OCTOBRE 2010 VOL. 57 N° 5 QUÉBEC PHARMACIE 7
Texte rédigé par Olivier Béliveau, étudiant en
pharmacie, et François P. Turgeon, B. Pharm., M.Sc.,
Pharmacie Éric Sansregret et François P. Turgeon.
Texte original soumis le 25 juillet 2010.
Texte final remis le 28 juillet 2010.
Révision : Sophie Grondin, B. Pharm., M.Sc.
La cimétidine pour le traitement
des verrues en pédiatrie
Présentation de cas
Le Dr Gagnon vous appelle un peu à court de ressources : il est en présence de J.T., un jeune garçon de sept ans, qui présente une petite
constellation de verrues sur la face intérieure de son gros orteil droit. Les premières verrues sont apparues il y a plus d’un an, mais on a
attendu quelques mois avant de tenter un traitement. On a déjà essayé l’acide salicylique 40 % dans de la vaseline et le « duct tape »
(pour lequel il existe certaines preuves d’efficacité1). Le Dr Gagnon n’est pas très enclin à utiliser l’imiquimod topique chez un enfant de cet
âge, et l’utilisation de la cryothérapie lui semble irréaliste, étant donné le nombre de lésions et la douleur associée au traitement.
Discussion
Les verrues (ou verrucae vulgaris), qui tou-
chent 10 % à 20 % des individus durant leur
enfance, sont causées par une famille de virus,
le virus du papillome humain (VPH)2. Il existe
des centaines de types de VPH qui affectent
différentes parties du corps. Le virus est trans-
mis par contact direct avec la peau, ou indirect,
par l’intermédiaire d’une surface contaminée.
L’autoinoculation est aussi possible si l’indi-
vidu se gratte. Le virus affecte la couche basale
de l’épiderme ou de la muqueuse et cause des
lésions hyperkératosiques. Entre l’inoculation
et l’apparition de la verrue, il peut se passer
quelques semaines à près d’un an2.
La première ligne de traitement des verrues
est bien définie : d’abord l’acide salicylique
topique, puis la cryothérapie, de préférence à
l’azote liquide. Ensuite vient l’immunothéra-
pie, telle que l’imiquimod et la cimétidine2. La
cimétidine, un antagoniste des récepteurs H2,
est habituellement utilisée pour inhiber la
sécrétion gastrique.
Certaines études ont montré que la ciméti-
dine pourrait également moduler la réponse
immunitaire3. En effet, l’histamine augmente-
rait la concentration d’interleukine-10
(IL-10) et diminuerait celle de l’interleu-
kine-12 (IL-12). L’IL-12 serait responsable
d’une augmentation du nombre de lympho-
cytes Th1 et l’IL-10, du nombre de lymphocy-
tes Th2. Les lymphocytes Th1 sont responsa-
bles de la réponse immunitaire cellulaire et les
Th2, de la réponse humorale. Chaque type de
lymphocyte T inhibe l’autre par les cytokines
qu’il produit. Par conséquent, en présence de
cimétidine, l’action de l’histamine est inhibée,
ce qui augmente la concentration d’IL-12;
ainsi, le nombre de lymphocytes Th1 est plus
important. Les lymphocytes Th1 sont respon-
sables d’inhiber la réplication du VPH grâce à
la libération de cytokines. La cimétidine pour-
rait donc être utilisée pour traiter les verrues4.
Théoriquement, elle pourrait aussi être utili-
sée dans d’autres pathologies où l’histamine
joue un rôle dans la réponse immunitaire,
mais ce rôle n’a jamais été étudié. D’autres
anti-H2 pourraient être utilisés dans le traite-
ment des verrues, mais il existe encore moins
de preuves à ce sujet, une seule étude peu
concluante ayant été menée sur la ranitidine4.
Quant aux anti-H1, ils ne semblent pas entraî-
ner les mêmes effets3.
Même non traitées, la plupart des verrues
disparaîtront d’elles-mêmes. En effet, un tiers
des verrues disparaîtront après six mois, les
deux tiers après deux ans et près de 90 %,
après cinq ans2. Plusieurs études ouvertes ont
démontré l’efficacité probable de la ciméti-
dine4,5. Dans certaines d’entre elles, plus de
80 % des patients n’avaient plus une seule
lésion à la fin. Par contre, comme les verrues
peuvent disparaître d’elles-mêmes et qu’il n’y
avait pas de groupe témoin, nous ne pouvons
conclure avec certitude que l’amélioration
était due à la cimétidine. Certaines études à
double insu et contrôlées par placebo ont
aussi été réalisées4,6, mais aucune ne s’est révé-
lée concluante statistiquement. Certains
auteurs ayant révisé la documentation en la
matière positionnent la cimétidine comme
l’une des dernières options de traitement pour
les verrues, lorsque les autres n’ont pas fonc-
tionné ou sont inapplicables. Dans le cas pré-
sent, comme J.T a déjà utilisé deux traitements
sans succès et que d’autres traitements de
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Même non traitées, la plupart des verrues
disparaîtront d’elles-mêmes. En effet, un tiers des
verrues disparaîtront après six mois, les deux tiers
après deux ans et près de 90 %, après cinq ans.