Enquête sur le français dans le domaine dentaire au Liban

Fady CALARGÉ, Enquête sur le français dans le domaine dentaire au Liban. 1
Intersections entre le français à visée dentaire et le plurilinguisme.
Résumé
Le français à visée dentaire, voilà le domaine dans lequel investit la faculté
de Médecine Dentaire de l’Université Libanaise. Cette pratique enseignante, qui
prend pour cible de futurs dentistes, se veut une méthodologie d’enseignement
professionnalisant qui s’insère parfaitement dans la politique linguistique
contextualisée, se tourne vers les besoins des étudiants et cible à la fois le français
sur objectif spécifiquement dentaire et le plurilinguisme.
Partant d’une analyse détaillée du terrain linguistique, la faculté en question met
en place un moyen de développement des compétences linguistiques des
apprenants en partant de leur propre vécu (arabophone ou anglophone) afin de
leur enseigner un français utile et adapté à leur profession. Comment alors entend-
elle accomplir cette tâche ?
Dans cet article, nous proposons de rendre compte des résultats d’une
enquête sur l’utilisation de la langue française dans le domaine dentaire. Cette
étude, menée, en 2013, se fait pour la première fois au Liban et se fixe un objectif
précis : celui de situer le français dans la langue professionnelle des dentistes
libanais en général et à l’Université Libanaise (U.L.) en particulier. L’enquête a été
réalisée, sous notre direction, par une équipe de travail, comportant les étudiants de
la deuxième année dentaire à l’U.L. et leurs enseignants de la langue française.
Ce travail nous servira de base pour mettre en place à nouveau dispositif
d’apprentissage qui reliera le français dont l’objectif est spécifiquement dentaire et
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le plurilinguisme qui caractérise nos étudiants. Que cachent les chiffres ? En quoi
consiste notre démarche ? Quelles conclusions en pouvons-nous tirer ? Tant de
questions auxquelles nous tenterons de répondre.
Enquête sur le français dans le domaine dentaire au Liban.
Les données collectées proviennent de dentistes travaillant dans tous les
milieux professionnels, à savoir la clinique privée, le laboratoire de recherche,
l’hôpital, la polyclinique et enfin l’université. L’échantillon comprend 108
dentistes en exercice, dont 60 enseignants des matières de spécialité à l’U.L. Plus
de la moitié de ces praticiens (52.8%) travaillent à Beyrouth et reçoivent entre 6 et
10 patients par jour dont près de 55% sont francophones. De plus, environ 65% des
fournisseurs avec qui ces dentistes communiquent sont également francophones.
Une bonne majorité (78.7%) de dentistes a suivi des études universitaires en
français, et 38% d’entre eux ont reçu un cours de français professionnel. Bien que
les études dentaires s’étalent sur 5 ou 6 ans, selon les universités, près de 20% des
dentistes comprennent globalement le français écrit et 15% le français parlé. De
plus, 40.7% des spécialistes sont conscients qu’ils utilisent souvent le français dans
leur travail, (cf. Table 1). Qu’il s’agisse d’une situation orale : une conversation
avec des patients, des collègues, des fournisseurs ou même d’autres spécialistes ;
ou écrite : remplir un dossier médical, une commande de produits ou une
ordonnance, ou pour tenir des archives (50.9%) ; ou encore d’une situation de
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lecture, comme par exemple la lecture d’un mode d’administration ou d’un mode
d’emploi d’un instrument dentaire, le français reste présent dans le quotidien des
dentistes libanais. Cependant, les statistiques montrent non seulement que le
français est peu utilisé (26.9%), mais également que les dentistes ont tendance à
jongler avec les langues dans une situation de communication professionnelle.
Aussi bien à l’oral (37%) qu’à l’écrit (34.3%), ces professionnels de la santé
recourent à l’arabe, au français et à l’anglais afin de surmonter tout malentendu qui
pourrait résulter d’une situation langagière. Il va sans dire que ce type de
communication ne se fait pas seulement au dépend du français, mais
simultanément au dépend des autres langues parlées. Car le dentiste ne fournit plus
l’effort de former une phrase dans une seule langue, mais oscille indifféremment
entre ces trois langues afin de produire un discours communicatif, sans se soucier
vraiment de la justesse grammaticale de son contenu. Cependant, afin de
« mesurer » l’usage du français dans le domaine dentaire, nous avons demandé à
ces professionnels de donner un pourcentage approximatif de leur usage du
français dans une situation orale ou écrite. 85 dentistes étaient capables de le faire,
contre 23 qui n’ont pas su l’évaluer. 33.3% de cette majorité croit utiliser le
français oral jusqu'à 25% du temps au travail, contre 36.1% jusqu'à 50% du temps
professionnel. Ces données baissent dans une situation d’écrit du fait que 34.3%
des dentistes sont incapables de s’auto-estimer au niveau de la langue.
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Cela dit, si l’expression semble problématique à l’oral et à l’écrit, il est certain que
près de dans la majorité des cas (92.6%) les praticiens utilisent aisément les mots
techniques ou de spécialité en français lors d’une communication professionnelle.
Il serait donc intéressant de se focaliser sur la construction phrastique formulée par
ces professionnels, pour voir si effectivement les chiffres avancés par ces derniers
sont corrects.
De plus, à la question de savoir si les enquêtés assistent à des formations continues
dans des pays étrangers francophones, seuls 11.1% ont pondu par l’affirmative,
alors que 77% croient que le français est plutôt important, voire indispensable dans
leur profession et 20.4% le trouvent occasionnellement utile. De plus, 69.4% des
dentistes sont plutôt favorables à des formations professionnelles ou universitaires
de langue française professionnelle, alors que, de manière surprenante, seulement
45.4% d’entre eux accepteraient effectivement de suivre ce type de formations.
De cette description linéaire de l’enquête, nous avons pu comparer les
données entre elles afin de dégager des conclusions. Sur les 108 dentistes, 9
Table 1
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seulement, travaillant dans une clinique privée et enseignant à l’université suivent
des colloques ou des conférences uniquement en français, contre 76 qui optent
pour des formations dans toutes les langues (cf. Table 2). 12 dentistes de cette
même catégorie suivent des formations continues dans des pays francophones,
contre 33 dans des pays de langues différentes. Par contre, 39 dentistes ayant une
clinique privée ne suivent plus de formations professionnalisantes (cf. Table 3). Le
nombre des vrais francophones est donc relativement très bas, surtout qu’il s’agit
de personnes ayant suivi des cursus scolaires en français. En d’autres termes, on
assiste dans la vie professionnelle à un désengagement au niveau de la langue
française qui mènerait au manque de la pratique de la langue et par la suite à sa
perte ou à son effacement du domaine professionnel.
De plus, 49 dentistes acceptent des formations de français professionnel, contre 40
qui hésitent (réponse = peut-être) à suivre ce type de formations. Il serait donc
intéressant de motiver et d’encourager cette catégorie de dentistes à apprendre à
communiquer en français dans une situation professionnelle du fait qu’elle
représente un peu plus que le tiers des personnes sondées (table 4).
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