses connaissances) mais aussi, de l'autre, l'intérêt du cédant (poursuivre l'exercice de son activité professionnelle). La clause sera déclarée nulle si le territoire de l’interdiction de concurrence et/ou sa durée sont sans proportion avec la protection des intérêts commerciaux de la société cible. Le risque présenté par le cédant est également pris en compte. Par contre, a été jugé valable la clause - aux termes de laquelle le cédant des actions d'une société de transport et de dépannage s'était interdit pour cinq ans de « créer ou d'exploiter » des activités de transport ou de dépannage ou de « s'intéresser directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, même comme associé commanditaire » à de telles activités en France métropolitaine – car cette clause n'interdit pas au cédant de devenir salarié d'une entreprise concurrente, et n'avait pas pour effet de lui interdire toute activité professionnelle dans son domaine de compétence pour la durée et le territoire déterminés. Les tribunaux vérifient au cas par cas si la clause ne limite pas excessivement la liberté du cédant, par son étendue géographique, sa durée, son objet et n’est pas disproportionnée avec la protection des intérêts commerciaux de la société cible. En aucun cas, une telle clause ne doit interdire au cédant toute activité professionnelle dans son domaine de compétence. 2°) Le cas particulier de la clause imposée à un salarié Un cas bien particulier se présente, lorsque le cédant a été, ou même reste, après la cession des titres, salarié de la société. Bien entendu, il faut tout d’abord veiller à respecter les dispositions de la convention collective éventuellement applicables. Lorsque le cédant de droits sociaux est par ailleurs salarié de la société dont il cède les droits, les tribunaux exigent que la clause respecte les conditions cumulatives suivantes : • elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société, • elle doit être limitée dans le temps et dans l'espace, • tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié, • et comporter une contrepartie financière. Newsletter N18° juin 2013 Dans une telle hypothèse, il ne faut jamais omettre de prévoir une contrepartie financière à l’interdiction de concurrence, pour ne pas encourir le risque de nullité de la clause. 3°) Le contenu de la clause L'interdiction de concurrence et de rétablissement du cédant est souvent libellée comme suit : « n’entreprendre par lui-même ou par l’intermédiaire de toute entreprise quelconque, y fut-il simple commanditaire, aucune activité similaire à celle de la société émettrice dans un rayon de … kilomètres, à peine de tous dommages et intérêts et sans préjudice du droit de faire cesser la contravention par toute voie de droit ». Une telle clause, si elle est reconnue valable par le juge au vu des circonstances de l’affaire, interdira au cédant de participer à une entreprise concurrente (quelle que soit sa forme) en apportant, personnellement ou par l'intermédiaire d'une autre personne, son concours à la création ou au fonctionnement de cette entreprise, de diriger une société concurrente, voire d'en devenir simplement un associé dès lors qu’il y disposera d'une influence notable. Elle constitue une limitation à la liberté de la concurrence et à celle du commerce et de l'industrie, et est ainsi soumise à une interprétation stricte de la part du tribunal saisi. Dans ces conditions, après avoir reconnu la validité de ladite clause, mais en l’interprétant strictement, le juge devrait considérer que le texte ci-dessus n’interdit pas expressément au cédant de devenir salarié d’une entreprise concurrente… Et une telle activité salariée du cédant ne deviendra répréhensible que si elle s’accompagne d’agissements déloyaux conduisant à un détournement de la clientèle de la société… La plus grande prudence s’impose ainsi, non seulement aux acquéreurs de titres de société, mais également à leurs conseils, lors de la rédaction d’une clause de non-concurrence qui devra être rédigée et adaptée à chaque cas particulier de rachat de titres de société. PARLONS –EN ENSEMBLE !